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CHAPITRE 14
« ÉTOILE DE FEU, miaula Plume Grise. Je voudrais te demander quelque chose. »
Le jeune chef était tapi près de la réserve de gibier. Il venait de voir Poil de Fougère quitter le camp à la tête de la patrouille du soir et prenait maintenant le temps de manger sa part de gibier avant d’emmener une autre patrouille inspecter la frontière du Clan de l’Ombre.
« Bien sûr, répondit-il. De quoi s’agit-il ? »
Plume grise se coucha près de son ami mais, avant qu’il ait le temps de parler, Nuage d’Or sortit à grands pas de la tanière des anciens, tête et queue hautes tandis qu’elle se dirigeait vers le tunnel d’ajoncs. Ses yeux de jade étincelaient de colère. Nuage Épineux la suivit, un tas de mousse serré entre les mâchoires. Il semblait soucieux.
« Nuage d’Or ! lança Étoile de Feu. Que se passe-t-il ? »
Il crut que l’apprentie allait l’ignorer, mais elle finit par se tourner vers lui.
« C’est Petite Oreille ! feula-t-elle. Il parle comme s’il cherchait à se faire arracher la fourrure à coups de griffes…
— Tu ne devrais pas dire de telles choses d’un ancien, la tança son chef. Petite Oreille a bien servi le Clan en son temps, et nous devons le respecter.
— Et s’il commençait par me respecter, moi ? lâcha l’apprentie, si furieuse qu’elle semblait avoir oublié à qui elle parlait. J’étais un tout petit peu en retard pour changer les litières, et Petite Oreille a dit qu’Étoile du Tigre n’avait jamais voulu aider les anciens lui non plus, et qu’il voyait que j’allais mal tourner, comme mon père ! expliqua-t-elle en grattant le sol sablonneux de ses griffes comme si elle imaginait les plonger dans la fourrure de l’ancien. Ce n’est pas la première fois qu’il raconte ce genre de choses. Je ne vois pas pourquoi je devrais le supporter sans rien dire ! »
Entre-temps, Nuage Épineux les avait rejoints, posant à terre la mousse qu’il portait dans la gueule.
« Tu sais très bien que les articulations de Petite Oreille lui font mal par temps froid, miaula le jeune chat.
— Tu n’es pas mon mentor ! feula-t-elle. Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire.
— Calme-toi, Nuage d’Or », intervint Étoile de Feu. Il aurait voulu la convaincre que personne ne pensait qu’elle deviendrait une traîtresse et un assassin, comme son père, mais il savait que ce n’était pas tout à fait vrai. « Tu te débrouilles très bien en tant qu’apprentie, et tu deviendras une grande guerrière. Tôt ou tard, le Clan s’en apercevra.
— C’est ce que je lui ai dit, coupa Nuage Épineux, avant de se tourner vers sa sœur. Nous devons prouver que nous ne sommes pas comme Étoile du Tigre. C’est la seule façon de montrer au Clan que nous sommes loyaux.
— Certains le savent déjà », ajouta Plume Grise, et Nuage Épineux le remercia d’un regard.
La colère de Nuage d’Or semblait apaisée, mais elle brillait encore un peu dans ses yeux verts. Sur un signe de tête, elle prit la direction du tunnel d’ajoncs et lança par-dessus son épaule :
« Je vais chercher de la mousse fraîche. »
Nuage Épineux attendit qu’elle soit partie et dit :
« Je suis désolé, Étoile de Feu. Mais Nuage d’Or a le droit d’être furieux.
— Je sais, le rassura le rouquin. S’il est de bonne humeur, j’en toucherai deux mots à Petite Oreille.
— Merci, Étoile de Feu », souffla Nuage Épineux en s’inclinant, avant de ramasser sa mousse et de partir rejoindre sa sœur.
Le jeune chef suivit du regard les deux apprentis d’un air inquiet. Il devait voir Petite Oreille, et le plus vite possible. Ce n’était pas en reprochant aux deux apprentis les méfaits de leur père que le Clan s’assurerait de leur loyauté.
Il se souvint soudain que Plume Grise voulait lui parler.
« Bon, raconte-moi tout, miaula-t-il en se tournant vers son ami.
— C’est à propos de mes petits, confia Plume Grise. Depuis l’Assemblée, je n’arrête pas de penser à eux. Comme Patte de Brume et Pelage de Silex n’y étaient pas, je n’ai pas pu leur demander de nouvelles. Mais maintenant qu’Étoile du Tigre a pour ainsi dire pris le contrôle du Clan de la Rivière, je suis sûr qu’ils sont en danger. »
Étoile de Feu prit une bouchée de campagnol qu’il mastiqua pensivement.
« Je ne vois pas pourquoi ils seraient plus en danger que les autres chats, répondit-il en déglutissant. Étoile du Tigre voudra sans doute s’assurer que tous les apprentis deviennent des combattants forts. »
Plume Grise n’eut pas l’air convaincu.
« Mais Étoile du Tigre sait qui est leur père, fit-il remarquer. Et il me déteste. J’ai peur qu’il reporte sa haine sur Nuage de Plume et Nuage d’Orage. »
Étoile de Feu comprit que son ami avait peut-être raison.
« Et que veux-tu faire ? lui demanda-t-il.
— Je voudrais que tu m’accompagnes de l’autre côté de la rivière et qu’on les ramène au Clan du Tonnerre, avoua-t-il, nerveux.
— Tu as perdu la tête ? Tu demandes à ton chef de violer le territoire du Clan de la Rivière et d’y kidnapper deux apprentis ?
— Vu comme ça, bien sûr… miaula le guerrier gris.
— C’est pourtant ce que tu proposes ! » répliqua Étoile de Feu.
Il tentait de dissimuler à quel point il était choqué, mais le plan de Plume Grise ressemblait par trop au crime que Plume Brisée avait commis jadis lorsqu’il avait volé des chatons. Si Étoile de Feu donnait son accord et que le Clan de la Rivière le découvrait, cela lui donnerait une bonne raison d’attaquer le Clan du Tonnerre. Sachant que le Clan de l’Ombre se joindrait à lui, Étoile de Feu ne pouvait prendre un tel risque.
« Je savais que tu refuserais de m’aider, soupira Plume Grise avant de lui tourner le dos et de s’éloigner, la queue basse.
— Je veux bien t’aider, Plume Grise, le rappela Étoile de Feu. Il faut qu’on y réfléchisse ensemble. » Tandis que son ami revenait vers lui, le guerrier roux poursuivit : « Tu ne sais pas si tes enfants sont en danger. Ils sont apprentis, maintenant, ce ne sont plus des chatons. Ils ont le droit de décider de leur avenir. Et s’ils veulent rester dans le Clan de la Rivière ?
— Je sais, fit Plume Grise. Ne t’inquiète pas, Étoile de Feu. Je comprends qu’il n’y ait rien que tu puisses faire.
— Ce n’est pas ce que j’ai dit. » Malgré ce que lui dictait sa conscience, Étoile de Feu ne pouvait en rester là. Son camarade remua les oreilles, plein d’espoir, et le jeune chef continua : « Imaginons qu’on y aille discrètement, juste toi et moi, pour s’assurer qu’ils vont bien… Si c’est le cas, alors tu n’auras plus à t’inquiéter. Sinon, je leur dirai que, s’ils le souhaitent, le Clan du Tonnerre est prêt à les accueillir. »
Les yeux jaunes de Plume Grise s’illuminèrent.
« C’est parfait, merci, Étoile de Feu. On pourrait y aller maintenant ?
— Si tu veux. Laisse-moi le temps de finir ce campagnol. Va dire à Tornade Blanche que le camp est sous sa responsabilité. Mais ne lui dévoile pas où nous allons », ajouta-t-il.
Tandis que Plume Grise filait vers le gîte des guerriers, le jeune chef finit d’une bouchée son repas et se passa un coup de langue sur le museau. Le guerrier gris revint aussitôt et les deux amis se dirigèrent vers le tunnel.
Soudain, une silhouette sombre et familière en sortit.
« Nuage de Jais ! se réjouit Étoile de Feu. Quelle bonne surprise !
— Je suis content de te retrouver, répondit le matou noir en collant sa truffe à celles d’Étoile de Feu et de son camarade. Plume Grise, voilà des lunes que je ne t’ai pas vu ! Comment vas-tu ?
— Très bien. Quant à toi, un seul regard suffit à comprendre que tu mènes la belle vie, le railla-t-il en admirant la fourrure noire et brillante du nouveau venu.
— Je voulais rendre hommage à Étoile Bleue, expliqua Nuage de Jais. Tu m’en avais donné la permission, Étoile de Feu.
— Bien sûr, répondit le rouquin, qui sentait Plume Grise trépigner tant il avait hâte de partir. Nuage de Jais, tu veux bien aller voir Museau Cendré ? Elle te mènera là où on a enterré Étoile Bleue. Plume Grise et moi devons partir en mission.
— On se croirait de retour au bon vieux temps ! s’esclaffa Nuage de Jais. De quoi s’agit-il ?
— On va jeter un œil sur mes enfants, dans le territoire du Clan de la Rivière, lui apprit Plume Grise. Je m’inquiète pour eux, maintenant qu’Étoile du Tigre a pris le contrôle. »
L’expression stupéfaite de Nuage de Jais rappela à Étoile de Feu qu’il ne savait rien des derniers événements survenus dans la forêt. En quelques mots, il lui rapporta les paroles qu’Étoile du Tigre avait prononcées lors de la dernière Assemblée.
« Mais c’est une catastrophe ! feula leur ancien camarade. Est-ce que je peux vous aider ? Je pourrais vous accompagner. »
Ses yeux pétillaient. Étoile de Feu comprit que le solitaire était excité à l’idée de partir à l’aventure. Comme il avait changé ! Il n’avait plus rien de l’apprenti nerveux jadis tourmenté par son mentor, Griffe de Tigre.
« Entendu, conclut-il, son instinct lui disant que la présence de Nuage de Jais à leur côté serait un atout. Nous sommes contents que tu viennes avec nous. »
Tandis qu’il filait dans la forêt suivi de ses deux plus vieux amis, Étoile de Feu fut submergé par des souvenirs de l’époque où ils s’entraînaient côte à côte, où ils chassaient ensemble, en tant qu’apprentis. Pendant un instant, il put même s’imaginer que ce temps était revenu, qu’il s’était débarrassé de ses responsabilités comme un arbre perd ses feuilles, et qu’il avait retrouvé sa jeunesse et son insouciance.
Mais son esprit le ramena brusquement à la réalité. Il était chef de Clan désormais, il ne pouvait donc échapper aux devoirs qui le liaient à ses guerriers.
Le temps qu’Étoile de Feu et ses amis atteignent l’orée de la forêt, le soleil était descendu bien bas dans le ciel. Le jeune chef fit signe aux deux autres de rester en retrait, puis se faufila dans les sous-bois pour observer la rivière.
Il s’arrêta devant le passage à gué, où des roches émergées constituaient le chemin le plus facile pour accéder au territoire du Clan de la Rivière. Tandis qu’il observait l’eau grise et glaciale, il sentit une forte odeur de chats, à la fois du Clan de la Rivière et du Clan de l’Ombre. Une patrouille cheminait sur l’autre rive. Ils étaient trop loin pour qu’Étoile de Feu puisse les identifier, mais il ne voyait pas les fourrures bleu-gris de Patte de Brume et de Pelage de Silex.
Il ne put s’empêcher d’être déçu. Si l’un de leurs deux amis s’était tenu là, Plume Grise aurait pu prendre des nouvelles de ses enfants et la mission n’aurait pas été plus loin. Ils n’avaient d’autre choix que de pénétrer en territoire ennemi.
Étoile de Feu savait qu’il risquait le tout pour le tout. Si jamais on découvrait qu’un chef de Clan avait violé le territoire d’un Clan adverse, il aurait de gros problèmes. Mais il devait le faire pour son ami.
Plume Grise le rejoignit à tâtons.
« Que se passe-t-il ? demanda le matou. Pourquoi on s’arrête là ? »
Étoile de Feu inclina ses oreilles vers la patrouille. L’instant d’après, cette dernière disparaissait parmi les roseaux et leur odeur se dissipa peu à peu.
« C’est bon, annonça le jeune chef. Allons-y. »
Il passa en premier, sautant de pierre en pierre au-dessus des eaux vives et sombres. Il repensa à l’inondation de la mauvaise saison passée, lorsque Plume Grise et lui avaient failli se noyer en sauvant deux des petits de Patte de Brume. Étoile du Léopard s’était empressé d’oublier cet épisode. Tout comme elle avait oublié que les deux guerriers du Clan du Tonnerre avaient aidé les félins affamés du Clan de la Rivière en leur apportant du gibier chassé sur leur propre territoire.
Mais cela ne servait à rien de ressasser tout ça. Lorsqu’il sauta sur la rive opposée, il fila se cacher entre les roseaux et s’assura une fois encore qu’aucun ennemi ne se trouvait dans les parages. Il ne percevait dans l’air que des traces du passage de la patrouille.
À pas menus, il se dirigea vers le camp ennemi, Plume Grise et Nuage de Jais le suivant de près, aussi silencieux que des ombres.
Soudain, la brise lui apporta une autre odeur. Étoile de Feu s’arrêta, les moustaches frémissantes. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il reconnut la puanteur de la charogne : non loin, de la viande pourrissait depuis des jours et des jours, tant et si bien que la pestilence empoisonnait l’air ambiant.
« Berk ! Qu’est-ce que c’est que ça ? » feula Nuage de Jais, oubliant la discrétion de mise.
Étoile de Feu ravala la bile qui lui était montée à la gorge.
« Je n’en sais rien. J’allais dire un terrier de renard, mais je ne sens aucun renard, admit le chef.
— Ça empeste en tout cas ! râla Plume Grise. Allez, Étoile de Feu, il faut qu’on avance avant qu’on nous trouve.
— Non. Je sais que nous sommes venus pour tes enfants, mais tout cela est bien trop étrange. Il nous faut enquêter. »
Devant eux, à quelques longueurs de queue, un ruisseau venait se jeter dans la rivière. Étoile de Feu s’enfonça dans les roseaux pour remonter son cours. La pestilence empirait à chaque pas et, sous la puanteur de la charogne, il commença à discerner l’odeur de nombreux chats, un mélange entre le Clan de l’Ombre et celui de la Rivière, comme la patrouille qu’il avait aperçue. Il fit une halte et d’un signe ordonna à ses amis de l’imiter. Il entendit alors des bruits venant d’un peu plus loin : le bruissement des roseaux mêlés à des voix de chats.
« C’est étrange, soupira Plume Grise. Le camp se trouve de l’autre côté… »
D’un mouvement de la queue, le rouquin lui intima le silence. Au moins, la puanteur masquerait leur odeur et leur permettrait de rester cachés.
Sur le qui-vive, Étoile de Feu reprit sa progression jusqu’à ce que les roseaux soient trop éparses pour le dissimuler. Arrivé à la lisière d’une clairière, il s’avança aussi loin que possible et observa la scène.
Il dut serrer les mâchoires pour réprimer un cri d’indignation. Le ruisseau courait d’un côté de la clairière, ses eaux stagnaient presque à cause des restes de gibier abandonnés dans son lit où ils pourrissaient. Des chats étaient tapis sur la rive, dépeçant leurs proies. Mais ce n’était pas ce qui avait provoqué la colère d’Étoile de Feu.
En face de lui, à l’autre bout de la clairière, se dressait un énorme tas d’ossements. Ils brillaient comme des branches éclairées par les dernières lueurs du jour – des os de musaraigne pas plus gros qu’une dent, mêlés à d’autres aussi gros que des os de cuisses de renards ou de blaireaux.
Le sang d’Étoile de Feu se figea dans ses veines. Il crut un instant revivre son rêve. Il se rappela le sang qui avait jailli du monticule, et n’eut qu’une envie : fuir à toutes jambes. Son cauchemar était devenu réalité. Couché au sommet de la butte sinistre, la fourrure noire tachetée contrastant avec les ossement blanchis par le soleil, trônait Étoile du Tigre, le chef du nouveau Clan du Tigre.
Étoile de Feu resta caché. Il devait découvrir ce que tramait son ennemi. Plume Grise et Nuage de Jais le rejoignirent en rampant. Le pelage de Nuage de Jais s’ébouriffa et Plume Grise réprima un haut le cœur.
Une fois le choc de la découverte passé, Étoile de Feu étudia la scène attentivement. Le monticule n’était composé que d’os de proies, et ne comptait pas d’ossements de chats, au contraire de son rêve. À son pied, d’un côté, se tenait Patte Noire, le lieutenant du Clan de l’Ombre. Et de l’autre, Étoile du Léopard. Le regard de cette dernière balayait nerveusement la clairière. Étoile de Feu se demanda si elle regrettait ce qui était arrivé aux siens. Son désir de renforcer son Clan l’avait aveuglée, et elle devait découvrir seulement maintenant la vraie nature d’Étoile du Tigre. Mais quels que soient les sentiments de l’ancien chef du Clan de la Rivière, elle ne pouvait plus revenir en arrière.
« Je ne vois pas mes enfants », murmura Plume Grise dans un souffle à l’oreille de son ami.
Patte de Brume et Pelage de Silex manquaient eux aussi à l’appel. En fait, la plupart des chats présents appartenaient au Clan de l’Ombre, même si Étoile de Feu aperçut Griffe Noire et Gros Ventre, deux guerriers du Clan de la Rivière. Les guérisseurs des deux Clans n’étaient nulle part en vue, et le jeune chef se demanda ce qu’il devait en penser.
Trop choqué pour agir, il n’avait toujours pas bougé lorsque Étoile du Tigre se leva. Quelques petits os dégringolèrent du monticule. Dans la lumière crépusculaire, les yeux du guerrier tacheté étincelèrent, et il lança un cri de triomphe :
« Chats du Clan du Tigre, approchez-vous de la Colline Macabre pour une assemblée. »
Aussitôt, les félins dispersés dans la clairière s’exécutèrent, la tête basse en signe de respect. D’autres sortirent des roseaux.
« Il a dû construire cette colline pour avoir son propre Promontoire, souffla Nuage de Jais. Comme ça, il peut regarder son Clan de haut. »
Le chef ennemi attendit que tous ses guerriers se soient assis puis annonça :
« Le temps du jugement est venu. Qu’on amène les prisonniers ! »
Étoile de Feu échangea un regard perplexe avec Plume Grise. Où Étoile du Tigre avait-il trouvé des prisonniers ? Avait-il déjà lancé une attaque contre le Clan du Vent ?
Selon les ordres d’Étoile du Tigre, un guerrier du Clan de l’Ombre – Crocs Pointus, un des anciens chats errants de Plume Brisée – disparut dans les roseaux. Il revint un instant plus tard, traînant un autre chat derrière lui. Étoile de Feu ne reconnut pas tout de suite le guerrier gris, maigre, à la fourrure négligée, et dont une oreille déchirée saignait abondamment. Puis, lorsque Crocs Pointus le poussa au milieu du cercle de chats au pied de la Colline Macabre, Étoile de Feu le reconnut : Pelage de Silex !
Sentant Plume Grise se crisper près de lui, il avança une patte pour lui faire comprendre qu’il ne devait pas trahir leur présence. Les oreilles de Plume Grise frémirent, mais il resta immobile et silencieux, les yeux rivés sur la clairière.
Les roseaux s’écartèrent une nouvelle fois. Étoile de Feu reconnut tout de suite le chat qui en émergea, le pelage lisse et la tête haute et fière. C’était Éclair Noir. Le traître ! pensa son ancien chef, bouillant de colère.
D’autres félins le suivirent peu après : un guerrier du Clan de l’Ombre guidait deux chats de petite taille, l’un rayé gris argent, l’autre au pelage gris épais et uni. Ils étaient aussi maigres que Pelage de Silex et avançaient d’un pas hésitant dans la clairière. Pressés l’un contre l’autre à l’ombre de la Colline Macabre, ils regardaient autour d’eux avec des yeux écarquillés par la peur.
Un frisson glacé tétanisa les muscles d’Étoile de Feu. Les deux jeunes chats n’étaient autres que Nuage de Plume et Nuage d’Orage, les enfants de Plume Grise.