2 – Le Furieux

À son nouveau réveil, la fillette découvrit dans ses jumelles une branche d’olivier couverte de feuilles d’un gris argenté et de fruits noirs. L’arbre était vieux, solide, admirable !

Elle décida :

— Je vais me mettre sous la protection de l’olivier, parce qu’il est fort, vaillant et riche d’espoir. J’en ferai cadeau aux humains, je suis sûre que les olives leur plairont… Oh ! qu’est-ce qu’il y a sur la branche ? Une toute petite chouette. Une chevêche ! Tu es marrante, comme ça, la tête dans les épaules. On dirait que tu réfléchis !

La fillette songea qu’elle avait raison, la chouette : il fallait réfléchir avant d’entreprendre quelque chose, c’était la sagesse même !

— Moi aussi, il me faut la sagesse, décida-t-elle. La chouette deviendra mon emblème.

Elle se mit alors à analyser tout ce qu’elle voyait. Les jumelles magiques se tournaient d’un côté et de l’autre, avançaient, reculaient, renouvelant sans cesse le paysage. Elle remarqua soudain un être étrange, comme un humain très très grand. Et aussi très beau. Sauf qu’il avait un visage dur, des yeux méchants, et qu’il était très agité. Il jeta sa lance contre le tronc de l’olivier en criant à pleins poumons :

— Raaah !

Une telle hargne fit peur à la fillette. En plus, il allait abîmer son arbre !

Une seule chose lui plaisait, chez cet individu, c’était ce qu’il portait sur la tête : une coque en métal jaune ornée d’un grand panache.

À cet instant, elle entendit une voix qui venait de quelque part sous sa grotte :

— Arrête, Arès ! C’est insupportable ! Tu ne rêves donc que de combats ?

Le jeune homme répliqua avec insolence :

— Fiche-moi la paix, père ! Tu seras bien content de m’avoir quand il faudra se battre !

Et il se mit à exécuter une danse guerrière en poussant des cris rauques et en agitant ses armes d’un air menaçant.

Il y eut dans les souterrains d’en bas comme un soupir.

Sans savoir qui habitait sous sa grotte, la fillette lui donna raison : ce dénommé Arès était vraiment agressif. Elle articula pensivement :

— Il serait prudent que j’aie les mêmes armes que lui pour me protéger…

Aussitôt, elle se créa une plaque de métal (en or, c’est tout ce qu’elle savait faire) et lui donna une forme arrondie. Puis elle planta dessus un joli panache de plumes.

Parfait.

Ensuite, une lance. Plus fine et élégante que celle d’Arès.

Pour vérifier que l’arme volait bien, elle l’envoya de toutes ses forces contre un mur.

La grotte sembla vaciller. On aurait dit que ses parois étaient sensibles aux chocs ! Bizarre…

Elle continua néanmoins à s’entraîner. Elle voulait devenir aussi forte que ce déplaisant guerrier pour se défendre et défendre ceux qui seraient attaqués.

Elle se mit alors à inventer des scènes. Par exemple :

— Quoi ? J’entends une femme appeler, courons à son secours !

Comme elle était seule, elle faisait tous les rôles : l’attaquant (qu’elle se représentait toujours sous les traits du « Furieux »), l’attaqué (un malheureux humain), et elle, la protectrice des faibles.

Un homme criait :

— À moi, un voleur m’attaque !

Elle répondait :

— Ne crains rien, pauvre mortel, j’arrive !

Elle se précipitait, et l’agresseur suppliait :

— Aïe ! Cesse de frapper, déesse, je t’en supplie, je me rends !

Tiens ? Pourquoi imaginait-elle qu’il l’appelait « déesse » ?