NOTE DE L’AUTEURE
À un animateur qui lui demandait à la télé, il y a quelques années : « Tu n’as pas peur d’être brûlé ? », Normand Brathwaite a répondu à la blague : « Je ne suis pas brûlé, mais calciné ! »
Car depuis plus de 30 ans, Normand Brathwaite mène une carrière à la télé et à la radio qui ne connaît pas de répit. D’abord comme comédien, puis comme porte-parole, animateur et musicien. Il y a eu la LNI, les pubs de la Fédération des producteurs de lait du Québec, Samedi de rire, Beau et chaud, Piment fort, Fun noir, de nombreux galas des Gémeaux et de Juste pour rire, Yé trop d’bonne heure, Belle et bum, Le match des étoiles, Privé de sens… Des rôles et des postes, mémorables et moins mémorables (Cadillac rose, Grosse vie), qui lui ont assuré une présence médiatique constante. Des revenus considérables également pour un artiste qui a pour lieu de travail essentiellement le Québec.
Calciné peut-être, mais loin de ne plus être désiré ! Voilà une belle image pour illustrer la dichotomie Brathwaite. En entrevue, à la télé, à la radio, l’artiste est énergique et blagueur. Omniprésent dans les médias, c’est un homme plutôt discret et peureux qui fuit les partys d’artistes. Qui préfère passer ses soirées à la maison à trembler devant un film d’horreur. Étudiant idéaliste, il a dit qu’il ne vivrait que pour le théâtre expérimental une fois ses cours terminés au Cégep Lionel-Groulx. Mais il a rapidement accepté de devenir Patrice dans la populaire sitcom Chez Denise, en 1979, à seulement 20 ans. Sur des plateaux ou des scènes, la gent féminine a souvent priorité. Il ne se fait d’ailleurs jamais prier pour complimenter une femme, mais il n’est pas sur le point de quitter celle avec qui il partage sa vie depuis 1989, la productrice et photographe Marie-Claude Tétreault, mère de son fils Édouard. Plusieurs personnes qu’il a côtoyées professionnellement le qualifient d’artiste froid, distant, avec qui il est ardu de communiquer. Toutefois, avec les journalistes, il est toujours disponible, affable et honnête. Son salaire enviable, assuré notamment par un contrat qui semble sans date de péremption avec Réno-Dépôt, lui permet de vivre dans Westmount, de se déplacer en hélicoptère et de faire un saut dans une pourvoirie… le temps d’un lunch. Néanmoins, il aime tout autant séjourner dans la maisonnette que sa femme a retapée en Gaspésie.
L’artiste « calciné » qui aimerait caresser à nouveau le 7e Art a eu une jeunesse qu’il a étonnamment peu racontée. Celui qui a souffert d’une dépression qui a gangréné sa vie au milieu des années 2000, mais qu’il a masquée derrière des sourires à la télévision, a maintenant 30 ans de métier qui en valent le double. C’était un moment opportun pour se raconter. Pour remonter dans le temps et ainsi s’attarder sur la rencontre de ses parents, une Québécoise et un Montréalais d’origine jamaïcaine et barbadienne, qui ont mis au monde le p’tit Noir le plus connu du Québec. « Je veux savoir combien d’heures de télé j’ai fait en carrière, dit-il. Peut-être que j’en ai plus que Bobino ? C’est niaiseux, mais j’aimerais le savoir. »
Cette biographie, c’est aussi le récit du Québec culturel et exacerbé des années 1970 et 1980, ainsi que du Montréal noir des années 1950 et 1960. Il est brossé sans la prétention de tout inscrire en ces pages, mais plutôt d’accrocher des bribes historiques aux événements publics et personnels qui ont marqué la vie de Normand Brathwaite, de sa naissance en 1958 jusqu’en 2008.
Cette biographie est enfin un bref essai expliquant comment l’artiste s’est inscrit dans l’histoire télévisuelle, musicale et humoristique du Québec, pourquoi il aime rappeler qu’il est noir sans pour autant se réclamer d’un clan ou d’une culture typiquement caribéenne et comment un être transis par la peur a réussi à faire un métier qui exige de s’exposer constamment à tous.
Pour des raisons de clarté narrative, la chronologie des événements a parfois été bousculée et certains pans de la vie de Normand Brathwaite et de ses parents ont été romancés.