Chapitre III

Le Maroc Saadien (1554-1636)

Au début du XVIe siècle, le Maroc traversa une crise profonde et multiforme car elle fut à la fois politique, régionale et religieuse. Le pays subit également une double tentative de conquête, portugaise à l’ouest, sur sa façade maritime, turque à l’est373.

Ce fut dans ce contexte que les Saadiens374 réussirent à s’imposer. Originaires de la région de Yanbo, en Arabie, ils s’étaient installés au XVe siècle dans le sud du Maroc, dans la région de Zagora. Avec eux, et pour la première fois depuis les Idrissides, le Maroc ne fut plus gouverné par des Berbères, mais par des Arabes.

I- La renaissance saadienne

La montée en puissance des Saadiens s’inscrivit dans le cadre du renouveau islamique et national. Depuis les Almoravides et les Almohades, le nombre des marabouts avait augmenté, notamment dans le sud marocain ; autour d’eux, des disciples s’étaient groupés dans des confréries, les zaouias375, pour y suivre leur enseignement376. Au XVe siècle, deux grandes confréries dominaient. La première, la qadriya, avait une origine orientale et elle était rattachée à Bagdad ; la seconde, la jazoula, fondée par Abdeslam ben Mechich, fut développée par Mohammed el Jazouli377, un Berbère du Sous.

En 1511, appuyé par les jazoulistes, le chef des Saadiens, Abou Abdallah Mohammed, fut désigné comme chef de guerre sainte et il prit pour nom el Qaim bi Amr Allah (celui qui est appelé par Dieu). Il mourut en 1517 sans avoir fait faire de progrès notables à la guerre sainte378. Deux de ses fils prirent Marrakech en 1522, puis ils se partagèrent le pouvoir dans la région, l’aîné, Ahmed el-Arej s’installant à Marrakech et son cadet, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi dans le Sous.

En 1524, à la mort du sultan wattasside Mohammed « le Portugais », son frère Abou l’Hassan Ali fut proclamé à Fès, mais il dut abandonner le pouvoir à Ahmed al-Wattassi (1524-1550), un fils du sultan défunt. Ce dernier pensa qu’une entente était possible avec les Saadiens et il leur reconnut la possession du sud du Maroc, donc une indépendance de fait. Mais comme les Saadiens voulaient tout le pays, Ahmed al-Wattassi tourna ses forces contre eux. En 1528, après avoir conclu une trêve avec les Portugais, il marcha sur Marrakech, mais il fut vaincu.

Le pays était coupé en deux quand, en 1548, une brouille intervint entre le Saadien Ahmed el-Arej et son frère Mohammed Ech Cheikh al-Mahdi. Profitant de l’aubaine, le sultan wattasside Ahmed al-Wattassi s’allia à Ahmed Al-Arej et entra en guerre contre Mohammed Ech Cheikh al-Mahdi, mais il fut battu et fait prisonnier. Un nouveau sultan wattasside fut donc proclamé à Fès en la personne d’An-Nasir al Qasri (1548-1554), qui accéda au pouvoir au moment où le saadien Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi avançait vers la ville.

Afin de mettre un terme à cette guerre civile qui détournait les énergies nationales de la reconquête à faire sur les Portugais qui occupaient alors plusieurs ports marocains, les chefs religieux exigèrent que la paix soit faite. Les Saadiens libérèrent alors le sultan Ahmed al-Wattassi en échange de la ville de Meknès.

Cependant, dès 1549 la guerre reprit entre Wattassides et Saadiens et en 1550, Fès capitula. Les Wattassides furent éliminés à l’exception de Bou Hassoun qui se retira dans le Rif avant de s’embarquer pour l’Espagne et de combattre dans les armées de Charles Quint. Il ne put cependant obtenir de ce dernier le moindre secours car, face à l’expansion ottomane en Méditerranée, l’Espagne et les Saadiens ayant des intérêts communs, une véritable alliance se constitua alors.

Bou Hassoun tenta ensuite sa chance au Portugal, mais les aides qu’il y obtint lui furent chichement mesurées. Il s’embarqua alors pour le Maroc afin d’y reprendre la lutte mais il fut capturé par des corsaires turcs et conduit à Alger.

Après des mois de discussion, il parvint à nouer d’excellentes relations avec le beylerbey, Salah Rais, qui lui accorda toute l’aide dont il avait besoin. C’est ainsi qu’en 1553, une double expédition turque fut menée contre le Maroc, à la fois par voie terrestre et maritime. En 1554, Fès379 fut prise et Bou Hassoun y fut proclamé sultan.

La dynastie wattasside était ainsi restaurée. Quant à Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi, il se replia sur Marrakech dans l’attente de jours meilleurs qui ne tardèrent d’ailleurs pas à arriver car les Turcs ayant mis en coupe réglée la ville de Fès, Bou Hassoun leur demanda de repasser la Moulouya et de rentrer à Alger.

Une fois ses protecteurs partis, Bou Hassoun ne fut pas en mesure de résister à l’armée saadienne et il perdit la vie au combat. Le 13 septembre 1554, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi entra triomphalement à Fès. Le Maroc était réunifié et les Saadiens accédaient véritablement au pouvoir.

Durant les trois années de son règne (1554-1557), le nouveau sultan qui fit de Marrakech sa capitale eut une politique réaliste. Pour lui, le danger chrétien était moins fort que celui représenté par les Turcs. Ces derniers n’avaient en effet pas l’intention de demeurer au-delà de la Moulouya car leur lutte contre l’Espagne (voir le chapitre précédent) nécessitait une implantation au Maroc. Mohammed Ech-Cheikh, al-Mahdi, héros de la guerre sainte contre les chrétiens, se retrouva donc allié au roi d’Espagne, champion de la Chrétienté, contre l’Empire ottoman, principale puissance musulmane de l’époque.

En 1556, afin de tenter de soulager les Espagnols, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi attaqua Tlemcen par voie de terre, mais il ne réussit pas à s’emparer de la citadelle défendue par les Turcs. Hassan Corso380, caïd d’Alger, prit alors la décision de marcher sur Fès, mais le comte d’Alcaudete, gouverneur espagnol d’Oran l’ayant attaqué sur ses arrières, l’armée turque fut contrainte de faire demi-tour.

L’équilibre des forces semblait avoir été trouvé quand Hassan Corso prit la décision de faire assassiner le sultan du Maroc. Le stratagème fut vite trouvé : ennemi des Turcs, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi n’en était pas moins en admiration devant le modèle militaire ottoman. Durant tout son bref règne il incorpora d’ailleurs à son armée des éléments turcs et tenta de la modeler sur celle du sultan de Constantinople.

Hassan Corso lui envoya donc un de ses meilleurs officiers qui se fit passer pour déserteur et qui vint se mettre à son service. Quelques mois plus tard, lors d’une expédition dans l’Atlas, le sultan se trouva isolé avec le contingent turc qui l’assassina, le décapita et mit sa tête dans un sac afin de la rapporter à Alger. Après bien des péripéties, ses assassins parvinrent à fuir le Maroc en passant par Sijilmassa et ils rentrèrent à Alger, porteurs de la preuve de la réussite de leur mission. La tête de Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi fut ensuite envoyée à Constantinople.

Le reflux portugais au Maroc (carte page XLIV).

En 1515, le Portugal subit un grave échec à la Mamora (ou Mehdia), à l’embouchure de l’oued Sebou, quand ses troupes durent évacuer leurs positions dans une atmosphère de désastre. Puis, coup sur coup, deux des artisans de la présence portugaise disparurent. En 1517, Nuno Fernandez Ataide fut tué au combat et, en 1519, le chef marocain Yahia ben Tafouft, le principal allié des Portugais, fut assassiné.

Les Saadiens maîtres de Marrakech en 1525, l’influence portugaise le long du littoral atlantique marocain commença de décliner. Les tribus jusque-là soumises n’acceptèrent plus de payer l’impôt à Lisbonne et elles mirent le siège devant les cités. Accaparé par le commerce avec le Brésil et les Indes, le Portugal n’eut plus les moyens de porter à bout de bras des comptoirs devenus inutiles et même encombrants.

Le 12 mars 1541, la prise de Santa Cruz du Cap de Guir (Agadir) par le Saadien Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi précipita les événements. Six cents survivants furent faits prisonniers dont le gouverneur Don Gutierre de Monroy et sa fille Dona Mercia381.

Jean III dit le Pieux (1521-1557), comprit la difficulté qu’il y avait à maintenir les positions portugaises sur le littoral marocain. Politiquement, économiquement et stratégiquement, la présence portugaise au Maroc ne se justifiait plus, étant donné que l’Afrique comptait de moins en moins dans le dispositif lusitanien qui s’orientait désormais vers le Brésil. Depuis des années, les villes du Sud marocain n’étaient en effet plus les points d’aboutissement des caravanes de l’or venues de l’Afrique sudsaharienne puisque les Portugais avaient détourné ce commerce vers le golfe de Guinée. Quant aux Égyptiens, ils en avaient attiré une autre partie vers la vallée du Nil. Inutiles, les fronteiras du Maroc coûtaient également cher au trésor portugais qui devait dépenser un tiers des revenus de l’État pour leur seule défense.

Jean III donna donc l’ordre d’abandonner toutes les places atlantiques à l’exception de Mazagan, relativement facile à ravitailler en raison du bon accès de sa rade382. En 1541 et en 1542, Safi et Azemmour furent évacuées et, en 1550, dans le nord du Maroc, Arzila et El-Ksar es-Seghir le furent à leur tour.

Après vingt-cinq années de tentatives audacieuses, le Portugal ne conservait plus au Maroc que Tanger, Ceuta dont le rôle stratégique sur le détroit de Gibraltar était essentiel et Mazagan383, son dernier comptoir sur le littoral atlantique.

Mohammed Ech-Cheikh al-mahdi assassiné, son fils Abou Mohammed Abdallah el-Ghalib Billah (1557-1574) lui succéda. Il poursuivit sa politique d’unité nationale, de consolidation du pouvoir central et d’indépendance face aux menaces turques.

En 1569, sous son règne, éclata en Espagne la grande révolte des Morisques qui s’étendit sur le territoire de l’ancien royaume de Grenade. Pour le sultan, la situation fut difficile car l’allié espagnol combattait des musulmans ayant de plus fait appel à la guerre sainte, au jihad (Marc, 1979 ; Conrad, 1998).

En 1574, le sultan Abdallah el-Ghalib Billah fut emporté par une crise d’asthme et son fils, Mohammed el-Moutaoukil dit « el-Mesloukh » (1574-1576), qu’il avait désigné comme son héritier lui succéda. Cette succession ouvrit une terrible guerre dynastique qui provoqua l’intervention du Portugal et la bataille de l’oued el-Makhazen le 4 août 1578.

La tradition dynastique saadienne qui était totalement arabe384 voulait en effet que tous les frères du sultan décédé lui succèdent sur le trône avant que n’y monte le premier de ses fils. En d’autres termes, ce n’était en théorie pas à l’aîné des fils du sultan défunt que la « couronne » revenait, mais au plus âgé des mâles de la famille. Dans le cas présent, le successeur d’Abdallah el-Ghalib aurait dû être Abd el-Malek, frère du sultan décédé, et non Mohammed el-Moutaoukil, l’aîné de ses fils. Or, pour compliquer les choses, Abdallah el-Ghalib Billah, avait, de son vivant, désigné son fils comme l’héritier du royaume. Dans ces conditions, entre l’oncle Abd el-Malek et le neveu Mohammed el Moutaoukil, la guerre était donc inévitable.

Or, dix-sept ans plus tôt, en 1557, après la mort du sultan Mohammed Ech-Cheikh, le second fils de ce dernier, Abd el-Malek, se sentant menacé par son frère Moulay Abdallah el-Ghalib, avait choisi de se réfugier à Istanbul385.

En 1574, quand le sultan Abdallah el-Ghalib Billah mourut, Abd el-Malek était à Alger et il décida d’entreprendre immédiatement la conquête du royaume marocain dont il s’estimait être le souverain légitime. La Porte qui se posait en arbitre et qui voulait affaiblir le Maroc, proposa un partage du royaume entre les deux prétendants, à savoir l’oncle Mohammed el-Moutaoukil et son neveu Abd el-Malek, mais les négociations échouèrent.

En conséquence de quoi, Abd el-Malek entra en campagne avec l’aide des Ottomans qui avaient trouvé dans cette querelle dynastique un excellent moyen de prendre enfin pied dans le pays. En échange de son appui, Istanbul obtint la promesse d’un versement de 500 000 onces d’or, la conclusion d’une alliance militaire contre l’Espagne, ainsi que la remise aux corsaires d’Alger du port de Larache.

Au début du mois de janvier 1576, Abd el-Malek quitta Alger pour Fès accompagné de Ramdan Pacha, le beylerbey de Tripoli, à la tête d’un corps expéditionnaire turc composé de 6 000 arquebusiers et de près de 8 000 cavaliers. Vers la mi-mars 1576, les deux armées s’affrontèrent dans la région de Fès ; le sort des armes pencha du côté d’Abd el-Malek et des Turcs après que les 2 000 hommes du contingent andalou furent passés du camp de Mohammed el-Moutaoukil à celui de son oncle. Se voyant battu, le sultan s’enfuit vers Marrakech, laissant libre à Abd el-Malek la route de Fès. Ce dernier s’y fit proclamer sultan sous le nom d’Abd el-Malek el-Moatassem Billah (1576-1578)386.

La victoire d’Abd el-Malek ne mit cependant pas fin à la guerre civile car son oncle, replié à Marrakech, leva de nouvelles troupes. Vers la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet 1576, une seconde bataille eut lieu entre les deux Saadiens à quelques dizaines de kilomètres au sud de Rabat. Une nouvelle fois vaincu, Mohammed el-Moutaoukil trouva refuge en Espagne où il demanda en vain l’aide du roi Philippe II car ce dernier était en bons termes avec le sultan Abd el-Malek. Il se tourna alors vers le Portugal où le roi Sébastien (1557-1578) rêvait de reprendre pied au Maroc. Aussi, quand le sultan déchu vint lui offrir un quasi-protectorat sur le pays, le souverain accepta, pensant qu’il tenait là l’occasion de venger l’échec portugais des années 1540.

II- La bataille de l’oued el Makhazen (4 août 1578)387 et ses conséquences (cartes page XLI et XLIV)

Les raisons de la folle aventure qui coûta son indépendance au Portugal ont longuement été analysées. Les historiens ont parlé de l’inconscience chevaleresque du roi mais, à ce trait de caractère sans lequel il n’y aurait évidemment pas eu d’expédition, ne peut-on pas ajouter, cause peut-être essentielle, une analyse erronée du danger turc dans cette partie de la Méditerranée ?

Dans les années qui précédèrent l’expédition portugaise de 1578, l’Espagne, mais aussi le Portugal eurent en effet un objectif prioritaire qui était d’arrêter la progression des Ottomans vers le Maroc d’où ces derniers auraient pu menacer la liberté de navigation en Méditerranée occidentale.

La question est donc de savoir si, en 1578, le roi Sébastien pouvait penser que les Turcs faisaient encore peser une réelle menace sur les royaumes ibériques.

Nous avons vu plus haut que c’est au milieu du XVIe siècle que la Porte ottomane avait commencé à s’intéresser directement au Maroc ; or, en refusant de prêter hommage au sultan de Constantinople, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi avait accepté l’ouverture des hostilités, ce qui avait eu pour résultat l’alliance maroco-espagnole à laquelle les Turcs avaient réagi en le faisant assassiner. Puis, après leur victoire de 1573 sur les Espagnols à Tunis et à la Goulette, les Ottomans purent faire porter tous leurs efforts en direction du Maroc où ils étaient intervenus comme nous l’avons également vu dans la querelle dynastique opposant Moulay Abd-el-Malek à Mohammed el-Moutaoukil. En 1576, les chrétiens purent alors légitimement s’inquiéter de savoir si, en échange de l’aide accordée, Moulay Abd-el-Malek ne s’était pas engagé à participer à une offensive turque contre l’Espagne.

Deux ans plus tard, en 1578, au moment où le roi du Portugal décida d’intervenir au Maroc, le contexte avait changé car Moulay Abd-el-Malek, avait réussi à éloigner ses encombrants alliés pour, au contraire, rétablir l’alliance espagnole. De plus, en 1578, les priorités ottomanes ne s’exerçaient plus en direction du Maroc, mais de la Perse, où une épuisante campagne venait de commencer. La politique turque changea alors et la guerre permanente à laquelle se livraient l’Espagne et l’Empire ottoman prit fin, les Turcs renonçant à s’étendre en Méditerranée occidentale.

Le danger turc, réalité pour les chrétiens espagnols et portugais en 1576 s’était donc éloigné en 1578 au moment où le roi du Portugal, le prenant pourtant pour prétexte, lança son expédition en direction du Maroc388.

Le sultan marocain tenta de raisonner le roi Sébastien, cherchant à lui faire comprendre qu’il n’était dans l’intérêt, ni du Portugal, ni du Maroc, d’ouvrir les hostilités. Il lui proposa même de lui remettre un port marocain de son choix et d’élargir de treize lieues l’hinterland des places que le Portugal conservait encore sur le littoral du Maroc. Rien n’y fit car le souverain portugais qui voulait en découdre considéra les sages propositions de Moulay Abd-el-Malek comme autant d’aveux de faiblesse. Ce dernier écrivit alors à Sébastien Ier afin de tenter de lui démontrer que le danger turc n’existait plus. En vain. Aussi, demanda-t-il à Philippe II d’Espagne d’intervenir auprès de son neveu portugais. Toujours en vain.

Moulay Abd-el-Malek fit alors une dernière tentative pour sauver la paix et il écrivit au roi du Portugal la lettre suivante :

« Seigneur roi, ayant entendu dire que Muley Hamet389, mon neveu, après que par la force des armes je l’eus chassé du royaume qu’il possédait injustement, est allé se réfugier auprès de ton royal pouvoir, j’ai jugé bon d’écrire à Ton Altesse la présente pour qu’elle serve d’avertissement. Puisque tu veux volontairement être juge entre nous deux, considérant bien le cas, tu sauras que si de façon juridique on voulait juger cette cause, je dois moi-même être aidé plutôt que persécuté, car je suis le fils aîné du roi qui conquit cette terre, blanc de peau, ami de la raison et de ceux qui la suivent. D’autant plus que mon neveu ne saurait trouver aucune raison à invoquer à l’appui de ses revendications, car, à n’envisager que le droit des armes, qui fut celui par lequel mon père conquit ce royaume il y a cinquante ans, je l’emporte encore sur lui. Donc tu sais très bien que celui de nous deux qui doit régner et posséder ce royaume en droit, il lui est nécessaire de le mériter et d’y être apte, ce dont j’ai donné des preuves et garanties suffisantes. Je te donne avis de ceci Seigneur, comme un ami que je prétends être et de qui veut être le mien, et si cela est, si l’on conteste les droits que je tire de mon âge, étant l’aîné de la famille, que l’on m’envoie des personnes dignes de confiance à qui je puisse communiquer mes intentions, car je n’ai pas moins de volonté d’aboutir à ce qui est juste que mon neveu, ni me manquera les moyens d’accomplir mieux que lui ce que j’ai promis étant donné ce que je possède, bien que je sache que l’on sous-estime mon avoir, lequel me sera profitable dans les temps à venir » (Cité par Berthier, 1985 : 60-61).

Tout en tentant de sauver la paix, Moulay Abd-el-Malek prépara son armée à la guerre. Les Saadiens ont d’ailleurs toujours accordé une attention particulière à la modernisation de leur armée. Sous le règne de Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi (1554-1557) une fonderie de canons avait ainsi été créée à Fès et l’armée marocaine avait été dotée d’un parc d’artillerie. La cavalerie était toujours l’élément essentiel de l’armée qui disposait d’un service de santé, ce qui permet de la classer parmi les armées modernes de l’époque.

Les Portugais qui disposaient de 36 canons alignèrent environ 20 000 hommes dont un peu plus de 1 500 cavaliers. À ces effectifs combattants il est possible d’ajouter environ dix mille domestiques ou personnel de charroi, ce qui permet d’expliquer que les Marocains firent plus de prisonniers qu’il n’y eut de combattants390. Les Marocains ne possédaient que 20 pièces d’artillerie, mais ils avaient une nette supériorité numérique estimée entre 40 et 50 000 hommes dont plus de 30 000 cavaliers. L’infériorité portugaise était encore accentuée par la lenteur de la progression due à la lourdeur des convois de ravitaillement alors que les Marocains qui vivaient sur le pays ne connaissaient pas ce problème.

Les forces en présence (Berthier, 1985)

Armée marocaine

1- Infanterie
Fantassins : 11 750
Détachements d’irréguliers : 4 000
Total infanterie : 14 750
2- Cavalerie
Arquebusiers montés391 : 3 000
Cavalerie : 9 250
Contingents des tribus (réserves de cavalerie) : 22 000
Total cavalerie : 35 250
Effectif total combattant : ± 50 000392

Armée portugaise393

1- Infanterie
« Terços » portugais : 8 000
« Terços » des Aventuriers : 1 400
« Tercio » espagnol : 1 600
Régiment allemand : 2 800
Corps des Italiens : 600
« Fronteiros » de Tanger (arquebusiers) : 200
Arquebusiers de Moulay Mohammed : 200
Total infanterie : 14 800
2- Cavalerie
Cavaliers commandés par Dom Sébastien : 600
Cavaliers commandés par le duc d’Aveiro : 300
« Fronteiros » de Tanger (cavaliers) : 400
Cavaliers commandés par Moulay Mohammed : 250
Total cavalerie : 1 550
Effectif total combattant : 16 350

Accumulant les erreurs, ne tenant aucun compte des avertissements ou des renseignements qui lui étaient donnés par des déserteurs de l’armée marocaine, le 4 août au matin, le souverain portugais commit une faute grossière en positionnant ses troupes en un carré massif, dos au fleuve, ce qui, durant la bataille empêcha son aile droite de manœuvrer et interdit ensuite à l’armée toute possibilité de retraite.

Plus mobile, tirant au maximum parti du terrain, Moulay Abd-el-Malek, pourtant déjà gravement malade394, choisit de disposer ses troupes en croissant afin d’opérer une manœuvre de débordement (Sadik, 1994 : 77).

Trois rois s’affrontèrent dans cette bataille et tous trois y trouvèrent la mort. Sébastien et Mohammed el-Moutaoukil395 se noyèrent dans l’oued el Makhazen en tentant de fuir tandis que Moulay Abd-el-Malek mourait de maladie au début de la bataille. Sa mort fut d’ailleurs cachée à ses troupes.

La défaite portugaise fut totale, dix mille morts portugais jonchant le champ de bataille contre deux mille Marocains. Comme seule une centaine de Portugais réussit à gagner la place forte portugaise de Tanger, les prisonniers se comptèrent donc par milliers dont environ 5 à 6 000 combattants et au moins 10 000 suivants et domestiques, soit un total d’environ 15 000 captifs. Sur ce nombre, seules quelques centaines de cavaliers nobles, furent rachetées par leurs familles396 (Bennassar L. et B, 1989 : 359).

Le soir de la bataille, sur le lieu de la victoire marocaine, un frère du sultan défunt fut proclamé sous le nom d’Ahmed El-Mansour (le Victorieux). Avec cet homme fort et auréolé de gloire qui régna de 1578 à 1603, la dynastie fut raffermie. Elle en avait d’ailleurs besoin tant son prestige avait été terni par les querelles de succession dont nous avons parlé plus haut.

Les vingt-cinq années de son règne constituèrent une parenthèse de paix, de stabilité et de prospérité dans l’histoire de la dynastie saadienne. Formé à l’école ottomane, le nouveau sultan entreprit de réorganiser le makhzen et l’armée en utilisant largement les renégats397. Sa politique étrangère fut caractérisée par une méfiance vis-à-vis de la Turquie, le maintien de l’alliance avec l’Espagne ainsi que par une volonté expansionniste en direction du fleuve Niger et de Tombouctou.

III- La politique africaine des Saadiens

Sous les Saadiens, le Maroc fut un pont entre le monde méditerranéen et l’Afrique noire, ou Bilad al-Sudan (le pays des Noirs) dont il écoulait les productions en échange des articles de son artisanat et des produits de son agriculture. Le fret caravanier venu du sud consistait en or produit au Bambouk, à proximité du fleuve Sénégal, au Bouré sur le Niger et au Lobi sur la Volta. L’ambre gris, la gomme arabique, les peaux d’oryx destinées à la fabrication de boucliers, les peaux de léopard, de fennec et d’abord les esclaves, alimentaient également le commerce transsaharien.

Le Maroc fournissait au monde noir des articles de luxe comme les produits de l’artisanat, les bijoux, les armes, ou les étoffes, etc., mais aussi des produits d’usage courant comme les ustensiles de cuisine, la poterie, les tissus, les couteaux, les miroirs, etc. Les productions agricoles comme le blé, les fruits secs, les dattes entraient également pour une large part dans ce commerce, sans oublier les chevaux.

Le Maroc et le commerce transsaharien

Le commerce transsaharien à partir du Maroc a varié dans l’espace en fonction du développement ou du déclin des entités politiques du Bilad al-Sudan. Dans les premiers temps, les routes commerciales partaient de Sijilmassa vers le Tagant et la vallée du fleuve Sénégal (cartes pages XLII et XLVI).

Avec la naissance de l’empire du Mali, une nouvelle route apparut au XIIIe siècle, toujours au départ de Sijilmassa, mais en direction du Sahara central, vers les salines de Tegharza (Teghaza). Puis, vers la fin du XIVe siècle, la ville de Tombouctou se développa et le Marocain Ibn Battouta qui s’y rendit décrivit les routes qui y menaient depuis Sijilmassa, plaque tournante du commerce avec le Bilad al-Sudan.

Sijilmassa était en effet comme le port du nord du Sahara, le point obligé pour les caravanes allant vers le sud ou en revenant. Plaque tournante et plus encore lien entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire, Sijilmassa était fréquentée par des commerçants venus de Fès et de toutes les villes littorales ou intérieures du Maroc.

Cette position carrefour apparaît comme évidente lorsque l’on compte les jours de marche séparant la ville de tous les pôles commerciaux de la région : 6 jours pour Ouarzazate ; 9 à 11 jours pour Fès ; 20 jours pour Tanger et 50 jours pour Kairouan. Vers le sud, 12 jours pour Tindouf et 50 pour Aoulil.

Admirablement située, Sijilmassa était également favorisée au point de vue agricole puisque l’eau qui y était abondante permettait la culture des légumes, des fruits ou des céréales nécessaires aux caravanes. Ces possibilités constituaient un atout considérable car, tout en étant la porte du désert, la ville offrait toutes les possibilités de ravitaillement aux caravanes venues du nord et qui devaient s’y munir pour les deux mois de marche à travers 1 500 à 1 800 kilomètres de désert.

Jean-Michel Lessard a bien défini la fonction de Sijilmassa :

« Sommet méridional d’un vaste éventail, ouvert de Tanger à Tripoli, la cité filalienne voit converger vers elle les caravanes venant du littoral méditerranéen, du Sahel, du Tell et des plaines septentrionales du Maroc. Elle les accueille, réceptionne leurs marchandises, leur fournit le fret de retour dont elle a elle-même assuré la quête à proximité de son territoire ou au-delà du désert saharien. Sijilmassa apparaît bien, non pas comme un simple entrepôt où se déverse raient les marchandises venues du Maghreb, du Soudan et d’Orient – rôle assez passif qu’expliquerait la position du lieu – mais comme un élément moteur tant du commerce régional que du commerce international. Du ksar au souk, du souk à la caravane et par celle-ci à Sijilmassa où d’autres caravanes emportent les marchandises vers Fès, Tlemcen, Kairouan, Aoudaghost… alors que les produits laissés par elles atteignent par le chemin inverse les demeures les plus éloignées des grands chemins caravaniers. Outre les marchands, les hommes d’affaires, c’est tout un peuple de fellahs, de mineurs, de bûcherons, d’artisans qui travaillent pour la caravane » (Lessard, 1969 : 15).

À partir de la fin du XVe siècle, avec une accélaration au XVIe, les Portugais bouleversèrent ce flux en s’installant sur le littoral du golfe de Guinée (Lugan, 2009 : 277). Avec eux, le commerce de l’or ne se fit plus dans le sens Afrique noire-Méditerranée mais dans le sens Afrique noire-golfe de Guinée. Avec la « victoire de la caravelle sur la caravane », le Maroc reçut moins d’or et, conséquence aggravante, son artisanat qui irriguait le commerce transsaharien déclina puisque les caravelles fournirent désormais aux Africains les produits de l’artisanat portugais. Au Maroc même, la concurrence portugaise devint difficile à combattre car, à partir des places qu’ils contrôlaient, les commerçants lusitaniens inondaient le marché et les caravanes qui se formaient à Sijilmassa se chargèrent de plus en plus avec des produits ou des articles venus de Lisbonne. La crise toucha donc tout le sud marocain.

Une des conséquences de cette nouveauté fut que les routes commerciales changèrent d’orientation et que les caravanes délaissèrent Sijilmassa au profit de marchés et de villes situés plus à l’est comme celles qui étaient en relation avec Tlemcen, Bougie, Tunis ou même Tripoli. Au sud du Sahara, l’expansion de l’empire songhai et des Askia398, ou souverains noirs de Gao, posa deux problèmes qui amplifièrent la crise commerciale du sud marocain. La route transsaharienne Sijilmassa-Tombouctou, la plus courte, mais la plus difficile, offrait pour principal intérêt de passer par Teghaza et ses salines qui alimentaient une partie du commerce nord-sud. Or, comme les Askia furent les maîtres de Teghaza dans la première moitié du XVIe siècle, l’empire songhai, ou empire de Gao, ne dépendit donc plus des caravanes venues de Sijilmassa pour son approvisionnement en sel.

Second problème pour le sud marocain, le Touat et le Gourara (carte page XLI), remplacèrent le Tafilalet dans la mesure où la route menant de ces régions à Gao était plus courte et plus directe ; de plus, ces deux régions étaient situées dans l’alignement de la façade maritime méditerranéenne contrôlée par les Turcs. Pour le Maroc, la possession du Touat était donc une nécessité et, vers 1530, il en fut le maître.

Afin de tenter de rebâtir le monopole transsaharien du royaume, il ne resta plus aux sultans marocains qu’à entreprendre la conquête de Teghaza ; d’où le conflit avec le Songhai399 qui s’acheva avec l’expédition du Niger.

L’expédition du Niger (carte page XLI)

Dès la fondation de la dynastie saadienne, les relations entre le Maroc et les Askia furent orageuses. Dans les années 1540, avant même d’être au pouvoir dans tout le Maroc, Mohammed Ech-Cheikh al-Mahdi (1552-1557), le premier Saadien, qui n’était alors que sultan de Marrakech, avait demandé à Askia Ishaq Ier (1539-1545) de reconnaître sa suzeraineté sur les salines de Teghaza. En réponse, le souverain songhai avait envoyé plusieurs centaines de Touareg piller Tindouf et Sijilmassa.

Les relations entre le Maroc et le Songhai se détériorèrent encore davantage durant les règnes du sultan marocain Ahmed Al-Mansour (1578-1603) et de l’Askia Mohamed III el-Hadj (1582- 1586) après qu’en 1585, un détachement marocain se fut emparé de Teghaza et de ses salines. Le Songhai, ne céda pas car, entre-temps, au sud de Teghaza, la saline de Taoudeni avait été développée. Les Marocains abandonnèrent alors leur inutile conquête qui fut immédiatement réoccupée par les forces songhai.

En 1586, le sultan marocain Ahmed El-Mansour demanda à Askia Ishaq II un mithqal400 d’or par charge de sel exportée de Teghaza au motif qu’il devait aider financièrement les armées de l’Islam en guerre contre les infidèles. Le souverain noir refusa de se laisser intimider et il adressa au sultan un message hautain qu’il fit accompagner de javelots et de deux fers de lance, voulant ainsi lui faire comprendre qu’il n’était pas question de négocier.

En 1589, Ahmed El-Mansour tenta une dernière fois de faire fléchir le Songhai et, après en avoir longuement délibéré avec les plus hautes personnalités religieuses du Maroc, il en arriva à la conclusion que :

« […] la disposition des mines appartient au seul chef de la communauté musulmane et non à d’autres. Personne ne peut donc exploiter une mine sans l’autorisation du Sultan ou de son représentant » (Cité par Pianel, 1953).

Le sultan marocain envoya alors le message suivant à l’Askia :

« Le motif de ce message (Dieu dirige votre voie et fasse de la piété votre compagne !) est de vous informer que la mine de sel de Teghaza (localité de notre empire et placée sous notre juridiction imâmienne) fait partie, comme vous ne sauriez l’ignorer, de l’ensemble des mines sur lesquelles il incombe au Trésor public des Musulmans de percevoir le fructueux haraj401. En conséquence, nous estimons louable et juste [le projet que nous avons formé de] frapper du harâj la mine de Teghaza ; cette redevance se traduira, si Dieu le veut, par un accroissement de profit pour les Musulmans et par un préjudice pour les ennemis de Dieu. Nous imposons donc d’un milqal chacun des chameaux qui y parviendront ou s’y rendront, venant de toutes directions, ou s’y achemineront. Notre dessein est que les sommes ainsi recueillies soient utilisées, s’il plaît à Dieu, pour les expéditions militaires et la guerre sainte : elles seront affectées [en particulier] à la subsistance des armées et des troupes relevant de notre auguste autorité, et que nous aurons disposées pour inquiéter de leurs embuscades l’ennemi de la Religion, ou équipées pour défendre le nom de l’Islam, garder le pays et ses gens. Ces armées sont celles mêmes de Dieu.

Or, s’il vous plaît de convenir « qu’il est juste pour les fils de suivre les traces de leurs pères », sans doute, jugerez-vous naturel d’admettre mon autorité. Je vous invite donc à entendre raison. Dieu même l’ordonne. Reconnaissez ma loi : vous en aurez grand avantage en ce bas monde comme dans l’autre… » (Cité par Pianel, 1953).

Ne recevant pas de réponse, le sultan Ahmed El-Mansour constitua un corps expéditionnaire. Fort de 3 000 hommes, dont 500 renégats chrétiens (As Sa’di402, 1964 : 217) il était formé d’un convoi de 8 000 chameaux et de 1 000 chevaux de bât. Son commandement fut confié à Pacha Jouder, un renégat d’origine espagnole403 dont l’état-major était composé de 11 caïds dont 5 étaient également des renégats404.

Depuis Marrakech, l’armée se dirigea vers Tindouf puis vers Teghaza et Taoudeni. Après 135 jours de marche, elle atteignit le fleuve Niger à l’ouest de Bamba. Puis elle s’ébranla en direction de Gao (carte page XLI).

Le 13 mars 1591, à Tondibi, sur le Niger, les troupes d’Ishaq II furent mises en déroute après avoir subi des pertes terribles405. Gao fut prise mais la ville ne contenait pas les richesses attendues. Des négociations s’ouvrirent alors entre Jouder et l’Askia. En échange de son retrait, le second offrit au premier 100 000 pièces d’or, un tribut de 10 000 esclaves, le versement annuel d’une somme d’argent, le monopole du commerce des coquillages de cauris dans les limites de l’empire songhai, ainsi que celui de l’importation du sel venant du Sahara.

Jouder pensa que ces conditions étaient acceptables ; d’autant plus que son armée étant décimée par les fièvres, il ne voyait pas comment il lui aurait été possible d’occuper l’ensemble des possessions de l’Askia. Il écrivit donc au sultan Ahmed El-Mansour pour lui conseiller d’accepter les propositions du Songhai ; dans l’attente de la réponse du souverain, il installa l’armée à Tombouctou, région où le climat était plus sain qu’à Gao.

Le sultan marocain repoussa les propositions de l’Askia car il voulait sa soumission. Au mois de juin il remplaça Jouder par Mahmoud ben Zarqun, un autre renégat, auquel il donna des ordres très précis et les moyens de les exécuter puisqu’il lui fournit des embarcations démontables afin de pouvoir conquérir le poumon du pays qu’était le fleuve Niger.

Mahmoud ben Zarqun écrasa l’armée songhai cependant que l’Askia se réfugia à Gourma où les habitants le massacrèrent. L’expédition atteignit son but car elle réussit à pénétrer jusqu’aux zones aurifères les plus septentrionales et à envoyer un premier convoi d’or au Maroc.

Dans les années qui suivirent, les quantités d’or arrivant à Sijilmassa paraissent avoir augmenté puisqu’elles pourraient avoir atteint plusieurs tonnes. Cependant, il ne s’agit là que d’estimations reposant le plus souvent sur les déclarations de commerçants, notamment anglais, qui n’étaient pas les témoins directs de l’arrivée des convois et qui ne faisaient que répéter ce que leur disaient leurs correspondants marocains.

L’empire songhai avait vécu et le Maroc créa sur ses décombres le pachalik du Soudan dirigé par un pacha nommé par le sultan406. L’empire de Gao conquis, le Maroc aurait pu espérer voir renaître les anciens circuits commerciaux transsahariens qui avaient fait sa fortune ; or il n’en fut rien et les impôts du pachalik ne compensèrent pas les baisses des flux enregistrées depuis plusieurs décennies. C’est ainsi que de plusieurs tonnes par an, le Soudan ne fournit bientôt plus que le dixième de ce qui arrivait au début du XIVe siècle.

Comme la production se maintenait dans le Bouré, le Lobi et dans les zones secondaires où, bon an mal an, 8 à 9 tonnes étaient produites, le déclin commercial ne dépendait donc pas des causes diagnostiquées par le sultan marocain. Les raisons étaient plus profondes car le Maroc subissait en réalité la concurrence des Turcs et des Européens. L’or du Soudan continuait en effet à arriver sur le littoral méditerranéen, mais dans des régions d’Afrique du Nord sous contrôle turc, via Ghat et Tripoli (carte page XLII), ou bien il était détourné vers le golfe de Guinée sous contrôle européen.

Les Saadiens et la mer

Contrairement à ce qui fut longtemps soutenu, nous savons aujourd’hui que la mer a joué un rôle dans le Maroc ancien407. C’est ainsi qu’il a été démontré que la course salétine est antérieure d’un siècle au moins à l’arrivée des Morisques chassés d’Espagne et notamment des Hornacheros (Bouchareb, 1992) qui ne firent que prendre la suite d’un mouvement existant en l’amplifiant.

La volonté de revenir à la mer fut peut-être une réponse marocaine à la conquête chrétienne de son littoral. Dès le début du XVIe siècle, les corsaires de Tétouan et de Larache attaquèrent ainsi les navires portugais, tant sur la route des Indes que sur celle des Amériques, cette dernière longeant le littoral marocain avant de s’orienter vers l’ouest et les Antilles.

Sous le règne du sultan Moulay Abdallah el-Ghalib (1557-1574), la flotte de guerre marocaine aligna trente navires et durant le règne de son successeur Mohammed el-Moutaoukil (1574-1576), elle en compta dix de plus (Bouchareb, 1992 : 91-93) 408.

À partir de 1609, des Morisques originaires de la ville espagnole d’Hornachos (carte page XLV) s’installèrent dans la kasbah des Oudaïa à Rabat, sur l’estuaire du Bou Regreg. L’année suivante, en 1610, des Andalous fondèrent Salé-la-Neuve où ils constituèrent une sorte de « république corsaire » en partie indépendante du pouvoir royal.

La flotte corsaire marocaine maraudait sur les grandes voies maritimes de l’époque qui passaient au large du Maroc, provoquant de violentes réactions européennes se traduisant par les bombardements périodiques de ports marocains ou par des blocus (Aboualfa, 2003). À partir de 1622, l’audace des corsaires salétins ne connut plus de bornes et leurs navires chassèrent en meute jusque dans la Manche, la mer d’Irlande ou même sur les bancs de Terre-Neuve (carte page XLV).

Les riches Hornacheros finançaient l’armement des navires corsaires de Salé dont les capitaines étaient le plus souvent des Andalous ou des renégats. Parmi ces derniers, Morat-Rais, un Hollandais, fut un des plus redoutables.

À l’époque, la flotte corsaire de Salé était forte de plusieurs dizaines de navires taillés pour la course, fins, rapides, faciles à manœuvrer, mais pouvant également supporter toutes les tempêtes. Le plus souvent, il s’agissait de navires de prise, mais le chantier naval situé au pied de la tour Hassan à Rabat, en construisait également, qu’il s’agisse de brigantins montés par 100 hommes et armés de 10 canons ou des chébecs avec un équipage de 200 hommes et 20 bouches à feu (Aboualfa, 2003).

De retour de campagne, les navires débarquaient prises, cargaisons et captifs. Ces derniers étaient vendus aux enchères publiques. Les prisonniers de qualité étaient libérés contre rançon tandis que les simples marins ou les voyageurs anonymes attendaient parfois des années que des ordres religieux comme celui de Notre-Dame de la Merci aient réuni suffisamment de fonds pour les racheter409 (Cocard, 2007).

En plus de la course, le Maroc fit un important commerce avec l’Europe du Nord. Entre 1549 et 1555, Anvers envoya ainsi trente-quatre navires à Agadir et les firmes anversoises avaient des agents à la fois dans l’intérieur et sur le littoral.

La fin des Saadiens

En 1603, l’épidémie de peste qui endeuillait le Maroc depuis 1588 enleva le sultan Ahmed El-Mansour. Avec lui, la parenthèse de paix et de prospérité fut refermée.

Contenues tant qu’il fut en vie, les forces de dissociation éclatèrent après sa mort (carte page XLIII). Durant les dernières années du règne, l’héritier désigné, Al-Mamoun, avait eu une conduite à ce point débauchée et scandaleuse que son père avait été contraint de le faire mettre en prison. Dès le lendemain de la mort du sultan, ses fils se déchirèrent pour le pouvoir. Le pays subit également une seconde crise maraboutique, des entités religieuses se constituant territorialement et s’opposant les unes aux autres, tout en combattant le peu d’autorité restant aux derniers sultans.

Trois des fils d’Ahmed El-Mansour s’affrontèrent : Moulay Zidane proclamé sultan à Fès ; Abou Faris proclamé sultan à Marrakech et Al-Mamoun qui avait été sorti de prison par ses frères qui se repentirent bientôt de leur geste.

Dans un premier temps, Abou Faris et Al-Mamoun furent alliés contre Moulay Zidane et ils marchèrent sur Fès. Moulay Zidane qui fut vaincu trouva refuge chez les Turcs et Al-Mamoun se proclama sultan de Fès avant de se retourner contre son frère et allié Abou Faris qu’il attaqua à Marrakech. La ville fut prise et les vainqueurs s’y comportèrent comme s’ils eussent conquis une ville ennemie.

Sur ces entrefaites, Moulay Zidane qui avait reconstitué ses forces vint à son tour assiéger Marrakech qu’il réussit à prendre. Al-Mamoun et Abou Faris se réconcilièrent alors, mais Moulay Zidane réussit à prendre Fès. Abou Faris s’enfuit tandis qu’Al-Mamoun trouva refuge en Espagne.

Cette dernière ne pouvait tolérer une telle anarchie à ses portes et elle décida de soutenir Al-Mamoun avec d’autant plus d’arguments que c’était lui que le sultan Ahmed El-Mansour avait désigné pour lui succéder410. Grâce à l’aide espagnole, et en échange de la cession de Larache411 en 1610, Al-Mamoun réussit à reprendre Fès. Le Maroc fut alors coupé en deux puisque deux sultans régnèrent en même temps : Al-Mamoun à Fès et Moulay Zidane à Marrakech.

À Fès, trois sultans saadiens se succédèrent à partir de 1610. Le premier d’entre eux fut Al-Mamoun, assassiné en 1613, le second fut son fils Abdallah al-Mamoun qui régna de 1613 à 1623 dans un climat d’anarchie et de règlements de comptes sanglants. Le troisième fut Abd-el-Malik, le fils du précédent qui régna trois ans, de 1623 à 1626, et qui mourut de la peste. Après sa mort, Ahmed, fils de Moulay Zidane, prit Fès, mais en 1641, la ville tomba au pouvoir des marabouts de Dila (voir page 272).

À Marrakech, trois sultans saadiens se succédèrent également. Moulay Zidane y régna de 1603 à 1618. À sa mort, trois de ses fils s’opposèrent dans une lutte fratricide dont Mohammed al-Asghar sortit vainqueur, mais son pouvoir ne dépassa pas les limites de la ville. Il mourut en 1654 et son successeur, Al-Abbas régna jusqu’en 1659, année de son assassinat. Durant encore dix années la ville connut un climat d’anarchie, puis les Alaouites y rétablirent l’ordre.

Ayant à peine régné durant un siècle, la dynastie saadienne finit donc dans une catastrophe totale. Son bilan est-il pour autant aussi négatif que ce qu’en ont écrit certains auteurs au premier rang desquels Henri Terrasse (1949, tome II : 233) ?

Non, car les premiers Saadiens réussirent à canaliser autour d’eux la réaction nationale et islamique contre le Portugal. De même purent-ils contenir puis écarter le danger turc, suivant avec réalisme une politique d’alliance avec l’Espagne catholique. Avec les Saadiens qui, ne l’oublions pas, héritaient d’une situation déplorable consécutive à l’anarchie wattasside, le redressement fut même réel, suivi par une période de véritable apogée sous le règne du sultan Ahmed El-Mansour.

Les raisons en sont connues et il nous suffira de les rappeler : essor économique résultant de la victoire de la bataille d’el Makhazen, de la conquête de l’empire songhai et de l’essor de la course salétine ; encouragement donné aux lettrés et aux arts par certains souverains saadiens parfois amateurs éclairés ; construction, achèvement ou restauration de mosquées, de médersas ou de bibliothèques. Cependant, le plus important est probablement l’ouverture du Maroc sur le monde, ce qui permit au royaume de recevoir des influences venues d’Europe, de Turquie, d’Andalousie ou même d’Afrique noire et d’en faire la synthèse (Hajji, 1976).

Le siècle saadien fut également une période d’essor urbain et c’est par les villes que se fit le rayonnement culturel de l’époque. Fès et Marrakech dominèrent intellectuellement la période ; Fès durant la première époque de la dynastie et Marrakech durant la seconde. Puis, quand vint la phase du démembrement, de la dislocation, le relais culturel fut pris par des centres jusque-là d’importance relative, notamment Dila et Iligh comme nous le verrons plus loin.

373. Pour tout ce qui concerne la problématique des fronts ibero-musulmans et des alliances de revers en méditerranée occidentale durant le XVIe siècle, il sera nécessaire de se reporter à Andrew Hess (1978), notamment aux chapitres I (The Ibero-African Frontier), IV (Islam Resurgent) et V (The Clash of Empires).

374. Apparentés à la famille du Prophète, ils étaient donc des Chérifs.

375. La confrérie est « une association de musulmans qui, pour mériter la grâce divine, suivent les pratiques particulières édictées par un saint, un thaumaturge ou un savant. La zaouia, à l’origine camp fortifié, est le lieu – sorte de couvent – où se réunissent les membres de ces confréries. On appelle « zaouia-mère » celle où réside le cheikh ou grand maître de la confrérie, zaouias filiales celles qui sont dirigées par les moqaddemin » (Méraud, 1990 : 178-179). Pour l’étude des confréries marocaines, on se reportera à Drague-Spillmann (1951).

376. Adeptes du soufisme, ces fondateurs de zaouias entreprirent de donner une formation religieuse aux populations afin de les conduire sur la voie du mysticisme.

377. Mort en 1465.

378. Signe hautement symbolique qui lui valut l’appui de la confrérie jazoulite, il fit inhumer son père auprès d’el-Jazouli. Désormais, les marabouts allaient soutenir les Saadiens contre les Wattassides. Pour tout ce qui concerne le phénomène mahdiste chez les Saadiens, voir Garcia-Arenal (1993).

379. Durant les règnes des sultans Beni Watta ou Wattassides (1420-1554), Fès entra en décadence, phénomène qui fut accéléré en 1471 par un terrible tremblement de terre qui détruisit partiellement la cité. Aussi, quand les Saadiens s’en emparèrent en 1554, ce n’était plus qu’une ville ruinée qui allait désormais s’effacer au profit de Marrakech sa grande rivale du sud. La marque principale que les Saadiens (1554-1626) imprimèrent à Fès fut essentiellement militaire et ce sont eux qui firent édifier les deux forteresses qui dominent la ville, à savoir les Bordj nord et sud.

380. Ce Corse enlevé à l’âge de cinq ans devint Janissaire. Envoyé à Alger, ses exploits militaires le firent nommé Agha, chef du contingent turc, puis caïd d’Alger. En 1556, alors qu’il mettait le siège devant Oran, Salah Rais, le bey d’Alger mourut et il fut élu par la troupe. Le sultan Suleiman, dit « le Magnifique » (1520-1566), n’accepta pas ce coup de force et il nomma un autre bey. Hassan Corso entra alors en rébellion avant d’être capturé par les forces fidèles au sultan. Torturé durant trois jours, il mourût au mois d’août 1556.

381. Les captifs furent peu à peu rachetés par des religieux qui vinrent spécialement du Portugal pour négocier ces rachats. Quant à Dona Mercia dont le mari avait été tué lors de la défense de la ville, elle fut mariée à Mohammed Ech-Cheikh et mourut en couches en 1544.

382. La citadelle de Mazagan était bâtie sur un îlot facilement défendable, sur lequel les Portugais construisirent une ville qu’ils entourèrent de remparts bastionnés (cinq bastions).

383. Sur le rôle de Madère comme centre secondaire ravitailleur pour Mazagan, voir Frédéric Mauro (1953 : 250-254).

384. Ce système successoral est aujourd’hui celui de la famille régnante en Arabie saoudite.

385. Il participa aux campagnes militaires ottomanes, dont la bataille de Lépante, où il fut fait prisonnier.

386. Le premier souci du vainqueur fut de faire verser aux Turcs la somme qu’il s’était engagé à leur remettre afin de précipiter leur départ. Il n’en conserva qu’un petit contingent, plus les volontaires kabyles de la tribu des Zouaoua, mais il ne tint pas ses promesses concernant le port de Larache.

387. Ou bataille d’Al Ksar el Kebir, ou bataille dite des « Trois Rois ». Voir à ce sujet Berthier (1985), Valensi (1992), Nekrouf (2007) et Lugan (2011). Pour l’étude de la manière dont la bataille est devenue récit et dont la mémoire contradictoire s’en est emparée, voir Lucette Valensi (1992).

388. D’ailleurs, en 1581, Philippe II d’Espagne signera avec les Ottomans un traité par lequel il abandonnera toutes ses possessions africaines, à l’exception de Mers el-Kebir, de Melilla et d’Oran tout en reconnaissant comme possession turque les Régences d’Alger et de Tunis ainsi que la Cyrénaïque et la Tripolitaine.

389. Il s’agit de Moulay Mohammed el-Moutaoukil.

390. Charles-André Julien (1978) parle de 20 000 prisonniers (578-579), ce qui serait un chiffre insolite si nous nous basions sur les seuls effectifs combattants.

391. Ou argolets.

392. Dans ce nombre total figuraient 3 000 renégats selon Luis de Oxeda, soldat portugais qui participa à la bataille (Castries, 1905, tome I : 593). Ces hommes étaient essentiellement des arquebusiers à pied.

393. Les témoins oculaires portugais s’accordent sur les effectifs de l’armée de Sébastien avec quelques différences mineures. Pour le frère Luis de Neto, les Portugais alignèrent 14 000 fantassins armées de piques et d’arquebuses, 2 000 cavaliers et 10 000 serviteurs (Castries, 1905, tome I : 473-474). Selon Luis de Oxedo, les combattants à pied étaient 18 000 (Castries, 1905, tome I : 585-586), quant au duc Duarte de Menezes, maître de camp de l’armée portugaise, il soutenait que les arquebusiers n’étaient que 10 000 et que l’armée comptait 16 000 suivants (Castries, 1905, tome I : 651).

394. Moulay Abd-el-Malek mourut d’intoxication alimentaire après avoir consommé du poisson (Sadik, 1994 : 76).

395. Quand ils reconnurent le cadavre de Mohammed el-Moutaoukil, les Marocains l’écorchèrent, d’où le nom d’el-Mesloukh (l’écorché) qui lui est resté dans l’histoire ; la sanglante dépouille fut bourrée de paille et exhibée dans les principales villes du Maroc.

396. Les autres furent convertis et vinrent grossir les effectifs des renégats qui eurent un rôle essentiel dans les décennies qui suivirent. Pour le Portugal, les conséquences de cette défaite furent dramatiques. Sébastien n’ayant pas d’héritier, le trône du Portugal fut occupé durant deux années par le cardinal Don Henrique, dernier fils du roi Emmanuel le Fortuné. Ce vieillard malade, à demi paralysé, fut impuissant face aux terribles conséquences économiques et politiques de la défaite qui décima la noblesse portugaise et vida le pays de ses cadres. La détresse fut générale et la catastrophe immense. Le cardinal-roi mourut en février 1580 et au mois de juin 1580, l’armée espagnole pénétra au Portugal. Philippe II, oncle de Sébastien annexa ensuite le royaume (Labourdette, 2000).

397. Pour ce qui concerne le rôle des renégats dans le Makzen et plus particulièrement dans l’armée, il sera utile de se reporter au travail particulièrement innovant de Marc-André Nolet (2008). Cependant, même si certains occupèrent de très hautes fonctions tant militaires qu’administratives, en aucune manière se constitua au Maroc l’équivalent des mamelouks égyptiens ou des Janissaires ottomans.

398. Askia était le titre porté par les souverains songhai à partir de 1493 quand arriva au pouvoir la seconde dynastie après celle des Sonni qui s’était achevée avec le règne de Sonni Ali Ber dit le Grand (1464-1492).

399. Selon les traditions, l’empire songhai fut fondé au VIIe siècle par le Berbère Za el-Ayamen qui fuyait la conquête arabo-musulmane de l’Afrique du Nord. Cet empire succéda au Mali et il reprit ses activités commerciales en les centrant sur la boucle du Niger. Le cœur de sa puissance était la ville de Gao située au centre d’un éventail caravanier transsaharien, d’où le nom d’Empire de Gao qui lui est souvent donné. Ses dirigeants furent islamisés au début du XIe siècle sous le règne du roi Jaa Kosoy. À la fin du XIIIe siècle le Mali conquit le royaume de Gao, mais quelques années plus tard, une nouvelle dynastie monta sur le trône, celle des Sonni qui réussit à le libérer. Sous Sonni Ali Ber (1464-1492), la région de Djenné et une grande partie du Macina furent conquis et en 1468, ce fut le tour de Tombouctou (Abitbol, 1979 ; Cissoko, 1996). Le successeur de Sonni Ali Ber fut Mohammed Sarakollé Touré (1493-1528) qui islamisa l’empire mais qui dut faire face au Maroc qui convoitait les salines de Teghaza.

400. Monnaie d’or pesant environ 3,5 grammes sous les Saadiens.

401. Impôt foncier frappant les terres conquises par l’Islam.

402. Abd er-Rahmane ibn Abadallah as Sa’di, qui devint imam de la mosquée de Sankoré à Tombouctou est l’auteur du Tarikh es-Soudan, la principale source concernant cette expédition. Elle fut écrite vers 1650.

403. Natif de Las Cuevas, dans les Asturies.

404. « Le pacha Jouder fut mis à la tête de l’expédition ; il avait avec lui une dizaine de généraux, le caïd Mostafa-el-Torki, le caïd Ahmed el-Harousi-el-Andelousi, le caid Ahmed ben-Haddad el-Amri […], le caid Ahmed ben-Atiya, le caid Ammar el-Fatase le renégat, le caid Ahmed ben Youssef le rénégat, et le caid Ali ben Mostefa le renégat […] Enfin le caid Bou Chiba el-Amri et le caid Bou Gheita el-Amri. Deux lieutenants-généraux commandaient les deux ailes de l’armée, Ba Hasen Friro le renégat l’aile droite et Qâsem el-Andalousi, le renégat, l’aile gauche. (As Sa’adi, 1964 : 217).

405. Selon As Sa’di (1964 : 219), les troupes du Songhai totalisaient 12 500 cavaliers et 30 000 frantassins.

406. Les quatre pachas qui se succédèrent à Tombouctou durant le règne du sultan el Mansour furent des renégats.

407.. Voir notamment Abdelmajid Kaddouri (1992a et 1992b) et Abd el Kader Timoule (1989 et 1992).

408.. Sur la question (Dziubinski, 1972 ; Kaddouri, 1992a et b ; Bouchareb, 1992 ; Bookin-Weiner, 1992 : 163-191).

409.. Par une Bulle pontificale en date du 17 décembre 1198, Saint Jean de Matha et Saint Félix de Valois avaient fondé à Marseille l’Ordre de la Trinité de la Rédemption pour le Soulagement, le Rachat et l’Echange des captifs chrétiens. Le 8 mars 1199, le pape Innocent III écrivit au sultan Abou Youssef Yacoub (1184-1193), lui demandant de bien accueillir les Pères Rédempteurs pour leur première mission. (Chovin, 1957 : 268).

410. En dépit de ses frasques, il lui avait même par deux fois fait prêter serment de son vivant.

411. En 1614, profitant de l’anarchie, les Espagnols débarquèrent à la Mamora, à l’embouchure de l’oued Sebou, d’où ils chassèrent les corsaires avant d’y construire une forteresse.