21e épisode
Résumé de l’épisode précédent : L’intervention d’Artémis a sauvé Iphigénie de la mort. Une prophétie annonce que les Grecs seront victorieux de la guerre de Troie après neuf années de combat. La flotte s’embarque.
Où l’on retrouve
Hélène à Troie
Des mois s’étaient écoulés depuis la fuite nocturne de Hélène et Pâris. Cette nuit-là, les chevaux n’avaient guère pris de repos, les amants non plus, pressés d’aller mettre leur amour naissant à l’abri derrière les murailles de Troie. À l’aube, ils avaient trouvé un navire de marchands mettant les voiles sur la mer Égée en direction de l’Asie Mineure. Se faisant passer pour un couple de jeunes mariés, ils avaient obtenu de monter à bord. Hélène n’avait pas jeté un regard derrière elle. La côte grecque lui importait moins que les boucles qui tombaient sur le front de l’homme pour qui elle quittait tout. Pâris, lui, ne cessait de la dévorer des yeux, ne croyant toujours pas à son bonheur d’avoir gagné l’amour de la plus belle femme du monde.
Le voyage dura trois jours et trois nuits. Hélène ne posa aucune question sur le lieu où Pâris l’emmenait vivre, car peu lui importait cet endroit, du moment qu’elle était auprès de lui. Aussi, lorsqu’elle franchit pour la première fois la porte qui fermait les hautes murailles de Troie, Hélène fut totalement éblouie par la majesté de la cité. Autour d’elle s’élevaient des palais, des temples et de vastes demeures richement décorées. Les Troyens, heureux de voir revenir leur prince accompagné d’une si belle femme, les suivirent avec des hourras tout le long du chemin qui menait jusqu’au palais royal. Pâris avait pris la main d’Hélène et ne la lâchait pas. Quelques jeunes filles faisaient un pas vers elle, lui offrant une fleur, une corbeille de fruits mûrs, ou une cruche d’eau pour se rafraîchir au passage. Au pied de l’escalier menant au palais, le roi Priam et sa femme Hécube étaient descendus les accueillir. « Comme la femme que nous amène notre fils est belle ! », murmura la reine. Le roi en était muet d’admiration. L’un et l’autre ouvrirent grand leurs bras pour serrer Hélène contre eux. La jeune femme en eut les larmes aux yeux. « Qui que tu sois, dit Priam, tu entres ici chez toi. » « Bienvenue à notre nouvelle fille ! », ajouta Hécube. Ainsi Hélène de Sparte devint Hélène de Troie.
Depuis ce jour, du matin au soir, la jeune femme avait le cœur en fête. Dès l’aube elle courait sur les remparts scruter la mer. Elle qui était née et avait toujours vécu loin de l’océan se régalait à la vue des flots bleus. Elle passait le reste de ses journées auprès de Pâris, qui ne pouvait se passer de sa présence. Hélène buvait cet amour à petites gorgées, elle le savourait comme un cadeau des dieux. Sa belle-mère Hécube et sa belle-sœur Andromaque tentaient bien parfois de l’emmener avec elles dans les tâches dévolues aux femmes du palais. Hélène se dépêchait de les accomplir pour courir plus vite rejoindre son prince. Quant à Pâris, il était si manifestement heureux que chacun en souriait de plaisir.
Hélène avait une servante préférée, qui était devenue pour elle une confidente. Elle s’appelait Briséis. Elle était la fille du devin Calchas, celui-là même qui conseillait Agamemnon. Briséis savait bien que son père avait trahi son camp, choisissant celui des Grecs parce qu’il connaissait l’issue de cette guerre annoncée. Elle avait honte de cette trahison et n’en parlait jamais. Elle avait été placée très jeune au service de la reine Hécube, et elle connaissait Troie dans ses moindres recoins. Ni Pâris ni Hélène ne connaissaient bien la ville. Parfois Briséis les guidait jusqu’à une petite place ombragée d’eucalyptus, jusqu’au patio d’une bâtisse envahie par le jasmin, jusqu’au jardin secret d’une maison blanc et bleu où veillait un oranger, jusqu’à une petite cour avec un puits entouré de lauriers… « Tu te souviens… nos lauriers-roses à Sparte ? » Leurs doigts, leurs mots et leurs souvenirs tout frais se mêlaient, et Briséis disparaissait discrètement.
Les jours heureux passaient ainsi. Parfois seulement, lorsque les amants croisaient un enfant rieur, une ombre traversait les yeux d’Hélène. Son cœur se serrait au souvenir de sa fille, Hermione, restée à Sparte. Mais Pâris chassait cette douleur secrète d’un tendre baiser.
Toute à l’insouciance de cette passion, Hélène ne prêtait guère attention aux propos qui annonçaient une guerre. Aussi n’était-elle pas préparée à la grosse surprise qui l’attendait un matin à l’aube…
À SUIVRE