La fillette regarda autour d’elle avec prudence. Dans la grotte où elle venait de naître, il n’y avait personne. Elle sentait vaguement qu’il aurait dû y avoir au moins une femme, qu’elle aurait appelée « maman », mais non.
Tout était sombre, cependant la grotte semblait confortable, le sol était souple, et elle apercevait au loin un peu de lumière.
Attirée, elle se mit à ramper dans cette direction.
Elle poussa un cri :
— Aaaah !
Il y avait eu comme un tremblement de terre !
Elle se figea. Est-ce qu’un danger guettait quelque part ?
Plus rien ne bougeait… Méfiante quand même, elle recommença à progresser.
La lumière venait de deux longs tunnels, comme une paire de jumelles qui permettait de voir dehors.
Contrairement à la grotte, qui était très sombre, l’extérieur était plein de couleurs : du vert, du brun, du rouge, du jaune, du bleu azur.
— C’est beau…
La fillette ne savait pas encore que ça s’appelait des feuilles, des troncs, des fleurs, le ciel… Elle sentit un petit coup de fatigue, sa vue se brouilla, elle mit son pouce dans la bouche et s’endormit. Il faut dire qu’elle n’était encore qu’un nouveau-né et avait besoin de beaucoup de sommeil.
Quand elle se réveilla, elle avait grandi, et le paysage, au bout des jumelles, avait changé. Elle voyait des montagnes avec du blanc sur les sommets, des gens tout petits qui s’affairaient, un homme en train de creuser un bloc d’argile en forme de bol…
— Et si je faisais pareil ? dit-elle à voix haute. Ça me distrairait.
D’un geste, elle créa un bloc d’argile, et au lieu de le creuser comme l’homme, elle malaxa la terre.
Elle put ainsi façonner des choses plus fines : des vases, des gobelets, des assiettes…
Elle avait inventé la poterie !
Dehors, le paysage changea encore, et elle aperçut une femme qui travaillait à croiser des fils sur un appareil très simple. Elle dessina dans l’air la forme de ce qu’elle voyait, mais en plus grand et plus complexe. Un vrai métier à tisser.
Elle se fit aussi de la laine et, reproduisant le travail de la femme, la tissa. Pourtant, elle n’arriva pas au même résultat. Sans qu’elle sache pourquoi, son tissu était plus beau, plus souple, plus brillant et plus doux. Elle se douta alors qu’elle était différente de ceux qui peuplaient le monde du dehors.
— Et si je décorais ce tissu ? Ce serait plus joli.
C’est ainsi qu’après le tissage, elle inventa la broderie.
Les jumelles, qu’elle ne pouvait pas contrôler, se tournèrent ensuite vers un autre endroit, où un paysan bêchait la terre.
— Ça paraît dur. Que pourrais-je trouver pour l’aider ?
Elle imagina alors la charrue. Le paysan y attellerait un bœuf, et celui-ci ferait la moitié du travail.
Concevoir de nouveaux outils lui plut, et elle décida que ce serait sa mission : donner un coup de main à tous ceux qui s’agitaient sur la terre.
Le problème était : comment, puisqu’elle était enfermée loin d’eux ?