26e épisode
Résumé de l’épisode précédent : Athéna a empêché Achille de tuer Agamemnon. Il vient d’accepter que Briséis lui soit enlevée, mais décide de se retirer du combat.
Où Achille laisse
couler ses larmes pour
la première fois
Sous sa tente, Briséis renouait délicatement sa belle ceinture à franges sur sa taille. Elle attendait le retour d’Achille en chantonnant doucement. C’est alors qu’une troupe de Grecs surgit autour d’elle. « Tu dois nous suivre », commanda l’un d’eux. Affolée, Briséis bondit. Elle chercha à s’enfuir, mais les hommes l’encerclaient. Alors elle cria, elle appela : « Achille ! Grand Achille, viens à mon aide ! » Seul le silence lui répondit. Lorsqu’elle sortit de la tente, escortée par ceux qui venaient la chercher, elle aperçut Achille. Elle voulut se précipiter vers lui, mais les hommes la retinrent brutalement. Briséis ne comprenait pas ce qui se passait. Achille avait les yeux noyés de larmes mais il laissait faire ! « Je n’étais donc rien d’autre pour toi qu’une captive ! cria-t-elle. Tu me laisses enlever comme on partage un butin. Je n’ai pas plus de valeur qu’un objet, n’est-ce pas ? » Achille répondit tristement : « Je dois obéissance aux dieux… » Mais Briséis n’entendit pas, les hommes l’avaient déjà emmenée en direction de la tente d’Agamemnon. Fou de colère, mais tenu par la promesse faite à Athéna, Achille s’éloigna en courant sur la plage. Il courut, courut, à perdre haleine. Jusqu’à s’abattre, épuisé, sur le sable.
Des heures infinies s’écoulèrent. Le char du Soleil allait bientôt plonger dans la mer, Achille n’avait pas bougé. Il pleurait, assis sur le rivage. Ses larmes se mêlaient aux vagues qui lui léchaient les pieds. Son cœur avait éclaté. Des paroles égarées franchissaient parfois ses lèvres : « Ma beauté. Mon aimée. » Le temps passait et creusait le chagrin plus profondément encore. « Mère, viens à mon secours, je souffre… » Ses mots de douleur couraient sur les flots, plongeaient et replongeaient, comme de petits bouchons sur les vagues.
Et voilà que, là-bas, tout au fond de l’océan, la néréide Thétis, sa mère, les entendit. Une mère entend toujours la détresse de son enfant. D’un puissant coup de rein, elle remonta à la surface, surgit des flots et se précipita auprès d’Achille. Sans un mot, elle essuya ses larmes. Achille entoura les genoux de Thétis et y posa sa tête pour calmer sa peine. « Fils, je te promets d’aller voir Zeus et de lui demander de venger cet affront. Sans toi, les Grecs ne pourront jamais vaincre Troie. Je vais le supplier de donner la victoire aux Troyens. » La néréide déposa un baiser sur le front de son fils et s’envola aussitôt pour l’Olympe.
C’était l’heure où, à l’assemblée des dieux, chacun s’amusait, parlait, riait. Les muses chantaient, et Apollon jouait de la lyre pour égayer tout le monde. Le nectar coulait à flots. Au milieu de cette bruyante agitation, Thétis se faufila facilement jusqu’au pied du trône de Zeus. « Ô dieu des Dieux, entends ma prière de mère outragée, s’il te plaît ! Laisse la victoire aux Troyens, tant que l’honneur d’Achille ne sera pas vengé… Il est si malheureux ! » Zeus, ému par la demande de Thétis, lui fit un signe de tête pour donner son accord à cette requête. Mais sa femme Héra, qui observait tout, avait repéré Thétis aux pieds de Zeus. Elle arriva aussitôt, courroucée. « Que se trame-t-il ici ? Quelque chose qui va nuire aux Grecs, n’est-ce pas ? », demanda-t-elle. Sa voix perçante couvrit soudain le brouhaha. Apollon avait entendu. Il cessa de jouer et se leva : « De quoi te mêles-tu encore, Héra ? » Athéna s’écria aussitôt : « C’est bien à toi de parler, Apollon, toi qui soutiens les Troyens depuis le début ! » Arès, le dieu de la Guerre, prit sa défense : « Oui, Apollon et moi, nous sommes du côté des Troyens, et alors ? » Cela fit bondir Héra : « Vous croyez que nous allons encore longtemps laisser mourir nos héros sans rien faire ? » D’une voix tonitruante, Zeus s’écria soudain : « Silence, les dieux ! C’est moi qui commande ici ! » Qu’allait-il décider ?
À SUIVRE