Chapitre Trente-Deux

Ayant besoin de temps pour réfléchir, Jack ne rentra pas tout de suite au camp. Quand il le fit enfin, ce fut pour trouver la plupart des gens endormis. Seules quelques tentes étaient éclairées, y compris celle de Sophie, et compte tenu de son expérience passée avec les lanternes, la lumière l’attira immédiatement vers elle. Il n’y avait guère de danger qu’elle cause un incendie tant que les lanternes étaient laissées dans leurs supports, mais juste pour en être certain, il se sentit obligé de passer la tête à l’intérieur.

Son cœur dansa en la voyant.

Elle était si belle, allongée là, ses cheveux en corolle autour de son visage. Elle s’était endormie avec son carnet de croquis à son côté et son crayon à la main. Le carnet était toujours ouvert à la page sur laquelle elle dessinait. Curieux, Jack le souleva, s’émerveillant des détails qu’elle avait immortalisés sur le papier avec tant de précision.

C’était le d’zonot où ils avaient passé l’après-midi la veille. Il n’avait jamais vu un dessin si... spirituel. Il n’y avait aucun autre moyen de le décrire. Baigné par les rayons du soleil, il était quasiment possible d’entrevoir la sainteté de cet endroit, et dans cette verdure luxuriante, on pouvait presque apercevoir le visage de Hechicera. Elle n’était pas là, mais était pourtant présente... un visage presque indiscernable parmi l’immense canopée du feuillage.

C’était incroyable.

La curiosité lui fit tourner la page, et son cœur fit un bond en voyant le visage qui le contemplait. C’était le sien, immortalisé avec une perfection qu’il savait ne pas posséder. Le visage était presque divin, les yeux perçants et intelligents, les lèvres savantes et pleines de sensualité...

C’était lui sans être lui.

C’était son visage tel que le voyait Sophie, et cette réalisation fit gonfler son cœur d’émotion. Il en tremblait encore quand il tourna la page et en découvrit un autre. Il inclina la tête en voyant cette image. C’était un autre portrait de lui... horrible... les yeux écarquillés de colère et la bouche béante comme s’il criait. Dieu, s’il avait été flatté du portrait précédent, celui-ci le fit grimacer. Mais le travail de Sophie n’en restait pas moins extraordinaire.

À ses pieds, celle-ci remua et il ferma le carnet, le reposant près de son sac à dos, avec le reste de ses dessins. Il y jeta un bref coup d’œil puis revint dessus, interpelé par leur familiarité.

Il se mit à les feuilleter et fut interloqué par sa découverte. Ses propres recherches... Elle avait recréé les dessins avec une précision extraordinaire... le dieu jaguar... même le plan des tombes. Son sens du détail était époustouflant. Ses dessins n’étaient pas seulement exacts, mais aussi très bons, capturant l’esprit de ses sujets mieux qu’il n’aurait jamais pu le faire. Ses talents pourraient lui être utiles.

Avec un sentiment écrasant de reconnaissance, il reposa les dessins et alla se pencher au-dessus d’elle pour l’observer dans son sommeil. L’ombre effilée de ses cils tombait sur ses joues, les caressant doucement.

Il fut saisi du désir incontrôlable de l’embrasser.

— Jack ? murmura-t-elle d’un ton endormi.

Il déglutit, repoussant la pensée que le lendemain, elle ne serait plus à ses côtés.

Il ne voulait pas y penser pour le moment.

Ne voulait pas se sentir en colère.

Ne voulait pas se sentir seul.

Il voulait lui faire l’amour.

Il l’embrassa délicatement sur les lèvres, son cœur s’emballant quand il les sentit si douces contre sa bouche.

— Sophia, murmura-t-il, ayant un besoin urgent de sentir sa saveur.

— Jack, dit-elle en s’éveillant.

Elle lui sourit gentiment et s’étira avec paresse, avant de lui passer les bras autour du cou. Elle ouvrit la bouche pour parler.

— Chut, lui ordonna Jack, craignant qu’elle ne le repousse.

Il la réduisit au silence par un baiser affamé, voulant qu’elle ressente ce qu’il avait au fond du cœur.

Comme une fleur, elle s’ouvrit à lui, et il lui fit l’amour comme il n’avait jamais fait l’amour à personne de toute sa vie.

Avant Sophie, il n’avait pas vraiment connu l’amour.

Avant elle... tout ce qu’il avait fait l’avait simplement préparé à ce moment...