13 – Les fils maudits de Gaïa

On se demande bien pourquoi Gaïa avait refusé d’élever Érichthonios, car la ribambelle de gosses qu’elle mit ensuite au monde n’était franchement pas réussie. Ils avaient eux aussi une queue de serpent à la place des jambes mais, en plus, c’étaient des géants. Et vraiment pas marrants ; rien à voir avec le caractère enjoué et amical d’Érichthonios.

Les Olympiens découvrirent l’existence de ces charmants individus brutalement, en voyant un matin leur horizon bouché par des montagnes entassées les unes sur les autres. Et au sommet, les Géants en armes.

En guise de salutation, ceux-ci les bombardèrent aussitôt de torches – dont chacune était un tronc de chêne – et de pics entiers de montagnes ! Et comme ils encerclaient l’Olympe, on ne pouvait même plus s’échapper !

Chez les Olympiens, ce fut le branle-bas de combat.

Athéna était découragée. Dire que depuis un moment, malgré les petites histoires et les rancœurs entre dieux, on avait globalement la paix !

Quant à persuader les Géants de renoncer à se battre, c’était perdu d’avance. Il fallut donc s’armer.

 

Seul Arès le Furieux, celui qu’on appelait « le destructeur de cités », « le buveur de sang », fut content. Il voulait faire oublier sa fuite devant Typhon. Malgré tout, il prit ses précautions pour ne pas combattre seul : il embaucha comme écuyers Terreur et Épouvante, les démons de la brutalité et de la destruction, et s’allia avec les pires déesses – Discorde, Meurtre et Mort Violente.

Ça promettait de beaux jours !

Le héraut chargé de commenter les événements clama de sa plus puissante voix :

— Ôôôô sort funeste, instants terribles qui voient de nouveau s’affronter les dieux !

Athéna l’arrêta :

— Cesse de brailler une minute, il faut que je parle à mon père.

Il ravala son discours. Pourtant il en avait préparé un beau, avec trémolos dans la voix et tout !

Athéna trouva le roi des dieux sur son trône, le menton dans la main, abattu.

— Dis-moi, les Géants étant fils de Gaïa, ils sont immortels, non ?

— Hélas…, soupira Zeus.

— Dans ce cas, pour les vaincre, tu dois les rendre mortels.

Zeus se redressa et la considéra avec intérêt :

— Tu as raison ! Pour ça, il y a l’herbe miraculeuse.

Athéna bondit de joie :

— Allons vite la cueillir !

Zeus reprit son air accablé :

— Hélas, pour en trouver assez, il faudrait beaucoup de temps. Or on ne peut la cueillir que pendant la nuit.

Athéna se fâcha :

— Enfin, papa, secoue-toi ! Pour rester plus longtemps avec Alcmène, tu as bien trouvé une idée !

— Ah… Oui…

Mais Zeus avait apparemment plus d’imagination pour tromper Héra que pour gagner les guerres. Pour finir, il réagit :

— Bonne idée ! Je vais faire pareil, je vais étirer la nuit en longueur.

Pas d’une folle imagination, cependant ça pouvait marcher.