Chapitre Vingt-Trois

Le doux roulis de l’océan berçait le hamac de Sophie, l’appelant au sommeil. À l’extérieur de la fenêtre de la cabine, les vagues chantaient une ravissante berceuse. Jack avait laissé les volets ouverts sur la nuit et l’air était torride et chaud, presque séducteur. Il soufflait une brise légère et langoureuse qui embrassait sa peau et s’emmêlait dans ses cheveux comme des doigts invisibles.

Bonne nuit, petite fleur, l’entendit-elle murmurer à nouveau, allongée dans sa couche.

Sophie ferma les yeux et essaya d’oublier, mais le souvenir de ses caresses était physiquement douloureux. Sa peau était en feu, presque enfiévrée, et elle savait instinctivement pourquoi. Ce matin-là, Jack lui avait montré les summums de plaisir que son corps pouvait atteindre, et aucun déni n’aurait pu effacer ce souvenir.

Son parfum imprégnait la pièce, parlant à son corps comme le murmure d’un amant.

Comme ça, petite fleur... ouvrez-vous à moi...

Elle frissonna en entendant l’écho de sa voix à son oreille, s’imaginant qu’elle était réelle. Ses mains l’avaient touchée avec une telle maîtrise, comme s’il comprenait son corps et savait ce qu’il désirait. Ses paroles l’avaient séduite, l’empêchant de ressentir de la honte, tandis que son contact lui avait procuré un plaisir si intense qu’elle avait cru mourir.

Elle ne s’imaginait pas Harlan la touchant de la sorte... ne voulait même pas y songer. Elle n’avait jamais rêvé qu’un homme lui fasse le genre de choses qu’elle avait permises à Jack, et elle n’aurait jamais voulu partager cette expérience avec une autre personne... jamais. C’était Jack qu’elle voulait... Jack de qui elle était en train de tomber amoureuse.

Cet aveu lui serra légèrement le cœur.

Elle ne semblait pas capable de s’en empêcher, de se retenir d’imaginer vivre à ses côtés.

Elle n’avait jamais ressenti cela pour Harlan, même au début. Harlan ne lui avait jamais coupé le souffle d’un seul regard, ni fait frémir son corps par le simple son de sa voix. Son cœur n’avait jamais aspiré à sa présence.

C’était différent avec Jack.

Tout est différent avec Jack.

Son corps appelait douloureusement son contact... son esprit s’aventura à des pensées innommables... des pensées qu’elle n’aurait jamais cru pouvoir entretenir.

Elle ferma les yeux et un frisson de désir la traversa. Elle voulait l’embrasser comme lui l’avait fait... voulait lui rendre le plaisir qu’il lui avait donné...

Elle aussi voulait goûter au corps de Jack.

Serait-il choqué de découvrir ses lèvres à cet endroit ? Alarmé ? Cela lui provoquerait-il le même plaisir qu’à elle ? Le permettrait-il ? D’ailleurs, à quoi cela ressemblait-il ? Elle fronça les sourcils en y songeant. Elle n’avait jamais vu un homme dévêtu et n’avait même jamais laissé son imagination s’aventurer dans cette direction choquante.

Mais il l’avait savourée... avec un plaisir manifeste... et cela lui avait laissé une curiosité brûlante...

Cette pensée la fit haleter.

Son cœur se mit à battre furieusement quand elle osa lever la main vers son sein, le prenant doucement dans sa paume. Elle avait besoin qu’il la prenne... la touche... la caresse...

Oserait-elle ?

Le pouvait-elle ?

Personne ne le saurait jamais. Il était tard et Jack dormait depuis longtemps. Elle n’avait entendu aucun son en provenance de son côté de la pièce depuis des heures. Elle taquina son sein avec sa paume, considérant ses pensées outrageuses. Son corps désirait quelque chose que seul Jack pouvait lui donner, elle le savait, mais sa curiosité l’enflammait également.

Rien n’aurait pu l’arrêter... rien... hormis sa conscience.

Baissant le bras, elle saisit l’ourlet de sa robe, la retroussant sur ses cuisses. Elle glissa sa main entre ses jambes, puis se figea, incapable de se toucher à l’endroit où elle le désirait le plus.

Le silence hurlait autour d’elle.

Son cœur martelait si fort qu’il résonnait dans la pièce. Elle savait qu’il allait le réveiller, car il battait si fort à ses propres oreilles qu’elle pouvait à peine entendre autre chose. Elle retint son souffle, tendant l’oreille pour entendre celui de Jack.

— Jack, dit-elle doucement.

Elle ne savait pas si c’était un appel à l’aide ou si elle voulait simplement savoir si d’aventure il était toujours éveillé... l’observant...

Elle en eut soudain l’intuition... même si le rideau était tiré entre eux et qu’elle avait la quasi-certitude qu’il était endormi.

Pourtant, cette pensée fit courir des frissons brûlants sur sa peau.

Pendant un très long moment, Jack ignora comment répondre. Il avait besoin de se soulager et sa respiration se fit difficile.

Devait-il faire semblant d’être endormi ?

Devait-il répondre ?

Il ouvrit la bouche pour tenter de lui répondre, mais rien n’en sortit.

— Jack ? murmura-t-elle, avec plus d’urgence cette fois.

Il força les battements de son cœur à se calmer et s’éclaircit la gorge doucement, pour qu’elle ne l’entende pas. Mais il n’aurait rien pu dire, même si sa vie en avait dépendu.

— Jack ? insista-t-elle. Dormez-vous ?

Il réfléchit un instant à la question, s’en amusant quelque peu, et réprima l’envie de lui lancer une réponse désinvolte. Si elle réalisait qu’il était éveillé durant tout ce temps, il savait qu’elle aurait honte – qu’elle sache qu’il était en mesure de la voir ou non. Et clairement, s’il était endormi, il n’était pas en mesure de répondre.

Apparemment, elle décida qu’il dormait, et Jack ressentit un pincement de culpabilité à l’idée de la tromper.

Poussant un léger soupir, elle se cala à nouveau dans le hamac, pressant ses mains ensemble comme pour les forcer à rester sages.

Il l’imita, se réprimandant en silence.

Sans grand succès, il essaya de repousser les images qui le tourmentaient... sa main sur son sein... le caressant... et il fut forcé de se reprendre à nouveau.

Il était bien trop excité.

Bon sang.

Elle était si proche et pourtant si lointaine. Elle était là, à l’autre bout de la pièce, mais elle ne lui appartenait pas. Il n’avait pas le droit de la séduire... ou même d’essayer.

Mais il en avait envie.

Plus encore : il en avait besoin.

Il aurait pu trouver une douce libération entre ses propres mains, mais aucune satisfaction, et il rejeta la pensée qu’il avait entretenue à peine quelques instants auparavant. Il désirait Sophie... et pas simplement quelques moments de plaisir.

Il voulait s’enfoncer dans son corps magnifique... voulait savoir ce qu’il ressentirait à l’intérieur d’elle, pulsant... donnant... prenant.

Un frisson le traversa quand la silhouette se remit en mouvement...

Il entendit un soupir lui échapper et vit son corps se cambrer, et le corps entier de Jack devint rigide d’anticipation. Il reconnut ce son, il savait ce dont elle avait besoin et également qu’elle ressentait l’envie de l’atteindre.

Il voulait le lui offrir.

Mais il n’osait pas bouger.

Ce qui l’en empêchait était le simple fait qu’elle appartenait à un autre, et il l’appréciait assez pour ne pas la perturber. Mais la pensée que Penn la touche était intolérable – ou tout autre homme, d’ailleurs.

Elle leva à nouveau la main vers son sein, le caressant, mais sans douceur cette fois. Ses doigts l’étreignirent et elle gémit doucement. Son propre corps palpita en rythme. Il la regarda en retenant son souffle tandis qu’elle retroussait sa robe et que sa main glissait une fois de plus entre ses cuisses magnifiques qu’il se rappelait si bien... si douces...

Sa senteur était enivrante... Elle avait le goût de l’ambroisie...

Un nouveau gémissement... Il enviait ces longs doigts délicats et la danse qu’ils interprétaient.

Il s’assit dans son hamac, attiré malgré sa résolution de rester calme. Dans l’ombre, le corps de Sophie se releva, ses seins se cambrant davantage. Ce spectacle le subjugua. Elle se mit à gémir doucement et il lui fallut convoquer toute sa volonté pour s’empêcher d’aller la rejoindre.

Il ferma les yeux et se dit que ce n’était qu’un rêve... un beau rêve entêtant, mais quand il les rouvrit, son cœur fit un bond puissant.

Par le Christ, il ne pouvait plus le supporter. C’était intolérable.

Il la désirait.

Le rideau était si proche... la silhouette était magnifiée... ses contorsions étaient si sensuelles...

Il n’avait jamais rien vu d’aussi beau.

Il n’avait jamais rien ressenti d’aussi incroyablement érotique.

Il tendit la main, la refermant sur le vide alors qu’il cherchait la rondeur de ses seins. Son cœur vibrait d’un désir si intense qu’il en était presque douloureux. Elle essayait d’être discrète, mais ses petits halètements remplissaient ses oreilles et durcissaient son corps au point qu’il était certain qu’il allait se briser en deux.

Elle trouva enfin son plaisir, poussant un petit cri, son corps frémissant de façon tangible, et Jack ne put que rester immobile, la regardant, l’écoutant... tandis qu’elle poussait un soupir repu et se laissait retomber dans le hamac.

Bien après que sa respiration se fut stabilisée et que son corps se fut immobilisé, il demeura assis, incapable de bouger, à peine capable de respirer.

Son corps était douloureux, mais il refusait de se soulager... pas après avoir vu la passion dont elle était capable.

Il la désirait elle et personne d’autre.

Diable, il n’allait pas se contenter de moins.

Mais il ne pouvait pas l’avoir et il le savait bien. Alors il se rallongea dans son hamac, amer et rancunier, entretenant à nouveau l’idée d’étrangler Penn. Il essaya de se focaliser là-dessus... ses mains autour de la gorge délicate de Penn, espérant glaner une certaine mesure de satisfaction de cette pensée ignoble... mais au lieu de cela, il imagina la peau satinée sous la camisole de Sophie.

Poussant un grondement de frustration, il se passa la main dans les cheveux, tirant douloureusement dessus, et demanda grâce.

— Doux Jésus, murmura-t-il avec ferveur. Tuez-moi tout de suite.