Chapitre Vingt-Cinq

Il en resta sans voix.

Par le Christ, il ne savait pas s’il devait rire ou se jeter par-dessus bord pour mettre fin à ses souffrances.

Elle descendit les marches à la va-vite, vêtue de la paire de pantalons la plus moulante qu’il ait jamais vue de sa vie. Son joli petit derrière se trémoussait délicieusement au rythme de sa descente et il ravala le sarcasme qu’il lui avait réservé.

Les mains sur les hanches, elle se tourna vers lui, les joues joliment colorées, ses yeux ambrés pétillants de colère. Elle tenait quelque chose dans la paume de sa main.

— J’ai trouvé ceci dans la cabine du cuisinier !

Jack ne parvenait pas à détourner les yeux de ses seins... son chemisier... il n’était pas boutonné jusqu’en haut, offrant une vision captivante de sa ravissante poitrine... mais pas juste à lui...

Il se tourna et décocha à Kell un autre regard noir.

Celui-ci se secoua de sa stupeur et parut immédiatement comprendre. Il hocha la tête, s’étranglant d’hilarité.

— Je vous laisse ! dit-il.

Il ne perdit pas de temps à s’exécuter, non sans avoir lancé un dernier regard à Sophie. Il secoua la tête au passage.

Réduit à un état quasiment primitif, Jack gronda dans sa direction et eut soudain la révélation que l’Homme n’avait pas évolué autant qu’il aurait aimé le croire.

D’ailleurs, c’était simplement un fin lambeau de raison qui l’empêchait de se jeter sur Sophie pour la dévorer là, sur le pont, devant tout son équipage.

Que diable lui avait-il pris de se vêtir de la sorte ?

Il n’avait pas vraiment regardé ce qu’elle lui tendait avant qu’elle ne le lui mette une fois de plus sous le nez. Quelque chose de brillant luisait sous ses yeux, mais son cerveau ne parvenait pas vraiment à discerner l’objet... pas tant que ses seins pointaient vers lui sous sa chemise élimée. À bien y regarder – et il ne pouvait s’en empêcher –, il pouvait voir ses mamelons durcis pointer sous le vêtement ample.

Son cerveau s’embruma et sa bouche se dessécha sur-le-champ.

— J’ai trouvé ceci dans la cabine de Shorty ! répéta-t-elle en plissant les paupières.

Avec les habits qu’elle porte, supposa-t-il.

Jack essaya de dissiper de son esprit la brume du désir.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il d’une voix stupide.

— C’est une bague, bien entendu !

Bien entendu.

Jack la regarda en clignant des paupières.

Le soleil se reflétait sur l’immense joyau. Il étincelait férocement, au point de l’aveugler. Son regard revint sur son chemisier, mais elle lui fourra à nouveau la bague sous le nez, récupérant son attention, et il dut arracher son regard de l’objet de son désir. Il tendit la main pour la lui prendre, se libérant de sa stupeur. Il secoua la tête et s’éclaircit la gorge.

— Qu’est-ce que Shorty ferait avec ça ?

Elle la lui retira afin qu’il ne puisse pas refermer la main dessus.

— C’est ce que j’aimerais savoir ! explosa-t-elle une fois de plus, la lui tendant comme preuve, mais une preuve de quoi ? Jack n’en avait pas la moindre idée.

Son cerveau ne fonctionnait plus. Tout le sang était parti en dessous de sa ceinture.

— Pas besoin de crier, lui dit-il. Je ne suis pas sourd.

Ni aveugle, d’ailleurs... mais il allait le devenir si elle ne cessait de l’éblouir avec ce satané bijou !

— Je ne crie pas ! s’écria-t-elle. Même si j’en aurais tous les droits ! l’informa-t-elle énergiquement. Cette bague appartient à Harlan !

Ce fait retint enfin l’attention de Jack.

Il regarda successivement Sophie puis l’anneau en clignant des paupières, essayant de comprendre ce qu’elle essayait de lui dire.

— Harlan ?

— Oui ! Harlan !

Jack essayait de comprendre ses paroles.

— Vous en êtes certaine ?

Elle avait trouvé la bague de Harlan dans la cabine de Shorty ? Il tendit la main, voulant l’observer de plus près.

Mais elle refusa de la lui donner.

— Bien entendu que j’en suis certaine ! rétorqua-t-elle, lui mettant cette monstruosité sous le nez. C’est la bague de Harlan ! Je la lui ai achetée !

Il fronça les sourcils en regardant l’énorme œil en rubis. Il n’avait jamais vu une gemme si grosse de toute sa vie.

— Vous avez offert cela à Harlan ?

Elle avait le regard presque aussi brillant que la pierre.

— Oui. Comme cadeau d’adieu !

La rougeur de la jeune femme s’intensifia, mais elle détourna momentanément le regard, comme si elle était embarrassée par cette preuve de son affection pour Harlan.

Et elle méritait de l’être. L’argent qu’elle avait dépensé pour ce bijou aurait bien pu nourrir toute la péninsule du Yucatan !

— Et vous l’avez trouvée dans la cabine de Shorty ?

— Oui ! s’exclama-t-elle en la brandissant derechef. Vous pouvez peut-être m’expliquer comment elle est arrivée là ?

Comment diable était-il censé le savoir ?

Il secoua la tête et tenta à nouveau de prendre l’anneau. Cette fois, elle le lui abandonna. Observant son expression, il testa son poids dans sa main. C’était du métal massif et lourd. Il retourna la bague pour chercher une inscription et vit qu’elle avait été effacée.

Il lui jeta un regard interrogateur.

— Vous êtes absolument certaine qu’il s’agisse de la bague de Harlan ?

Elle inclina la tête d’un air de défi.

— Combien de bagues de ce genre croyez-vous qu’il existe ?

Elle marquait un point. Elle était moche comme tout... et si le rubis était vrai, il était peu probable qu’il en existe d’autres exemplaires.

Elle avait trouvé la bague dans la cabine de Shorty. Ce fait le mit en alerte comme la cascabelle d’un serpent à sonnette. Les télégrammes avaient été cachés dans le poêle. Il ne fallait pas être un génie pour parvenir à l’évidence. Shorty était forcément de mèche avec Penn, et par un coup de chance, ils avaient réussi à oublier cet imbécile à quai. En faisant cela, ils avaient échappé à ce que Penn avait manigancé.

Et Sophie était simplement très maladroite et sans la moindre intention de nuire.

Il cligna des paupières en la regardant, ne s’étant pas senti aussi léger depuis des semaines.

Elle attendait de sa part une forme d’explication et Jack eut soudain envie de l’embrasser. Il lui sourit, son humeur considérablement plus légère. Il lui rendit la bague.

— Je ne vois pas ce qu’il y a de si drôle ! lui cria-t-elle, ses doigts délicats lui retirant la bague de la main.

Le sourire de Jack s’élargit.

Peu lui importait d’avoir un public – il ne pensait plus à qui pouvait les observer. Cela ne lui faisait rien qu’on le croie fou... ou amoureux... il l’était.

Il tendit la main, la saisissant par la taille et l’attirant dans ses bras. Les mains de Sophie volèrent une fois de plus jusqu’à ses épaules et elle émit un petit son de protestation, mais ne contesta pas.

Elle fit la moue.

— Qu’êtes-vous donc en train de faire ?

— Je vous embrasse, répondit Jack avec détermination, ne lui donnant pas l’occasion de protester. Il prit sa bouche avec un baiser féroce, glissant sa langue entre ses lèvres pour la réduire au silence.

Toute retenue s’éroda au premier contact de leurs lèvres.

Les protestations de Sophie sortirent en un son étouffé.

Il serra soudain sa taille, l’encourageant à lui rendre son baiser, et elle se tut subitement, accrochant ses mains autour de son cou, se retenant à lui.

Et alors... tout s’estompa, hormis la femme qu’il tenait dans ses bras : les acclamations de ses hommes, le soleil qui tapait sur son crâne, le vent contre son visage.

Le cœur de Sophie bondit dans sa gorge quand elle le sentit presser ses lèvres contre les siennes.

La langue de Jack plongea dans sa bouche sans invitation, la cajolant... la taquinant... avec la même urgence et l’abandon qu’il lui avait déjà montrés.

Il la serra fort, la pressant avidement contre son corps, et elle était reconnaissante de son soutien, car elle ne pensait soudain pas être en mesure de tenir debout toute seule. Elle avait une conscience aigüe de ses seins plaqués contre la poitrine de Jack, et ses genoux flanchèrent. Son ventre frémissait d’anticipation.

— Que faites-vous ? murmura-t-elle contre sa bouche. Jack...

— Pas un mot ; embrassez-moi ! lui ordonna-t-il sans rompre le contact de leurs lèvres et accroissant son ardeur. Embrassez-moi, Sophia, l’implora-t-il.

— Mais... la bague, essaya-t-elle de protester.

Elle avait vaguement conscience des cris et des hourras qui montaient de l’équipage.

— Quelle bague ? murmura Jack contre sa bouche.

Sophie avait soudainement oublié à quoi il faisait référence. Ses pensées s’effilochaient.

— Il était temps ! entendit-elle quelqu’un dire, mais elle n’avait conscience que de Jack.

Le monde qui les entourait s’estompa, hormis pour celui qui la tenait dans ses bras.

Elle haleta, mais s’accrocha cupidement à lui. Seigneur, peu lui importait la bague. Le bijou glissa de sa main, tombant sur le pont, mais elle ne l’entendit pas toucher terre.

Jack saturait ses sens... son odeur, sa chaleur, son souffle, son goût...

Elle ressentait son baiser à des endroits inattendus : la pointe de ses seins brûlait et son corps aspirait à quelque chose qu’elle ne comprenait pas vraiment. Elle le serra avidement contre elle, lui rendant sans honte son baiser, avec un abandon complet.

C’était comme si elle avait désiré cela toute sa vie... comme si toutes les secondes qu’elle avait vécues l’avaient seulement guidée vers ce moment.

Comme il l’embrassait, la serrant contre lui, il glissa audacieusement son genou entre ses cuisses que n’entravait aucun jupon. Il referma les doigts sur la taille de ses pantalons, le soulevant légèrement, et Sophie poussa un petit cri de délice à la sensation scandaleuse qui flamboya entre ses cuisses. Elle répondit par une sorte d’instinct qui la rendit aveugle à la décence, écartant les jambes pour lui entourer les hanches.

Il gémit contre sa bouche et commença à s’éloigner, la soulevant. Sophie ne savait pas où ils allaient, car il ne cessait de l’embrasser. Mais tant qu’il l’embrassait, peu lui importait leur destination.