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Analia Noir

Sous Son Contrôle

Vol. 2

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Employée de mairie passionnée de plongée sous-marine, Sandra travaille toute l’année pour se payer un mois d’évasion et de plaisir : avion, hôtel et plongée dans les îles tropicales. Mais cette année-là, elle vient de rencontrer un autre touriste qui lui a proposé de tout plaquer pour partir avec lui... et contre toute raison, elle a dit oui.

John est un homme étrange et presque inquiétant, d’une élégance vampirique, d’un calme aristocratique presque glacial... Presque. Sandra l’a vu, il a lui aussi deux plaisirs secrets, qui déploient au grand jour toute sa nature flamboyante et passionnée : la chasse, et le sexe brutal, qu’il lui a fait découvrir en club. Maintenant, elle s’embarque seule avec lui, sur le voilier où il passe ses vacances. Elle s’est livrée corps et âme : elle regagnera la France quand il en aura décidé.

L’île disparaissait à l’horizon, et Sandra ne put s’empêcher de se sentit extraordinairement vulnérable alors que son amant l’entraînait vers le large, un homme dont elle ne savait presque rien et qui avait tout du ravisseur effrayant... sauf qu’elle l’avait suivi de son plein gré. Elle avait envie de cette aventure ; c’était seulement un reste de crainte rationnelle qui la saisissait en cet instant, face à l’immensité de l’océan bleu, où leur voilier n’était plus qu’un petit point blanc, bientôt disparu des regards.

Au fond, se dit-elle pour se donner du courage, et ne faisait que pousser au maximum sa logique habituelle... celle qui lui faisait enfiler chaque été sa tenue de plongée, et s’enfoncer dans les profondeurs mystérieuses, en quête de spectacles jamais observés, de sensations jamais éprouvées ; cette fois, au lieu de descendre au long des côtes touristiques, elle plongeait dans la direction de l’horizon, mais le besoin était le même.

Elle jeta un coup d’œil admiratif au bateau qui l’emportait.

Elle n’était pas vraiment seule avec John au bord de la goélette. John employait un capitaine, un vieux Mauricien aux cheveux blancs, et un jeune mousse qui assistait ce dernier à la manœuvre ; il y avait également un cuisinier, qui de son côté employait le mousse à l’entretien des cabines et des machines. Les trois hommes semblaient de la même famille.

Une hôtesse se chargeait du service et de la blanchisserie, luxe dont Sandra se serait bien passée, car le regard d’une autre femme sur sa relation avec John la mettait mal à l’aise. D’ailleurs, elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que cette autre femme connaissait John bien mieux, bien plus intimement, et depuis bien plus longtemps qu’elle. Nommée Cassie, celle-ci parlait exclusivement un anglais au fort accent, et les deux femmes avaient beaucoup de mal à communiquer.

Le voilier s’en allait vers le Sud, et John n’avait pas daigné communiquer à son invitée leur destination exacte ; pour ne pas briser le charme, elle s’était bien gardée d’insister, et se fiait à lui avec une confiance aveugle.

Mais lorsqu’il la rejoignit sur le pont, ramenant de sa cabine une petite lanière de cuir avec laquelle il jouait paisiblement, elle se sentit à nouveau assaillie de curiosité.

« Tout se passe bien, très chère ? » demanda-t-il comme s’il la croisait par hasard dans le hall de l’hôtel. « La croisière est à votre goût ? »

« Je ne peux pas encore vraiment le dire, » sourit Sandra en tâchant de se montrer aimable, « j’ignore où nous allons. »

« Quelle importance ? » rétorqua l’Anglais en haussant un sourcil étonné.

Il ne semblait pas comprendre les soucis qu’elle pouvait se faire face à la perspective d’être entraînée au bout du monde, sans savoir où, par un quasi inconnu. Ce n’était pas très... empathique de sa part ; mais cet amant sadique ne lui avait jamais promis de se montrer particulièrement compréhensif.

« Si je veux donner des nouvelles à ma famille, il faudra bien que je leur dise où je suis, à peu près, sur la carte. »

John balaya cette objection d’un petit signe de la main. « Rien ne vous oblige à leur donner des nouvelles, vous n’êtes pas très proches à ce que je sache. »

Il avait réponse à tout. Sandra se sentait prise dans les filets d’une créature dix fois plus puissante qu’elle... et cette menace diffuse lui donnait la chair de poule, non pas de peur, mais de plaisir. Il savait vraiment jouer son rôle avec virtuosité.

Cependant, au bout de quelques jours, elle remarqua les pavillons des quelques bateaux qu’ils croisaient de loin, et en conclut qu’ils croisaient au large de l’Afrique du Sud. De là à deviner leur prochaine destination, il y avait encore du travail ; mais du moins, ils se dirigeaient vers l’Atlantique, presque en ligne droite.

Sandra était installée dans une cabine individuelle, mais en réalité, elle recevait tant de visites de John, et lui en faisait tant elle-même, qu’ils auraient très bien pu habiter ensemble. Elle ressentait ce trajet comme une étrange lune de miel clandestine. Quant à l’obstination de John à la loger dans une propre cabine, elle l’attribuait aux manières de cet homme si raffiné, qui lui interdisaient peut-être de cohabiter officiellement avec une femme hors du mariage, ou quelque autre coutume archaïque inconnue de la jeune Française.

Elle aurait aimé le questionner, tout savoir de lui, se faire une place intime dans le quotidien étrange de ce riche désœuvré, toujours en vacances sur les eaux du globe ; mais elle craignait de le déranger, de le lasser, ou pire, de lui paraître commune et vulgaire, finalement semblable à toutes les autres qu’il avait sans doute embarquées tout comme elle, pour tester le charme idéalisé d’une vie à deux.

Elle voulait se distinguer. Alors, elle ne posait aucune question. Il s’ouvrirait à son rythme, quand bon lui semblerait.

Leur errance fit soudain halte en plein océan. Il n’y avait rien dans les environs qui puisse justifier une telle interruption. Pour Sandra, c’était clair : soit la date réclamait que l’on s’arrête, soit c’était la position du navire, et elle ne pouvait pas distinguer ce qui retenait l’attention de son compagnon de voyage.

Peut-être étaient-ils suspendus en surface au-dessus d’une épave particulièrement passionnante à explorer. Elle espérait que ce serait le cas. Après tout, elle avait embarqué avec toutes ses affaires de vacances, et cela incluait son matériel de plongée. Elle avait hâte de pratiquer cette passion en compagnie de son cher John, et de voir quel spectacle il lui avait préparé. Elle était heureuse à présent de n’avoir rien tenté pour percer ses secrets ; personne n’aime une telle attitude, quand il prépare une surprise.

Elle s’illumina en voyant le mousse ramener sur le pont ses bouteilles d’oxygène, ses palmes et sa combinaison. Oui, elle avait vu juste. Pendue au bras de John avec qui elle regardait la mer, elle l’embrassa sur la joue, impulsivement.

Au même moment, le capitaine sortit de sa cabine et adressa un signe affirmatif de la tête à son riche client ; John hocha la tête en retour. Sandra vit que dans la cabine, l’homme venait de quitter son poste de communication. Il venait apparemment de recevoir un message de confirmation. Tout cela était bien mystérieux.

Elle résolut cependant d’attendre la suite des décisions de son amant. Celui-ci ne semblait pas pressé ; il regardait à présent le mousse ramener une seconde tenue de plongée, pour lui, certainement ; mais il ne faisait toujours aucun commentaire.

« Plus que quelques minutes, » déclara-t-il simplement, le regard fixé sur l’horizon, au Sud. La jeune femme suivit son regard, et s’aperçut qu’une sorte de nuage approchait. Elle se souvint du goût de John pour la violence contrôlée, le risque, et les cris de sa belle face au danger. Elle craignit soudain qu’il n’ait l’idée de plonger pendant une tempête.

Il est vrai qu’un tel exercice pouvait être à la fois passionnant et magnifique : les fonds étaient sublimes, paisibles et obscurs, tandis que la surface se tordait de vagues agitées et s’illuminait d’éclairs ; mais Sandra savait qu’il était facile de perdre le bateau dans ces conditions, et n’avait aucune envie de prendre un tel risque.

S’il y avait une discipline dans laquelle elle restait sensée et raisonnable, c’était bien la plongée sous-marine. On ne plaisantait pas avec ça.

« John, quel est ce nuage ? » demanda-t-elle d’une voix inquiète.

« Ce n’est pas un nuage, voyons. »

Elle plissa les yeux, étonnée : c’était pourtant bien une nuée blanche, qui grossissait rapidement au-dessus de l’horizon...

« Ce sont des oiseaux ! »

Soudain, elle se souvint de l’image que lui avait inspirée John, la première fois qu’elle avait fait sa connaissance au bar de l’hôtel. Dans un costume blanc, l’air à la fois observateur et prêt à frapper, l’œil noir animé de feux dorés, il lui avait évoqué un oiseau de mer.

Et à présent, il la conviait à cet immense rendez-vous, où il semblait que tous les oiseaux blancs ou gris qui régnaient sur l’océan Atlantique se soient retrouvés pour une fête mystérieuse.

« Qu’y a-t-il là-bas ? » demanda-t-elle, tout en songeant qu’elle le découvrirait bientôt : quoi que ce soit, cela venait droit sur eux... « Une flotte de navires de pêche ? »

Comme quand il jugeait qu’elle posait trop de questions, John l’ignora et se dirigea vers sa tenue de plongée ; il entreprit de se déshabiller, au beau milieu du pont, sous le regard admiratif du jeune mousse qui récupérait ses vêtements pour les porter à la bonne ensuite. Sandra oublia quelques instants toutes ses inquiétudes et toutes ses incertitudes.

Il était magnifique, une véritable sculpture d’Apollon. Sa silhouette se découpait dans toute sa gloire pâle et élégante sur le bois ciré aux teintes chaudes qui composait le pont, et sur la ligne bleue de l’horizon marin. C’était le plus bel homme qu’elle ait jamais vu, et elle se sentait profondément heureuse de partager son existence, même pour quelques semaines, et même si ces semaines devaient être les plus étranges de son existence.

Elle le rejoignit, et commença à se déshabiller elle aussi, sans se soucier de qui la voyait. Ensemble, ils passèrent les combinaisons qui moulaient leurs corps d’une membrane noire et lisse ; elle eut l’impression de se métamorphoser avec lui en un couple fantastique, régnant sur le peuple des sirènes.

On entendait à présent les cris des oiseaux de mer. C’était un concert incroyable. Leur nombre semblait se multiplier au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Ils n’étaient pas en vol suspendu au-dessus des flots ; ils passaient leur temps à s’y jeter et à en émerger à nouveau, en un carrousel ininterrompu.

Sandra se demandait à nouveau s’il était vraiment sage d’effectuer une plongée au milieu de tout ce tumulte, même si, bien sûr, ce devait être un spectacle passionnant... et bien moins dangereux que la vision d’une tempête depuis les fonds marins.

John lui remit une petite radio, à fixer à son masque de plongée. Elle fut rassurée de savoir qu’ils allaient pouvoir rester en contact durant leur petite aventure.

Soudain, alors qu’elle scrutait l’horizon, une énorme masse surgit des flots, s’éleva dans les airs plus haut que la goélette, et retomba de tout son poids, dans une explosion incroyable d’eau brassée ; on aurait dit un monstre remonté des profondeurs, titanesque et sombre, doté d’une gueule immense.

Cela s’était produit assez loin, mais Sandra pouvait sans peine juger de la taille de cette chose, qui semblait évoluer sans crainte sous le nuage d’oiseaux déchaînés. Elle sentit sur sa taille la main de John, et pour la première fois, elle perçut autre chose chez lui que la maîtrise absolue du chef d’orchestre tout puissant : de l’émerveillement. Elle se tourna vers lui et l’embrassa doucement, ravie.

« Je sais ce que nous allons voir, » dit-elle en plongeant son regard dans le sien. « Je n’aurais jamais espéré pouvoir me payer un tel spectacle un jour. Merci... »

Elle avait deviné. John ne pouvait pas espérer lui cacher ce détail plus longtemps ; cet événement était une sorte de légende pour tous les amateurs de plongée tropicale en eau libre. Il ne se produisait qu’une fois par an, et la disparition progressive de certaines espèces rendait de plus en plus difficile l’observation de cette réunion incroyable, qui réunissait tous les prédateurs marins au cours d’une chasse gargantuesque, une véritable orgie. En tant que chasseur, lui aussi rêvait d’y assister ; et il avait voulu partager ce moment d’exception avec sa nouvelle protégée. Il s’agissait du « sardine run ».

Sur dix kilomètres, un banc de poissons remontait les côtes au long d’un courant chaud, en quête de nourriture. Et tout ce qu’il y avait de féroce dans l’océan était au rendez-vous pour voir passer la migration.

John était prêt. Il lui tendit la main, et ils descendirent dans l’eau ensemble. Elle se sentait flotter doucement entre deux eaux, avec auprès d’elle l’homme de ses rêves, et tout aurait pu aller pour le mieux, s’il n’y avait pas au loin cette rumeur étrange, comme un grondement confus... En quelques instants, il l’entraîna vers le bas, palier par palier, pour se mettre à l’abri du passage des poissons ; le banc s’étendait sur une trentaine de mètres, entre eux et la surface.

Nouveau nuage, étincelant, tourbillonnant, les sardines fusaient comme des flèches argentées, mais ce n’était que le début du divertissement.

Sandra était obligée de hausser la voix pour se faire entendre.

« Attention ! Des requins ! »

« Ils ont autre chose à faire que de s’en prendre à nous, » sourit John. Son visage était invisible sous son masque, mais elle vit ses yeux se plisser dans un sourire.

Les formes fuselées des squales tournoyaient dans l’espace encombré au-dessus d’eux, en avalant d’énormes quantités de poisson. Et tout en haut, elle devinait les passages des oiseaux qui plongeaient à travers la surface. Bientôt, les autres chasseurs firent leur apparition : dauphins vifs comme l’éclair, otaries agiles et souples, thons énormes et affamés... Et la gigantesque baleine que Sandra avait déjà vu traverser la surface.

La jeune femme s’accrochait à son compagnon, incrédule devant ce spectacle inouï. Jamais aucun de ses flirts n’avait pris la peine de lui offrir un tel présent, ni surtout de garder cela un secret pour lui en faire la surprise au dernier moment. Elle devait se concentrer pour continuer à respirer correctement dans son embout, et évider de prendre de l’eau de mer. Aucun d’eux n’avait de quoi prendre des photos, ou filmer ce qu’ils voyaient. Ils n’auraient pas voulu avoir à se concentrer sur une telle tâche ; ils préféraient contempler cette vision de tous leurs yeux, et plus tard, avoir de magnifiques souvenirs dans le seul écrin de leurs esprits.

D’habitude, Sandra en faisait ainsi toute seule : elle voyageait en solo, et se sentait ensuite supérieure à ses collègues de la petite mairie provençale où elle travaillait, car elle était incapable de leur faire partager ce qu’elle avait vécu, uniquement par des mots.

Désormais, elle devrait apprendre à partager ce privilège. Et sans mots, elle pourrait toujours revivre cette plongée semblable à aucune autre, en échangeant avec son amant des regards silencieux, chargés de souvenirs.

Elle se sentit profondément changée lorsqu’elle remonta à la surface, après que toute cette agitation soit enfin passée, et que leur air soit presque épuisé. Depuis quelques minutes déjà, avec toute la lenteur et l’imprécision forcée des déplacements sous-marins, John commençait à la caresser, à travers sa combinaison, et elle se sentait de plus en plus atteindre d’un vertige délicieux qui n’avait rien à voir avec l’ivresse des profondeurs.

Elle avait le sentiment qu’elle allait faire vraiment l’amour avec lui pour la première fois. Leurs corps s’étaient déjà emmêlés farouchement, jusqu’à l’épuisement, mais pas au degré d’intimité où les avait portés cette contemplation commune.

L’équipage les aida à prendre pied à bord, et John annonça simplement : « J’espère que le spectacle était aussi intéressant pour vous, vu d’ici... Nous allons nous changer dans ma cabine. »

Ce n’était pas la première fois qu’il ramenait une femme à bord, et tout le monde savait exactement à quoi il faisait allusion. Il n’y eut donc pas une seule réaction surprise ou curieuse, tandis que la jeune femme, débarrassée de ses sangles, de ses bouteilles d’oxygène et de ses palmes, le suivait dans sa tenue noire moulante et glissait ses petits doigts entre les siens.

Cassie demanda seulement à quelle heure elle était censée leur apporter leurs boissons. John ne prit même pas la peine de lui répondre, autrement que par un petit geste dédaigneux que Sandra ne comprit pas.

Ils s’enfermèrent sans même prendre la peine de fermer le loquet, et la jeune Française commença à s’extirper de son carcan noir, qui collait à sa peau humide. Elle avait besoin de l’aide de son homme pour sortir de son cocon, mais il ne l’y aidait pas. Pour l’y encourager, elle lui rendit ce service d’abord ; il avait ouvert sa fermeture éclair, et elle passa dans son dos pour lui sortir un bras, puis l’autre, hors de l’épaisse peau protectrice qui glissait lentement, comme si elle s’accrochait à lui, une véritable mue de serpent.

Il se laissa délivrer avec plaisir, mais dès que ce fut fait, il jeta la jeune femme sur son lit sans la laisser s’extraire à son tour de sa combinaison : il la trouvait excessivement séduisante ainsi, entièrement moulée de noir, seuls son visage couvert d’une capuche serrée et sa poitrine dépassant de la légère ouverture qu’elle avait réussi à pratiquer.

Il la plaqua dos au matelas et s’assit sur elle, en lui bloquant les deux poignets, entièrement nu de son côté et encore étincelant de l’eau de mer qui brillait encore sur sa peau. Sandra n’avait même pas l’impulsion de se débattre, tant elle l’admirait. Il était sublime, à la fois viril comme un barbare et esthétique comme un ange.

Il s’abattit sur ses lèvres pour la dévorer de baisers ardents, et elle comprit à quel point l’attente lui avait semblé longue. Le corps de l’homme se pressait, en érection, bouillonnant de désir, contre le tissu lisse comme la peau d’un dauphin qui couvrait le corps de sa compagne. Et pourtant, il l’empêchait de se dénuder. Quel jeu pouvait-il avoir en tête ?

Elle connaissait assez bien les fantasmes de son amant, à présent, pour savoir que la contrainte physique de sa partenaire l’excitait prodigieusement. Elle était en cet instant entièrement engoncée dans une seconde peau qui la coupait du monde ; c’était presque aussi sexy qu’une tenue de latex comme en portaient certaines soumises dont il lui avait montré les photos ; et pour ajouter encore au mystère, cela lui écrasait la poitrine, les fesses, donnant à son anatomie ordinairement bien formée et outrageusement féminine un côté méconnaissable, androgyne et presque irréel. Cela donnait du piment à leur étreinte ; sa poitrine, resserrée par la fermeture éclair encore à demi close, avait l’air artificielle, un jouet plutôt qu’une femme, livré à sa disposition.

Il la dominait de toute sa stature, le regard vainqueur, le sourire presque menaçant de satisfaction possessive. Ses doigts jouaient délicatement avec les tétons durcis de Sandra, qui se laissait aller en gémissant sur l’oreiller, sachant que si elle se débattait, il lui bloquerait les poignets, l’empêcherait de bouger définitivement, et prendrait alors son plaisir. Elle préférait participer pleinement, même en se contentant d’onduler à son rythme, de le caresser un peu au passage, de lui offrir un baiser à l’occasion.

John se rapprocha pour lui présenter uniquement son gland, en se masturbant de sa main sur tout le reste de sa verge ; dans la position bloquée où elle se trouvait, Sandra ne pouvait pas avancer son visage bien loin, et tout ce qu’elle pouvait prendre en bouche était donc l’extrémité de ce sexe tendu, ce qui la frustrait extrêmement.

Elle entreprit donc de donner à ce petit avant-goût toutes les caresses linguales qu’elle aurait pu dispenser sur le reste de la surface qui lui était refusée. John se mit à soupirer profondément en se laissant suçoter avec envie ; et bientôt, pour corser l’exercice, il se mit à promener son sexe entre les seins de sa compagne, toujours en lui présentant uniquement l’extrémité au niveau des lèvres, pour la tenter sans jamais la satisfaire.

Sandra gémissait d’insatisfaction, non de plaisir. Cette voix particulière, il la connaissait et l’appréciait ; il aimait la réduire ainsi au désespoir, aux supplications les plus obscènes, avant de lui donner ce qu’il voulait bien lui donner, à son propre rythme, sans se presser. Il la sentait vibrer sous lui, se tendre, et pourtant, elle ne se rebellait pas. Cette démonstration de soumission absolue était un cadeau qu’elle lui faisait, et qui flattait généreusement les sens et l’ego du dominateur. John la remerciait de petites caresses au long des joues, presque à lui frôler les lèvres, sans toutefois lui accorder le contact franc qu’elle réclamait.

Il s’excitait de plus en plus. Sandra sentait entre la peau sensible de ses seins gonflés comme une pulsation sourde et brûlante qui montait, une courbure qui s’amorçait dans la verge épaisse de son homme ; si elle supportait ce traitement encore un moment, il allait craquer, et la déshabiller pour lui montrer de quoi il était vraiment capable.

Elle en tremblait d’envie. Mais elle savait que, si elle supportait d’attendre avec discipline, sa libération n’en serait que plus intense et plus orgasmique. C’était le jeu ; en embarquant à bord avec lui, elle avait tacitement accepté de s’y plier, corps et âme, telle une esclave – ou une reine. A ce qu’elle savait, l’étiquette royale ressemblait beaucoup à ce type de rituel sadomasochiste, et ce n’était pas pour rien si son amant était un aristocrate britannique, accoutumé à ce genre de codes sociaux intransigeants.

Soudain, la porte s’entrouvrit. C’était Cassie, un plateau dans les mains, quelques boissons diverses préparées pour satisfaire tous les goûts ; comme à son habitude, la serveuse se montrait aussi importune que pleine de bonne volonté.

Sandra se demanda si John n’avait pas compté sur elle pour le distraire pendant ses voyages, avant de se rendre compte qu’elle était trop basse de plafond pour comprendre ses jeux de mots, ses allusions et ses plaisanteries perverses ; il ne pouvait prendre aucun plaisir avec une femme aussi terre à terre, si jolie et bien formée soit-elle.

Et elle l’était : aussi élégante et distinguée qu’on pouvait le souhaiter d’une servante à bord d’un bâtiment de luxe. Simplement, l’élégance de la conversation, la distinction de l’esprit ne suivaient pas ; c’était fort dommage. Sandra aurait même été prête à tenter une partie à trois avec elle, si elle avait éprouvé envers sa compagne de voyage la moindre attirance intellectuelle. Après tout, elle avait déjà couché avec plusieurs hommes à la fois, sous l’instigation de John ; alors, une femme de plus ou de moins...

Cassie ne semblait pas s’y être résignée, car après avoir posé le plateau auprès du couple, elle s’assit sur le bord de la couchette, en tendant la main pour toucher le visage de son employeur. John lui saisit le poignet et le tordit, une expression d’agacement se peignant sur ses traits durs. Elle ne comprit pas ce qu’il entendait par là, et sembla apprécier ce geste pourtant brusque. Elle commençait à s’allonger sur le matelas à côté de Sandra, quand John la repoussa si brutalement qu’elle roula sur le sol de la cabine.

Les coudes meurtris, elle se releva en les massant, boudeuse et étonnée, avant de quitter la pièce en traînant les pieds.

« Cette femme... » siffla John entre ses dents. Il était agacé. Le châtiment en retomberait sur Sandra, elle le savait et elle en était fière : c’était sa place, et celle d’aucune autre.

Elle se sentit soulevée du matelas, retournée comme une simple poupée de chiffon, et se demanda comment John allait lui faire subir sa rage alors qu’elle était toujours vêtue. Mais il s’agenouilla face à elle, et cette fois elle reçut de front les chocs rapides et répétés de sa longue érection, encore renforcée par la rage, qui lui rentrait dans la gorge à chaque va-et-vient. John lui écartait les lèvres de ses pouces, presque à la meurtrir, et s’enfonçait dans sa bouche avec rage, en répétant des jurons exaspérés.

Elle avait déjà couché avec lui dans des moments de grand mécontentement, et elle savait que cela ne durait jamais longtemps ; la férocité amenait très vite cet homme au septième ciel.

Le fait de n’offrir aucun plaisir à sa compagne pouvait également avoir cet effet. Quand il la caressait, la stimulait, la faisait gémir et trembler, John vibrait avec elle, et s’envolait en un long crescendo vers une jouissance infinie ; mais quand il se contentait de la baiser presque sans la toucher, comme à travers un mur, il bandait d’un plaisir sombre, un plaisir de fauve dominant qui prend ce qu’il veut, et laisse sa proie pantelante, étourdie.

Elle savait donc qu’il n’allait pas tenir longtemps, à lui baiser ainsi la bouche avec une hargne rapide et rythmée. Et elle-même avait appris à tirer son plaisir de ces sensations-là. Elle ne faisait plus qu’un avec lui, elle ressentait toute la démonstration de sa puissance, et elle jouissait de l’admirer, de se laisser submerger par une soumission absolue, comme une drogue qui détendait ses moindres muscles.

Quand il retira soudain son sexe, et se coucha contre elle, elle resserra instinctivement les cuisses pour qu’il plonge entre ces muscles fermes, garnis de peau artificielle lisse et ténébreuse, ce gros et long membre prêt à déverser sa semence.

Il la serra contre lui, en l’embrassant avec une ardeur qui ne mentait pas ; il y était presque. Sandra sentait ses coups de reins faire glisser encore et encore sa verge dure entre ses cuisses, et à travers sa combinaison, elle en sentait le frottement contre sa chatte, qui semblait prise dans une ceinture de chasteté souple et luisante ; elle sentit un choc électrique lui traverser l’échine, et gémit faiblement sous les baisers rageurs de son amant.

Oui, ils allaient jouir ensemble. La houle montait. Le corps de John se déchaînait. Sandra lui appartenait, et recevait l’écho de ses pensées, de ses moindres frissons intimes, ceux qui remontaient au long de son sexe pour venir la frapper droit entre ses cuisses, la frustrer et la combler tout à la fois...

A cet instant, un choc terrible les secoua tous les deux, les renversa, encore entrelacés ; dans un réflexe immédiat, plus fort même que sa volonté, John enveloppa Sandra de ses deux bras pour lui protéger la tête, tandis que la sienne allait heurter la cloison métallique de la cabine. Les sursauts du voilier furent terribles.

Pendant de longues secondes, des hurlements métalliques résonnèrent tandis que la jeune femme se sentait lancée de part et d’autre, enfouie dans l’étreinte de son amant ; quand tout s’arrêta, ils étaient à terre, et John était inconscient.

Il la tenait toujours. Elle se dégagea, tremblante, et l’examina : il respirait, mais un filet de sang coulait de sa tempe, là où il avait reçu le choc de plein fouet.

Le sol n’était pas droit. Il fallait remonter une pente pour atteindre la porte. Sandra y parvint, en s’accrochant aux objets sur son chemin. Quand elle l’ouvrit, elle poussa un cri aussitôt englouti dans le silence : l’eau venait de déferler dans la cabine, et de la remplir. Ils avaient fait naufrage, et ils coulaient.

Trop tard pour rêver de remettre leurs combinaisons de plongée ; elles ne feraient que les alourdir. La jeune femme replongea vers le fond de la pièce, et souleva dans ses bras le corps inanimé de son amant, soudain léger au milieu de l’eau qui les ensevelissaient. Elle lui fit franchir la porte, et aperçut la lumière de la surface au-dessus d’eux ; à côté, un mur noir et immense, le rocher sur lequel ils étaient venus se briser.

Horrifiée par cette vision monstrueuse, elle traîna le plus vite possible le corps de John vers la surface, luttant pour ne pas ouvrir la bouche et avaler l’eau salée qui lui brûlerait les poumons ; enfin, ils crevèrent la surface, au milieu de vagues puissantes qui se jetaient vers les rochers, risquant de leur briser les os contre cette surface tranchante d’un instant à l’autre.

A y prendre tant de plaisir, elle avait oublié à quel point la mer pouvait être dangereuse.

Elle parvint à nager jusqu’à s’écarter des rochers, et se laissa refluer avec les vagues vers un rivage moins austère qui se dessinait un peu plus loin, une sorte de petite plage grise perdue entre deux falaises noires, découpées au couteau.

John commençait à reprendre conscience, mais aussi à paniquer, à se débattre, et à l’entraîner vers le fond. Ils suffoquaient tous deux lorsqu’une dernière vague les jeta sur le sable ; ils rampèrent faiblement à l’abri. L’homme était toujours nu, et Sandra, toujours vêtue de sa combinaison noire. Elle l’arracha rapidement ; elle étouffait là-dedans.

Au loin, elle vit un canot qui s’éloignait. L’équipage semblait avoir réussi à se mettre en sécurité juste à temps, en les abandonnant. Mais le courant les entraînait loin de l’îlot ; elle espérait qu’ils n’allaient pas se perdre en mer. Difficile de dire quelle situation était la plus désespérée, la leur, ou celle des autres.

John observait l’endroit où le voilier venait de couler. Il semblait peser le pour et le contre, calculer des paramètres que Sandra ne pouvait pas deviner.

« A quoi tu penses ? »

« A la marée basse, » affirma-t-il. La volonté, le courage n’étaient pas morts dans sa voix. Puis il se tourna vers la jeune femme et la prit dans ses bras ; leurs deux corps nus tremblaient, bien que la chaleur tropicale les inonde.

« Merci, » murmura-t-il contre son oreille, en la couvrant de baisers.

Elle réalisa soudain qu’elle lui avait sauvé la vie. Si elle n’avait pas été à ses côtés, il serait mort. Mais après tout, il avait été blessé en la protégeant de l’impact. Et finalement, à quoi bon... noyés ou naufragés sans nourriture, quelle était la différence...

« Fais-moi confiance, » répétait John. « Je m’occupe de tout. »

Le choc commençait à passer, et avec lui, la force de l’adrénaline. Sandra sentit ses jambes faiblir, et se mit à pleurer à chaudes larmes, cramponnée à son amant.

Au soir, la marée descendit dramatiquement, comme l’avait prévu John. Il se rendit auprès des rochers qui avaient causé le naufrage, et plongea à plusieurs reprises ; l’épave n’était pas très loin au fond, et à chaque tentative, il ramenait de nouveaux objets qui pouvaient leur être plus ou moins utiles : vêtements, outils, armes, une boîte d’allumettes... « Il suffit de tout faire sécher, » affirmait-il avec conviction.

Sandra avait bien du mal à partager son optimisme. Elle était partie de son côté en quête d’eau douce, et s’était vite aperçue que l’île n’était pas bien grande. Quelques grottes renfermaient de petits ruisseaux, mais elle n’était pas sûre qu’ils tiendraient longtemps avec cela et que ce serait vraiment bon pour la santé. D’ailleurs, il n’y avait pas de faune ; son compagnon avait beau être un grand chasseur, il aurait bien du mal à les nourrir...

En la voyant ainsi prostrée, après tous les efforts qu’il avait faits, John fut gagné par une colère sourde, qui explosa soudain. Il la saisit par les bras et la secoua à lui faire mal, en la traitant de tous les noms. Sandra, furieuse, lui reprocha de l’avoir entraînée dans cette aventure désastreuse : on était en septembre, elle aurait dû être avec ses collègues, en Provence, à préparer la reprise du travail !

« Mais tu n’en as pas envie ! » cria John du tac au tac. « Tu n’as pas envie d’être dans ta petite ville morte, et d’apprendre à la télé ma disparition en pleine mer ! Tu as envie d’être ici, avec moi ! Alors remercie-moi de t’avoir emmenée ! »

Sandra en reçut un choc, comme s’il l’avait giflée. Il avait raison. Elle s’agenouilla devant lui, les yeux levés, ce qui le fit taire à son tour.

« Merci, John, » lui dit-elle sincèrement, en passant les bras autour des jambes nues de son homme pour les caresser doucement. « Merci, mon amour. C’est vrai, j’aime mieux être ici avec toi, pour veiller sur toi, que n’importe où dans le monde, même en sécurité... Je ne me sentirais pas en sécurité si je devais trembler pour toi, sans savoir ce qui t’arrive. »

Il lui caressa la joue, calmé, touché même, mais ne fit aucun geste pour la relever. Ce dont ils avaient besoin, tous les deux, c’était d’une de ces petites séances brusques et sauvages qu’ils aimaient tant... et pour cette fois, le cadre s’y prêtait parfaitement.

Au milieu du rugissement des éléments déchaînés, il ferma les deux paupières de Sandra, lui ouvrit la bouche, et lui appuya sur la tête pour lui faire avaler sa verge qui commençait à durcir. En quelques secondes, son érection se renforça, prise entre le palais et la langue de sa belle maîtresse qui savourait l’eau salée sur sa peau.

Ils se sentaient déjà mieux : puissants et éternels, quoi qu’il leur arrive, car ils pouvaient éprouver des orgasmes incroyables ensemble, assez pour s’en étourdir et oublier le danger. Et ici, ils étaient seuls – ils étaient rois ; rien ne leur interdisait de jouir de leurs corps enlacés, partout où ils en éprouveraient le désir, sans se soucier d’aucun témoin, d’aucun règlement, d’aucun jugement. Cette île était la leur.

Sandra éprouva une sorte de jouissance passive à s’exposer à quatre pattes sur ce sable virginal, sa croupe délicate redressée pour s’offrir aux regards de son aimé, qui marchait à pas lents autour d’elle, en faisant claquer dans sa main une ceinture encore trempée d’eau de mer, alourdie et noire, dont il s’apprêtait à la frapper.

Un coup lui tomba sur les fesses avec rage, alors qu’elle ne s’y attendait pas ; Sandra sentit rougir sa peau, et se cambra dans un cri. Elle n’avait plus besoin de retenir ses exclamations, et ne se priva pas pour faire entendre pleinement à John tout ce qu’elle ressentait sous ses assauts, tandis qu’il lui cinglait le fessier, le ventre ou les seins. Soudain, il parut avoir atteint son seuil de patience et se rua sur elle pour lui enserrer soudain le col dans l’étau de sa ceinture, refermée sur la gorge de Sandra comme pour former une laisse.

John, abaissé derrière elle, promenait le bout de son sexe contre le dos de la jeune femme, en la maintenant d’une poigne de fer par le biais de cette laisse improvisée. Dès qu’elle faisait un mouvement, que ce soit se frotter contre lui avec un peu trop d’enthousiasme, ou au contraire tenter de s’écarter de lui, elle s’étranglait sous la force de ce lien.

Le spectacle qu’ils offraient aurait été terriblement choquant pour la population citadine. Sandra pensait en son for intérieur à son ancienne vie, à la femme qu’elle avait été, face à une telle scène : elle se serait évanouie.

Et pourtant, c’était bien elle, ici, qui se cabrait joyeusement sous les assauts insensés de ce maître cruel ; et elle se trouvait magnifique en cette position si dégradante en apparence. Elle se sentait libre, malgré ses liens, et aimée, malgré les coups. Et cette île serait peut-être le moment de sa vie où elle aurait le plus d’emprise sur son destin.

Elle plongea profondément ses doigts dans le sable, en sentant le sexe de son amant qui reculait, encore et encore, vers le bout de sa colonne vertébrale, bien décidé à venir se loger dans la moiteur accueillante de son monde intérieur... peu importait l’entrée qu’il choisirait, elle serait toujours prête à l’accueillir profondément, à se refermer sur lui amoureusement, et à lui faire éprouver mille délicieuses sensations.

« Je t’aime », murmura John contre sa nuque, avant d’y déposer un baiser.

Cela ne lui coûtait rien, sur une île perdue à l’écart de toute autre femme. Mais elle en fut cependant infiniment heureuse. Et pourquoi le murmurer ? Ils étaient seuls et libres. Lorsqu’elle sentit sa chatte déjà humide s’écarter lentement sur le passage d’un membre puissant, elle se mit à le crier, sans s’arrêter.

« Moi aussi, John, je t’aime, je t’aime ! »

Il s’introduisait en elle presque inexorablement, interminablement ; elle le connaissait par cœur, et pourtant, elle parvenait encore à s’émerveiller de la présence imposante qu’il lui infligeait à chaque fois, de ses contours à la fois lisses et rudes, décorés du relief de veines épaisses, qu’elle sentait passer avec délices.

Chaque petite bosse de chair, chaque repli, chaque dessin du gland énorme et magnifique franchissait avec peine son orifice étroit, et se faisait nettement sentir au passage ; chaque centimètre avait sa propre empreinte, et méritait, en forçant le passage, son propre gémissement, comme chaque personne haut placée d’une suite royale mérite d’être annoncée en entrant dans une salle de réception encombrée.

Dès qu’elle commença à se détendre un peu, Sandra commença à danser contre lui.

Il la maintenait de ses grandes mains fermes, mais elle sentait qu’il lui accordait un peu de liberté de mouvement. Elle comptait bien en profiter. Son corps se mit à onduler contre le sien, à se frotter avec une grâce féline.

Leurs gestes s’étaient ralentis ; aucun sentiment d’urgence, aucune colère, aucun stress ne les jetait l’un contre l’autre comme des bêtes sauvages qui se déchirent. Au contraire, face aux difficultés de leur vie, ils voulaient veiller l’un sur l’autre, se faire du bien, se cajoler... mais John gardait une manière bien particulière de donner du plaisir à sa belle.

Il ne lui caressait pas légèrement les seins, il les empoignait. Il ne lui déposait pas de doux baisers sur l’épaule, il la mordait. Même avec des mouvements plus langoureux et moins rageurs, il restait un dominateur intransigeant, dont la tendresse se déployait à travers une charge d’agression brûlante et sans cesse renouvelée.

Elle se pressait, se tordait souplement contre lui, et il la pénétrait à longs coups de queue profonds, solidement appliqués ; elle était infiniment féminine, et lui infiniment masculin. Ils se sentaient emplis d’un orgueil intense, qui les consumait de ses rayons brûlants : ils étaient les amants originels, sur leur île vierge, dont ils s’apprêtaient à désacraliser de leurs ébats les moindres recoins, les retraites les plus sacrées.

Soudain, la main de la jeune femme vint s’accrocher à la hanche de son amant ; il s’arrêta, surpris, n’ayant pas l’habitude d’être interrompu en plein effort.

« Sodomise-moi, » haleta Sandra en tournant vers lui un visage illuminé de plaisir, transformé par un épuisement haletant. Elle voulait le sentir en elle de toutes les façons possibles. Elle en avait besoin : ils célébraient leur arrivée au pouvoir.

John se retira longuement, comme il s’était introduit en elle, et elle sentit sa main s’activer : il se masturbait vivement, pour supporter de ne plus être enserré par l’étau de chair ferme de sa compagne. Elle sourit : bientôt, ce serait un étau plus serré encore qui le comblerait. Elle écarta elle-même ses fesses autant que possible pour lui ouvrir le passage, en inclinant son visage vers la terre, et il la contempla un instant, amoureusement.

Sandra sentit sa main errer sur son postérieur ainsi offert, caresser sa peau ; elle attendit une claque qui ne vint pas. Au lieu de cela, il lui offrit ce qu’elle demandait.

D’abord quelques nouvelles caresses plus précises, du bout des doigts, qui la préparaient à son intrusion ravageuse ; puis l’extrémité large et rigide de son sexe qui se promenait contre son orifice, en appuyant avec une force à faire frémir, mais en se retirant au dernier moment, dès que cédaient les chairs souples...

« Fais-le, John ! Prends-moi ! Je veux te sentir ! » suppliait-elle sans honte, à voix haute, face au vent de la mer qui les enveloppait de son nuage de gouttelettes blanches, un soulagement indicible au cœur  de cette nuit torride.

Enfin, il la posséda. D’un grand coup de reins, sans prévenir, il se fourra droit en elle, se laissa tomber sur le dos cambré de la femme frissonnante et se mit à lui caresser rapidement le sexe tout en reprenant ses va-et-vient, dans ce nouveau couloir encore plus excitant que le précédent.

Quand la jouissance les emporta tous les deux, leurs cris résonnaient aux échos des falaises ; les frissons de Sandra faillirent la déséquilibrer et la jeter sur le sable comme une vague brisée, mais John la maintint contre lui, refusant de la laisser s’échapper ; il voulait sentir la chaleur vive de son corps contre le sien, tandis qu’il se déversait en elle, qu’il relâchait toute sa tension, tout son instinct de vie, tout ce qui le maintenait debout.

Sandra sentait cette force jaillir dans son corps en grands jets spasmodiques et fiévreux ; on n’est pas souillé, quand on reçoit des étincelles de magie.

« Je t’aime, » répéta-t-elle en caressant le bras qui l’enlaçait, les doigts encore plongés de part et d’autre de son clitoris, entre ses petites lèvres. John répondit d’une caresse sulfureuse : il bandait toujours dans son corps.

« Combien de temps allons-nous rester ici, à ton avis ? Tu veux parier ? » demanda-t-il tendrement, en lui mordillant le lobe de l’oreille.

Elle se sentait totalement à sa merci. Il pouvait l’exciter de nouveau en quelques secondes. Elle répondit dans un doux gémissement : « Aussi longtemps que tu voudras... » Il comprit fort bien ce qu’elle entendait par là : ils pourraient faire l’amour aussi longtemps qu’il voudrait. Rien ne les retenait à d’autres tâches, à présent.

Bien sûr, il faudrait survivre, chasser ou pêcher, faire du feu, comme à l’aube de l’humanité... mais l’amour était le premier pas.

Dans le soir tombant, les deux silhouettes sur la plage reprirent leur danse millénaire, dans un concert de cris barbares qui faisaient s’envoler des nuées d’oiseaux de mer.

A suivre dans le volume 3...