Chapitre Vingt

— Vous avez de la chance que cela ne soit pas pire, le gronda Sophie.

Jack lui jeta un regard glacial.

— J’essayais simplement de vous aider, se défendit-elle.

— Par Dieu, je vous en prie ! Ne nous aidez plus !

— Mais cela me fait plaisir ! protesta-t-elle.

Quelle entêtée.

Il avait beau admirer sa force de caractère, ses mains douloureuses affirmèrent sa résolution. C’était à son tour de grimacer tandis qu’elle retirait des échardes de ses mains – de bonnes grosses échardes bien épaisses. Il lui décocha un regard sévère.

— Plus jamais, Sophia, vous comprenez ? Ne nous aidez plus !

Elle était assise face à lui sur son bureau, lui retirant les échardes, grimaçant tout en travaillant.

— Je suis désolée, dit-elle avec un soupir. C’est entièrement de ma faute.

Jack était bien d’accord, mais il n’ajouta rien. Il était clair en la voyant qu’elle se sentait déjà suffisamment coupable comme cela.

— Je suppose que mon éducation ne m’a pas préparée au monde en général.

Il lui sourit, adoucissant ses propos insultants par un clin d’œil.

— Vous vous débrouillez bien pour une petite fille riche et gâtée.

Sophie émit un petit rire autodénigrant qui pinça le cœur de Jack.

— Vous savez, dit-il d’un ton plus sobre en la regardant dans les yeux, le simple fait que vous vous soyez retroussé les manches pour nous aider dépasse largement ce à quoi je m’attendais de votre part.

Sophie haussa les épaules.

— Comme vous l’avez fait remarquer... Je n’ai pas vraiment été d’une grande assistance.

— Ne soyez pas si dure envers vous-même, Sophia.

Sophie ne pouvait pas s’en empêcher.

Elle avait l’impression qu’elle ratait tout ce qu’elle entreprenait. Elle s’était crue si bien éduquée parce qu’elle dirigeait à la perfection la maison de ses parents. En vérité, elle craignait presque à présent d’entreprendre quoi que ce soit. Seul l’entêtement la poussait à continuer. Elle refusait de se laisser abattre par des tâches subalternes. Elle était déterminée à être utile à Jack, à devenir un membre à part entière de son équipage... pour se rattraper pour les dégâts qu’elle avait causés. La majeure partie de ses recherches avaient été détruites. Quelque part, elle devait expier sa faute. Peut-être pourrait-elle redessiner les croquis ?

C’était dans ses cordes.

Elle se dirigea vers la vasque, se saisit du savon et d’un linge de toilette qu’elle jeta dans l’eau avant de ramener la vasque vers le bureau, songeant toujours à ses recherches. La plupart des pages, quoiqu’abîmées, avaient survécu. Elle serait capable de les reconstituer pour lui.

Elle savonna le linge et l’appliqua sur sa main qu’elle nettoya avec précaution.

— C’est douloureux ? demanda-t-elle d’une voix pleine d’inquiétude.

— Oui ! s’écria-t-il.

— Je suis désolée, lui offrit-elle franchement, avant d’adoucir ses gestes.

Les dessins de Jack avaient été assez bons pour lui donner une vision des objets qu’il avait essayé de représenter. Elle se mettrait à l’ouvrage dès que possible.

Et puis... tout était de la faute de Jack : c’était la première fois qu’elle se retrouvait mêlée à tant de désastres. Il représentait une distraction terrible. Elle avait jusque-là vécu une existence très réservée, ne s’adonnant à rien qui ne soit entièrement convenable. Elle ignorait tout de la cuisine ou du ménage, et des autres tâches ménagères que ses parents avaient confiées à des employés. Elle n’avait jamais levé le petit doigt ne serait-ce que pour éteindre la lumière. Les serviteurs s’étaient chargés de tout. Si d’aventure elle s’endormait la lumière allumée, un livre à la main, ils étaient toujours là pour souffler la bougie.

Et à présent qu’elle avait enfin l’opportunité de faire des choses par elle-même, pour prouver qu’elle n’avait besoin de personne, elle était d’une maladresse incroyable et mettait les autres en danger avec ses efforts pitoyables.

Elle avait vraiment l’impression d’être une ratée.

Elle ne pouvait pas reprocher à Jack de lui interdire de les aider. Elle ne lui en voudrait réellement pas s’il l’enfermait dans sa cabine et lui retirait tout ce qui aurait pu lui permettre de causer plus de tort. Elle ne pouvait même pas lire sans compromettre la sécurité de tout le monde. Comment pouvait-elle se croire suffisamment responsable pour travailler aux côtés de Jack ?

Elle avait simplement envie de faire ses preuves.

Elle cligna soudain des paupières, regardant Jack, frappée par ce à quoi elle venait de penser.

Comment puis-je me croire suffisamment responsable pour travailler aux côtés de Jack ?

Elle déglutit, mal à l’aise, certaine qu’elle devait être folle pour entretenir une idée pareille.

Mais elle l’avait pourtant pensé.

Elle passa le linge frais et mouillé sur ses mains, mais les yeux de Jack semblaient plonger dans les siens, les scrutant. Il la regarda comme s’il essayait de lire dans ses pensées, et Sophie s’agita sous son examen attentif.

Savait-il ce qu’elle pensait ?

La trouvait-il bête ?

Son cœur s’emballa à nouveau face à l’intensité de son regard.

— Je suis à présent sûr d’une chose, lui dit-il.

Sophie s’arrêta alors de respirer, craignant que ses secrets aient tous été révélés dans la profondeur de ses yeux.

Que savait-il ?

Les yeux étaient supposément le miroir de l’âme, et si c’était vrai, alors le cœur de Sophie était un livre ouvert. Son père lui avait toujours dit qu’il pouvait deviner ses pensées simplement en la regardant dans les yeux.

Que cela soit vrai ou pas, elle avait bel et bien l’impression que son père lisait tout.

Elle avait presque peur d’interroger Jack, et elle se prépara mentalement à la révélation que Jack avait eue.

— Laquelle ?

Il lui sourit, et ses yeux verts étincelèrent comme les émeraudes les plus pures, débordant de jovialité.

— Vous ne ronflez pas, affirma-t-il avec certitude.

L’espace d’un instant, cet aveu inattendu la prit par surprise.

Sophie n’en avait jamais douté, mais elle se rendit compte qu’il essayait de la faire sourire et elle parvint à le contenter.

Quelle canaille !

— Vous êtes absolument insupportable ! lui dit-elle en essayant de contenir son hilarité.

— Vous n’êtes pas la première à me le dire, lui assura-t-il, visiblement sans remords. Et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que vous m’en accusez.

— Oui, et je vous assure que c’est toujours vrai !

— Ah oui ?

Ses yeux brillaient d’allégresse, ruinant l’effet de ses protestations.

— Eh bien, vous n’êtes pas une partie de plaisir non plus, Mam’selle Vanderwahl !

Sophie lui coula un regard entendu.

— Je peux me tromper, Mr. MacAuley, mais j’ai l’impression que vous me cherchez.

Comme un enfant que l’on venait de surprendre à dérober des friandises, il lui adressa un sourire qui le fit ressembler trait pour trait à un adorable petit garçon.

— Peut-être vous trompez-vous ? suggéra-t-il, la taquinant.

Il haussa les sourcils.

Son air agressif fit rire Sophie.

— Je crois que vous avez été un sacré petit garnement ! lui dit-elle, songeant qu’elle aurait aimé le connaître à l’époque.

— Absolument, lui accorda-t-il.

— Je n’en doute pas une seconde ! acquiesça volontiers Sophie.

Elle se demanda comment les provocations de Jack lui permettaient de trouver de la force en elle et lui remontaient le moral.

Ils partagèrent un moment de détente, avant qu’il ne baisse les yeux vers sa main.

— N’appuyez pas trop fort dessus, hein ?

— Oh !

Sophie sursauta et lui lâcha la main.

— Je vous propose un marché..., négocia-t-il.

Elle laissa retomber le linge dans la vasque et attendit qu’il lui présente sa suggestion.

— Prenez soin de ne causer aucun dégât pendant le reste du voyage et je vous promets de vous autoriser à préparer notre premier petit déjeuner lorsque nous débarquerons.

Sophie lui répondit d’un sourire, ravie qu’il accepte de lui accorder une seconde chance. Puis elle eut le souffle coupé. Il était vraiment très beau... particulièrement lorsqu’il ne la poignardait pas du regard. Elle aurait pu passer sa vie entière à le regarder dans les yeux.

— Marché conclu ?

— Marché conclu, accepta-t-elle.

— Il ne nous reste plus qu’une semaine. Vous pensez pouvoir y arriver ?

Elle comprit qu’il jouait avec elle.

— Bien entendu ! s’exclama-t-elle, feignant d’être vexée.

— C’est valable à partir de maintenant, l’informa-t-il.

Elle lui jeta les bras autour du cou, tant par gratitude que pour le prier de s’arrêter.

— Chut, lui ordonna-t-elle en regardant son visage qu’illuminait un sourire.

Elle lui donna un léger baiser sur les lèvres quand il voulut reprendre la parole, puis murmura :

— Merci !

Il redevint immédiatement sérieux, son sourire s’estompant, et il réalisa soudain ce qu’elle venait de faire.

Son cœur s’emballa.

Elle essaya de se dégager, mais il lui encercla la taille du bras, l’en empêchant.

— Non, murmura-t-il d’un ton suppliant.

Et Sophie sentit soudain le cœur de Jack marteler contre sa poitrine quand il la serra contre lui... ou peut-être était-ce le sien. Elle n’en savait rien.

Elle eut le souffle coupé quand il inclina la tête pour l’embrasser à nouveau.

— Sophia, murmura-t-il d’un ton rauque comme pour lui dire de l’arrêter.

Elle n’en avait aucune envie.

Il ferma les yeux et le cœur de Sophie virevolta quand les lèvres de Jack vinrent parfaitement s’ajuster aux siennes.

Sa bouche était fantastique et Sophie n’avait jamais rien désiré davantage...

Elle s’ouvrit à lui, anticipant sa langue en retenant son souffle. Quand elle la sentit effleurer ses lèvres, douce, chaude et sucrée, elle offrit la sienne sans se faire prier, sans hésitation... avec un abandon total.


Jack n’avait jamais rien goûté d’aussi doux.

Il n’avait jamais vu des lèvres trembler aussi joliment.

Il n’avait jamais senti le goût du paradis sur une langue.

Il n’avait jamais autant accueilli une étreinte.

Il voulait quelque chose qu’il savait ne jamais pouvoir posséder, mais il était décidé à prendre ce qu’elle voudrait bien lui donner. Elle n’était peut-être pas amoureuse de Penn, mais elle restait la fiancée d’un autre homme. Ce qu’elle lui offrirait d’elle lui serait vite retiré, mais il ne se sentait pas coupable de prélever sa part. Jack n’était pas assez honorable pour tourner les talons et quitter la seule femme qui ait jamais fait battre son cœur au point d’en être douloureux... qui pouvait le faire sourire, éveiller en lui des sensations qu’il n’avait jamais ressenties.

Il s’écarta pour contempler son visage, voulant la voir. Ses joues étaient rosies, ses yeux, d’un or profond, embrumés de passion. En cet instant, il aurait pu tout lui prendre et elle l’aurait donné sans protester ; il le savait d’instinct.

Et il avait désespérément envie de découvrir sa saveur.

Il pouvait lui donner du plaisir et se satisfaire... et elle resterait pratiquement intacte...

Ou il pouvait tourner les talons et continuer à rêver pour le reste de sa vie.

Il savait que le choix lui appartenait.

Il choisit de rester.

— Sophia, murmura-t-il en se penchant pour l’embrasser sur la gorge.

Elle laissa rouler sa tête sur le côté et son odeur, excitante, le tenta au-delà de toute raison. Il sentit son corps se contracter, se durcir. Il ouvrit la bouche contre la gorge de Sophie et la mordilla doucement, l’entendant gémir d’un plaisir fiévreux. Le son enivrant de sa passion le remplit d’une satisfaction intense.

— J’ai envie de vous, lui dit-il avec une honnêteté féroce.

Une brûlure lente s’insinua en lui, avivée par ses pensées les plus primaires, et il croisa son regard, voulant qu’elle observe le moindre de ses mouvements... qu’elle le regarde agir. Si elle voulait qu’il s’arrête, un simple mot de sa part et il le ferait.

Il l’embrassa à nouveau sur la gorge, la mordillant plus doucement, puis il lui embrassa la poitrine par-dessus ses vêtements. Quand elle ne l’arrêta pas, il referma une paume sur son sein et colla sa main à cette douceur captivante, appelant la sensation de sa peau dénudée sous ses lèvres.

Sophie poussait de petits gémissements.

Elle ferma les paupières et laissa sa tête basculer en arrière, sans volonté, le laissant agir à sa guise.

Son corps ne lui appartenait plus.

Il savait où et comment la toucher, et elle n’aurait pu l’arrêter même si elle en avait eu l’intention.

Mais ce n’était pas le cas.

C’était ce qu’elle avait souhaité toute sa vie sans le savoir... ou l’avoir rencontré.

Il l’embrassait si lascivement... la mordillant doucement... comme si elle était pour lui un festin de roi...

Il s’agenouilla soudain devant elle, la serrant contre lui, et elle poussa un cri choqué quand les lèvres de Jack entrèrent en contact avec sa poitrine... suivies par ses mains. Et elle eut subitement le souffle coupé quand il déposa un baiser dans la vallée de ses seins, laissant sa langue glisser jusqu’à un endroit où personne ne l’avait encore jamais embrassée.

Sophie était délicieusement scandalisée.

Sa peau picotait de plaisir et elle leva une main vers sa tête, l’encourageant à lui en donner davantage. Elle savait d’instinct que c’était possible... qu’il pouvait le faire, et elle le désirait de toutes les fibres de son être.

Ses lèvres effleurèrent ses seins, les embrassant et les mordillant doucement, et le cœur de Sophie fit un bond contre ses côtes. Elle eut vaguement conscience qu’il soulevait l’ourlet de sa robe, ses doigts lui caressant légèrement le mollet. Il continua à le retrousser... et lui embrassa le ventre... descendant jusqu’à sa cuisse... Sa langue lui caressa l’intérieur de la cuisse et Sophie ravala l’objection qui lui brûlait les lèvres.

Son cœur battait férocement.

Les doigts de Jack effleurèrent les boucles à la jointure de ses cuisses et elle poussa un cri choqué qui était trop mêlé d’allégresse pour sonner comme une protestation. Instinctivement, s’accrochant à un lambeau de pudeur, elle serra les cuisses, mais pas assez pour l’arrêter. Cela ne servit qu’à intensifier la sensation... et à piéger sa main entre ses cuisses.

Il remua son doigt, caressant son endroit le plus délicat.

— Oh, mon Dieu ! s’exclama-t-elle, sentant ses yeux se révulser d’un plaisir si aigu qu’il en devenait presque douloureux.

Elle se renversa alors sur le bureau, se soutenant sur des bras tremblants, de peur de s’évanouir. La pièce devint floue et elle avait seulement conscience de l’homme niché de façon si intime entre ses cuisses.

Il leva alors la tête vers elle, ses yeux verts irradiant de ce qui ressemblait à de... la faim.

— Écartez les jambes pour moi, Sophia.

Cette demande fit bondir le cœur de Sophie, mais elle était incapable de le lui refuser. Il l’implorait du regard et elle voulait lui donner tout ce qu’il désirait... tout. Elle ravala les protestations qu’elle aurait pu lui opposer.

Elle lui obéit, les jambes tremblantes, et il la récompensa du sourire le plus diaboliquement satisfait que Sophie ait jamais vu. Il fit frémir son ventre d’anticipation.

— C’est ça, petite fleur, l’encouragea-t-il. Ouvrez-vous à moi.

Il l’aguicha... à cet endroit... et l’intensité de la sensation qui explosait là où il posait ses doigts coupa net la respiration de Sophie.

— Jack ! s’écria-t-elle, cherchant son regard.

Ses yeux brillaient comme des joyaux. Il ne s’arrêta pas. Il poursuivit sans pitié, ses doigts dansant magiquement, faisant naître les sensations les plus délicieuses qu’elle ait jamais ressenties de toute sa vie.

— Oh, mon Dieu ! s’écria-t-elle à nouveau, se disant qu’elle allait mourir. Jack ! souffla-t-elle.

Cela aurait pu sonner comme une protestation, mais son corps se cambra vers lui, l’encourageant. Ses jambes s’écartèrent d’elles-mêmes, s’ouvrant à lui comme une fleur au soleil.

Sa tête se renversa en arrière et sa respiration tressauta quand il souleva sa robe davantage.

Et alors elle ressentit quelque chose de si délicieusement immoral qu’elle aurait voulu pousser un cri d’extase. Sa bouche vint remplacer ses doigts... sa langue se mouvant sur elle avec une telle précision que Sophie crut que son cœur allait s’arrêter de battre. Sa langue dansa là où ses doigts l’avaient aguichée. Puis il la suçota et Sophie se dit qu’elle ne pouvait plus le supporter. Incapable de parler, elle cria grâce.

Elle tomba en arrière quand un doigt glissa doucement à l’intérieur de son corps, la caressant jusqu’à lui faire perdre la raison. Puis quelque chose éclata soudain en elle et elle poussa un cri d’une joie si intense qu’elle pouvait à peine la contenir.

Elle l’entendit haleter en retour et sentit son ardeur tandis qu’il continuait de la dévorer.

Son propre cri d’extase résonna comme un écho à ses oreilles. Allongée sur son bureau, Sophie n’avait conscience que de deux choses... non, trois...

D’abord, elle ne s’était jamais sentie aussi chérie de toute sa vie, même si elle savait que c’était une illusion, une rémanence de l’intensité de son plaisir.

Ensuite, elle semblait lui avoir donné quelque chose qu’il désirait désespérément, car il continuait à l’embrasser doucement sans paraître vouloir s’arrêter.

Enfin... manifestement, sa plume s’était encastrée dans son épine dorsale... mais elle n’avait cure qu’elle l’empale tout du long.

Pour le moment, elle flottait dans les nuages.