Quand Athéna rentra à l’Olympe raconter à Zeus le succès de sa mission, il savait évidemment déjà tout. En revanche, il remarqua :
— Où est ta lance ?
Elle rougit. Elle ne voulait pas parler de son aventure avec Arachné, car un dieu ne s’abaissait pas à se disputer avec un mortel. Elle préféra dire :
— J’étais trop petite quand je l’ai fabriquée, elle n’était pas assez solide, elle s’est cassée.
— Hum…, grommela Zeus, ne la croyant qu’à moitié… et même pas du tout, puisqu’il avait vu la scène. Il faut t’en procurer une autre. Va demander à Héphaïstos de t’en forger une.
Athéna eut un mouvement de recul :
— Héphaïstos… Celui qui m’a libérée de ton crâne ? Il me fait un peu peur.
C’était plus que ça : elle se souvenait très bien qu’il avait parlé de l’épouser.
Zeus, lui, n’y pensa pas. Il répondit :
— J’admets, il est franchement moche, cependant c’est le meilleur forgeron. À part les Cyclopes mais, ceux-là, ils t’effrayeraient encore plus.
Athéna soupira. Allons-y pour Héphaïstos. Elle prit son courage à deux mains…
Le dieu de la métallurgie vivait dans une grotte à l’écart du monde, et il ne voyait jamais personne. Aussi, il fut ravi :
— Que me vaut le plaisir de ta visite, jolie petite déesse ?
— Zeus m’envoie te demander une lance solide.
Héphaïstos la gratifia d’une grimace qui devait être un sourire et répondit :
— Solide, évidemment ! Mais fine et jolie aussi, pour rendre hommage à ta beauté.
Bien que vaguement flattée, Athéna resta méfiante, et, pour lui rappeler de se tenir à l’écart, elle dit :
— Tu exagères, dieu forgeron, je ne suis encore qu’une FILLETTE. Que voudrais-tu en paiement ?
— Rien du tout, jolie déesse. Je la forgerai pour l’amour de toi. Reviens demain, elle sera prête.
Athéna était trop jeune pour saisir le double sens de ses paroles. Elle était soulagée que tout se soit bien passé et qu’Héphaïstos se soit juste montré aimable.
Le lendemain, elle revint donc pleine de confiance.
La lance était magnifique, plus belle que ce qu’elle avait imaginé. Elle sauta de joie.
Tout heureux, Héphaïstos la serra dans ses bras.
— Eh ! Qu’est-ce que tu fais ? s’étonna Athéna.
— Rien, comme tu vois, grimaça-t-il en l’embrassant goulûment.
Ça la dégoûta, et elle le repoussa avec tant de violence qu’il tomba lourdement en arrière.
À cet instant, il se passa une chose étonnante. Dans sa chute, Héphaïstos avait ébranlé le sol, et Gaïa, la déesse de la terre, en surgit, choquée :
— Qu’est-ce qui t’arrive, Héphaïstos ?
Le dieu boiteux désigna Athéna d’un air furieux :
— C’est sa faute ! Elle m’aguiche, et après elle me repousse.
— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
— Elle a mis exprès sur son visage de l’ambroisie qui la rend encore plus jolie et dégage un parfum enivrant… Après, elle s’étonne que ça m’ait enivré !
Athéna protesta :
— Je l’avais mise juste pour être jolie et sentir bon, comme toutes les déesses. Pas pour t’encourager à je ne sais quoi !
Gaïa se moqua :
— Regarde-toi, Héphaïstos. Es-tu un pauvre petit dieu étourdi par un simple parfum, de plus celui d’une ENFANT ?
Héphaïstos leur dévoila alors l’étonnante vérité :
— C’est à cause de Poséidon. Il m’a appris que, même si tous les dieux lorgnaient sur elle, c’est moi qu’elle préférait, et qu’elle attendait que je lui fasse la cour.
Athéna en resta suffoquée. Gaïa, elle, soupira :
— Mon pauvre Héphaïstos, Poséidon t’a fait une blague. Je vais lui dire deux mots, à ce chenapan !
Et elle disparut.
Se retrouvant seule avec le dieu forgeron, Athéna se sentit un peu honteuse :
— Pardonne-moi, Héphaïstos, je n’aurais pas dû me montrer aussi brutale.
L’air boudeur, le dieu forgeron grommela :
— C’est ma faute, je suis trop crédule.
Elle eut pitié et tenta de se rattraper :
— Non mais je t’aime bien, Héphaïstos, c’est juste que je ne veux pas me marier, tu comprends ? J’ai trop de travail chez les mortels, trop de choses à leur enseigner.
Il hocha la tête, rouge de confusion.
Ils crurent que l’affaire était réglée, ils n’imaginaient pas que quelque chose de grave s’était produit.