Chapitre 5

Le morceau de viande posé devant moi ressemble à un croisement entre une éponge et de la chair de poisson cru, sauf qu’en plus il n’a aucune texture. Quand je le pique avec ma fourchette, il tremblote comme de la gélatine. Ou peut-être est-il encore vivant et essaie-t-il de s’échapper lentement de mon assiette, à coups de frétillements répugnants. Si je détourne le regard, je me demande si cette chose accélérera l’allure pour tenter une percée par les conduits d’aération.

J’ai envie de vomir.

« Mange », ordonne Setrákus Ra.

Il se prétend mon grand-père. Ce qui me donne encore plus la nausée que cette nourriture abjecte. Je ne veux pas le croire. C’est sans doute comme dans mes visions, un jeu pervers pour me mettre les nerfs à vif.

Mais pourquoi se donner tant de mal ? Pourquoi m’amener ici, au lieu de me tuer, tout simplement ?

Setrákus Ra est assis en face de moi, à l’autre bout d’une table de banquet qui semble taillée dans la lave, et tellement longue que c’en est grotesque. Sa chaise est en forme de trône, de la même pierre noire que la table, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle n’est pas assez grande pour contenir le monstre énorme que nous avons affronté à la Base de Dulce. Il faut croire qu’il a attendu que j’aie le dos tourné pour rapetisser. C’est vrai qu’il est plus pratique de se pencher sur son assiette de gastronomie mogadorienne quand on ne mesure plus que deux mètres quarante. Est-ce que sa capacité à changer de taille pourrait être un Don ? Sur le principe, c’est assez proche de ma faculté de changer d’âge.

« Tu as des questions, gronde Setrákus Ra en me dévisageant.

— Qu’es-tu ? » j’éructe.

Il penche la tête. « Que veux-tu dire, petite ?

— Tu es un Mogadorien, j’ajoute en essayant de ne pas avoir l’air trop hystérique. Moi je suis loric. On ne peut pas avoir de lien de parenté.

— Ah, quelle vision simpliste. Les humains, les Lorics, les Mogadoriens – ce ne sont là que des mots, ma très chère. Des étiquettes. Il y a des siècles, j’ai prouvé par mes expériences scientifiques que la génétique pouvait être modifiée. Augmentée. Nul besoin d’attendre que Lorien nous honore de ses Dons. Il suffisait de nous servir en fonction de nos besoins, et de les utiliser comme n’importe quelle autre ressource.

— Pourquoi tu n’arrêtes pas de répéter nous ? » Malgré moi, j’ai la voix qui se casse. « Tu n’es pas l’un d’entre nous. »

Un petit sourire amer se dessine sur les lèvres du monstre. « J’étais loric, jadis. Le dixième Ancien. Puis est venu le jour où l’on m’a exclu. C’est alors que je suis devenu ce que tu as sous les yeux : les pouvoirs d’un Gardane avec la force d’un Mogadorien. Un progrès de l’évolution. »

Sous la table, je sens mes jambes trembler. Sitôt qu’il a mentionné le dixième Ancien, je n’écoute pratiquement plus. C’était dans la lettre de Crayton, je m’en souviens. Il a écrit que mon père était obsédé par l’idée que notre famille comptait autrefois un Ancien. Est-il possible qu’il s’agisse de Setrákus Ra ?

« Tu es fou. Et tu mens.

— Ni l’un ni l’autre, répond-il d’un ton patient. Je ne suis qu’un réaliste. Un futuriste. J’ai modifié mon patrimoine génétique afin de devenir plus comme eux, afin qu’ils m’acceptent. En échange de leur allégeance, j’ai aidé leur peuple à prospérer. Ils étaient au bord de l’extinction, et je les ai sortis de ce gouffre. Rejoindre les Mogadoriens m’a donné une chance de poursuivre ces expériences qui faisaient si peur aux Lorics. À présent, mon œuvre est presque achevée. Bientôt, toute vie dans l’univers – mogadorienne, humaine, et même ce qu’il reste des Lorics – se verra améliorée par ma main ferme et bienveillante.

— Tu n’as pas amélioré la vie sur Lorien, j’aboie. Tu l’as entièrement exterminée.

— Ils s’opposaient au progrès, assène-t-il, comme si la mort d’une planète entière n’était qu’une broutille.

— Tu es malade. »

Je n’ai pas peur de lui répondre. Je sais qu’il ne me fera pas de mal – du moins, pas encore. Il est trop vaniteux pour ça, il tient absolument à convertir un autre Loric à sa cause. Il veut que tout soit exactement comme dans mon cauchemar. Depuis que je me suis réveillée ici, il m’a collé sur le dos toute une armée de Mogadoriennes pour s’occuper de moi. Ce sont elles qui m’ont mis cette longue robe noire solennelle, très semblable à celle que je portais dans ma vision. Elle me démange sur tout le corps, et je n’arrête pas de tirer sur le col qui m’étrangle.

Je fixe le visage hideux sans ciller, et je m’en veux de chercher une ressemblance. Il a une tête pâle en forme de gros bulbe recouvert de tatouages mogadoriens complexes. Ses yeux sont noirs et vides comme ceux de tous les Mogs. Ses dents sont limées et acérées. En me concentrant bien, je discerne presque quelques vestiges de ses traits loric, comme un édifice en ruine, enseveli sous le grossier ravalement mogadorien.

Setrákus Ra lève les yeux de son assiette et son regard rencontre le mien. Me retrouver ainsi face à lui me donne toujours le frisson et je dois me forcer pour ne pas me détourner.

« Mange, répète-t-il. Tu as besoin de prendre des forces. »

J’hésite un instant, me demandant jusqu’où pousser la désobéissance – le sushi version mogadorienne me dégoûte profondément. Je lâche ostensiblement ma fourchette, qui vient percuter mon assiette dans un choc métallique, dont l’écho rebondit sous le haut plafond de la salle à manger privée de Setrákus Ra, à peine plus meublée que les autres pièces glaciales de l’Anubis. Les murs sont recouverts de tableaux de Mogadoriens montant à l’assaut. Le plafond est ouvert et offre une vision de la Terre à couper le souffle. Au-dessus de nous, la planète tourne imperceptiblement.

« Ne me pousse pas à bout, petite, grogne Setrákus Ra. Fais ce qu’on te dit. »

Je repousse mon assiette. « Je n’ai pas faim. »

Il me dévisage longuement d’un air condescendant, comme un parent essayant de faire la démonstration de sa patience à un enfant insolent.

« Je peux te plonger dans le coma et te nourrir avec une sonde, si tu préfères. Peut-être seras-tu mieux élevée au prochain réveil, une fois que j’aurai remporté cette guerre. Mais alors, on ne pourra pas discuter. Et tu ne profiteras pas en direct de la victoire de ton grand-père. Et puis, tu ne pourras plus ruminer tes petits plans d’évasion ridicules. »

Je déglutis avec difficulté. Je sais que nous finirons bien par retourner sur Terre. Setrákus Ra ne va pas laisser ses vaisseaux en orbite avant de s’en aller gentiment. Il prévoit une invasion. Je me suis dit qu’une fois qu’on atterrirait, j’aurais plus de chances de m’enfuir. À l’évidence, Setrákus Ra sait que je préférerais mourir plutôt que d’être sa prisonnière ou sa complice, ou je ne sais quel autre projet qu’il aurait pour moi. Mais à en juger par sa mine satisfaite, il s’en moque totalement. Peut-être a-t-il l’intention de me faire un lavage de cerveau avant que nous retournions sur Terre.

« Comment je suis censée avoir de l’appétit avec ta sale tête sous mon nez ? je lance, dans l’espoir qu’il perde de son assurance. Ça ne donne vraiment pas envie. »

Setrákus Ra me fixe avec l’air de se demander s’il va ou non me sauter à la gorge, depuis l’autre bout de la table. Puis il tend la main pour attraper sa canne, posée contre son trône. Celle-là même qu’il a utilisée pendant le combat à la Base de Dulce – sculptée de motifs compliqués, avec un œil noir et menaçant sur le manche. Je me prépare pour l’attaque.

« C’est l’œil de Thaloc, explique Setrákus Ra en me voyant fixer l’objet. Comme la Terre, il fera un jour partie de ton Héritage. »

Avant que j’aie le temps de demander des précisions, l’œil d’obsidienne de la canne lance brusquement des éclairs. Je plisse les yeux, puis comprends assez vite que je ne suis pas en danger. C’est d’ailleurs Setrákus Ra qui se met à convulser. Des bandes de lumière rouge et violette jaillissent de l’œil de Thaloc et parcourent tout le corps de mon ennemi. Je ne peux pas l’expliquer, mais je sens que l’énergie passe de sa canne à son corps, qui s’étire et change de forme, comme une bulle dans de la cire.

Lorsqu’il a terminé, Setrákus Ra a pris forme humaine. Il a même l’air d’une star de cinéma. Il a choisi l’apparence d’un beau type dans la quarantaine, avec une chevelure poivre et sel impeccablement coiffée, des yeux bleus expressifs et une légère barbe de deux jours. Il est toujours grand, mais plus au point d’être intimidant, et il porte un costume bleu chic et une chemise de soirée bien amidonnée, au col négligemment ouvert. Il ne reste de son ancienne apparence que les trois pendentifs loric, dont les joyaux cobalt sont assortis à sa chemise.

« C’est mieux, comme ça ? » Il a perdu sa voix râpeuse au profit d’un timbre mélodieux de baryton.

« Quoi ?… » Je le dévisage, éberluée. « Tu es censé être qui, exactement ?

— C’est la forme que je choisis pour les humains. Nos recherches ont prouvé qu’ils étaient naturellement attirés vers les hommes blancs d’âge moyen avec les traits physiques que tu vois. Il semblerait qu’ils les considèrent comme des meneurs dignes de confiance.

— Pourquoi… » J’essaie de rassembler mes esprits. « Comment ça, pour les humains ? »

D’un geste de la main, Setrákus Ra désigne mon assiette. « Mange, et je répondrai à tes questions. C’est raisonnable, comme marché, tu ne trouves pas ? Je crois que les humains appellent ça donnant-donnant. »

Je baisse les yeux sur mon assiette, et l’amas blafard qui m’attend. Je pense à Six, à Neuf et au reste des Gardanes et me demande ce qu’eux feraient, dans ma situation. Setrákus Ra semble prêt à vider son sac, alors je devrais sans doute sauter sur l’occasion. Peut-être que, pendant qu’il essaiera subtilement de me faire changer de camp, il laissera échapper un secret qui nous permettrait de battre les Mogadoriens. Si ce secret existe. Quoi qu’il en soit, avaler une bouchée de cette limace bouillie n’est pas cher payé, si ça me permet de réunir des informations importantes. Je ne devrais pas me considérer comme prisonnière, mais plutôt en mission derrière les lignes ennemies.

Je suis une espionne, bon sang.

Je me saisis de ma fourchette et de mon couteau, découpe un petit carré au bord de la viande, et me le fourre dans la bouche. Ça n’a pratiquement aucun goût, j’ai un peu l’impression de mâcher une boule de papier chiffonné. Ce qui me dérange le plus, c’est la texture – au contact de ma langue, la substance se met à crépiter puis à fondre, et disparaît si rapidement que je n’ai même pas le temps de mâcher. Je ne peux m’empêcher de penser à la manière dont les Mogadoriens se désintègrent quand ils sont tués, et j’ai beaucoup de mal à retenir un haut-le-cœur.

« Ce n’est pas la nourriture dont tu as l’habitude, mais c’est la meilleure que l’Anubis puisse produire, avec son équipement, commente Setrákus Ra en ayant presque l’air de s’excuser. Une fois que nous aurons pris la Terre, les menus s’amélioreront. »

Je ne rétorque rien, car je me moque de la gastronomie mogadorienne. « J’ai mangé. Maintenant réponds à ma question. »

Il incline la tête, visiblement charmé par ma franchise. « J’ai choisi cette forme parce que les humains la trouvent rassurante. C’est ce que je porterai pour accepter la reddition de leur planète. »

Je le fixe, bouche bée. « Jamais ils ne se rendront à toi. »

Il sourit. « Bien sûr que si. Contrairement aux Lorics, qui se battent inutilement contre une issue inévitable, les humains ont une histoire riche en capitulations. Ils savent apprécier les démonstrations de force et accepteront bien volontiers les principes du Progrès mogadorien. Et dans le cas contraire, ils périront.

— Le Progrès mogadorien. » Je crache les mots comme des fruits pourris. « Mais de quoi tu parles ? Tu veux tous les faire à ton image ? Celle d’un mon… »

Je ne termine pas ma phrase. J’allais le traiter de monstre, lorsque ma vision m’est revenue en mémoire. J’ai ordonné sans ciller l’exécution de Six sous les yeux de John, de Sam et d’une foule de gens. Et si cette horreur était déjà en train de ramper en moi ?

« Je crois qu’il y avait au moins une question, au milieu de tout ce vitriol », commente Setrákus Ra. Il arbore toujours ce sourire qui me rend folle de rage, encore plus exaspérant sur ce séduisant visage humain. Il désigne de nouveau mon assiette. J’engouffre une nouvelle bouchée de gelée immonde. Setrákus Ra se racle la gorge comme s’il s’apprêtait à faire un discours.

« Nous partageons le même sang, petite-fille, et c’est pour cette raison que te sera épargné le sort réservé aux Gardanes qui ont la stupidité de s’opposer à moi. Car contrairement à eux, tu es capable de changer, expliqua Setrákus Ra. J’ai peut-être été loric, jadis, mais au fil des siècles j’ai œuvré à me transformer, à m’améliorer. Une fois que je contrôlerai la Terre, je posséderai la puissance nécessaire pour changer la vie de milliards d’individus. Il leur suffira d’accepter le Progrès mogadorien. Alors mon travail portera enfin ses fruits. »

Je le dévisage en plissant les yeux. « La puissance ? Et elle viendra d’où ? »

Setrákus Ra me lance un sourire énigmatique, tout en touchant les pendentifs autour de son cou. « Tu le verras le moment venu, petite. Et alors, tu comprendras.

— Je comprends déjà. Que tu es un monstre répugnant qui rêve de génocide, planqué derrière un look mogadorien vraiment raté. »

Le sourire de Setrákus Ra vacille et l’espace d’un instant, je me demande si je n’ai pas poussé le bouchon un peu loin. Il lâche un soupir et passe les doigts en travers de sa gorge, faisant s’écarter la peau de son personnage, sous laquelle apparaît l’épaisse cicatrice violacée.

« Pittacus Lore m’a fait ce cadeau, lorsqu’il a essayé de me tuer, dit-il d’une voix froide et monocorde. J’étais l’un d’eux, mais lui et les autres Anciens m’ont rejeté. Ils m’ont banni de Lorien, à cause de mes idées.

— Quoi ? Je croyais qu’ils voulaient t’élire chef suprême, ou je ne sais quoi ? »

Setrákus Ra passe une nouvelle fois la main sur sa gorge, faisant disparaître la cicatrice.

« Ils avaient déjà un chef, réplique-t-il dans un grondement guttural, comme si ce souvenir le mettait en colère. Ils ont simplement refusé de l’admettre.

— Et c’est censé vouloir dire quoi ? »

Cette fois-ci, il ne me force pas à manger avant de me répondre. Il est sur sa lancée.

« Ma chère, les Anciens étaient dirigés par la planète elle-même. C’est Lorien qui choisissait pour eux. Qui décidait qui serait Gardane et qui serait Cêpane. Ils croyaient qu’il nous fallait vivre en gardiens de la nature, et la laisser nous dicter notre destin. J’étais en désaccord avec eux. Les Dons légués par Lorien ne sont rien d’autre que des ressources, comme tout le reste. Laisserais-tu un poisson décider qui est digne de le manger ou pas, ou bien le minerai de fer quand il doit être forgé ? Bien sûr que non. »

J’essaie de digérer toutes ces informations et de les confronter à la lettre de Crayton.

« Ce que tu voulais, c’est tout contrôler, point final, je conclus au bout d’un moment.

— Je voulais le progrès, rétorque-t-il. Les Mogadoriens l’ont compris. Contrairement aux Lorics, c’était un peuple prêt à s’élever.

— Tu es fou. » Je repousse mon assiette. Terminé, le petit jeu des questions-réponses.

« Tu n’es qu’une enfant mal éduquée, réplique-t-il avec ce ton de patience condescendante. Quand tu auras commencé à étudier, quand tu verras ce que j’ai accompli pour toi et ce que les Lorics t’ont refusé, alors tu comprendras. Tu en viendras à m’aimer et à me respecter. »

Je me lève, même si je n’ai nulle part où aller. Jusqu’ici, Setrákus Ra n’a pas été trop dur avec moi, mais il m’a été clairement dit que c’est uniquement parce qu’il m’y autorise que je peux me déplacer dans les couloirs stériles de l’Anubis. S’il lui prend l’envie de me séquestrer ici et de me forcer à terminer mon repas, il le fera. Il vaudrait sans doute mieux pour moi que je ne relève pas les aberrations et les mensonges qu’il raconte, mais il m’est impossible de me taire. Je pense à Neuf, à Six et aux autres – je sais qu’à aucun prix ils ne tiendraient leur langue, s’ils se retrouvaient face à face avec cette erreur de la nature.

« Tu as détruit notre planète et tout ce que tu as accompli, c’est le martyre d’un peuple, je riposte en essayant d’imiter le ton de fausse patience de mon grand-père. Tu es un monstre. Jamais je ne cesserai de te haïr. »

Setrákus Ra pousse un soupir et, sous l’effet de la consternation, ses beaux traits se froissent un instant. « La colère est le dernier refuge des ignorants, répond-il en levant la main. Laisse-moi te montrer une de ces choses qu’ils t’ont dérobée, ma petite-fille. »

Une spirale d’énergie écarlate et étincelante se met à tourner autour de sa paume. Interdite, je recule d’un pas.

« Les Anciens ont choisi qui s’échapperait de Lorien, et tu n’étais pas censée en faire partie, continue Setrákus Ra. On t’a privée des avantages accordés aux autres Gardanes. Je rectifierai cela. »

La spirale se mue en un globe crépitant devant la main de Setrákus Ra, reste quelques instants en suspens dans l’air, puis fonce droit sur moi. Je plonge sur le côté et le globe interrompt sa course, puis me vise de nouveau comme s’il pouvait me voir. Je heurte le sol froid, roule à terre et fais de mon mieux pour esquiver, mais cette boule de feu est trop puissante. Elle traverse l’ourlet de ma robe et se fixe à ma cheville.

Je pousse un hurlement. La douleur est insupportable : c’est comme si on me raclait la peau avec du fil barbelé. Je relève le genou et essaie de taper l’endroit où la boule de feu m’a frappée, comme si j’étais en flammes et que je tentais d’étouffer le brasier.

C’est alors que je la vois. La lueur rouge s’estompe, et laisse place autour de ma cheville à une cicatrice à vif et déchiquetée. Sa forme rappelle celle des tatouages anguleux que j’ai vus sur des dizaines de crânes de Mogadoriens, et ce qui me dérange, c’est qu’elle m’est étrangement familière. Cette cicatrice ressemble beaucoup à celle que les Gardanes ont, et qui est le signe du Sortilège loric.

Lorsque je relève les yeux vers Setrákus Ra, je dois me mordre la lèvre pour me retenir de hurler. Le bas de son pantalon a brûlé, et dessous apparaît sa propre cheville – ornée d’une cicatrice identique à la mienne.

« Désormais, annonce-t-il avec un sourire béat, tout comme eux, nous sommes liés. »