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C’était un épais carnet de plus de trois cents pages manuscrites, à l’encre. Le contenu se présentait sous la forme d’un journal, mais la longueur des paragraphes variait énormément. Il n’y avait aucune cohérence dans les dates. Le plus souvent, les jours se suivaient. Certains passages étaient séparés par des semaines entières, parfois des mois. L’écriture changeait elle aussi. Il y avait des lignes d’un graphisme ferme, lucide, suivies d’une écriture erratique, incohérente. Dans les dernières parties, la main avait dû trembler, les mots étaient souvent illisibles.
Le journal de Lucas Herron était un cri d’angoisse, un sanglot de douleur. La confession d’un homme désespéré.
En s’asseyant sur le sol froid et humide, galvanisé par ce message, Matlock comprit ce qui avait justifié la disposition des lieux, le menaçant mur de verdure, les stores des fenêtres, l’isolation totale.
Herron se droguait depuis un quart de siècle. Sans narcotiques, sa souffrance eût été intolérable. Et on ne pouvait rien pour lui, sinon le confiner dans la salle d’un hôpital pour anciens combattants pour lui rappeler la vie anormale qu’il avait menée.
C’était le rejet de cette mort vivante qui avait plongé Lucas Herron dans une pire mort.
Le commandant Lucas Nathaniel Herron, USMCR, affecté aux troupes d’assaut amphibies, aux bataillons d’offensive, aux fusiliers marins, dans le Pacifique, avait dirigé de nombreuses compagnies du quatorzième bataillon de la première division des fusiliers marins, au cours d’attaques dans diverses îles détenues par les Japonais, dans les archipels des Salomon et des Carolines.
Et le commandant Lucas Herron avait quitté la petite île de Peleliu, appartenant aux Carolines, sur un brancard, après avoir ramené deux compagnies jusqu’à la plage sous le feu nourri des tireurs de la jungle. Personne ne pensait qu’il pourrait survivre.
Le commandant Lucas Herron avait reçu une balle japonaise qui s’était plantée à la base du cou et logée dans une région vitale du système nerveux. Il n’aurait pas dû en réchapper. Les médecins, à Brisbane puis à San Diego, enfin à Bethesda, considérèrent que des opérations successives étaient inenvisageables. Le patient ne s’en remettrait pas. Il serait réduit à un état végétatif s’il se produisait la moindre complication. Personne ne voulait en prendre la responsabilité.
On lui administra des remèdes de cheval pour le soulager. Et il resta dans cet hôpital du Maryland pendant plus de deux ans.
Les étapes de sa cicatrisation, de sa guérison partielle, furent lentes et pénibles. Il y eut d’abord les minerves et les cachets. Puis les appareils orthopédiques, les carcans de métal qui l’aidaient à marcher et toujours les cachets. Enfin les béquilles s’ajoutèrent aux broches et aux cachets. Lucas Herron revint à la vie, mais il ne pouvait se passer des cachets. Et dans les moments de torture, une piqûre de morphine le soir.
Ils étaient des centaines, peut-être des milliers comme lui, mais très peu avaient les qualités requises par ceux qui vinrent le chercher. Un authentique héros de la guerre du Pacifique, un savant brillant, un homme au-dessus de tout soupçon.
Il était parfait. On pouvait donc l’utiliser parfaitement.
D’une part, il lui était impossible de vivre et d’endurer ses souffrances sans le soulagement que lui procuraient les stupéfiants, les cachets et les piqûres de plus en plus fréquents. D’autre part, si son degré de dépendance avait été connu des médecins, ils l’auraient renvoyé à l’hôpital.
On lui fit prendre conscience graduellement, subtilement, de cette alternative. Graduellement : ses pourvoyeurs avaient besoin de certaines faveurs de temps à autre, un contact à Boston, des hommes à payer à New York. Subtilement car lorsque Lucas Herron mettait en question son engagement, on lui répondait que c’était tout à fait inoffensif. Inoffensif mais nécessaire.
Les années passèrent. Et il devint extrêmement précieux pour ces gens dont il avait tant besoin. Le contact de Boston, les hommes que l’on devait payer à New York devinrent de plus en plus nombreux, de plus en plus nécessaires. Puis on envoya Lucas Herron sur le terrain. Vacances de Noël, de Pâques, d’été : Canada, Mexique, France... la Méditerranée.
Il tint le rôle de courrier.
Son corps et son esprit torturés ne cessaient de penser à l’hôpital avec horreur.
On l’avait très intelligemment manipulé. Jamais il n’avait été confronté aux conséquences de son travail, jamais il n’avait été particulièrement conscient de la croissance du réseau de destruction qu’il contribuait à bâtir. Quand enfin il apprit la vérité, il était trop tard. Le réseau existait.
Nemrod était puissant.
22 avril 1951 : Pendant les vacances de Pâques, ils me renvoient au Mexique. Je m’arrêterai à l’université de Mexico comme d’habitude et, au retour, à Baylor. Ironie du sort : ici, l’intendant m’a fait appeler pour me dire que Carlyle serait ravi de me défrayer en partie de mes frais de « recherche ». J’ai refusé en arguant que ma pension d’invalidité suffisait. J’aurais peut-être dû accepter...
13 juin 1956 : Trois semaines à Lisbonne. Un plan d’action, m’a-t-on dit, pour un petit bateau. Arrive aux Açores par Cuba (quelle pagaille !) pour revenir à Panama. Escales pour moi à la Sorbonne, à l’université de Tolède et à celle de Madrid. Je suis devenu colporteur universitaire ! Leurs méthodes ne me plaisent pas – à qui plairaient-elles ? – mais je ne suis pas non plus responsable de lois archaïques. On pourrait empêcher tant de choses. Ils ont besoin d’aide ! J’en ai contacté des tas par téléphone. Ils m’ont fait connaître des gens comme moi qui ne peuvent affronter le lendemain sans le secours de... Je me fais quand même du souci... Mais qu’y puis-je ? D’autres le feraient si ce n’était moi...
24 février 1957 : Je suis inquiet mais calme et raisonnable (j’espère !) quant à mes préoccupations. On m’a dit que lorsque l’on m’envoyait pour prendre contact, j’étais le messager de « Nemrod ». C’est un nom de code, un artifice sans signification, disent-ils, et qui sera respecté. C’est stupide, autant que les renseignements que nous recevions au QG de MacArthur, dans le Pacifique Sud. Ils avaient tous les codes, mais pas de faits précis... La douleur empire, les toubibs me l’avaient prédit. Mais... honorable représentant de « Nemrod »... que je suis...
10 mars 1957 : Ils sont en colère contre moi ! Ils m’ont refusé ma dose pendant deux jours. J’ai pensé me tuer ! Je suis parti en voiture vers l’hôpital de Virginie, à Hartford, mais ils m’ont arrêté sur l’autoroute. Ils circulaient dans une voiture de la police de Carlyle. J’aurais dû savoir que la police marchait avec eux ici ! C’est la compromission ou l’hôpital... Ils avaient raison !... Je suis au Canada avec mission de ramener un homme venant d’Afrique du Sud... Je dois le faire ! On m’appelle constamment au téléphone. Ce soir, un type du vingt-septième régiment, blessé à Naka, en provenance d’East Grange dans le New Jersey, m’a affirmé que lui et six autres personnes dépendaient de moi ! Il y en a tant qui sont comme nous ! Pourquoi ? Pourquoi nous méprise-t-on ? Nous avons besoin d’aide et tout ce que l’on nous propose, ce sont les hôpitaux !
19 août 1960 : Je leur ai fait comprendre ma position. Ils vont trop loin !... Nemrod n’est pas seulement un code, c’est aussi un homme ! La géographie ne change pas, la tête si ! Ils n’aident plus mes semblables – si peut-être – mais leur action nous dépasse largement ! Ils s’étendent, attirent d’autres gens pour des sommes fabuleuses !
20 août 1960 : A présent, ils me menacent. Ils prétendent qu’ils ne m’en donneront plus quand mes réserves seront épuisées... Ça m’est égal ! J’en ai pour une semaine, avec de la chance, une semaine et demie... Si seulement je préférais l’alcool, ou si ça ne me rendait pas malade..
28 août 1960 : Je tremblais comme une feuille, mais je me suis rendu au commissariat de police de Carlyle. Je n’avais pas réfléchi. J’ai demandé à parler au plus haut responsable, et ils m’ont répondu qu’il était plus de cinq heures et qu’il était rentré chez lui. Alors je leur ai dit que j’avais des renseignements concernant la drogue et, dix minutes plus tard, le commissaire se pointait... A ce moment-là, je ne pouvais plus dissimuler ni même me contrôler. J’urinais dans mon pantalon. Le commissaire me fit entrer dans une petite pièce, ouvrit une mallette et me fit une piqûre. Il appartenait à Nemrod !
7 octobre 1965 : Le Nemrod actuel est mécontent de moi. Je me suis toujours bien entendu avec les précédents, les deux que j’ai rencontrés. Celui-ci est plus strict, plus inquiet de mes activités. Je refuse de m’en prendre aux étudiants, ce qu’il accepte, mais il prétend que mes cours sont sans intérêt, que je n’ai plus de charisme. Peu lui importe que je ne raccole pas – il n’y tient pas – mais il m’a demandé d’être plus classique dans mon aspect extérieur... C’est étrange. Il s’appelle Matthew Orton, et c’est un insignifiant adjoint du gouverneur de Hartford. Mais il est Nemrod, et j’obéirai...
14 novembre 1967 : Ma douleur dorsale devient intolérable. Les médecins m’ont dit qu’elle se désintégrerait – c’est le terme qu’ils ont employé –, mais pas ainsi ! Au bout de quarante minutes de cours, je suis obligé de m’excuser ! Je le fais toujours. Cela en vaut-il la peine ?... Il le faut, sinon je suis incapable de continuer... Suis-je trop égoïste ou trop lâche pour me suicider ? Ce soir, j’ai rendez-vous avec Nemrod. Dans une semaine, c’est Thanksgiving – je me demande où l’on va m’envoyer...
27 janvier 1970 : Il faut en terminer, à présent. Comme le dit si joliment C. Fry « La rose séraphique, resplendissante dans son parterre » doit se retourner et montrer ses piquants. On ne peut plus rien pour moi, et Nemrod a contaminé trop de gens, trop profondément. Je vais me suicider, le plus doucement possible. J’ai tellement souffert...
28 janvier 1970 : J’ai essayé de me supprimer ! Je ne peux pas ! J’ai apporté le pistolet, puis le couteau, mais je n’y arriverai pas. Suis-je à ce point influencé, contaminé, que je sois incapable d’accomplir ce qui me délivrerait ?... Nemrod me tuera. Je le sais, et il le sait mieux encore.
29 janvier 1970 : Nemrod. Maintenant, c’est Arthur Latona ! Incroyable ! L’Arthur Latona qui a bâti les programmes de logements pour revenus modérés de Mont Holly ! De toute façon, il m’a donné un ordre inacceptable. Je le lui ai dit. Je suis trop précieux pour être remercié, et je le lui ai également dit... Il veut que je transporte une grosse somme d’argent à Toros Daglari en Turquie ! Pourquoi, oh pourquoi, ma vie ne s’achève-t-elle pas là ?
18 avril 1971 : C’est un monde merveilleusement étrange. Pour survivre, exister et respirer, on fait des choses que l’on finit par trouver haïssables... L’ensemble est terrifiant... Les prétextes et les justifications sont pires... Et puis il se passe quelque chose qui suspend – ou du moins reporte – la nécessité d’un jugement... La douleur est descendue du cou et de la colonne vertébrale vers les côtés. Je savais qu’il me faudrait autre chose. Encore plus... Je suis allé voir le médecin de Nemrod, comme d’habitude. J’ai perdu du poids, mes réflexes sont lamentables. Il est inquiet et j’entre demain dans la clinique privée de Southbury. Pour un examen approfondi... Je suis certain qu’ils feront de leur mieux pour moi. Ils ont d’autres voyages à me faire faire, des voyages très importants, a dit Nemrod. Je serai parti tout l’été... Si ce n’était pas moi, ce serait quelqu’un d’autre. Cette douleur est épouvantable.
22 mai 1971 : Le vieux soldat fatigué est rentré chez lui. Mon repaire est mon salut ! On m’a retiré un rein. Les médecins ne se prononcent pas encore sur le second. Mais je sais à quoi m’en tenir. Je suis en train de mourir... Mon Dieu, j’accueille la mort avec joie ! Il n’y aura plus ni voyages ni menaces. Nemrod ne peut pas faire plus... Ils me maintiennent en vie. Aussi longtemps qu’ils le pourront. Il le faut à présent !... J’ai laissé entendre au médecin que j’avais constitué un dossier année par année. Il m’a fixé des yeux sans rien dire. Je n’ai jamais vu un homme aussi effrayé...
23 mai 1971 : Latona – Nemrod – est passé ce matin. Avant qu’il ait le temps d’ouvrir la bouche, je lui ai dit que je savais que j’étais perdu. Que plus rien ne m’importait. La décision de mettre fin à mon existence avait été prise, pas par moi. J’ai même ajouté que j’y étais préparé, que j’étais soulagé. Que j’avais essayé de le faire moi-même, sans succès. Il m’a posé des questions sur ce que j’avais révélé au médecin. Il était incapable de prononcer les mots ! Sa peur envahissait la pièce comme une lourde brume... Je lui ai répondu calmement, avec une grande autorité, je pense. Je lui ai dit que je lui remettrais tout dossier éventuel, si l’on me rendait la vie plus facile les derniers jours, les derniers mois. Il était furieux, mais il ne pouvait pas s’y opposer. Que peut-on faire en face d’un vieil homme qui souffre et qui sait qu’il va mourir ? Quels arguments reste-t-il ?
14 août 1971 : Nemrod est mort ! Latona est mort d’un infarctus. Avant moi, quelle ironie !... Les affaires suivent leur petit bonhomme de chemin. On continue à m’apporter ce dont j’ai besoin chaque semaine et, chaque semaine, le messager terrorisé me pose des questions. Où sont les dossiers ? Où sont-ils ? Leurs propos frôlent la menace, mais je leur rappelle que Nemrod a la parole d’un vieil homme mourant. Pourquoi changerais-je d’avis ?... Ils se retranchent derrière leur peur... On va bientôt choisir un nouveau Nemrod... j’ai prévenu que je ne voulais pas le connaître – et c’est vrai !
20 septembre 1971 : Une nouvelle année commence à Carlyle. Ma dernière année. Je sais que – quelles que soient mes responsabilités – la mort de Nemrod m’a redonné du courage. Suis-je le seul à le savoir ? Dieu sait que je ne peux pas réparer grand-chose, mais je peux essayer !... Je suis en train d’en contacter, d’en trouver quelques-uns qui sont mal en point, et je leur proposerai au moins mon aide. Ce ne seront sans doute que des paroles ou des conseils, mais il me semble réconfortant qu’ils apprennent que je suis passé par là. C’est toujours un choc pour ceux à qui j’en parle ! Vous vous rendez compte ! Le « grand et vieil oiseau » ! La douleur et l’engourdissement sont intolérables. Je ne serai peut-être pas capable d’attendre...
18 février 1972 Le médecin m’a dit qu’il me prescrirait des « médicaments », plus puissants, mais m’a prévenu de me méfier des surdoses. Lui aussi parlait du nouveau Nemrod. Il était même inquiet... Il m’a laissé entendre que cet homme était fou. Je lui ai répété que je ne voulais rien savoir. Que j’étais hors du circuit.
26 février 1972 : Je ne parviens pas à le croire ! Nemrod est un monstre ! Il est complètement dingue ! Il a exigé que tous ceux qui avaient travaillé ici pendant plus de trois ans soient éliminés, envoyés hors du pays et, au cas où ils refuseraient, liquidés ! Le médecin part la semaine prochaine. Femme, famille, cabinet... La veuve de Latona a été assassinée dans un « accident de voiture » ! L’un des messagers, Polizzi, a été descendu à New Haven. Un autre, Capabbo, est mort d’une overdose qui, d’après la rumeur publique, lui aurait été administrée !
5 avril 1972 : De Nemrod à moi : livrez tous vos dossiers ou nous arrêtons toute livraison. Ma maison sera surveillée jour et nuit. On me suivra partout où j’irai. On ne m’autorisera à me faire soigner nulle part. Les effets combinés du cancer et du manque dépasseront tout ce que je peux imaginer. Ce que Nemrod ne sait pas, c’est qu’avant de partir, le médecin m’a laissé une réserve de plusieurs mois. Il ne croyait pas que j’en avais encore pour longtemps... Pour la première fois de cette existence terrible, horrible, je suis en position de force. Ma vie est plus solide que jamais à cause de ma mort.
10 avril 1972 : Nemrod est au bord de l’hystérie à cause de moi. Il m’a menacé de tout révéler, ce qui n’a aucun sens. Je le lui ai fait savoir par mes intermédiaires. Il a répondu qu’il détruirait tout le campus de Carlyle mais, ce faisant, il se détruirait lui-même. On parle d’une conférence. Une importante réunion d’hommes puissants... A présent ma maison est surveillée, comme Nemrod l’avait annoncé, jour et nuit. Par la police de Carlyle, bien entendu. L’armée privée de Nemrod !
22 avril 1972 : Nemrod a gagné ! C’est épouvantable, mais il a gagné. Il m’a envoyé deux coupures de journaux. Chacun racontait la mort d’un étudiant par overdose. La première était une fille de Cambridge, le second, un garçon de Trinity. Il dit qu’il complétera la liste chaque semaine tant que je n’aurai pas remis les dossiers... On exécute des otages ! Il faut que cela s’arrête ! Mais comment ? Qu’y puis-je !... J’ai un plan, mais je ne sais pas s’il est réalisable. Je vais tenter de fabriquer des dossiers. Les laisser intacts. Ce sera difficile. Mes mains tremblent parfois. Parviendrai-je à mener cette tâche jusqu’au bout ? Il le faut. J’ai dit que je les remettrais progressivement. Pour ma propre protection. Je me demande s’il sera d’accord.
24 avril 1972 : Nemrod est le mal incarné, mais c’est un réaliste. Il sait qu’il n’a pas le choix. Nous sommes tous deux engagés dans une course contre le temps, contre ma mort. Impasse ! J’alterne entre une machine à écrire et différents stylos à plume. J’utilise divers types de papier. Les meurtres sont suspendus, mais on m’a prévenu qu’ils reprendraient si je manquais à une livraison ! Les otages de Nemrod sont entre mes mains ! Il n’y a que moi qui puisse empêcher leur exécution !
27 avril 1972 : Il se produit quelque chose d’étrange. Le jeune Beeson a téléphoné à notre contact du Bureau des admissions. Jim Matlock était chez lui, et Beeson nourrit quelques soupçons. Il a posé des questions, fait l’idiot avec la femme de Beeson... Matlock n’est sur aucune liste ! Il ne fait pas partie de Nemrod, ni d’un côté ni de l’autre. Il n’a jamais rien acheté ni vendu... Les voitures de la police de Carlyle sont en permanence devant ma porte. L’armée de Nemrod est alertée. Que se passe-t-il ?
27 avril 1972 – soir : Les messagers sont venus – deux d’entre eux – et ce qu’ils m’ont laissé entendre est si incroyable que je ne peux pas l’écrire ici... Je n’ai jamais demandé l’identité de Nemrod, je n’ai jamais voulu la connaître. Mais il y a un vent de panique, il se passe quelque chose que Nemrod ne contrôle plus. Et les messagers m’ont révélé qui est Nemrod... Ils mentent ! Je ne peux pas, je ne veux pas le croire ! Si c’est vrai, nous sommes tous en enfer !
Matlock regarda désespérément le dernier paragraphe. L’écriture était à peine lisible. La plupart des mots étaient reliés les uns aux autres, comme si celui qui écrivait ne pouvait plus arrêter la course de son stylo.
28 avril : Matlock est venu. Il est au courant. D’autres le sont aussi ! Il dit que des agents du gouvernement s’en occupent... C’est terminé ! Mais ce qu’ils ne peuvent pas comprendre, c’est ce qui va se produire – un bain de sang, des assassinats – des exécutions ! Nemrod ne peut pas faire moins ! Il y aura tant de souffrance. Il y aura une tuerie générale provoquée par un professeur innocent, spécialiste de la période élisabéthaine... Un messager m’a appelé. Nemrod lui-même va sortir de l’ombre. Il s’agit d’une confrontation. Maintenant je vais connaître la vérité, qui il est réellement... Si c’est celui dont on m’a parlé, il faudra que je trouve le moyen de laisser sortir ce dossier. C’est tout ce qui me reste ! C’est à mon tour de menacer... C’est fini à présent. Ma douleur cessera bientôt, elle aussi... j’ai tant souffert... Je ferai un dernier paragraphe quand je serai certain...
Matlock referma le carnet. Qu’avait dit la fille qui s’appelait Jeannie ? Ils contrôlent les tribunaux, la police, les médecins. Et Alan Pace. Il avait ajouté les administrations des grandes universités de tout le Nord-Est. Les politiques universitaires, les emplois, le développement, les programmes, les sources d’un gigantesque financement. Ils dirigent tout.
Mais Matlock détenait la pièce à conviction.
C’était suffisant. Suffisant pour arrêter Nemrod, quel qu’il soit. Suffisant pour faire cesser le bain de sang, les exécutions.
A présent, il devait contacter Jason Greenberg.
Seul.