« Tout a une raison »... Cette formulation vulgaire suffit déjà à suggérer le caractère exclamatif du principe, l’identité du principe et du cri, le cri de la Raison par excellence. Tout, c’est tout ce qui arrive, quoi qu’il arrive. Tout ce qui arrive a une raison1 ! On comprend qu’une cause n’est pas la raison réclamée. Une cause est de l’ordre de ce qui arrive, soit pour changer un état de choses, soit pour produire ou détruire la chose. Mais le principe réclame que tout ce qui arrive à une chose, y compris les causations, ait une raison. Si l’on appelle événement ce qui arrive à la chose, soit qu’elle le subisse, soit qu’elle le fasse, on dira que la raison suffisante est ce qui comprend l’événement comme un de ses prédicats : le concept de la chose, ou la notion. « Les prédicats ou événements », dit Leibniz2. D’où le chemin parcouru précédemment, de l’inflexion à l’inclusion. L’inflexion, c’est l’événement qui arrive à la ligne ou au point. L’inclusion, c’est la prédication qui met l’inflexion dans le concept de la ligne ou du point, c’est-à-dire dans cet autre point qu’on appellera métaphysique. On va de l’inflexion à l’inclusion comme de l’événement de la chose au prédicat de la notion, ou comme du « voir » au « lire » : ce qu’on voit sur la chose, on le lit dans son concept ou sa notion. Le concept est comme une signature, une clôture. La raison suffisante est l’inclusion, c’est-à-dire l’identité de l’événement et du prédicat. La raison suffisante s’énonce : « Tout a un concept ! » Elle a pour formulation métaphysique : « Toute prédication a un fondement dans la nature des choses », et pour formulation logique : « Tout prédicat est dans le sujet », le sujet ou la nature des choses étant la notion, le concept de la chose. Il est bien connu que le Baroque se caractérise par le « concetto », mais c’est dans la mesure où le concetto baroque s’oppose au concept classique. Il est bien connu aussi que Leibniz apporte une nouvelle conception du concept, par quoi il transforme la philosophie ; mais il faut dire en quoi consiste cette nouvelle conception, le concetto leibnizien. Qu’elle s’oppose à la conception « classique » du concept, telle que Descartes l’avait instaurée, aucun texte ne le montre mieux que la correspondance avec le cartésien De Volder. Et d’abord le concept n’est pas un simple être logique, mais un être métaphysique ; ce n’est pas une généralité ou une universalité, mais un individu ; il ne se définit pas par un attribut, mais par des prédicats-événements.
Est-ce vrai toutefois de toute inclusion ? C’est là que nous rencontrons la distinction de deux grands types d’inclusion, ou d’analyse, l’analyse étant l’opération qui découvre un prédicat dans une notion prise comme sujet, ou un sujet pour un événement pris comme prédicat. Leibniz semble dire que, dans le cas des propositions nécessaires ou vérités d’essence (« 2 et 2 sont 4 »), le prédicat est inclus dans la notion expressément, tandis que, pour les existences contingentes (« Adam pèche », « César franchit le Rubicon »), l’inclusion n’est qu’implicite ou virtuelle3. Faut-il même comprendre, comme Leibniz le suggère parfois, que l’analyse est finie dans un cas, et dans l’autre indéfinie ? Mais, outre que nous ne savons pas encore en quoi consiste exactement le concept ou le sujet dans chaque cas, nous risquons un double contresens si nous assimilons « exprès » à fini, et « implicite ou virtuel » à indéfini. Il serait étonnant que l’analyse des essences soit finie, puisque celles-ci sont inséparables de l’infinité de Dieu lui-même. Et l’analyse des existences à son tour est inséparable de l’infinité du monde, qui n’est pas moins actuelle que tout autre infini : s’il y avait de l’indéfini dans le monde, Dieu n’y serait pas soumis, et verrait donc la fin de l’analyse, ce qui n’est pas le cas4. Bref, on ne peut pas plus identifier le virtuel invoqué par Leibniz à un indéfini non actuel qu’on ne peut identifier l’exprès à du fini. Les difficultés redoublent si l’on considère des textes très importants où Leibniz présente l’implicite ou le virtuel, non plus comme le propre des inclusions d’existence, mais déjà comme un type d’inclusion d’essence : ce sont les propositions nécessaires qui se divisent en cas d’inclusion expresse (« 2 et 2 sont 4 »), et en cas d’inclusion virtuelle (« tout nombre duodénaire est sexaire »)5. On dirait même que les propositions d’essence se chargent de toute l’analyse, expresse ou implicite, tandis que les propositions d’existence y échappent à la limite.
La première tâche serait de définir les essences. Mais nous ne pouvons pas le faire sans savoir ce qu’est une définition, si bien que nous partons d’essences déjà définissables sans rien savoir de ce qu’elles présupposent. Une définition pose l’identité d’un terme (le défini) avec deux autres termes au moins (les définissants ou raisons). Il y a substitution possible de la définition au défini, et cette substitution constitue l’inclusion réciproque : par exemple, je définis 3 par 2 et 1. Nous devons alors faire plusieurs remarques. En premier lieu, il s’agit de définitions réelles ou génétiques, qui montrent la possibilité du défini : nous ne définissons pas 3 par 1, 1 et 1, ni par 8 – 5, mais par les nombres premiers qu’il inclut et qui l’incluent. En second lieu, de telles définitions n’opèrent nullement par genre et différence, et ne sollicitent ni la compréhension ni l’extension d’un concept, ni l’abstraction ni la généralité, qui renverraient d’ailleurs à des définitions nominales. En troisième lieu, la démonstration peut être définie comme une chaîne de définitions, c’est-à-dire comme un enchaînement d’inclusions réciproques : c’est ainsi qu’on démontre que « 2 et 2 sont 4 »6. Enfin, nous pressentons que l’antécédence, ce qu’Aristote appelait déjà l’avant et l’après, bien qu’il n’y ait pas ici d’ordre du temps, est une notion compliquée : les définissants ou les raisons doivent précéder le défini, puisqu’ils en déterminent la possibilité, mais c’est seulement suivant la « puissance », et non pas selon l’« acte », qui supposerait au contraire l’antécédence du défini. D’où justement l’inclusion réciproque, et l’absence de tout rapport de temps.
Dès lors, il va de soi que, de définitions en définitions, si l’on remonte l’enchaînement non temporel, on arrive à des indéfinissables, c’est-à-dire à des définissants qui sont des raisons dernières, et qui ne peuvent plus se définir. Pourquoi ne pas procéder indéfiniment, cette question perd tout sens dès que nous nous sommes installés dans les définitions réelles, car l’indéfini ne donnerait et n’aurait donné que des définitions nominales. Les indéfinissables, il aurait fallu commencer par eux, si nous avions su dès le début ce qu’était une définition réelle. Mais nous y arrivons par cet intermédiaire, et nous les découvrons comme absolument premiers dans l’ordre de l’avant et de l’après : « notions primitives simples ». De définition en définition (démonstration), tout ne peut partir que de termes indéfinissables, qui entrent dans les premières définitions. Ces indéfinissables ne sont évidemment pas des inclusions réciproques, comme les définitions, mais des auto-inclusions : ce sont des Identiques à l’état pur, dont chacun s’inclut lui-même et n’inclut que lui-même, chacun ne pouvant être qu’identique à soi. Leibniz porte l’identité dans l’infini : l’Identique est une auto-position de l’infini, sans quoi l’identité resterait hypothétique (si A est, alors A est A...).
Cette marque de l’identité suffit déjà à montrer que Leibniz se fait des principes une conception très spéciale, baroque en vérité. Ortega y Gasset fait une série de remarques subtiles à cet égard : d’une part Leibniz aime les principes, c’est sans doute le seul philosophe qui ne cesse d’en inventer, il les invente avec plaisir et enthousiasme, et les brandit comme des armes ; mais d’autre part il joue avec les principes, en multiplie les formules, en varie les rapports, et ne cesse de vouloir les « prouver », comme si, les aimant trop, il manquait pour eux de respect7. C’est que les principes de Leibniz ne sont pas des formes vides universelles ; ce ne sont pas davantage des hypostases ou des émanations, qui en feraient des êtres. Mais ils sont la détermination de classes d’êtres. Si les principes nous paraissent des cris, c’est parce que chacun signale la présence d’une classe d’êtres, qui poussent eux-mêmes le cri et se font reconnaître à ce cri. On ne croira pas en ce sens que le principe d’identité ne nous fasse rien connaître, même s’il ne nous fait pas pénétrer dans cette connaissance. Le principe d’identité, ou plutôt le principe de contradiction, comme dit Leibniz, nous fait connaître une classe d’êtres, celle des Identiques, qui sont des êtres complets. Le principe d’identité, ou plutôt de contradiction, est seulement le cri des Identiques, et ne peut en être abstrait. C’est un signal. Les Identiques sont indéfinissables en soi, et peut-être inconnaissables pour nous ; ils n’en ont pas moins un critère que le principe nous fait connaître ou entendre.
Est identique à soi toute forme capable d’être pensée comme infinie par soi, d’être élevée directement à l’infini, par elle-même et non par une cause : « nature susceptible du dernier degré ». Tel est le critère. Par exemple, pouvons-nous penser une vitesse comme infinie, ou un nombre, ou une couleur ? En revanche, la pensée semble une forme élevable à l’infini, ou même l’étendue, sous la condition que ces formes ne soient pas des touts, et n’aient pas de parties : ce sont des « absolus », « premiers possibles », « notions primitives absolument simples », A, B, C...8. Chacune, s’incluant elle-même et n’incluant que soi, n’étant pas un tout et n’ayant pas de parties, n’a strictement aucun rapport avec une autre. Ce sont de purs « disparates », absolus divers qui ne peuvent pas se contredire, puisqu’il n’y a pas d’élément que l’un puisse affirmer et l’autre nier. Ils sont en « non-rapport », dirait Blanchot. Et c’est justement ce que dit le principe de contradiction : il dit que deux Identiques distincts ne peuvent pas se contredire l’un l’autre, et forment bien une classe. On peut les appeler « attributs » de Dieu. C’est là qu’on trouve en effet la seule thèse commune à Spinoza et à Leibniz, leur commune manière d’exiger pour la preuve ontologique de l’existence de Dieu un détour que Descartes avait cru bon de s’épargner : avant de conclure qu’un Être infiniment parfait existe nécessairement, il fallait montrer qu’il est possible (définition réelle), et qu’il n’implique pas contradiction. Or c’est précisément parce que toutes les formes absolues sont incapables de se contredire qu’elles peuvent appartenir à un même Être, et, le pouvant, lui appartiennent effectivement. Étant des formes, leur distinction réelle est formelle, et n’entraîne aucune différence ontologique entre des êtres auxquels chacune s’attribuerait : elles s’attribuent toutes à un seul et même Être, ontologiquement un, formellement divers9. Là déjà, la distinction réelle n’entraîne pas la séparabilité. Comme le dira Kant, la preuve ontologique va de l’ensemble de toute possibilité à l’individualité d’un être nécessaire : ∞/1. Les Identiques sont une classe d’êtres, mais une classe à un seul membre. On retrouve ici la règle d’antécédence, puisque les formes absolues précèdent Dieu comme les éléments premiers de sa possibilité, bien que Dieu les précède « in re », « in actu ».
Comment va-t-on des Identiques aux Définissables ? Les Identiques sont des notions primitives absolument simples, A, B, ..., qui « composent » métaphysiquement un Être unique, AB... Mais on ne confondra pas la composition métaphysique et la dérivation logique. Les Définissables sont des notions dérivées : ils peuvent être simples s’ils sont premiers dans leur ordre, mais ils supposent toujours deux primitives au moins qui les définissent sous un rapport, sous un « vinculum », ou par l’intermédiaire d’une particule, elle-même simple ou complexe (par exemple A in B). C’est la Combinatoire qui va ainsi des Identiques aux Définissables, des primitives aux dérivées, en distinguant des niveaux : le niveau I comprend les primitives ou les Identiques indéfinissables, le niveau II comprend les dérivées simples, définies par deux primitives sous un rapport simple ; le niveau III, des dérivées composées définies par trois primitives, ou par une primitive et une dérivée simples sous un rapport lui-même composé10... Soit un exemple qui vaut par analogie : même si nous ne pouvons pas partir des primitives absolues pour déduire nos pensées, nous pouvons toujours convenir de primitives relatives à un domaine (elles supposent le domaine au lieu de l’engendrer) ; ainsi les nombres premiers sont primitifs en arithmétique parce que, n’étant divisible que par soi-même ou par l’unité, chacun est un phénomène d’auto-inclusion. Ou bien les axiomes indéfinissables en géométrie (par exemple, « point », « espace », « intermédiaire »...) forment un niveau I, d’où dérivent un niveau II par combinaison de deux primitives chaque fois, puis un niveau III (la ligne est l’espace intermédiaire entre deux points)11. Sans doute, dans l’absolu, Dieu lui-même assure-t-il le passage des Identiques aux Définissables : il est constitué de toutes les formes primitives absolues, mais il est aussi le premier et le dernier définissable, dont dérivent tous les autres. Mais on ne résout pas ainsi la difficulté qui pèse sur toute la combinatoire. Couturat le montre parfaitement : comment rendre compte des relations marquées par des articles, prépositions, verbes et cas, qui surgissent dès le niveau II ? Nous partions de formes absolues prises dans leur non-rapport. Et voilà que des rapports ou des « particules » surgissent tout d’un coup, non seulement pour notre entendement, mais dans l’entendement de Dieu lui-même. Comment le rapport pourrait-il surgir du non-rapport ?
Certes, il y a beaucoup de régions dans l’entendement de Dieu. On peut dire que les rapports surgissent dans une région qui ne concerne plus Dieu en lui-même, mais la possibilité de la création. C’est au moins une indication, même si la question n’est pas de savoir où les rapports surgissent, mais comment. La pensée baroque, en effet, a donné une importance particulière à la distinction de plusieurs ordres d’infini. Et en premier lieu si les formes absolues constituent Dieu comme un infini par soi, qui exclut tout et parties, l’idée de création renvoie à un second infini, par la cause. C’est cet infini par la cause qui constitue des touts et des parties, sans qu’il y ait de plus grand tout ni de plus petite partie. Ce n’est plus un ensemble, mais une série qui n’a pas de dernier terme ni de limite. Elle est régie non plus exactement par le principe d’identité, mais par un principe de similitude ou d’homothétie qui signale une nouvelle classe d’êtres. C’est tout ce qu’on pourrait appeler extensions ou extensités : non seulement l’étendue à proprement parler, mais le temps, le nombre, la matière infiniment divisible, tout ce qui est « partes extra partes », et, comme tel, soumis au principe de similitude. Or chaque terme de la série, qui forme un tout pour les précédents, et une partie pour les suivants, est défini par deux ou plusieurs termes simples qui prennent un rapport assignable sous cette nouvelle fonction, et qui ne jouent plus alors le rôle de parties, mais de requisits, de raisons ou d’éléments constituants. Ainsi, dans la série des nombres, chacun comme tout et partie est défini par les nombres premiers qui entrent en rapport à cet égard : 4, qui est le double de 2 et la moitié de 8, est défini par 3 et 1. Ou bien, dans le triangle arithmétique, chaque ligne comme suite de nombres est le double de la précédente, mais se définit par une puissance de deux qui met le requisit en rapport de multiplication avec soi-même (et les requisits en rapport entre eux). Il suffit de comprendre que tout et parties (et similitude) ne sont pas déjà des rapports, mais la formule principielle d’un infini dérivé, une sorte de matière intelligible pour tout rapport possible : alors les termes primitifs, sans rapport en eux-mêmes, prennent des rapports en devenant les requisits ou les définissants du dérivé, c’est-à-dire les formants de cette matière. Tant que les primitifs étaient sans rapport, simples auto-inclusions, ils étaient des attributs de Dieu, prédicats d’un Être absolument infini. Mais, dès que l’on considère un infini de deuxième ordre qui dérive de cet Être, les prédicats cessent d’être attributs pour devenir rapports, ils entrent dans des rapports qui définissent à l’infini les touts et parties, et sont eux-mêmes en inclusion réciproque avec le défini, suivant la double antécédence. On entre déjà dans la « raison suffisante », puisque les définissants sous leur rapport sont chaque fois la raison du défini. S’il fallait définir le rapport, on dirait que c’est l’unité du non-rapport avec une matière tout-parties. Si l’on a souvent cru que les rapports présentaient pour Leibniz une difficulté irréductible, c’est pour avoir confondu prédicat et attribut, confusion qui n’est légitime qu’au niveau des notions absolument simples excluant précisément tout rapport, mais cesse de l’être dès le niveau des dérivés, où Prédicat = rapport, dans l’inclusion réciproque du prédicat-rapport avec le sujet défini (4 est 3R1). Et même quand le sujet sera la monade sans parties, les prédicats continueront d’être « affections et rapports », suivant les mots de la Monadologie.
Mais auparavant il y a un troisième ordre d’infini. Il s’agit de séries qui n’ont toujours pas de dernier terme, mais sont convergentes et tendent vers une limite12. Il ne s’agit plus d’extension, mais d’intensions ou intensités. Non plus de rapports, mais plutôt de lois. Non plus de Combinatoire, mais de Caractéristique. Non plus de matière, mais de quelque chose de « réel » dans la matière et qui remplit l’extension (bien entendu, une réalité « possible »). C’est le réel dans la matière, la chose, qui a des caractères internes dont la détermination entre chaque fois dans une série de grandeurs convergeant vers une limite, le rapport entre ces limites étant d’un nouveau type (dy/dx) et constituant une loi. Hermann Weyl dira qu’une loi de la Nature est nécessairement une équation différentielle. La notion de requisit, une des plus originales de Leibniz, ne désigne plus les définissants, mais prend maintenant son sens autonome le plus rigoureux en désignant des conditions, des limites et des rapports différentiels entre ces limites. Il n’y a plus de tout ni de parties, mais des degrés pour chaque caractère. Un son a pour caractères internes une intensité proprement dite, une hauteur, une durée, un timbre ; une couleur a une teinte, une saturation, une valeur ; l’or, dans un exemple souvent invoqué par Leibniz, une couleur, un poids, une malléabilité, une résistance à la coupelle et à l’eau-forte. Le réel dans la matière n’est pas seulement étendu, mais a « impénétrabilité, inertie, impétuosité et attachement ». Ce qu’on appelle texture d’un corps, c’est précisément l’ensemble de ses caractères internes, la latitude de leur variation et le rapport de leurs limites : ainsi la texture de l’or13. Dans la mesure où les Requisits se distinguent ainsi des Définissables (bien qu’ils puissent fournir des définitions), nous nous trouvons devant un troisième type d’inclusion, cette fois non réciproque, unilatérale : c’est ici que la raison suffisante devient principe. Tout réel est un sujet dont le prédicat est un caractère mis en série, l’ensemble des prédicats étant le rapport entre les limites de ces séries (on évitera de confondre la limite et le sujet).
Nous devons marquer à la fois l’irréductibilité de ce nouveau domaine, du point de vue d’un objet de la connaissance, mais aussi son rôle transitoire, dans les deux sens, du point de vue de la connaissance elle-même. D’une part, en effet, les requisits ne sont pas les essences supposées intuitives du premier infini, ni les essences théorématiques du deuxième infini dans les définitions et démonstrations. Ce sont des essences problématiques qui correspondent au troisième infini. Les mathématiques de Leibniz ne cessent de faire des problèmes une instance irréductible qui s’ajoute aux enchaînements de définitions, et sans laquelle peut-être les définitions ne s’enchaîneraient pas : s’il y a des échanges de lettres mathématiques, c’est parce qu’on se lance des problèmes avant de s’envoyer des théorèmes14. En ce sens, les axiomes concernent les problèmes, et échappent bien à la démonstration. Si la Caractéristique se distingue de la Combinatoire, c’est parce qu’elle est un véritable calcul des problèmes ou des limites. Les requisits et les axiomes sont des conditions, non pas toutefois des conditions de l’expérience à la manière kantienne qui en fait encore des universaux, mais les conditions d’un problème auquel répond la chose dans tel ou tel cas, les cas renvoyant aux valeurs de la variable dans les séries. Et ce qui apparaît, c’est que nous sommes liés, presque fixés, aux requisits : même les définissants que nous atteignons, par exemple en arithmétique ou en géométrie, ne valent que par analogie, et sont en fait les caractères internes d’un domaine supposé (ainsi les nombres premiers dont on cherche la série convergente). Le théorème, la démonstration comme enchaînement de définitions, peut se réclamer de la forme syllogistique ; mais nous, nous procédons par « enthymèmes », qui ne font que valoir pour des syllogismes, et opèrent par « suppressions intérieures », ellipses et raccourcis problématiques15. Bref, si la Combinatoire réalise quelque chose de son rêve, c’est seulement par la Caractéristique. Mais à ce point nous passons à l’autre aspect de la question, qui concerne la connaissance elle-même et non plus son objet le plus proche. Les caractères internes de la chose, en effet, nous pouvons les connaître du dehors et par expérimentations successives, leur rapport restant à l’état de simple consécution empirique, comme il arrive chez les animaux. Mais, suivant les cas, nous pouvons aussi atteindre à la texture, c’est-à-dire à la véritable connexion de ces caractères comme aux rapports intrinsèques entre les limites de leurs séries respectives (raison) : là, nous avons une connaissance rationnelle, et c’est elle qui explique que les caractères internes valent déjà pour des définitions, les calculs aux limites, pour des démonstrations, et les enthymèmes pour des syllogismes complets16. D’où le souci de Leibniz de réintégrer les axiomes dans l’ordre des vérités nécessaires et des démonstrations (s’ils échappent à la démonstration pour autant que ce sont des requisits, ils doivent d’autant plus être démontrés qu’ils concernent la forme du tout et des parties). Il appartient donc aux caractères tantôt de nous faire descendre vers la connaissance des bêtes, tantôt de nous élever à la connaissance rationnelle, définitive et démonstrative.
Nous avons ainsi trois types d’inclusions : les auto-inclusions, les inclusions réciproques, les inclusions unilatérales, mais localisables aux limites. Leur correspondent : les absolument-simples, les Identiques ou formes infinies sans rapport les unes avec les autres ; les relativement-simples, les Définissables, qui entrent dans des séries infinies de tout et de parties, tandis que leurs définissants entrent dans des rapports ; les limitativement-simples, Requisits ou séries convergentes qui tendent vers des limites, avec leurs rapports entre limites. C’est l’Alphabet, la Combinatoire, la Caractéristique. Pour en revenir au modèle du tissu baroque, on dira que la connaissance n’est pas moins pliée que ce qu’elle connaît : les enchaînements de syllogismes ou de définitions sont un « tissu », dit Leibniz, mais « il y a une infinité d’autres tissus plus composés », et pliés comme le sont les enthymèmes, qui nous servent constamment17. Même le plus pur tissu syllogistique est déjà plié suivant des vitesses de pensée. Les idées sont tellement pliées dans l’âme qu’il n’est pas toujours possible de les développer, comme les choses elles-mêmes sont pliées dans la nature. L’erreur de Malebranche, c’est d’avoir cru que nous voyons en Dieu des Idées toutes dépliées. Mais, même en Dieu, les notions sont des plis qui tapissent l’entendement infini. Les Formes absolues, les Identiques, sont des plis simples et séparés, les Définissables sont des plis déjà composés, les Requisits avec leurs limites sont comme des ourlets plus complexes encore (et engagent des textures). Quant aux monades qui impliquent nécessairement un point de vue ou point d’appui, elles ne seront pas sans ressemblance avec des drapés.
Nous arrivons à la quatrième sorte de notions : les notions individuelles ou monades, qui ne sont plus des choses possibles, mais des existants possibles (substances). La table complète est donc : identités, extensités, intensités, individualités ; formes, grandeurs, choses, substances. Ces dernières sont-elles encore des notions simples, individuellement-simples, et en quel sens ? En tout cas, il est certain que les prédicats d’une telle notion prise comme sujet forment encore une série infinie convergente qui tend vers une limite. C’est pourquoi l’individu a par nature une compréhension actuellement infinie, il « enveloppe l’infini »18. La notion individuelle, la monade, est exactement l’inverse de Dieu, pour autant que les inverses sont des nombres qui échangent leur numérateur et leur dénominateur : 2, ou 2/1, a pour inverse 1/2. Et Dieu, dont la formule est ∞/1, a pour inverse la monade, 1/∞. La question dès lors est de savoir si la série convergente infinie dans la monade, dans l’individu, est du même type que celle des intensions, ou bien s’il s’agit d’un autre cas, d’un autre type d’inclusion, d’un quatrième type. Certes, on peut et on doit présenter les substances individuelles comme ayant des requisits, des caractères internes : c’est même ainsi que Leibniz récupère Aristote, et fait de la forme et de la matière, de la puissance active et de la puissance passive, les requisits de la substance. Il n’y a pas moins de grandes différences entre la chose et la substance, la chose et l’existant. La première différence est que la chose a plusieurs caractères internes, x, y..., donc participe à plusieurs séries dont chacune tend vers sa limite, la raison ou la connexion des séries dans la chose étant un rapport différentiel du type dy/dx. On dira que notre perception des choses est un « pléonasme », ou que, dans le cas des choses, « nous avons plus d’une notion d’un même sujet », par exemple pesanteur et malléabilité pour l’or19. Il n’en est plus de même pour les individus : nous avons vu que le monde était une série convergente unique, infiniment infinie, que chaque monade exprimait tout entière, bien qu’elle n’exprimât clairement qu’une portion de la série. Mais, justement, la région claire d’une monade se prolonge dans la portion claire d’une autre, et, dans une même monade, la portion claire se prolonge infiniment dans les zones obscures, puisque chaque monade exprime le monde entier. Une brusque douleur en moi n’est que le prolongement d’une série qui m’y conduisait, même si je ne l’apercevais pas, et qui se continue maintenant dans la série de ma douleur. Il y a prolongement ou continuation des séries convergentes les unes dans les autres, c’est même la condition de « compossibilité », de manière à reconstituer chaque fois une seule et même série convergente infiniment infinie, le Monde fait de toutes les séries, la courbe à variable unique. Le rapport différentiel prend donc un nouveau sens, puisqu’il exprime le prolongement analytique d’une série dans une autre, et non plus l’unité de séries convergentes qui n’en divergeraient pas moins entre elles. C’est aussi bien l’infini qui change de sens, qui prend un quatrième sens, toujours actuel : il ne se définit plus par soi, ni par sa cause, ni par la « limite » d’une série, mais par une loi d’ordre ou de continuité qui classe les limites ou transforme les séries dans un « ensemble » (l’ensemble actuellement infini du monde, ou le transfini). Comme chaque monade exprime le monde entier, il ne peut plus y avoir qu’une seule notion pour un sujet, et les sujets-monades ne pourront se distinguer que par leur manière interne d’exprimer le monde : le principe de raison suffisante deviendra principe des indiscernables, il n’y a pas deux sujets semblables, pas d’individus semblables.
Il y a une seconde différence, qui ne semble pas, il est vrai, à l’avantage de la monade. La chose dans sa texture contenait bien la loi des séries où entraient ses caractères, le rapport différentiel entre limites. Tandis que les monades dans leurs plis, incluant le même monde dans tel ou tel ordre, contiennent la série infinie, mais non pas la loi de cette unique série. Les rapports différentiels, de différents ordres, renvoient à un ensemble de tous les ordres qui reste extérieur à la monade. C’est en ce sens que le monde est dans la monade, mais la monade est pour le monde : Dieu lui-même ne conçoit les notions individuelles qu’en fonction du monde qu’elles expriment, et ne les choisit que par un calcul de monde. Toutes les séries se prolongeant les unes dans les autres, la loi ou raison est comme repoussée dans l’ensemble transfini, dans l’ensemble de la série infiniment infinie, le monde, et les limites ou rapports entre limites, en Dieu qui conçoit et choisit le monde. D’où la preuve cosmologique de l’existence de Dieu, qui va de la série à l’ensemble, et de l’ensemble à Dieu20. Toute la série est bien dans la monade, mais non pas la raison de la série, dont la monade ne reçoit que l’effet particulier, ou le pouvoir individuel d’en exécuter une partie : la limite reste extrinsèque, et ne peut apparaître que dans une harmonie préétablie des monades entre elles. Mais peut-être la monade y puise-t-elle une force plutôt qu’une impuissance : l’extériorité de la raison n’est que la conséquence de la possibilité positive de prolonger les séries les unes dans les autres, non seulement les séries finies qui correspondent à l’expression claire de chaque monade, mais les séries infinies qui correspondent à l’ordre ou au point de vue de chacune. C’est parce que chaque monade inclut le monde entier qu’elle ne peut pas inclure la raison de la série commune à toutes les monades. On est donc en présence d’un quatrième type d’inclusion. L’inclusion du monde dans la monade est bien unilatérale, mais illocalisable ; elle n’est plus localisable à la limite, puisque la limite est hors de la monade. Il y a quatre inclusions, comme il y a quatre infinis : l’ensemble infini des formes primitives (= Dieu) ; les séries infinies sans limites ; les séries infinies à limites intrinsèques ; les séries infinies à limite extrinsèque, qui redonnent un ensemble infini (= Monde).
On est dès lors en mesure de dissiper les ambiguïtés du début. En premier lieu, pourquoi Leibniz semble-t-il présenter les vérités d’essences comme justiciables d’une analyse finie qui les ramène à des Identiques, tandis que les vérités d’existence renverraient seules à une analyse infinie et seraient « irréductibles à des vérités identiques » ? Mais les deux hypothèses sont fausses. Les essences, quelles qu’elles soient, intuitives, théorématiques ou problématiques, sont toujours prises dans un infini. Les Identiques eux-mêmes sont les essences intuitives, formes infinies en ce sens. En revanche, il est vrai que, dans le domaine des essences, nous pouvons toujours nous arrêter, et nous servir d’une définition comme si c’était un Identique ultime, ou d’un Requisit comme si c’était une définition, d’une Limite, comme si elle était atteinte. Dans le domaine des existences, au contraire, nous ne pouvons pas nous arrêter, parce que les séries sont prolongeables et doivent être prolongées, parce que l’inclusion n’est pas localisable. En second lieu, il n’est pas davantage exact de dire que l’analyse des existences est virtuelle, tandis que celle des essences serait seule actuelle. Toute analyse est infinie, et il n’y a que de l’actuel dans l’infini, dans l’analyse. Que l’inclusion soit virtuelle dans les propositions d’existence signifie seulement que rien n’est inclus dans un existant sans que le monde entier ne le soit, et que le monde n’existe actuellement que dans les existants qui l’incluent : là encore « virtuel » désigne le caractère non localisable de l’inclusion actuelle. Il y a toujours double antécédence : le monde est premier virtuellement, mais la monade est première actuellement. Du coup, on comprend que le mot « virtuel » convienne aussi à certaines propositions d’essence, celles qui concernent les Requisits : cette fois, il désigne le caractère unilatéral de l’inclusion. Si nous revenons au texte De la liberté, nous voyons que l’inclusion virtuelle repose sur une proposition non réciproque : « Tout bino-binaire ternaire est binaire-ternaire. » L’inclusion est virtuelle, précise Leibniz, parce qu’elle doit être extraite, et que le prédicat n’est inclus dans le sujet que « sous une certaine puissance »21. Il apparaît ici que l’exemple arithmétique est simple et clair, mais non pas adéquat. L’exemple adéquat, comme l’affirme la suite du texte, est le nombre irrationnel, parce qu’il est une racine qui doit être extraite, ou même le rapport différentiel, parce qu’il concerne des quantités qui ne sont pas à la même puissance. C’est en ce sens que Leibniz regroupe les deux cas d’inclusion non réciproque, nombres irrationnels et existants. L’analyse des choses en effet est une détermination des prédicats comme requisits, qui se fait par extraction de racine ou même par dépotentialisation de grandeurs, suivant l’idée de limite intrinsèque. L’analyse des existants est une détermination des prédicats comme monde, qui se fait par prolongement de séries de puissances, suivant l’idée de limite extrinsèque. Nous retrouvons toujours une incertitude, mais objective : le pli passe-t-il entre les essences et les existants, ou bien entre les essences de Dieu et ce qui s’ensuit, d’une part, et d’autre part les essences de choses et les existants ?
Les prédicats ne sont jamais des attributs, sauf dans le cas des formes infinies ou premières quiddités ; et, même là, ce sont plutôt des conditions de possibilité de la notion de Dieu, des non-rapports qui conditionneront tout rapport possible. Car, dans tous les autres cas, le prédicat n’est que rapport ou événement. Les rapports eux-mêmes sont des espèces d’événements, et les problèmes en mathématiques, déjà dans l’Antiquité, se définissent par des événements qui arrivent aux figures. Les événements à leur tour sont des espèces de rapports, ce sont des rapports à l’existence et au temps22. Ce qui est inclus dans la notion comme sujet, c’est toujours un événement marqué par un verbe, ou un rapport marqué par une préposition : j’écris, je vais en Allemagne, je franchis le Rubicon... (et, si les choses parlaient, elles diraient, comme l’or par exemple : je résiste à la coupelle et à l’eau-forte). Il est très curieux qu’on ait pu penser que l’inclusion unilatérale entraînait la réduction de la proposition à un jugement d’attribution. L’attribution, au contraire, c’est ce qu’Arnauld oppose à Leibniz, pour critiquer l’inclusion et sauver la conception cartésienne de la substance (je suis pensant, je suis une chose qui pense...). L’attribut exprime une qualité, et désigne une essence ; or Leibniz refuse aussi bien de définir le prédicat par une qualité que le sujet existant, même « sub ratione possibilitatis », comme une essence. Le sujet se définit par son unité, et le prédicat comme un verbe exprimant une action ou une passion. Leibniz connaît bien le schème d’attribution sujet-copule-attribut : je suis écrivant, je suis voyageant... Mais ce schème de la « grammaire générale » cher à Arnauld, implique une conception de l’affirmation et une théorie de la distinction qui ne favorisent nullement l’inclusion23. L’inclusion leibnizienne repose sur un schéma sujet-verbe-complément, qui résiste depuis l’Antiquité au schéma d’attribution : une grammaire baroque, où le prédicat est avant tout relation et événement, non pas attribut. Quand Leibniz se sert du modèle attributif, c’est du point de vue d’une logique classique des genres et des espèces, et suivant des exigences seulement nominales24. Il ne s’en sert pas pour asseoir l’inclusion. La prédication n’est pas une attribution. Le prédicat, c’est l’« exécution du voyage », un acte, un mouvement, un changement, et non pas l’état de voyageant25. Le prédicat, c’est la proposition même. Et pas plus que je ne peux réduire « je voyage » à « je suis voyageant », je ne peux réduire « je pense » à « je suis pensant », la pensée n’étant pas un attribut constant, mais un prédicat comme passage incessant d’une pensée à une autre.
Que le prédicat soit verbe, et que le verbe soit irréductible à la copule et à l’attribut, c’est même la base de la conception leibnizienne de l’événement. Une première fois, l’événement fut jugé digne d’être élevé à l’état de concept : ce fut par les Stoïciens, qui en faisaient non pas un attribut ni une qualité, mais le prédicat incorporel d’un sujet de la proposition (non pas « l’arbre est vert », mais « l’arbre verdoie... »). Ils en concluaient que la proposition énonçait de la chose une « manière d’être », un « aspect », qui débordait l’alternative aristotélicienne essence-accident : au verbe être ils substituaient « s’ensuivre », et à l’essence, la manière26. Puis Leibniz opéra la seconde grande logique de l’événement : le monde même est événement, et, en tant que prédicat incorporel (= virtuel), doit être inclus dans chaque sujet comme un fond, dont chacun extrait les manières qui correspondent à son point de vue (aspects). Le monde est la prédication même, les manières sont les prédicats particuliers, et le sujet, ce qui passe d’un prédicat à un autre comme d’un aspect du monde à un autre. C’est le couple fond-manières qui détrône la forme ou l’essence : Leibniz en fait la marque de sa philosophie27. Les Stoïciens et Leibniz inventent un Maniérisme qui s’oppose à l’essentialisme tantôt d’Aristote et tantôt de Descartes. Le maniérisme comme composante du Baroque hérite d’un maniérisme stoïcien, et l’étend au cosmos. Viendra une troisième grande logique de l’événement, avec Whitehead.
Il est d’autant plus curieux d’entendre Russell dire que Leibniz éprouve de grandes difficultés à penser les relations. D’une certaine façon, il n’a fait que cela, penser la relation, et Russell le reconnaît. Les seules difficultés viennent de ce qu’il n’est pas toujours facile de dégager, à partir des phrases, la ou les propositions d’inhérence qui montrent que le prédicat est un rapport interne. Tantôt le prédicat n’est pas donné dans la phrase, tantôt le sujet, tantôt aucun des deux. Quand je dis « voici trois hommes », le vrai sujet est une extension 3, qui est seulement qualifiée d’humaine, et quantifiée par trois parties ; mais le prédicat est 2 et 1 (hommes), c’est le rapport interne. Si je dis « l’eau bout à 100 degrés », le sujet est bien une chose, l’eau, mais le prédicat est une courbe de vaporisation qui entre en rapport avec la courbe de fusion et la courbe de sublimation en un point triple. Et si je dis « Pierre est plus petit que Paul », « Paul est plus grand que Pierre », les sujets sont bien cette fois des substances, mais la relation dans chaque cas n’est pas entre les deux sujets : le vrai rapport est la prédication d’un « représentant de Paul » dans le sujet Pierre, sous l’aspect de la longueur, ou d’un « représentant de Pierre » dans le sujet Paul, ce rapport ou ce prédicat étant toujours interne. Et la taille elle-même renvoie aux cas précédents, tantôt extension-sujet, tantôt prédicat de chose (le corps). Bref, il y a chez Leibniz toute une histoire du concept, qui passe par les touts-parties, les choses et les substances, par les extensions, les intensions et les individus, et par laquelle le concept lui-même devient sujet, conformément à chaque niveau. C’est la rupture avec la conception classique du concept comme être de raison : le concept n’est plus l’essence ou la possibilité logique de son objet, mais la réalité métaphysique du sujet correspondant. On dira que toutes les relations sont internes, précisément parce que les prédicats ne sont pas des attributs (comme dans la conception logique).
La confirmation viendrait de la théorie leibnizienne de la substance ; cette théorie semble même toute faite pour cette confirmation. Il y a deux caractères nominaux sur lesquels tout le monde s’accorde en principe, d’Aristote à Descartes : d’une part la substance, c’est le concret, le déterminé, l’individuel, au sens où Aristote parle du ceci, et Descartes, de cette pierre ; d’autre part, la substance est sujet d’inhérence ou d’inclusion, au sens où Aristote définit l’accident comme « ce qui est présent dans la substance », et Descartes dit que la substance est une « chose dans laquelle existe formellement ou éminemment ce que nous concevons »28. Mais, dès qu’on cherche une définition réelle de la substance, il semble que les deux caractères soient destitués au profit d’une essence ou d’un attribut essentiel, nécessaire et universel dans le concept. Ainsi, pour Aristote, l’attribut n’est pas dans le sujet comme un accident, mais est affirmé du sujet, si bien qu’on peut le traiter de substance seconde ; et, pour Descartes, l’attribut essentiel se confond avec la substance, au point que les individus tendent à ne plus être que des modes de l’attribut pris en général. L’attribution, la définition de la substance par l’attribution, loin de confirmer l’individualité et l’inclusion, les remettent en question.
Selon Descartes, le premier critère de la substance, c’est le simple, la notion simple : ce dont les éléments ne peuvent être distingués que par abstraction ou distinction de raison (ainsi l’étendue et le corps, la pensée et l’esprit). La substance est simple parce qu’elle ne peut être distinguée de son attribut que par abstraction. Or Leibniz dénonce la simplicité comme un critère pseudo-logique : c’est qu’il y a beaucoup de notions simples qui ne sont pas de substance, trois au moins. Il ne parlera que tardivement de la monade comme d’une notion simple, quand il estimera les dangers écartés, et qu’il avancera dans le problème de deux sortes de substances, dont les unes ne sont dites simples que parce que les autres sont composées. Mais, d’un bout à l’autre de son œuvre, il invoque une unité d’être comme critère métaphysique, plutôt qu’une simplicité de concept : Arnauld remarque que c’est un procédé insolite, puisqu’on se prive de définir la substance par un attribut essentiel qui l’opposerait à la « modalité, ou manière d’être », c’est-à-dire au mouvement ou au changement. À quoi Leibniz répond avec ironie qu’il a pour lui « les philosophes ordinaires », qui tiennent compte des degrés d’unité, Aristote contre Descartes. Leibniz réclame précisément pour la substance une unité qui soit intérieure au mouvement, ou une unité de changement qui soit active, et qui exclut la simple étendue du rang des substances29. Tant qu’on définit le mouvement comme « l’existence successive du mobile dans des lieux divers », on ne saisit qu’un mouvement déjà fait, et non pas l’unité interne à laquelle il renvoie quand il est en train de se faire. Le mouvement qui se fait renvoie à la fois à une unité dans l’instant, au sens où l’état suivant doit sortir « de lui-même du présent par une force naturelle », et à une unité intérieure pour l’ensemble de sa durée (critère physique de la substance). Et, plus profondément, le changement qualitatif renvoie à une unité active qui fait passer un état dans l’instant, mais assure aussi l’ensemble du passage (critère psychologique, perception et appétit)30. La substance représente donc la double spontanéité du mouvement comme événement, du changement comme prédicat. Si le vrai critère logique de la substance est l’inclusion, c’est parce que la prédication n’est pas une attribution, c’est parce que la substance n’est pas le sujet d’un attribut, mais l’unité intérieure à un événement, l’unité active d’un changement.
Outre le Simple, Descartes proposait un autre critère, le Complet, qui renvoie à la distinction réelle. Mais celle-ci, autant que la distinction de raison, ne concerne que le concept : le complet, ce n’est pas l’entier (ce qui comprend tout ce qui appartient à la chose), mais ce qui est réellement distinct, c’est-à-dire ce qui peut être « pensé » par soi-même en niant ce qui appartient à autre chose. C’est en ce sens que la chose pensante et la chose étendue sont complètes chacune, ou réellement distinctes, donc séparables, selon Descartes. Mais, là encore, Leibniz montre que Descartes ne pousse pas assez loin le concept : deux choses peuvent être pensées comme réellement distinctes sans être séparables, pour peu qu’elles aient des requisits communs. Descartes ne voit pas que même les êtres simples, et même les substances individuelles, ont des requisits : ne serait-ce que dans le monde commun qu’elles expriment, ou dans les caractères internes sur lesquels elles convergent (forme-matière, acte-puissance, unité active-limitation). Nous l’avons vu, le réellement distinct n’est pas nécessairement séparé ni séparable, et l’inséparable peut être réellement distinct31. À la limite, et comme l’ont dit les Stoïciens, rien n’est séparable ou séparé, mais tout conspire, y compris les substances entre elles, en vertu des requisits. Il est faux qu’une substance ait un seul attribut, puisqu’elle a une infinité de modes, mais faux aussi que plusieurs substances n’aient pas d’attribut commun, puisqu’elles ont des requisits qui constituent encore un de leurs critères (critère épistémologique)32. Il y a donc cinq critères de la substance : métaphysique, l’unité d’être ; logique, l’inclusion du prédicat dans le sujet ; physique, l’unité intérieure au mouvement ; psychologique, l’unité active du changement ; épistémologique, les requisits d’inséparabilité. Tous excluent que la substance se définisse par un attribut essentiel, ou que la prédication se confonde avec une attribution.
L’essentialisme fait de Descartes un classique, tandis que la pensée de Leibniz apparaît comme un profond maniérisme. Le classicisme a besoin d’un attribut solide et constant pour la substance, mais le maniérisme est fluide, et la spontanéité des manières y remplace l’essentialité de l’attribut. Peut-on dire qu’une douleur est spontanée, dans l’âme du chien qui reçoit un coup de bâton pendant qu’il mange sa soupe, ou dans celle de César-enfant qui se fait piquer par une guêpe pendant qu’il tête ? Mais ce n’est pas l’âme qui reçoit le coup ou la piqûre. Il faut restituer les séries, au lieu de s’en tenir à des abstraits. Le mouvement du bâton ne commence pas avec le coup : un homme s’est approché par-derrière, portant le bâton, puis l’a levé pour l’abattre enfin sur le corps du chien. Ce mouvement complexe a une unité intérieure, tout comme dans l’âme du chien le changement complexe a une unité active : la douleur n’a pas brusquement succédé au plaisir, mais a été préparée par mille petites perceptions, le bruit des pas, l’odeur de l’homme hostile, l’impression du bâton qui se lève, bref, toute une « inquiétude » insensible dont la douleur va sortir « sua sponte », comme par une force naturelle intégrant les modifications précédentes33. Si Leibniz attache tant d’importance à la question de l’âme des bêtes, c’est parce qu’il a su y diagnostiquer l’universelle inquiétude de l’animal aux aguets, qui cherche à saisir les signes imperceptibles de ce qui peut changer son plaisir en douleur, sa chasse en fuite, son repos en mouvement. L’âme se donne une douleur qui porte à sa conscience une série de petites perceptions qu’elle n’avait presque pas remarquées, parce qu’elles restaient d’abord enfouies dans son fond. Le fond de l’âme, le sombre fond, le « fuscum subnigrum », hante Leibniz : les substances ou les âmes « tirent tout de leur propre fond ». C’est le deuxième aspect du maniérisme, sans lequel le premier resterait vide. Le premier, c’est la spontanéité des manières qui s’oppose à l’essentialité de l’attribut. Le second, c’est l’omniprésence du sombre fond qui s’oppose à la clarté de la forme, et sans quoi les manières n’auraient rien d’où surgir. La formule entière du maniérisme des substances est : « Tout leur naît de leur propre fond, par une parfaite spontanéité »34.
Classe d’êtres | Prédicat | Sujet | Inclusion | Infini | Principe |
les Identiques (absolument-simples) | Formes ou Attributs | Dieu | Auto-inclusion | Infini par soi | Principe de contradiction |
les Définissables(relativement-simples) | Rapports (entre définissants) | Extensions ou Grandeurs (touts et parties) | Inclusion réciproque | Infini par la cause | Principe de similitude |
les Conditionnables(limitativement-simples) | Requisits (leurs rapports ou lois) | Intensions ou Choses (ce qui a des degrés et tend vers des limites) | Inclusion unilatérale localisable | Série infinie à limite interne | Principe de raison suffisante |
les Individus (unairement-simples) | Événements ou Manières (rapports à l’existence) | Existants ou Substances | Inclusion unilatérale illocalisable | Série infinie à limite externe | Principe des indiscernables |
Qu’est-ce qui fonde l’impression d’Ortega y Gasset, d’un jeu de principes, dans les principes ? C’est que la plupart de ces termes sont glissants. Ou, plutôt, on les a fixés dans les colonnes, là où ils se dépliaient : ils règnent en se dépliant dans une zone. Mais ils existent déjà ou encore, pliés dans ce qui précède ou repliés dans ce qui suit. Ainsi la Raison suffisante : elle apparaît pour soi dans les choses, là où des caractères internes entrent en connexion pour donner la raison de la chose. Mais, ensuite, le principe des indiscernables n’est que l’explication de la Raison au niveau des individus, au point d’apparaître comme une simple dépendance de la raison suffisante. Et, auparavant, la raison suffisante était dans les définissables, comme le rapport entre définissants, si bien qu’elle jouait déjà dans le cadre ou dans la zone du principe de similitude. Bien plus, le principe de contradiction lui-même exprime déjà la raison propre des identiques, et ne se contente pas de former une alternative avec le principe de raison suffisante, mais au contraire règne dans la zone où la non-contradiction suffit comme raison (ce qu’on peut élever à l’infini sans contradiction). Le principe de contradiction en ce sens est un cas de la raison suffisante35. Mais la raison suffisante à son tour n’est-elle pas un cas de non-contradiction ? De même pour les substances et les choses, pour les conditionnables et les définissables. Et encore n’avons-nous considéré pour le moment qu’un petit nombre de principes. Il y a tout un jeu de passages et de transformation des principes : la raison suffisante est la réciproque de la non-contradiction, comme l’a vu Couturat36. Mais aussi le principe des indiscernables est l’inverse du principe de raison suffisante, pour autant qu’on exprime celui-ci : « un concept par chose », et celui-là : « une chose et une seule par concept » (en quel cas chose = individu). Il y a là un trait unique, qu’on ne trouve que dans la philosophie de Leibniz : l’extrême goût des principes, loin de favoriser les cloisonnements, préside au passage des êtres, des choses et des concepts sous toutes les cloisons mobiles. Dans cette extraordinaire activité philosophique qui consiste à créer des principes, on dirait qu’il y a moins de principes que deux pôles, l’un vers lequel tous les principes se replient ensemble, l’autre vers lequel ils se déplient tous au contraire en distinguant leurs zones. Ces deux pôles sont : Tout est toujours la même chose, Il n’y a qu’un seul et même Fond ; et : Tout se distingue par le degré, Tout diffère par la manière... Ce sont les deux principes des principes. C’est qu’aucune philosophie n’a poussé si loin l’affirmation d’un seul et même monde, et d’une différence ou variété infinies dans ce monde.
1. Lettre à Arnauld, 14 juillet 1686.
2. Discours de métaphysique, § 14.
3. Cf. Discours de métaphysique, § 8 et 13.
4. De la liberté (F, pp. 180-181) : « Dieu seul voit non certes la fin de la résolution, fin qui n’a pas lieu, mais cependant la connexion des termes comme l’enveloppement du prédicat dans le sujet, parce qu’il voit lui-même chaque chose qui est dans la série. »
5. Cf. De la liberté (p. 183), mais aussi Sur le principe de raison (C, p. 11), Vérités nécessaires et vérités contingentes (C, pp. 17-18), ou Fragment X (GPh, VII, p. 300). Ces textes invoquent des exemples arithmétiques analogues, et utilisent des termes synonymes (« latebat » ou « tecte » aussi bien que « virtualiter »). Couturat a donc raison de dire : « Les vérités nécessaires sont identiques, les unes explicitement..., les autres virtuellement ou implicitement » (La Logique de Leibniz, Olms, p. 206).
6. Nouveaux essais, IV, chap. 7, § 10.
7. Ortega y Gasset, L’Évolution de la théorie déductive. L’idée de principe chez Leibniz, Gallimard, pp. 10-12.
8. Sur ce critère ou cette épreuve d’élévation à l’infini, et sur la condition « ni tout ni parties », cf. Nouveaux essais..., II, chap. 17, § 2-16. Et Méditations sur la connaissance, la vérité et les idées. Les deux textes reconnaissent une étendue absolue, « extensio absoluta », comme forme primitive infinie. Mais c’est en un sens très spécial, puisqu’il ne s’agit ni de l’espace, qui est relatif, ni de l’étendue proprement leibnizienne, qui entre dans des rapports de tout et de parties : il s’agit de l’immensité, qui est « l’idée de l’absolu par rapport à l’espace ».
9. Sur l’impossibilité de se contredire, pour des formes absolument simples qui sont nécessairement « compatibles », cf. Lettre à la princesse Élisabeth, 1678, et surtout Qu’il existe un Être infiniment parfait (GPh, VII, pp. 261-262). Dans ce dernier texte, Leibniz affirme avoir appris à Spinoza cette démonstration. On en doutera, tant elle appartient aussi aux dix premières propositions de l’Éthique : c’est parce que les attributs n’ont rien de commun qu’ils peuvent se dire d’un seul et même Être... D’autant plus que Spinoza et Leibniz ont une même source, Duns Scot, qui montrait que des Quiddités formellement distinctes composaient un seul et même Être (cf. Gilson, Jean Duns Scot, Éd. Vrin, pp. 243-254 : « La distinction formelle des essences n’empêche pas la parfaite unité ontologique de l’infini »).
10. Recherches générales sur l’analyse des notions et vérités (C, pp. 358-359). Sur le « vinculum » comme rapport entre les définissants d’une grandeur, cf. De la méthode de l’universalité, C, p. 101.
11. Cf. l’œuvre de jeunesse Sur l’art combinatoire, avec les commentaires de Couturat, Logique de Leibniz, p. 560. Nous avons simplifié l’exemple de la ligne qui, en fait, est du niveau IV.
12. Spinoza aussi distingue trois infinis, dans la Lettre XII, l’un par soi, l’autre par sa cause, l’autre enfin compris dans des limites. Leibniz félicite Spinoza à cet égard, bien que, pour son compte, il conçoive autrement le rapport de la limite et de l’infini. Cf. GPh, I, p. 137.
13. Sur la texture de l’or ou la connexion des caractères, Nouveaux essais, II, chap. 31, § 1, III, chap. 3, § 19.
14. Nouveaux essais, IV, chap. 2, § 7 : sur la catégorie de problème.
15. Nouveaux essais, I, chap. 1, § 4 et 19. Sur l’enthymème, cf. Aristote, Premiers analytiques, II, 27 (« si l’on énonce une seule prémisse, c’est seulement un signe qu’on obtient... »).
16. Atteindre ou non à la connexion des caractères (cas de l’or) : Nouveaux essais, III, chap. 4, § 16, III, chap. 11, § 22-24, IV, chap. 6, § 8-10.
17. Nouveaux essais, IV, chap. 17, § 4 (théorie du « tissu »).
18. Nouveaux essais, III, chap. 3, § 6.
19. Nouveaux essais, III, chap. 4, § 16.
20. Cf. le début de L’Origine radicale des choses. Et Monadologie, § 36-37 : « Il faut que la raison suffisante ou dernière soit hors de la suite ou series de ce détail des contingences, quelque infini qu’il pourrait être. » Ce dernier texte a l’avantage de passer par les âmes ou monades, qui ne contiennent pas plus la raison dernière que les états de monde. Que la raison de la série soit extérieure à la série, dans ce cas il faut le comprendre littéralement, nous semble-t-il : c’est un des seuls points sur lesquels nous ne pouvons pas suivre Michel Serres (I, p. 262). Un argument souvent invoqué par Leibniz est qu’une « série renfermant le péché » ne peut avoir sa raison dans la monade.
21. De la liberté : « Démontrer n’est pas autre chose que résoudre les termes... pour dégager une sorte d’équation, c’est-à-dire la coïncidence du prédicat avec le sujet dans une proposition réciproque ; mais, dans les autres cas, c’est au moins extraire une inclusion, de telle sorte que ce qui était latent dans la proposition et contenu dans une certaine puissance se trouve rendu par la démonstration évident et explicite. »
22. Correspondance avec Arnauld, « Remarques sur la lettre de M. Arnauld » du 13 mai 1686 : « La notion d’un individu enferme sub ratione possibilitatis ce qui est de fait ou ce qui se rapporte à l’existence des choses et au temps. »
23. Arnauld et Nicole, La Logique ou l’art de penser, Éd. Flammarion, II, chap. 2.
24. Cf. les textes cités par Couturat, La Logique de Leibniz, Olms, p. 70.
25. Lettre à Arnauld, juillet 1686 : l’inclusion se présente comme une connexion directe « entre moi, qui suis le sujet, et l’exécution du voyage, qui est le prédicat ».
26. Sur la conception de l’événement chez les premiers Stoïciens, le texte de base reste Émile Bréhier, La Théorie des incorporels dans l’ancien stoïcisme, Éd. Vrin, chap. I et II. Et, sur la substitution de « s’ensuivre » à « être » cf. Brochard, Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne, Éd. Alcan, p. 226-227. On retrouve cette substitution chez Leibniz.
27. Nouveaux essais, IV, chap. 17, § 16 : « Les manières et les degrés de perfection varient à l’infini, cependant le fond est partout le même, ce qui est une maxime fondamentale chez moi et qui règne dans toute ma philosophie... Si cette philosophie est la plus simple dans le fond, elle est aussi la plus riche dans les manières... »
28. C’est pourquoi Leibniz, parfois, présente brièvement l’inhérence du prédicat comme conforme à l’opinion générale (« ut aiunt »), ou à Aristote en particulier.
29. Cf. la lettre d’Arnauld du 4 mars 1687, et la Lettre à Arnauld du 30 avril. André Robinet montre que Leibniz évite longtemps de parler de « substance simple », jusqu’en 1696 (Architectonique disjonctive, automates systémiques et idéalité transcendantale dans l’œuvre de Leibniz, Éd. Vrin, p. 355, et l’étude d’Anne Becco, Du simple selon Leibniz, Vrin).
30. De la nature en elle-même, § 13 : sur le mouvement local et le changement qualitatif.
31. « Si la séparabilité est une suite de la distinction réelle », Lettre à Malebranche, GPh, I, pp. 325-326.
32. Contre l’attribut cartésien, cf. la Correspondance avec De Volder (GPh, II), notamment 20 juin 1703.
33. Éclaircissement des difficultés que M. Bayle a trouvées dans le système nouveau... (GPh, IV, pp. 532, 546-547).
34. Addition à l’explication du système nouveau... (GPh, IV, p. 586).
35. D’où Monadologie, § 36 : « La raison suffisante se doit aussi trouver dans les vérités contingentes... », ce qui implique qu’elle valait déjà pour les vérités nécessaires. Et Théodicée, « Remarques sur le livre de l’origine du mal », § 14.
36. Couturat, La Logique de Leibniz, p. 215 : « Le principe d’identité affirme que toute proposition identique est vraie, tandis que le principe de raison affirme, au contraire, que toute proposition vraie est analytique, c’est-à-dire virtuellement identique. »