Jack demeura à contempler les rideaux bien après qu’elle les eut tirés.
Aussi ridicule que puisse paraître cette idée, il enviait la pile de papiers qu’elle serrait contre elle d’un air si protecteur.
Il pouvait voir sa silhouette se détacher sur les rideaux de fortune, un miracle permis par les lanternes qu’elle avait allumées à l’autre bout de la pièce. Elle était blottie dans son hamac, occupée à lire les documents posés sur ses genoux.
Il ne put s’empêcher de la regarder tandis qu’il accrochait son propre hamac et se préparait au coucher... et il se demanda si Penn savait quel trésor il possédait en la personne de Sophie.
Il était quasiment certain qu’elle n’espionnait pas pour le compte de Penn, et si c’était le cas, il doutait qu’elle trouve quoi que ce soit dans ces rapports que Penn n’aurait pas immédiatement rejeté. L’homme était étroit d’esprit. Jack ne risquait rien en la laissant les lire et ses positions n’étaient pas non plus secrètes. Mais il ne voulait plus continuer à croire qu’elle était de mèche avec Penn.
Elle était incontestablement entêtée, et sans aucun doute la femme la plus enquiquinante qu’il ait jamais rencontrée. D’ailleurs, s’attirer des ennuis semblait être une seconde nature chez elle. Et puis elle avait un tempérament volcanique. À tort ou à raison, elle campait sur ses positions dès qu’elle se sentait menacée, et il se demanda si elle était toujours comme cela, ou seulement avec lui. Quoi qu’il en soit, il admirait ces qualités. Elle n’était pas une demoiselle évaporée qui s’évanouissait ou invoquait un malaise lorsqu’un homme haussait la voix. Et elle ne lui donnait pas l’impression d’être une menteuse ou même une tricheuse. Ses émotions étaient bien trop évidentes sur son joli visage.
Son expression quand il l’avait appelée « petite fleur » lui disait qu’elle avait compris où l’avaient entraîné ses pensées... et plus encore, qu’elle entretenait les mêmes. Sa réaction l’avait amusé. Elle avait écarquillé les yeux et l’avait regardé d’un air effaré pendant un instant avant de décamper pour se dissimuler de son côté du rideau.
Mais elle n’était pas allée bien loin.
Il avait fait de son mieux pour oublier qu’un simple drap les séparait.
Il éteignit la lumière et grimpa dans son hamac, déplorant de n’être pas assez gentleman pour tourner le dos afin de ne plus la voir. Le fait était qu’il n’était absolument pas un gentleman, n’avait jamais affirmé en être un, alors il l’observa sans le moindre soupçon de culpabilité...
Enfin, peut-être juste un peu.
Il était certain que ce n’était pas l’attitude la plus morale que de rester allongé à la regarder, mais c’était elle qui avait exigé de partager sa chambre, pas le contraire. Si cela ne lui plaisait pas, elle était libre de partir...
Mais il devinait qu’avant qu’elle ne songe à regagner sa cabine endommagée, il faudrait qu’elle se rende compte qu’il pouvait voir absolument tout ce qu’elle faisait, tous ses mouvements derrière le rideau... chaque fois qu’elle écartait ses cheveux de son visage... chaque fois qu’elle tournait une page... chacune de ses inspirations.
Sa poitrine se souleva et il l’entendit soupirer.
Bien entendu... il ne pouvait pas l’en informer parce qu’il savait que cela l’embarrasserait... peut-être était-il un gentleman après tout...
Il décida que ce qu’elle ignorait ne pouvait pas lui faire de mal dans ce cas.
Mais c’était diablement douloureux pour Jack.
Il l’observa, le corps serré, et son sang se mit à bouillir.
Oui, c’était plus douloureux pour lui que pour elle.
Et c’était sans doute la chose la plus déshonorable qu’il ait jamais faite... quoi que...
Il y avait cette jeune fille mexicaine qui l’avait séduit lors de son premier voyage au Yucatan... la fille de son guide. L’homme lui avait offert pour la nuit un lit dans sa maison avant qu’ils ne partent dans la jungle. Son père dormait dans la même pièce, ignorant tout des tentatives de sa fille. Elle s’appelait Maria. Jack ne l’oublierait jamais.
C’était aussi la première fois qu’il avait fait des galipettes dans un hamac, une activité délicate. Mais il savait à présent comment faire, et il aurait donné n’importe quoi en cet instant pour se retrouver dans l’autre hamac... en compagnie de Sophie.
Il cligna des paupières, regardant la silhouette qui se blottissait davantage au creux du hamac, les genoux pliés pour caler les papiers qu’elle lisait. S’endormait-elle ? Ou essayait-elle simplement de se mettre à l’aise ? Était-elle concentrée sur les rapports qu’elle lisait... ou osait-il espérer qu’elle pensait à autre chose ?
Il ne pouvait s’empêcher de songer à elle.
De la désirer.
De se souvenir de sa saveur.
Il tenta de se reprendre. Il y était contraint. Son corps était trop douloureux et ses pantalons trop serrés. Par égard pour elle, il dormait toujours à moitié habillé et s’assurait de s’éveiller avant elle pour se vêtir avant qu’elle ne puisse le surprendre torse nu. Mais en cet instant, il avait besoin d’être nu... besoin qu’elle soit nue, elle aussi... avait besoin de sentir sa peau contre la sienne, douce et chaude. Il avait besoin de humer l’odeur de sa peau, de la toucher.
Par le Christ, son désir lui faisait perdre la tête !
Il saisit son membre, désireux de sentir une pression.
C’était un piètre substitut pour ce qu’il désirait vraiment.
Sa peau était brûlante. La sueur perla à son front. Sa bouche était aussi sèche que le sable du désert.
La tête de la silhouette tomba en arrière, sa chevelure se répandant sur le hamac. Une main tomba sur le côté. Il l’entendit pousser un autre soupir et le désir planta ses crocs dans ses reins, faisant croître sa fièvre. Puis il la vit mettre les papiers de côté et s’allonger immobile dans le hamac, observant le plafond pendant un très long moment, ses seins s’élevant et retombant au rythme de sa respiration.
Ses mouvements étaient exagérés par le rideau, ses seins lourds et fièrement rebondis appelant ses lèvres.
Dieu, il voulait poser sa bouche sur sa chair tendre, voulait sentir ses mamelons se durcir contre sa langue, voulait les suçoter doucement et les taquiner entre ses dents.
Il n’avait jamais désiré une femme de la sorte.
Il n’avait jamais autant lutté pour se contenir.
Puis elle fit quelque chose de terriblement érotique, et le choc manqua le projeter à bas de son hamac.
Elle porta une main à son sein... une caresse d’abord hésitante... puis avec la main ouverte comme si elle écoutait le battement de son cœur à travers ses doigts.
Son propre cœur martelant sans retenue contre ses côtes, il s’abandonna à la renverse dans son hamac, son corps tendu et rigide, l’observant avec une délicieuse excitation.
Il lui sembla que cela faisait une éternité que sa main était immobile sur son sein... assez longtemps pour que Jack ressente une pointe de culpabilité de vouloir qu’elle glisse et se referme sur ce renflement de chair qu’il aurait désespérément voulu toucher en personne.
Il pria pour voir bouger sa main, désireux d’en faire l’expérience, même à distance.
Et alors qu’il croyait Sophie endormie, sa main bougea... se referma doucement sur son sein. Le cœur de Jack faillit jaillir hors de sa poitrine. Il retint son souffle, se rendant alors compte que sa main était toujours enroulée autour de sa verge. Elle palpitait entre ses doigts et il serra machinalement le poing, coulissant légèrement ses hanches en arrière, incapable de se refuser cet instant de plaisir.
Il la vit alors lever à nouveau la main pour caresser la pointe de son sein, oscillant doucement d’avant en arrière.
Il la contempla en retenant son souffle.
Que Dieu lui vienne en aide, il était à deux doigts de perdre la raison.
Une partie de lui le pressait de parler, de lui dire qu’il était éveillé, qu’il en voyait bien davantage qu’il n’était permis, mais les mots restèrent accrochés dans sa gorge et rien ne sortit de ses lèvres soudainement desséchées.
Elle tourna alors la tête de côté, et sa main remonta vers son autre sein, le caressant à son tour, et Jack se dit qu’il allait exploser de désir. Par la Sainte Vierge, il n’aurait jamais pu dire quoi que ce soit pour l’arrêter.
Il serait insensé de se donner du plaisir en sa présence, mais il n’avait plus l’esprit clair...