13
– Personne ne l’a vue partir ?
Greenberg suivit un Matlock rongeant son frein du salon à la salle de séjour. On entendait la voix de Sam Kressel dans la chambre, qui hurlait au téléphone. Matlock le remarqua. Son attention était trop divisée.
– C’est Sam Kressel, n’est-ce pas ? demanda-t-il. Est-il au courant pour Herron ?
– Oui. Je l’ai appelé après vous avoir prévenu... Et les serveuses ? Leur avez-vous posé la question ?
– Bien sûr. Aucune n’était certaine de quoi que ce soit. Il y avait beaucoup de monde. L’une m’a dit qu’elle était peut-être allée aux toilettes. Une autre pensait – vous imaginez – pensait que c’était peut-être elle qui était partie avec un couple d’une autre table.
– Ne seraient-ils pas passés devant vous en sortant ? Ne l’auriez-vous pas vue ?
– Pas nécessairement. Nous étions au fond. Il y a deux ou trois portes qui donnent sur la terrasse. En été, surtout quand il y a foule, on y dispose des tables.
– Vous êtes parti dans votre voiture ?
– Naturellement.
– Et vous ne l’avez pas aperçue dehors, marchant sur la route, sur le bas-côté ?
– Non.
– Avez-vous reconnu d’autres gens ?
– Je n’ai pas vraiment regardé. J’étais préoccupé.
Matlock alluma une cigarette. L’allumette trembla dans sa main.
– Si vous voulez mon avis, elle a dû repérer quelqu’un qu’elle connaissait et lui a demandé de la ramener chez elle. On n’entraîne pas de force une fille comme elle sans qu’elle se débatte.
– Je sais. Cela m’est déjà arrivé.
– Qu’elle se débatte ?
– Ça allait mieux, mais ce n’était pas terminé. Le coup de téléphone a tout déclenché à nouveau. Les professeurs d’anglais sont rarement dérangés au restaurant.
– Je suis désolé.
– Ce n’est pas votre faute. Je vous l’ai dit, elle est hostile. Elle pense toujours à son père. J’essaierai de la joindre à son appartement quand Sam lâchera l’appareil.
– C’est un homme curieux. Quand je lui ai raconté la mort de Herron, il est monté sur ses grands chevaux. Il a dit qu’il lui fallait parler en privé à Sealfont, et il hurlait tellement qu’on pourrait l’entendre à cent lieues de là.
Matlock pensa de nouveau à Herron.
– Sa mort – son suicide – va causer un gros choc, comme ce campus n’en a pas connu depuis vingt ans. Les hommes comme Lucas ne meurent pas. Et certainement pas de cette façon... Sam sait que je l’ai vu ?
– Oui. Je n’ai pas pu le lui cacher. Je lui ai dit à peu près ce que vous m’avez raconté, la version la plus courte, cela va de soi. Il refuse de le croire. Enfin ce que cela implique, je veux dire.
– Je ne l’en blâme pas. Ce n’est pas facile à accepter. A présent, qu’allons-nous faire ?
– Nous attendons. J’ai rédigé un rapport. Deux experts du laboratoire de Hartford sont là-bas. On a appelé la police locale.
En entendant parler de police, Matlock se rappela soudain l’agent en civil dans le couloir du court du squash, qui s’était éloigné à grands pas au moment où il l’avait reconnu. Il en avait parlé à Greenberg et ce dernier ne lui avait jamais fourni d’explication satisfaisante, si toutefois il y en avait une. Il lui reposa la question.
– Et le flic de la salle de gym ?
– Rien d’anormal. Du moins, jusqu’à présent. La police de Carlyle a le droit d’utiliser les installations trois matinées par semaine. Relations municipales. Coïncidence.
– Vous vous arrêtez là ?
– J’ai dit « jusqu’à présent ». Nous avons vérifié son dossier. Il est excellent. Rien de suspect.
– C’est un sectaire, un salaud.
– Cela vous surprendra peut-être, mais cela n’est pas un crime. C’est même inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme.
Sam Kressel s’avança à grands pas vers la porte de la chambre, solennel. Matlock se rendit compte qu’il était aussi terrorisé qu’on pouvait l’être. Il y avait une similitude gênante entre le visage de Sam et le teint blafard de Lucas Herron avant que le vieil homme ne coure vers la forêt.
– Je vous ai entendu rentrer, dit Kressel. Qu’allez-vous faire ? Pourquoi diable êtes-vous allé là-bas... ? Adrian ne croit pas plus à cette histoire absurde que moi ! Lucas Herron ! C’est fou !
– Peut-être. Mais c’est vrai.
– Parce que vous le dites ? Comment en êtes-vous sûr ? Vous n’êtes pas un professionnel dans ce domaine. D’après ce que j’ai compris, Lucas a reconnu qu’il avait aidé un étudiant qui se droguait.
– Hé ! Ce ne sont pas des étudiants !
– Je vois.
Kressel s’interrompit un instant et regarda tour à tour Matlock et Greenberg.
– Étant donné les circonstances, j’exige de connaître les faits.
– Vous les aurez, fit calmement Greenberg. Continuez. Je veux savoir pourquoi Matlock se trompe, pourquoi cette histoire est tellement absurde.
– Parce que Lucas Herron n’est pas... n’était pas le seul membre du corps enseignant confronté à ces problèmes. Nous sommes des dizaines à apporter notre aide, à faire tout ce qui est en notre pouvoir.
– Je ne vous suis pas. Greenberg fixa Kressel des yeux, étonné. Alors vous les aidez. Vous n’allez tout de même pas vous suicider parce qu’un de vos collègues de faculté à découvert ça.
Sam Kressel ôta ses lunettes et parut pensif un instant.
– Il y a quelque chose qu’aucun de vous deux ne sait. Je m’en suis rendu compte il y a quelque temps, mais pas aussi précisément que Sealfont... Lucas Herron était très malade. On lui a retiré un rein cancéreux l’été dernier. L’autre l’était aussi et il le savait. La douleur devait être insupportable pour lui. Il n’en avait plus pour longtemps.
Greenberg observa soigneusement Kressel qui replaçait ses lunettes sur son nez. Matlock se pencha pour écraser sa cigarette dans le cendrier sur la table basse. Enfin Greenberg parla.
– Voudriez-vous suggérer qu’il n’y a aucun rapport entre le suicide de Herron et la visite de Matlock cet après-midi-là.
– Je ne suggère rien de tel. Je suis certain qu’il y a un lien... mais vous ne connaissiez pas Lucas. Toute sa vie, depuis près d’un demi-siècle, à l’exception des années de guerre, c’était l’université de Carlyle. Il aimait cet endroit plus qu’un homme ne pourra jamais aimer une femme, plus qu’aucun père, aucune mère n’aimera jamais son enfant. Je suis certain que Jim vous l’a dit. S’il a pensé un seul instant que son univers allait sombrer, sa peine a été plus terrible que la torture physique qu’il endurait. Quel moment idéal pour se supprimer !
– Bon Dieu ! rugit Matlock. Vous êtes en train d’insinuer que je l’ai tué.
– Peut-être bien, répondit calmement Kressel. Je n’y avais pas pensé en ces termes. Adrian non plus, j’en suis sûr.
– Mais c’est ce que vous dites ! Que j’ai bâclé ce boulot et que je l’ai tué comme si je lui avais moi-même tailladé les poignets... Bon, vous n’étiez pas là. Moi si !
Kressel ne perdit pas patience.
– Je n’ai pas dit que vous aviez bâclé votre travail, mais que vous étiez un amateur. Un amateur plein de bonnes intentions. Je suppose que Greenberg voit ce que j’entends par là.
Jason Greenberg regarda Matlock.
– Il y a un vieux proverbe slovaque qui dit : Quand les vieux sages se suicident, meurent les cités.
La sonnerie du téléphone retentit, stridente. Elle fit sursauter les trois hommes. Matlock décrocha l’appareil, puis se tourna vers Greenberg.
– C’est pour vous.
– Merci. L’agent fédéral prit le récepteur des mains de Matlock. Greenberg... O.K., je comprends. Quand le saurez-vous ? Je serai probablement alors sur la route. Je vous rappellerai plus tard.
Il reposa le téléphone et resta près du bureau, tournant le dos à Kressel et à Matlock. Le doyen des collèges ne résista pas longtemps à l’envie d’en savoir plus long.
– Qu’y a-t-il ? Que s’est-il passé ?
Greenberg fit volte-face. Matlock constata que ses yeux paraissaient encore plus tristes que d’habitude, ce qui, Matlock l’avait appris, était signe d’ennuis.
– Nous répondons à une requête de la police, des tribunaux. Nous faisons faire une autopsie.
– Pourquoi ? vociféra Kressel en s’approchant de l’agent. Pour l’amour du Ciel, pour quelle raison ? Il s’est suicidé. Il souffrait ! Mon Dieu ! Vous n’avez pas le droit ! Si la nouvelle transpirait...
– Nous la garderons pour nous.
– Ce n’est pas possible, et vous le savez ! Il y aura des fuites et tout le monde sera au courant ici ! Je ne le permettrai pas.
– Vous ne pouvez plus arrêter les choses. Même moi, je ne le pourrais plus. Des preuves suffisantes indiquent que Herron ne s’est pas suicidé. Qu’il a été assassiné. Greenberg sourit amèrement en se tournant vers Matlock. Et pas par des mots.
Kressel discuta, menaça, rappela Sealfont, puis il se rendit enfin compte de l’inutilité de son agitation. Furieux, il quitta l’appartement de Matlock.
A peine Kressel eut-il claqué la porte que le téléphone sonna une seconde fois. Greenberg vit que le bruit perturbait Matlock, cela ne le gênait pas vraiment mais le rendait nerveux, l’effrayait sans doute aussi.
– Je suis désolé... Je crains bien que cet endroit ne devienne quelque temps une base pour la police. Pas longtemps... C’est peut-être la fille.
Matlock lui prit l’appareil, écouta sans rien dire. Il se tourna vers Greenberg. Il ne prononça qu’un seul mot.
– Vous.
Greenberg reprit le récepteur, donna doucement son nom, puis regarda droit devant lui pendant une longue minute. Matlock l’observa un instant avant de pénétrer dans la cuisine. Il ne voulait pas rester près de l’agent fédéral, l’air gauche, tandis que celui-ci recevait les instructions de ses supérieurs.
La voix au bout du fil avait elle-même décliné son identité :
– Washington à l’appareil.
Sur le comptoir du bar se trouvait l’enveloppe vide qui avait contenu le message brutal et hypocrite du ministère de la Justice. C’était un signe de plus que ses pires phantasmes étaient en train de se réaliser. Cette part infinitésimale du cerveau qui régissait l’impensable commençait à lui faire percevoir que le pays dans lequel il avait grandi était en train de se métamorphoser en quelque chose de laid et de destructeur. C’était bien plus qu’une manifestation politique. C’était une lente, mais générale dégradation de la moralité par la stratégie. Une corruption des intentions. Les sentiments forts étaient remplacés par une colère superficielle, des condamnations et un compromis. La terre devenait autre chose que sa promesse, son engagement. Le Graal n’était plus que des vaisseaux pleins de vin insipide, impressionnants uniquement parce qu’ils appartenaient à quelqu’un.
– Ma conversation téléphonique est terminée. Voulez – vous essayer de joindre Miss Ballantyne ?
Matlock leva les yeux vers Greenberg qui se tenait dans l’embrasure de la porte de la cuisine. Greenberg, contradiction ambulante, Greenberg qui citait des proverbes, qui se méfiait au plus haut point du système pour lequel il travaillait.
– Oui. Oui. J’aimerais bien. Il revint vers la salle de séjour tandis que Greenberg s’effaçait pour le laisser passer. C’était une curieuse remarque. Qu’est-ce que c’était déjà ? « Quand les vieux sages se suicident, meurent les cités. » Il se retourna pour regarder l’agent fédéral. C’est le proverbe le plus triste que j’aie jamais entendu.
– Vous n’êtes pas hassidique. Moi non plus, bien sûr, mais les Hassidim ne le trouveraient pas triste... Si l’on y songe, aucun véritable philosophe non plus.
– Pourquoi ? Il est, objectivement, triste.
– C’est la vérité. La vérité n’est ni joyeuse, ni triste, ni bonne, ni mauvaise. Elle est la vérité, c’est tout.
– Nous en discuterons un jour, Jason.
Matlock décrocha le téléphone, composa le numéro de Pat et laissa sonner plus de dix fois. Il n’y eut pas de réponse. Matlock se rappela les noms de plusieurs amis de Pat, et se demanda s’il devait ou non tenter de les joindre. Quand elle était en colère ou qu’elle avait du chagrin, Pat avait deux habitudes : soit elle se promenait seule une heure ou deux, soit, à l’inverse, elle cherchait de la compagnie pour aller au cinéma, à Hartford, ou dans un bar animé. Cela faisait un peu plus d’une heure qu’elle avait disparu. Il lui accorderait encore un quart d’heure avant de faire la tournée de ses connaissances. Il avait naturellement songé qu’elle avait pu être enlevée contre son gré. Cela avait même été sa première réaction. Mais ce n’était pas logique. Le Chat du Cheshire était bourré à craquer, les tables serrées les unes contre les autres. Greenberg avait raison. Où qu’elle soit, elle y était allée parce qu’elle le voulait bien.
Greenberg se tenait près de la porte de la cuisine. Il n’avait pas bougé. Il observait Matlock.
– J’essaierai dans un quart d’heure. S’il n’y a toujours pas de réponse, j’appellerai quelques-uns de ses amis. Comme vous l’avez dit, c’est une jeune femme très volontaire.
– J’espère que vous n’êtes pas du même bois ?
– Qu’est-ce que cela signifie ?
Greenberg fit quelques pas. Il regarda Matlock droit dans les yeux.
– C’est terminé, fini. Oubliez la lettre, oubliez Loring, oubliez-moi. C’est ainsi que cela doit être. D’après ce que j’ai compris, vous aviez des billets pour St. Thomas, sur la Pan Am, pour samedi. Profitez-en. C’est là que vous irez. C’est beaucoup mieux comme ça.
Matlock, à son tour, dévisagea l’homme qui lui faisait face.
– C’est moi qui prends ce genre de décisions. J’ai la mort d’un homme bon et doux sur la conscience. Et vous avez ce papier de merde dans la poche. Je l’ai signé, vous vous en souvenez ?
– Ce papier ne compte plus. Washington exige que vous vous retiriez. Allez-y.
– Pourquoi ?
– A cause de cet homme si bon. S’il a été tué, vous pourriez bien l’être aussi. Si cela se produisait, certains dossiers risqueraient de revenir devant les tribunaux, et des gens, qui étaient très réservés quant à votre recrutement, pourraient faire part de leur réticence à la presse. Vous avez été manipulé. Je n’ai pas besoin de vous le dire.
– Et alors ?
– Les directeurs de la Justice ne souhaitent pas être considérés comme des exécuteurs.
– Je vois. Le regard de Matlock passa de Greenberg à la table basse. Et si je refuse ?
– C’est moi qui vous ferai quitter la scène.
– Comment ?
– Je vous ferai arrêter pour meurtre.
– Quoi ?
– Vous êtes la dernière personne qui ait vu Lucas Herron vivant. De votre propre aveu, vous êtes allé chez lui pour le menacer.
– Pour le prévenir.
– C’est sujet à interprétation, n’est-ce pas ?
Quand le craquement de tonnerre se produisit, il fut si assourdissant que les deux hommes se jetèrent à terre. C’était comme si une moitié de l’immeuble s’était effondrée, se transformant en gravats. Il y avait de la poussière partout, les meubles étaient renversés, les verres brisés, des éclats de bois et de la poussière de plâtre tourbillonnaient dans l’air, et une odeur nauséabonde de soufre en feu envahit la pièce. Matlock connaissait l’odeur de ce genre de bombe, et il avait acquis les réflexes indispensables en pareille circonstance. Il resta au pied du divan, attendant une seconde explosion – une déflagration à retardement qui tuerait tous ceux qui se relèveraient sous l’effet de la panique. A travers le brouillard, il aperçut. Greenberg qui se redressait, bondit en avant, attrapant l’agent fédéral au niveau du genou.
– Baissez-vous ! Restez...
La seconde bombe explosa. Le plafond noircit par endroits. Matlock savait qu’il ne s’agissait pas d’un explosif de tueur. C’était autre chose et, pour l’instant, il ne parvenait pas à le définir. C’était un trompe-l’œil, un camouflage, qui n’entendait pas tuer mais détourner l’attention. Un immense pétard.
Puis on entendit des hurlements de terreur venant des quatre coins de l’immeuble. Des bruits de pas de course sur le plancher de l’appartement du dessus.
Enfin un unique cri d’horreur, derrière la porte d’entrée de Matlock. Un cri d’épouvante tel que Matlock et Greenberg se précipitèrent vers le vestibule. Matlock ouvrit la porte et baissa les yeux vers un spectacle qu’aucun être humain ne peut voir plus d’une fois dans sa vie, s’il parvient toutefois à survivre.
Sur le seuil gisait Patricia Ballantyne, enveloppée dans une chemise trempée de sang. On avait troué le tissu à hauteur de ses seins nus et ensanglantés. On lui avait rasé le dessus de la tête et le sang coulait des traces de lacération là où, quelques heures plus tôt, il y avait encore une chevelure douce et brune. Le sang sortait aussi de sa bouche entrouverte, de ses lèvres blessées. Ses paupières n’étaient plus que de la chair meurtrie, mais ses yeux bougeaient. Ses yeux bougeaient !
De la salive apparut au coin de ses lèvres. Le corps à moitié mort essayait de parler.
– Jamie...
Ce fut le seul mot qu’elle parvint à prononcer avant que sa tête ne retombe sur le côté.
Greenberg poussa Matlock de tout son poids, le projetant dans la foule qui commençait à se former. Il hurla des ordres « Police ! » et « Ambulance ! » jusqu’à ce qu’il y ait assez de gens pour les exécuter. Il colla sa bouche à celle de la fille, pour faire entrer de force de l’air dans ses poumons, mais il comprit vite que ce n’était pas vraiment nécessaire : Patricia Ballantyne n’était pas morte. Elle avait été torturée par des experts, des experts qui connaissaient bien leur affaire. Chaque coup, chaque lacération, chaque blessure était synonyme de la plus affreuse douleur, mais pas de mort.
Il commença à la relever, mais Matlock l’arrêta. Les yeux du professeur d’anglais étaient gonflés de larmes de haine. Il écarta doucement les mains de Greenberg et porta Pat dans ses bras. Il la transporta à l’intérieur et l’étendit sur le sofa démantibulé. Greenberg entra dans la chambre et revint avec une couverture. Puis il apporta un bol d’eau chaude et plusieurs serviettes. Il souleva la couverture et posa une serviette sur les seins sanglants de la jeune femme. Matlock, horrifié devant ce visage sauvagement battu, prit le bord d’une autre serviette et se mit à ôter le sang de la tête rasée et de la bouche.
– Elle se remettra, Jim. J’ai déjà vu ça. Elle se remettra.
Mais quand Greenberg entendit les sirènes approcher, il se demanda si cette fille s’en tirerait vraiment.
Matlock, désarmé, continuait d’éponger le visage, des larmes coulant le long de ses joues, les yeux grands ouverts. Il parlait à travers ses sanglots.
– Vous savez ce que cela veut dire, n’est-ce pas ? Personne ne pourra m’obliger à renoncer, à présent. S’ils essaient, je les tuerai.
– Je les en empêcherai, fit simplement Greenberg.
On entendit un crissement de freins et on aperçut les gyrophares éblouissants des voitures de police. Les ambulances tournaient en rond de l’autre côté de la rue.
Matlock s’écroula, la face contre un coussin, près de la jeune femme inconsciente, et pleura.