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Un élégant bâtiment de style art nouveau abritait l’Académie des beaux-arts. L’école était un établissement modeste dans ses proportions, puisqu’on y admettait peu d’étudiants chaque année, mais assez bien coté sans être prestigieux. La formation qu’on y dispensait était plus que valable et le diplôme obtenu, reconnu sans peine à travers le continent. Nous étions fiers d’y étudier. À nos yeux, je crois que l’Académie n’était pas loin d’être le nombril du monde.

Je me rappelle le tapis incarnat ornant les longs couloirs aux plafonds voûtés, les arcades au-dessus des portes, les longues tentures lie-de-vin. Des œuvres pavoisaient sur les murs, des sculptures trônaient aux endroits les plus diversifiés et les plus improbables, natures mortes remplaçant les habituelles plantes vertes dans leur fonction ornementale. La décoration était tarabiscotée et un rien prétentieuse, mais nous la jugions impeccable, notre esprit critique s’amenuisant tandis que s’intensifiait notre appartenance à la vénérable institution.

Les cours se déroulaient dans un agréable chaos. Nous étions une quinzaine de jeunes adultes vivant avec délectation leur bohème et leur désinvolture. En vérité, lorsque j’y repense maintenant, la bohème était un joli mot chargé d’une symbolique romanesque ne servant qu’à décrire l’état d’instabilité et de dénuement dans laquelle nous vivions. Qu’importait d’ailleurs à nos yeux, puisque nous trouvions le concept attirant et qu’il allait de pair avec la vie d’artiste. Nous rêvions tous d’un mode de vie à la Modigliani, sans pour autant être dotés d’un talent semblable au sien, mais, ce qui était pire encore, sans être en mesure de saisir l’absurdité de l’autodestruction que cela impliquait.

La misère paraît bien souvent un idéal à maintenir aux yeux d’une jeunesse utopiste. Toute possession matérielle est à proscrire, tout souci financier, d’une affligeante frivolité.

Il fallait vivre de l’air du temps pour entretenir le mythe. N’y avait-il pas là, tout de même, quelque beauté – du temps passé, faut-il le préciser – à préserver, dans un monde dissolu comme celui dans lequel nous vivotions et que nous souhaitions éperdument changer?

Je garde encore aujourd’hui une certaine nostalgie de cet idéal misérable qui nous rendait joyeux. Nous ne voulions rien posséder, nous voulions être tout. Notre souci d’être intemporel nous semblait un antidote à la mort et à l’oubli, et c’était tout ce contre quoi nous luttions à l’époque…

Nous avions plusieurs professeurs, mais notre préférée était madame Lombard, n’en déplaise à monsieur Césario. Elle ne ressemblait à personne et elle s’assumait intégralement aussi bien que radicalement du haut de ses talons aiguilles qu’elle ne quittait jamais. Sophistiquée, chaleureuse, opiniâtre, perfectionniste, elle stimulait notre envie de nous démarquer, de nous dépasser. Elle était une inépuisable source de passion.

Madame Lombard enseignait la sculpture et nous débordions d’admiration béate pour toute sa personne. Elle nous le rendait bien, notamment par le biais de sa tendance toute naturelle à se comporter en mère protectrice à l’écoute de nos moindres exaltations juvéniles. De bienveillance, elle souriait de nous voir divaguer sur le monde avec le plus grand sérieux. Elle était à peine plus âgée que nous, une douzaine d’années tout au plus, et nous lui avions octroyé un ultime privilège, que dis-je, témoigné un incommensurable honneur, celui de la percevoir comme étant encore jeune et dans le coup. Elle pouvait donc, selon notre verdict, s’enorgueillir pendant quelques années encore de ne pas être considérée comme une vieillerie ou un fossile, car cela viendrait bien assez tôt. Nous savons tous que la jeunesse, dans son autosatisfaction, est impitoyable à l’égard de l’assaut des premiers signes de la décrépitude physique.

En fait, l’idée qu’elle était passée par le même sentier d’idéalisme peu de temps auparavant nous la rendait plus proche encore. Nous ne vivions donc pas en sa compagnie ce qu’il est convenu d’appeler le choc des générations. Cela ne l’empêchait pas de nous pousser à l’excellence et de ne tolérer aucune forme de paresse ou de laisser-aller. L’art était sérieux, qu’on se le tînt pour dit. La complaisance n’était pas sa tasse de thé.

— Rigueur et noblesse, rigueur et noblesse! avait-elle coutume de dire.

Quant à monsieur Césario, dont je dois bien parler, puisqu’il est en quelque sorte l’élément reliant le passé et le présent dans notre histoire, il devait déjà avoir à l’époque au moins cinquante ans. C’est dire à quel point il était un ancêtre à nos yeux! Je l’ai dit abrupt plus tôt dans mon récit; j’ajouterais difficile d’approche, exigeant. Il m’a fallu, à moi et aux autres aussi, je pense, un apprivoisement long et semé d’embûches, mais qui valait largement les efforts consentis. Lorsqu’on réussissait à le gagner à notre cause, il s’avérait un homme généreux, sensible et loyal. Je me rappelle son regard espiègle et complice, pétillant de gaminerie, qui lui échappait parfois, de façon involontaire bien sûr, lorsqu’il était fier de nous. Mais ne nous y trompons pas, il reprenait rapidement son air bourru. C’était sa marque de commerce et, peut-être aussi, un moyen de défense.

* * *

Il me revient des images, des anecdotes, des rumeurs lointaines. C’est fou ce qu’un souvenir en amène un autre et, de fait, l’histoire jaillit presque trop vite de ce tiroir de ma mémoire où j’avais tout jeté pêle-mêle. Un vrai foutoir, à l’image de mon atelier! C’est un grand ménage qui m’est imposé là, il va sans dire. J’aurais peut-être dû m’y mettre plus tôt.

Tiens, des bribes me reviennent du tout début de l’année, lors de mon arrivée là-bas. Les premiers cours, les premières rencontres. Comme je l’ai dit déjà, je me liai rapidement avec Carlotta; je pense que c’était durant la première ou la deuxième journée des cours. Nous sortions de l’école et elle m’avait offert une cigarette en m’apostrophant :

— Toi, tu as une tête à devenir mon amie. On essaie?

J’acquiesçai aussitôt.

D’entrée de jeu, elle me fit rire en me racontant dans un style imagé le récit de sa vie. Je n’étais pas convaincue alors, et je ne le suis toujours pas, que tout fût exactement vrai, mais je dois avouer que c’était secondaire. C’était par la théâtralité que Carlotta exprimait sa créativité, et cela lui allait à ravir, même si elle exagérait les événements et s’inventait un passé. Elle aimait provoquer des réactions chez les autres, mettre de la fantaisie dans le camaïeu de gris de la vie. Elle n’était d’ailleurs pas dupe; son regard semblait nous dire parfois : « Ne croyez pas tout, je suis en train de fabuler. »

Cela dit, elle ne faisait pas que déballer des demi-vérités. Elle pouvait en effet être tout à fait honnête et faire preuve d’une sincérité désarmante, mais elle réservait ce côté d’elle aux intimes, lorsque, par exemple, j’étais seule avec elle à fumer cigarette sur cigarette dans sa garçonnière, petit endroit coquet et coloré. À ce moment, elle abandonnait son masque. Il n’y avait plus de public, elle n’en avait plus besoin. Elle devenait vulnérable, et j’avoue que la première fois cela m’avait surprise; je ne connaissais pas assez bien la nature humaine pour savoir que ce genre de personnage retire son loup tôt ou tard, comme Arlequin, ou un bouffon trop fardé. Carlotta, elle, quittait son rouge à lèvres carmin et ses yeux de biche démesurés, nouait sa tignasse rousse en chignon et enfilait un kimono aux motifs chinois. Elle faisait du thé dans une grosse théière marocaine. Et là elle me parlait de ses douleurs, de ses émois, de ses déboires sentimentaux.

Elle aimait quelqu’un qu’elle avait laissé derrière elle. Avant les Beaux-Arts, elle étudiait dans une école d’art dramatique et elle était tombée amoureuse d’un professeur, plus vieux de vingt ans, marié jusqu’aux oreilles et flanqué de trois enfants. Ils avaient eu une liaison et, comme ce genre d’histoire finit toujours par se savoir, le scandale avait éclaté dans l’école, qu’elle avait quittée précipitamment, abandonnant l’homme à son corps défendant par la même occasion. Cependant, ils s’aimaient, m’assurait-elle. Ce n’était pas qu’un adultère et qu’une histoire de passion, c’était une histoire d’amour, disait-elle. Ils poursuivaient en effet leur relation en s’écrivant « au moins une lettre par semaine », m’avait-elle dit avec le plus grand sérieux.

Je me rappelle qu’elle m’avait fait la lecture d’une des missives du professeur et que celle-ci m’avait paru plutôt tiède et convenue. Je me gardai de le lui dire, pensant qu’elle m’en voudrait peut-être. Carlotta voulait entretenir cet amour. Je craignais pour ma part qu’elle en ressorte fort déçue. Je ne souhaitais toutefois pas contribuer à ébrécher son rêve.

Aujourd’hui, en y réfléchissant, je me rends compte qu’entretenir ces émotions douloureuses devait être stimulant pour elle. Son âme de tragédienne préférait les langueurs et le désespoir à la douceur de vivre. Ce qui ne l’empêchait pas d’être par ailleurs charmante et spirituelle. Son chagrin venait lui rendre visite par moments et, après lui avoir insufflé son énergie mélancolique, il repartait. Elle pouvait alors, à loisir, déverser ce flot d’inspiration dans sa création et pondre des œuvres excessives et sombres à souhait. En fait, cet amour malheureux constituait le moteur de sa création. Je crois que, si elle n’avait pas eu cette histoire, elle y aurait substitué le simulacre d’une autre, car elle carburait aux affres de l’existence. L’inspiration venait de la souffrance. Et je crois me rappeler qu’elle se portait mieux après avoir extirpé d’elle toute la substance novatrice de l’expérience. Elle était apaisée. Puis le cycle recommençait.

On pourrait objecter qu’une panoplie d’artistes créent dans la douleur, et j’en conviens d’emblée. En revanche, chez Carlotta, le mécanisme était si évident, si visible que l’esprit mélodramatique prenait le dessus et menait davantage à la mièvrerie sentimentale qu’à une démarche artistique digne de ce nom. Cela m’importait peu, puisque ces emportements faisaient intrinsèquement partie du mythe Carlotta et que je l’aimais ainsi, dans sa flamboyance et ses excès.

* * *

Outre mon amitié fulgurante avec Carlotta, le début de ce premier semestre fut marqué par des rumeurs voulant qu’un épisode, assez semblable à celui que je viens de dépeindre entre Carlotta et le professeur de théâtre, se soit déroulé. En pensant plus tôt à madame Lombard, je me suis en effet rappelé, ce qui m’a fait sourire, que Niño et Vincent étaient tombés sous son charme lors des premiers cours qu’elle nous avait donnés. Ils s’étaient disputé ses faveurs durant de longues semaines, chacun usant de ses charmes à sa manière.

Cela avait été une occasion providentielle, pour les quelques étudiants que nous étions, de nous lier par le biais de moult commérages et ouï-dire. Fous rires et clins d’œil complices nous permirent de briser la glace plus promptement et de manière plus efficace que s’il ne s’était rien passé du tout.

Nous nous livrâmes avec délice aux spéculations les plus farfelues autour de cette triade, et la rumeur veut que madame Lombard ait finalement mis dans son lit ses deux étudiants, histoire d’expérimenter en toute quiétude les antithèses incarnées par le frêle artiste et l’espagnol frondeur.

Je n’ai jamais eu de confirmation voulant que les rumeurs fussent vraies, Vincent ayant toujours éludé le sujet avec pudeur. Quant à Niño, comme nous étions moins proches, lui et moi, je ne me serais pas vue lui soutirer des confidences. En définitive, il y a fort à parier que c’est arrivé. Madame Lombard, racée et forte de son expérience, en imposait et, de surcroît, elle n’avait pas froid aux yeux.

Au chapitre de ce qu’on pourrait appeler les intermittences du cœur, je me rappelle également que Niño plaisait beaucoup à Élie-Naïde, sans qu’elle le laissât trop paraître. Elle faisait preuve de discrétion, mais, lorsqu’il arrivait dans une pièce où elle se trouvait, elle semblait imperceptiblement décontenancée. Par de menus détails, on pouvait déceler son penchant : elle rosissait, devenait un peu plus pensive, attentive, aux aguets. Cela me surprenait un peu, car il me semblait que Niño n’était pas son type. Il était fort beau et très séduisant, attentionné avec les filles et drôle. Il avait de la conversation, étant même, ma foi, assez cultivé. Cependant, il était comme nous, je veux dire qu’il pensait comme nous, qu’il faisait partie de notre mascarade.

Il m’était difficile de comprendre que, bien qu’elle fût différente de nous, c’est-à-dire nettement plus évoluée et moins superficielle, Élie était faite de chair elle aussi et qu’elle n’était pas à l’abri des tentations. J’avais un peu tendance à la mettre sur un piédestal et j’en oubliais parfois qu’elle était humaine et faillible, et qu’il n’y avait pas de mal à ce qu’elle succombe aux charmes parfois vénéneux du bel Andalou.

* * *

Je pense que je n’ai pas remarqué Élie-Naïde, les premiers jours, voire les deux ou trois premières semaines du semestre. Je n’ai pas d’image de son apparition, de m’être dit : « Tiens, cette personne existe, j’entre en contact avec elle, bonjour. » Il n’y a pas eu, selon mon souvenir, de rencontre, de présentation officielle. Un jour, je me suis rendu compte qu’elle faisait partie de ma tribu, de mon cercle d’amis, et que c’était tout naturel.

L’un des premiers souvenirs d’Élie-Naïde qui me revient et qui me semble très révélateur de sa personnalité remonte à un soir que nous buvions des cafés au lait dans un de nos bistrots préférés. J’ai parlé plus tôt de ces sessions de défoulement et de déballage de théories grandiloquentes sur tout et sur rien. Nous avions besoin de ces discussions pour valider nos personnalités peu affirmées, faire le plein d’idéologies et, ultimement, nous glorifier d’un sentiment d’importance qui redorait le blason de notre insignifiance.

Élie gardait le silence depuis un bon moment. Je m’en rendis compte et, laissant la discussion se poursuivre sans moi, je lui demandai alors sur le ton de la confidence ce qu’elle pensait du monde, de la révolution. Je tentai de savoir pourquoi elle ne détestait pas la société autant que nous. Elle hésita un instant et me répondit en quelques phrases brèves qu’elle ne croyait pas en une révolution extérieure, que, pour elle, seule une révolution intérieure était envisageable. Je ne compris pas trop. Cela me paraissait un peu abstrait, ésotérique, comme un faux-fuyant de sa part. Quant au monde, il lui semblait être ce qu’il devait être, ni plus ni moins. Alors qu’elle partageait avec moi sa façon de voir, son visage était ouvert et son regard soutenait le mien sans être menaçant ni hostile. Elle disait ce qu’elle pensait sans inquiétude, même si elle savait sa vision à des années-lumière de la nôtre.

Elle fut avare d’explications; elle ne voulut pas en dire davantage, sans doute à cause de mon air interloqué. Elle n’en fut pas choquée cependant et je ne lui en voulus pas non plus. Nos fréquences respectives ne pouvaient simplement pas entrer en résonance. Il y avait tout un monde entre elle et moi.

Comment, à cette époque, aurais-je pu comprendre quelqu’un qui ne souhaitait pas faire la révolution? Ce monde si inconfortable, si injuste, comment pouvais-je admettre qu’on le trouvât juste ce qu’il fallait qu’il soit? En somme, j’aurais hurlé à l’hérésie en entendant ces paroles de qui que ce soit d’autre, mais, de la part d’Élie-Naïde, elles m’apparurent tout naturellement sensées, ou, enfin, recevables. Je n’argumentai pas. Sans que je m’en rende compte, je crois que ses paroles firent autorité sur moi. Ce fut en effet une des nombreuses occasions de mon existence où des graines étaient semées clandestinement dans mon cerveau, propice à être colonisé par autrui, influençable sous des apparences d’intégrité et de cohérence. Un cerveau malléable comme de l’argile.

* * *

Les études aux Beaux-Arts, contrairement à leur réputation bon enfant, exigeaient de nous de longues heures de travail soutenu, même harassant, et ce n’était pas sans effort que nous arrivions à répondre aux exigences pédagogiques du cursus. Malgré cela, je ne compte plus les fois où nous nous sommes retrouvés, souvent rompus de fatigue, pour discuter et boire, parfois du café, fréquemment de l’alcool, dans les petits endroits vieillots dont j’ai la nostalgie aujourd’hui. J’ai le sentiment que ces établissements ont changé; que, ce qu’ils ont gagné en étant restaurés et rajeunis, ils l’ont perdu en charme.

J’ai souvenir d’une fois où une discussion enflammée se déroulait autour d’un sujet comme nous les aimions, sérieux, dense et désespérant. Le sujet importe peu lui-même, il demeure imprécis dans ma mémoire. Ce dont je me souviens avec précision, par contre, c’est d’être devenue, l’espace d’un fugitif instant et l’alcool aidant, consciente de ce qui se passait autour de moi, spectatrice de la scène qui se déroulait sous mes yeux trop lucides, et d’avoir pensé que notre exacerbation du moi n’était pas autre chose que vanité et fausseté. En réalité, nous jouions tous des rôles et nous étions, ma foi, d’assez mauvais acteurs. J’en conçus un vague haut-le-cœur et, ragaillardie par une ou deux gorgées supplémentaires – ce devait être de l’absinthe ou de la chartreuse, pour faire bon genre –, je retournai à mon imposture à nouveau. La mystification était de loin plus rassurante que l’amère réalité de notre commune futilité.

En vérité, ce qui me rendait perplexe, c’était que, à travers ce tourbillon d’idées reçues, remâchées et restituées des milliers de fois, Élie-Naïde faisait figure de vérité. Elle seule semblait vraie, elle seule ne jouait pas et, ce soir-là, je crois bien que cela m’a un peu terrorisée. Si je n’étais pas ce que je clamais être à cœur de jour en paroles, dans mes œuvres et dans tout mon être, qui étais-je?

Et la paisible Élie, qui semblait n’avoir rien à prouver, qui ne ressentait nul besoin de se faire valoir et d’attirer la moindre parcelle d’attention, qui était-elle vraiment? Au fond, n’était-ce pas une forme raffinée de subterfuge de sa part? Ne jouait-elle pas à être son personnage, elle aussi? Je me demandai si elle était aussi vraie qu’il y paraissait et s’il n’y avait pas, au creux d’elle, une faille, un petit rien d’immonde derrière la façade sereine, une imperfection. J’étais tiraillée par des sentiments contradictoires. Je ressentais une vive sympathie pour elle et, simultanément, j’étais méfiante, pensant qu’elle pouvait elle aussi jouer un rôle dans notre mauvaise pièce.

J’imagine que, de toute façon, de demeurer dans l’incertitude à son sujet avait l’avantage de protéger le mystère et de la rendre encore plus troublante à mes yeux. Je pouvais tout à mon aise imaginer n’importe quoi sous l’apparence des eaux dormantes.