VII

Sur le seuil de cette année (1884) il m'arriva une aventure extraordinaire. Au matin du premier jour de l'an, j'étais allé embrasser Anna qui, je l'ai dit, habitait rue de Vaugirard. Je revenais, joyeux déjà, content de moi, du ciel et des hommes, curieux de tout, amusé d'un rien et riche immensément de l'avenir. Je ne sais pourquoi, ce jour-là, je pris pour m'en revenir, au lieu de la rue Saint-Placide qui était mon chemin habituel, une petite rue sur la gauche, qui lui est parallèle ; par amusement, par simple plaisir de changer. Il était près de midi ; l'air était clair et le soleil presque chaud coupait l'étroite rue dans sa longueur, de sorte qu'un trottoir était lumineux, l'autre sombre.

A mi-chemin, quittant le soleil, je voulus goûter de l'ombre. J'étais si joyeux que je chantais en marchant et sautant, les yeux au ciel. C'est alors que je vis descendre vers moi, comme une réponse à ma joie, une petite chose voletante et dorée, comme un morceau de soleil trouant l'ombre, qui s'approcha de moi, battant de l'aile, et vint se poser sur ma casquette, à la manière du Saint-Esprit. Je levai la main ; un joli canari s'y logea ; il palpitait comme mon cœur, que je sentais emplir ma poitrine. Certainement l'excès de ma joie était manifeste au dehors, sinon aux sens obtus des hommes ; certainement pour des yeux un peu délicats je devais scintiller tout entier comme un miroir à alouettes et mon rayonnement avait attiré cette créature du ciel.

Je revins en courant près de ma mère, ravi de rapporter le canari ; mais surtout ce qui me gonflait, ce qui me soulevait de terre, c'était l'enthousiasmante assurance d'avoir été célestement désigné par l'oiseau. Déjà j'étais enclin à me croire une vocation ; je veux dire une vocation d'ordre mystique ; il me sembla qu'une sorte de pacte secret me liait désormais, et lorsque j'entendais ma mère souhaiter pour moi telle ou telle carrière, celle des Eaux et Forêts par exemple qui lui semblait devoir convenir particulièrement à mes goûts, je me prêtais à ses projets par convenance, du bout du cœur, comme on se prêterait à un jeu, mais sachant bien que l'intérêt vital est ailleurs. Pour un peu j'aurais dit à ma mère : Comment disposerais-je de moi ? Ne sais-tu pas que je n'en ai pas le droit ? N'as-tu donc pas compris que je suis élu ? – Je crois bien qu'un jour qu'elle me poussait sur le choix d'une profession, je lui sortis quelque chose de cela.

Le serin (c'était une serine) alla rejoindre, dans une vaste cage, une nichée de chardonnerets que j'avais rapportée de La Roque ; avec laquelle il fit très bon ménage. J'étais ravi. Mais le plus surprenant reste à dire : à quelques jours de là, un matin que je me rendais à Batignolles où habitait à présent M. Richard, voici que, sur le boulevard Saint-Germain, au moment que je m'apprêtais à le traverser, je vis s'abattre, obliquement, vers le milieu de la chaussée... avais-je la berlue ? encore un canari ! Je m'élançai ; mais, un peu plus farouche que l'autre, échappé de la même cage sans doute, cet oiseau me fuyait, s'envolait plus loin, non d'un vol franc, du reste, mais par courtes étapes, rasant le sol, comme un oiseau jusqu'à présent captif et que la liberté de son vol étourdit. Je le poursuivis quelque temps ; le long de la ligne de tramways, il m'éluda trois fois, mais enfin je parvins à le couvrir de ma casquette. C'était entre deux rails, à l'instant qu'un tramway menaçait de nous écraser tous les deux.

Cette chasse m'avait mis en retard pour ma leçon ; je courus chez mon professeur, éperdu de joie, délirant, tenant mon canari dans mes mains closes. M. Richard n'était pas difficile à distraire gentiment, l'heure de la leçon se passa à la recherche d'une minuscule cage provisoire dans quoi je pusse ramener rue de Commaille mon oiseau. Moi qui précisément souhaitais un mâle pour ma serine ! Le voir tomber du ciel à nouveau, voici qui tenait du miracle. Qu'à moi fussent réservées de si gracieuses aventures, j'en ressentais un orgueil fou, bien plus que de quelque haut fait que j'aurais accompli moi-même. Décidément j'étais prédestiné. Je n'allais plus que les regards en l'air, attendant du ciel, comme Élie, mon plaisir et ma nourriture.

Mes canaris firent souche et, quelques semaines plus tard, si grande que fût ma cage, mes protégés s'y bousculaient. Les dimanches, jours de sortie de mon cousin Édouard, on les lâchait tous dans ma chambre ; ils s'ébattaient, fientaient de tous côtés, se posaient sur nos têtes, sur le haut des meubles, sur des cordons tendus, et sur quelques ramures rapportées du bois de Boulogne ou de la forêt de Meudon, qu'on coinçait dans des tiroirs, qu'on fichait horizontales dans des trous de serrure, ou verticales dans des pots. Au rez-de-chaussée, dans un dédale de tapis, ingénieusement entassés, folâtrait une famille de souris blanches. Je fais grâce de l'aquarium.

Diverses raisons avaient ramené les Richard dans Paris : l'élévation des loyers dans le quartier de Passy ; le désir de se rapprocher d'un lycée où le petit Blaise pût commencer ses études ; l'espoir des répétitions aux élèves de ce lycée. Il faut dire aussi que Mme Bertrand avait pris le parti de s'installer de son côté, avec sa fille, ce qui certainement amenait une grande défaillance de budget. Enfin les deux miss pensionnaires avaient repassé le détroit. Edmond Richard était reparti pour Guéret. Moi-même je n'habitais plus chez M. Richard ; j'arrivais chez lui chaque matin, vers 9 heures ; j'y déjeunais et rentrais rue de Commaille pour le dîner. A la reprise des classes, cette année, j'avais bien essayé de nouveau de l'École alsacienne et m'y étais cramponné quelques mois ; mais, de nouveau, des maux de tête des plus gênants m'avaient empêché, et force avait été de reprendre l'autre régime, je veux dire cette instruction rompue, indulgente et n'appuyant pas trop le licol. M. Richard s'y entendait à merveille, étant de tempérament musardeur. Que de fois la promenade nous tint-elle lieu de leçon ! Le soleil vaporisait-il notre zèle, on s'écriait : C'est péché de rester enfermé par ce beau temps ! – D'abord nous flânions par les rues, reflétant, observant, réflexionnant ; mais, l'an suivant, nos promenades eurent un but : pour je ne sais quel motif, M. Richard se mit en tête de redéménager ; le logement qu'il avait pris ne faisait décidément pas son affaire ; il fallait chercher mieux... Alors, autant par jeu que par besoin, nous courûmes l'écriteau et visitâmes tout ce qui se présentait « à louer ».

En avons-nous gravi des étages, dans des immeubles luxueux, dans des taudis ! Nous chassions de préférence le matin. Il arrivait souvent que le gîte n'était pas vide et que nous surprenions à leur petit lever les habitants. Ces voyages de découverte m'instruisaient plus que la lecture de maints romans. Nous chassions à l'entour du lycée Condorcet, de la gare Saint-Lazare et dans le quartier dit : de l'Europe ; je laisse à penser le gibier que parfois nous levions. M. Richard s'en amusait aussi ; il avait soin de me précéder dans les pièces, par décence, et parfois, se retournant vers moi, criait brusquement : « Ne venez pas ! » Mais j'avais le temps néanmoins d'en voir beaucoup, et, de certaines de ces visites domiciliaires, je ressortais éberlué. Avec une autre nature que la mienne, cette indirecte initiation eût présenté bien des dangers ; mais l'amusement que j'y prenais ne me troublait guère et ne m'échauffait que l'esprit ; bien mieux : j'y cultivais plutôt une sorte de réprobation pour ce que j'entrevoyais de la débauche, contre quoi mon instinct secrètement m'insurgeait. Et peut-être quelque aventure particulièrement scabreuse éclaira-t-elle enfin M. Richard sur l'incongruité de ces visites : il y mit le holà. A moins que tout simplement il eût fini par trouver un logis à sa convenance. Toujours est-il que nous cessâmes de chercher.

En dehors des leçons je lisais beaucoup. C'était le temps où le Journal intime d'Amiel faisait fureur ; M. Richard me l'avait indiqué, m'en avait lu de longs passages ; il y trouvait un complaisant reflet de ses indécisions, de ses retombements, de ses doutes, et comme une sorte d'excuse ou même d'autorisation ; pour moi, je ne laissais pas d'être sensible au charme ambigu de cette préciosité morale, dont les scrupules, les tâtonnements et l'amphigouri m'exaspèrent tant aujourd'hui. Puis aussi je cédais à M. Richard et j'admirais par sympathie, ou mieux, comme il advient souvent, pour ne pas me trouver en reste ; au demeurant le plus sincèrement du monde.

A la table des Richard s'asseyaient deux pensionnaires ; l'un un peu plus âgé que moi, l'autre d'un ou deux ans plus jeune. Adrien Giffard, l'aîné, était un orphelin de père et de mère, sans frères ni sœurs, une sorte d'enfant trouvé ; je ne sais trop à la suite de quelles aventures il avait fini par échouer chez les Richard. C'était un de ces êtres de second plan qui semblent ne figurer dans la vie qu'en comparse et pour grossir un nombre. Il n'était ni méchant ni bon, ni gai ni triste et ne s'intéressait jamais qu'à demi. Il vint à La Roque avec M. Richard l'année précisément que cessa d'y venir Armand. Les premiers temps il y fut très malheureux parce qu'il n'osait fumer tout son soûl, par égard pour ma mère ; il en tomba presque malade ; ce que voyant, on mit à sa disposition tout le tabac qu'il voulut, et il s'enfonça dans une fumerie sans arrêt.

Quand j'étudiais mon piano, il s'approchait, collait son oreille au bois de l'instrument et restait, aussi longtemps que je faisais des gammes dans un état proche de la félicité ; puis s'en allait, sitôt que je commençais un morceau. Il disait :

– Ce n'est pas que j'aime la musique ; mais c'est les exercices que vous faites qui me plaisènt.

Lui-même s'essayait sur une flûte de bazar.

Ma mère lui faisait peur. Elle représentait pour lui, j'imagine, un degré de civilisation qui lui donnait le vertige. Il arriva qu'un jour, au cours d'une promenade, en traversant une haie (car il n'était pas bien adroit), une ronce au derrière lui déchira son pantalon. L'idée de devoir reparaître dans cet état devant ma mère le terrifia au point qu'il s'enfuit et qu'on ne le revit pas de deux jours – qu'il passa, couchant on ne sut où et se nourrissant on ne sut comment.

– Ce qui m'a fait revenir, me confia-t-il ensuite, c'est le tabac. Tout le reste, je m'en passe.

Bernard Tissaudier était un gros garçon réjoui, franc, coloré, aux cheveux noirs taillés en brosse ; plein de bon sens, aimant à causer, et vers qui me poussait une sympathie assez vive. Le soir, quittant M. Richard, chez qui nous n'étions l'un et l'autre que demi-pensionnaires, nous faisions volontiers un bout de route ensemble, en bavardant ; un de nos thèmes favoris était l'éducation des enfants. Nous nous entendions à merveille pour reconnaître que les Richard élevaient déplorablement les leurs, et nous naviguions de conserve sur l'océan des théories –  car en ce temps je ne savais pas encore à quel point le natif l'emporte sur l'acquis, et qu'à travers tous les apprêts, les empois, les repassages et les plis, la naturelle étoffe reparaît, qui se tient, d'après le tissu, raide ou floche. Je projetais alors d'écrire un traité sur l'éducation et en promettais à Bernard la dédicace.

Adrien Giffard suivait les cours de Lakanal. Bernard Tissaudier allait au lycée Condorcet. Or il arriva que ma mère, un soir, lisant certain article du Temps, se récria et me dit sur un ton interrogatif :

– J'espère au moins que ton ami Tissaudier, en sortant du lycée, ne passe pas par le passage du Havre ? (Il faut dire, pour ceux qui l'ignorent, que ledit passage est à quelques pas du lycée.)

Comme je ne m'étais jamais inquiété de l'itinéraire de mon ami Tissaudier la question demeura sans réponse. Maman reprit :

– Tu devrais lui dire de l'éviter.

La voix de maman était grave, et elle fronçait les sourcils comme je me souviens que faisait le capitaine du navire, certain jour de traversée orageuse entre Le Havre et Honfleur.

– Pourquoi ?

– Parce que je lis dans le journal que le passage du Havre est extrêmement mal fréquenté.

Elle n'en dit pas davantage, mais je restai tout troublé par ces énigmatiques paroles. Je comprenais bien, à peu près, ce que ce mot « mal fréquenté » prétendait dire, mais mon imagination, que ne refrénait aucune idée des convenances ni des lois, me représenta tout aussitôt le passage du Havre (où je n'étais jamais entré) comme un lieu de stupre, une géhenne, le Roncevaux des bonnes mœurs. Malgré mes explorations à travers les appartements des cocottes, j'étais demeuré, à quinze ans, incroyablement ignorant des alentours de la débauche ; tout ce que j'en imaginais n'avait aucun fondement dans le réel ; je brodais et chargeais aussi bien dans l'indécent, dans le charmant et dans l'horrible – dans l'horrible surtout, à cause de cette instinctive réprobation dont je parlais plus haut : je voyais, par exemple, mon pauvre Tissaudier orgiastiquement lacéré par les hétaïres. Et d'y penser, chez M. Richard, mon cœur se serrait, tandis que je contemplais ce bon gros garçon rouge et joufflu, si calme, si joyeux, si simple... Nous étions seuls dans la pièce, Adrien Giffard, lui et moi, faisant nos devoirs. Enfin, je n'y tins plus, et, d'une voix étranglée par l'angoisse, lui demandai :

– Bernard, quand tu sors du lycée, tu ne prends pas par le passage du Havre, n'est-ce pas ?

Il ne dit d'abord oui, ni non ; mais, répondant à ma question par une autre question que l'inattendu de mon interrogation rendait naturelle :

– Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? fit-il en ouvrant de grands yeux.

Soudain quelque chose d'énorme, de religieux, de panique, envahit mon cœur, comme à la mort du petit Raoul, ou comme le jour où je m'étais senti séparé, forclos ; tout secoué de sanglots, me précipitant aux genoux de mon camarade :

– Bernard ! Oh ! je t'en supplie : n'y va pas.

L'accent de mes paroles, ma véhémence, mes larmes étaient d'un fou. Adrien reculait sa chaise et roulait des yeux effarés. Mais Bernard Tissaudier, d'éducation puritaine ainsi que moi, ne se méprit pas un instant sur la nature de mon angoisse ; du ton le plus naturel et le plus propre à me calmer :

– Tu crois donc que je ne connais pas le métier ? me dit-il.

Je jure que ce furent là ses paroles.

Mon émotion retomba net. J'entrevis aussitôt qu'il en savait aussi long ou plus long que moi sur ces matières ; et certes le regard qu'il y portait, droit, ferme et même quelque peu chargé d'ironie, était plus rassurant que mon désordre ; mais c'est précisément là ce qui me renversait : que le dragon que je m'étais fait de cela, on le pût considérer de sang-froid et sans frissonner d'épouvante. Le mot « métier » sonnait péniblement à mon oreille, apportant une signification pratique et vulgaire où je n'avais vu jusqu'alors qu'un pathétique mélange de hideur et de poésie ; je crois bien que je ne m'étais encore jamais avisé que la question d'argent entrât en rien dans la débauche, ni que la volupté se finançât ; ou peut-être (car pourtant j'avais quelque lecture et ne voudrais pas me peindre par trop niais) était-ce de voir quelqu'un de plus jeune, et j'allais dire : de plus tendre que moi, le savoir, qui me désarçonnait ainsi. La seule connaissance de cela me paraissait déjà flétrissante. Il s'y mêlait également je ne sais quelle affection, peut-être à mon insu frémissante, quel besoin fraternel de protection, et le dépit de le voir tourné...

Cependant, comme après la repartie de Tissaudier je demeurais pantois et prêt à ne plus sentir que mon ridicule, lui me tapa sur l'épaule et riant d'un gros rire bien franc, bien positif.

– Tu n'as pas besoin d'avoir peur pour moi, va ! reprit-il d'un ton qui remettait tout à sa place.

J'ai décrit de mon mieux cette sorte de suffocation profonde, accompagnée de larmes, de sanglots, à quoi j'étais sujet, et qui, dans les trois premières manifestations que j'en eus et que j'ai redites, me surprit moi-même si fort. Je crains pourtant qu'elle ne demeure parfaitement incompréhensible à qui n'a connu rien d'approchant. Depuis, les accès de cette étrange aura, loin de devenir moins fréquents, s'acclimatèrent, mais tempérés, maîtrisés, apprivoisés pour ainsi dire, de sorte que j'appris à n'en être effrayé, non plus que Socrate de son démon familier. Je compris vite que l'ivresse sans vin n'est autre que l'état lyrique, et que l'instant heureux où me secouait ce délire était celui que Dionysos me visitait. Hélas ! pour qui connut le dieu, combien mornes et désespérées les périodes débilitées où il ne consent plus à paraître !

Si Bernard Tissaudier n'avait été que fort peu remué par le pathos de ma sortie, combien je le fus, en revanche, par la bonhomie souriante de sa réplique ! C'est à la suite de cette conversation, il me semble, sinon peut-être aussitôt après, que je commençai de prêter attention à certains spectacles de la rue. Ma tante Démarest habitait boulevard Saint-Germain, à peu près en face du théâtre Cluny, ou, plus exactement, de cette rue montante qui mène au Collège de France, dont on voyait la façade, du balcon de son appartement, lequel était au quatrième. La maison avait porte cochère, il est vrai ; mais comment ma tante, avec ses goûts et ses principes, avait-elle été choisir ce quartier ? Entre le boul'Mich' et la place Maub', à la tombée du jour, le trottoir commençait de s'achalander. Albert avait mis en garde ma mère :

– Je crois, ma tante, lui avait-il dit devant moi, qu'il est préférable que ce grand garçon rentre avec vous, le soir, quand vous venez dîner ici (c'était tous les quinze jours). Et même, pour vous en retourner, vous ferez mieux de suivre le milieu de la chaussée, jusqu'à la station du tramway.

Je ne sais si j'avais tout à fait compris. Mais un soir, contrairement à ma coutume qui était de courir sans arrêt depuis la rue du Bac jusqu'à la porte de ma tante, mettant mon orgueil à devancer le tramway où j'avais fait monter ma mère, certain soir, dis-je – et c'était un soir de printemps – comme ma mère avait passé l'après-midi chez sa sœur et que j'étais parti plus tôt qu'à l'ordinaire, j'allais plus lentement, jouissant de la tiédeur nouvelle. Et déjà j'étais presque arrivé, lorsque je m'avisai de l'allure bizarre de certaines femmes en cheveux, qui vaguaient de-ci de-là, comme indécises, et précisément à l'endroit où je devais passer. Ce mot de « métier » dont s'était servi Tissaudier retentit dans mon souvenir ; j'hésitai, le temps d'un éclair, si je ne quitterais pas le trottoir, pour n'avoir pas à passer près d'elles ; mais quelque chose en moi presque toujours l'emporte sur la peur : c'est la peur de la lâcheté ; je continuai donc d'avancer. Brusquement, tout contre moi, une autre de ces femmes, que d'abord je n'avais pas remarquée ou qui bondit de dessous une porte, vint me dévisager, me barrant la route. Je dus faire un brusque détour, et de quel pas chancelant, précipité ! Elle alors, qui d'abord chantait, s'écria d'une voix à la fois grondeuse, moqueuse, câline et enjouée :

– Mais il ne faut pas avoir peur comme ça, mon joli garçon !

Un flot de sang me monta au visage. J'étais ému comme si je l'avais échappé belle.

Nombre d'années après, ces quêtantes créatures m'inspiraient encore autant de terreur que des vitrioleuses. Mon éducation puritaine encourageait à l'excès une retenue naturelle où je ne voyais point malice. Mon incuriosité à l'égard de l'autre sexe était totale ; tout le mystère féminin, si j'eusse pu le découvrir d'un geste, ce geste je ne l'eusse point fait ; je m'abandonnais à cette flatterie d'appeler réprobation mes répugnances et de prendre mon aversion pour vertu ; je vivais replié, contraint, et m'étais fait un idéal de résistance ; si je cédais, c'était au vice, j'étais sans attention pour les provocations du dehors. Au surplus, à cet âge, et sur ces questions, avec quelle générosité l'on se dupe ! Certains jours qu'il m'arrive de croire au diable, quand je pense à mes saintes révoltes, à mes nobles hérissements, il me semble entendre l'autre rire et se frotter les mains dans l'ombre. Mais pouvais-je pressentir quels lacs...? Ce n'est pas le lieu d'en parler.

 

En décrivant notre appartement, j'ai réservé la bibliothèque. C'est que, depuis la mort de mon père, ma mère ne m'y laissait plus pénétrer. La pièce restait fermée à clef ; et, bien que située à une extrémité de l'appartement, il me semblait qu'elle en faisait le centre ; mes pensées, mes ambitions, mes désirs gravitaient autour. C'était, dans l'esprit de ma mère, une sorte de sanctuaire où respirait le cher souvenir du défunt ; sans doute, elle eût trouvé malséant que je prisse trop vite sa place ; je crois aussi qu'elle balayait de son mieux tout ce qui, à mes propres yeux, pouvait souffler mon importance ; enfin, dirai-je qu'il ne lui paraissait pas prudent de mettre à la disposition de mon avidité tous ces livres qui n'étaient rien moins que des livres d'enfant. A l'approche de ma seizième année pourtant, Albert commença d'intercéder en ma faveur ; je surpris quelques bribes de discussion ; maman s'écriait :

– Il va mettre la bibliothèque au pillage.

Albert arguait doucement que le goût que j'avais pour la lecture méritait d'être encouragé.

– Il a bien assez à faire avec les livres du couloir et avec ceux de sa chambre. Attendons qu'il les ait tous lus, ripostait ma mère.

– Ne craignez-vous pas de prêter à ceux du cabinet un attrait de fruit défendu ?

Ma mère protestait que « à ce compte-là on ne devrait jamais rien défendre ». Elle se débattit ainsi quelque temps puis finit par céder, comme elle faisait presque toujours lorsque c'était Albert qui lui tenait tête, parce qu'elle avait pour lui beaucoup d'affection, beaucoup d'estime, et parce que le bon sens, avec elle, finissait toujours par triompher.

A dire vrai, non, l'interdiction n'ajoutait rien à l'attrait de cette pièce ; ou qu'un peu de mystère en sus. Je ne suis pas de ces tempéraments qui d'abord s'insurgent ; au contraire il m'a toujours plu d'obéir, de me plier aux règles, de céder, et, de plus, j'avais une particulière horreur pour ce que l'on fait en cachette ; s'il m'est arrivé par la suite et trop souvent, hélas ! de devoir dissimuler, je n'ai jamais accepté cette feinte que, comme une protection provisoire comportant le constant espoir et même la résolution d'amener bientôt tout au grand jour. Et n'est-ce pas pourquoi j'écris aujourd'hui ces mémoires ?... Pour en revenir à mes lectures de naguère, je puis dire que je n'ai pas souvenir d'une seule, faite dans le dos de ma mère ; je mettais mon honneur à ne pas la tromper. Qu'avaient donc de si particulier les livres de la bibliothèque ? Ils avaient d'abord pour eux leur bel aspect. Puis, tandis que dans ma chambre et dans le couloir abondaient presque uniquement les livres d'histoire, d'exégèse ou de critique, dans le cabinet de mon père je découvrais les auteurs mêmes dont ces livres de critique parlaient.

A peu près convaincue par Albert, ma mère ne céda pourtant pas tout d'un coup ; elle composa. Il fut admis que j'entrerais dans la pièce, mais avec elle, que je choisirais tel ou tel livre qui me plairait et qu'elle m'autoriserait à le lire, mais avec elle, à haute voix. Le premier livre sur lequel mon choix s'abattit fus le premier volume des poésies complètes de Gautier.

Je faisais volontiers lecture à ma mère, mais, par souci de se former le goût, par méfiance de son jugement personnel, les livres qui obtenaient sa faveur étaient d'un genre tout différent. C'étaient les plates et fastidieuses études de Paul Albert ; c'était le Cours de littérature dramatique de Saint-Marc-Girardin dont, à raison d'un chapitre par jour, nous venions d'absorber l'un après l'autre les cinq volumes. J'admire que de tels aliments ne m'aient pas davantage rebuté. Mais non ; j'y prenais plaisir au contraire et, tant était pressant mon appétit, j'allais de préférence au plus scolaire, au plus compact, au plus ardu. J'estime aujourd'hui que ma mère n'avait point tort, du reste, d'accorder tant aux ouvrages de critique ; son tort était de ne les pas mieux choisir ; mais personne ne la renseignait. Et puis ! si j'eusse lu tout aussitôt les Lundis de Sainte-Beuve, ou la Littérature anglaise de Taine, en eussé-je pu déjà tirer profit, comme je devais faire plus tard ? L'important était d'occuper mon esprit.

Si l'on s'étonne que ma mère ne me dirigeât point, de préférence, ou également du moins, vers des livres d'histoire, je répondrai que rien ne décourageait plus mon esprit. C'est une infirmité sur laquelle il faudra tout à l'heure que je m'explique. Un bon maître aurait peut-être éveillé mon intérêt s'il eût su, tout au travers des faits, montrer le jeu des caractères ; mais ma chance voulut que, pour m'enseigner l'histoire, je n'eusse jamais affaire qu'à des cuistres. Maintes fois, depuis, j'ai voulu forcer ma nature et m'y suis appliqué de mon mieux ; mais mon cerveau reste rebelle, et du plus brillant des récits ne retient rien – sinon ce qui s'inscrit en deçà des événements, comme en marge, et les conclusions qu'un moraliste en peut tirer. Avec quelle reconnaissance je lus, au sortir de la rhétorique, les pages où Schopenhauer tente d'établir le départ entre l'esprit de l'historien et celui du poète : « Et voilà donc pourquoi je n'entends rien à l'histoire ! me disais-je avec ravissement : c'est que je suis poète. C'est poète que je veux être ! C'est poète que je suis ! »

 
 

Et je me répétais la phrase qu'il cite d'Aristote : « C'est une plus importante chose, la philosophie, et c'en est une plus belle, la poésie – que l'histoire. » Mais je reviens à ma lecture du Gautier.

Me voici donc, un soir, dans la chambre de ma mère, assis près d'elle, avec ce livre qu'elle m'a permis de prendre dans une petite bibliothèque vitrée, réservée plus particulièrement aux poètes. Et je me lance dans la lecture à haute voix d'Albertus. Albertus ou L'Ame et le péché... De quel prestige s'auréolait encore en ce temps le nom de Gautier ! Puis l'impertinent sous-titre : Poème théologique, m'attirait. Gautier représentait pour moi, comme pour tant d'autres écoliers d'alors, le dédain du convenu, l'émancipation, la licence. Et certes il entrait du défi dans mon choix. Maman voulait m'accompagner : nous verrions qui, de nous deux le premier, crierait grâce. – Mais du défi surtout contre moi-même ; comme lorsque, peu de mois auparavant, je m'étais contraint d'entrer, et avec quel raidissement, quel air de mauvaise assurance, dans l'immonde boutique d'un herboriste de la rue Saint-Placide, qui vendait de tout et aussi des chansons – pour acheter la plus niaise et la plus vulgaire : Ah ! qu'el' sent bon, Alexandrine ! – Pourquoi ? Oh ! je vous dis : uniquement par défi ; car, en vérité, je n'en avais aucun désir. Oui, par besoin de me violenter et parce que, la veille, en passant devant la boutique, je m'étais dit : « Ça, tu n'oserais tout de même pas le faire. » Je l'avais fait.

Je lisais sans regarder maman, assise, enfouie dans un des vastes fauteuils, elle faisait de la tapisserie. J'avais commencé très allégrement, mais à mesure que j'avançais, ma voix se glaçait, tandis que le texte devenait plus gaillard. Il s'agit, dans ce poème « gothique », d'une sorcière qui, pour attirer Albertus, revêt l'aspect de la plus fraîche des jouvencelles : prétexte à des descriptions infinies... Maman tirait l'aiguille d'une main toujours plus nerveuse ; tout en lisant j'accrochais du coin de l'œil l'extrémité de son mouvement. J'avais atteint la strophe CI :

 
 

– Passe-moi le livre un instant, dit ma mère, m'interrompant soudain, à mon immense soulagement. Alors je la regardai : elle approcha le livre de la lampe et, les lèvres serrées, parcourut les strophes qui suivaient, avec ce regard froncé du juge qui, durant un huis clos, écoute une déposition scabreuse. J'attendais. Elle tourna la page ; puis revint en arrière, hésitant ; puis tourna de nouveau, allant de l'avant, et, me rendant le livre, elle m'indiqua le point où raccrocher ma lecture :

– Oui... Enfin :

 
 

dit-elle, citant le vers qui pouvait le mieux résumer, d'après elle, les strophes censurées – et dont je ne pris connaissance que beaucoup plus tard, pour ma parfaite déception.

Ce pénible et ridicule essai ne fut heureusement pas renouvelé. Je m'abstins durant quelques semaines de regarder vers la bibliothèque, et lorsque enfin ma mère m'en permit l'accès, ce fut sans plus parler de m'y rejoindre.

La bibliothèque de mon père se composait, en majeure partie, de livres grecs et latins ; livres de droit également, il va sans dire ; mais qui n'occupaient point la place d'honneur. Celle-ci était donnée à Euripide dans la grande édition de Glasgow, à Lucrèce, à Eschyle, à Tacite, au beau Virgile de Heyne et aux trois élégiaques latins. Je pense qu'il fallait voir dans cette élection, moins un effet des préférences de mon père, qu'une certaine appropriation des reliures et des formats. Un grand nombre de ces livres, vêtus de vélin blanc, tranchaient sans dureté sur le sombre et chatoyant émail de l'ensemble. La profondeur du meuble énorme permettait un second rang légèrement surélevé ; et rien n'était exquis comme de voir entre un Horace et un Thucydide, la collection des lyriques grecs, dans l'exquise petite édition de Lefèvre, abaisser leur maroquin bleu devant l'ivoire des Ovide de Burmann et devant un Tite-Live en sept volumes, également habillé de vélin. Au milieu du meuble, sous les Virgile, ouvrait une armoire dans laquelle divers albums étaient serrés ; entre l'armoire et le rayon de cymaise, une planchette formant pupitre permettait de poser le livre en lecture ou d'écrire debout ; de chaque côté de l'armoire, des rayons bas supportaient de lourds in-folio : l'Anthologie grecque, un Plutarque, un Platon, le Digeste de Justinien. Mais quelque attrait qu'eussent pour moi ces beaux livres, ceux de la petite bibliothèque vitrée l'emportaient.

Il n'y avait là que des livres français, et presque uniquement des poètes... J'avais accoutumé depuis longtemps d'emporter en promenade quelqu'un des premiers recueils de Hugo, dans une charmante petite édition qu'avait ma mère, et qui lui avait été donnée je crois, par Anna ; où j'achevais d'apprendre par cœur nombre de pièces des Voix intérieures, des Chants du crépuscule et des Feuilles d'automne, que je me redisais inlassablement et me promettais de réciter bientôt à Emmanuèle. En ce temps j'avais pour les vers une prédilection passionnée ; je tenais la poésie pour la fleur et l'aboutissement de la vie. J'ai mis beaucoup de temps à reconnaître – et je crois qu'il n'est pas bon de reconnaître trop vite – la précellence de la belle prose et sa plus grande rareté. Je confondais alors, comme il est naturel à cet âge, l'art et la poésie ; je confiais mon âme à l'alternance des rimes et à leur retour obligé ; complaisamment je les sentais élargir en moi comme le battement rythmé de deux ailes et favoriser un essor... Et pourtant, la plus émouvante découverte que je fis dans la bibliothèque vitrée, ce fut celle, je crois, des poésies de Henri Heine. (Je parle de la traduction.) Certainement l'abandon de la rime et du mètre ajoutait au charme de l'émotion une invite fallacieuse, car ce qui me plaisait aussi dans ces poèmes, c'est ce que je me persuadai d'abord que j'allais pouvoir imiter.

Je me revois, étendu sur le tapis, à l'étrusque, au pied de la petite bibliothèque ouverte, en ce printemps de ma seizième année, tremblant à découvrir, à sentir s'éveiller et répondre à l'appel d'Henri Heine, l'abondant printemps de mon cœur. Mais que peut-on raconter d'une lecture ? – C'est le fatal défaut de mon récit, aussi bien que de tous les mémoires ; on présente le plus apparent ; le plus important, sans contours, élude la prise. Jusqu'à présent je prenais plaisir à m'attarder aux menus faits ; mais voici que je nais à la vie.

Les maux de tête, qui, l'an précédent, plus fréquents que jamais, m'avaient forcé d'abandonner presque complètement toute étude, du moins toute étude suivie, à présent s'espaçaient. J'avais quitté M. Richard dont sans doute l'enseignement ne paraissait plus assez sérieux à ma mère ; elle me confia cette année à la pension Keller, rue de Chevreuse, tout près de l'École alsacienne où l'on ne désespérait pas de me voir rentrer.

Si nombreux que fussent les élèves de la pension Keller, j'étais le seul d'entre eux qui ne suivît pas les cours du lycée. J'arrivais, le matin et le soir, aux heures où précisément la pension se désertait. Un grand silence régnait alors dans les salles vides, et je prenais mes leçons tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre ; de préférence dans une pièce toute petite, plus propice au travail, et où se resserraient les relations avec le tableau noir ; propice également aux confidences des répétiteurs. J'ai toujours été friand des confidences ; je me flattais d'avoir l'oreille particulièrement bien faite pour les recevoir et rien ne m'enorgueillissait davantage. Je mis bien longtemps à comprendre que, d'ordinaire, l'autre cède au besoin de se raconter qui tourmente le cœur de l'homme, et sans s'inquiéter beaucoup si l'oreille où il se déverse a vraiment qualité pour l'entendre.

C'est ainsi que M. de Bouvy me faisait part de ses déboires. M. de Bouvy, maître répétiteur à la pension, ne commençait pas une phrase qu'il ne la fît précéder d'un soupir. C'était un petit homme flasque, au poil noir, à la barbe épaisse. Je ne sais plus trop ce que j'étudiais avec lui ; et sans doute je n'apprenais pas grand-chose, car, dès le début de la leçon, le regard de M. de Bouvy s'éteignait ; les soupirs se multipliaient et la phrase cessait bientôt de les suivre. Tandis que je récitais mes leçons, il hochait la tête pensivement, murmurait une suite de : « ouih » plaintifs, puis tout à coup m'interrompant :

– Cette nuit encore, elle ne m'a pas laissé rentrer.

Les déboires de M. de Bouvy étaient de l'ordre conjugal.

– Quoi ! m'écriai-je, plus amusé je le crains qu'apitoyé : vous avez de nouveau couché dans l'escalier ?

– Ouih ! Vous trouvez aussi que cela n'est pas tolérable.

Il regardait dans le vague. Je crois qu'il cessait de me voir et oubliait que c'était à un enfant qu'il parlait.

– D'autant plus, continuait-il, que je deviens la risée des autres locataires, qui ne se rendent pas compte de la situation.

– Vous n'auriez pas pu forcer la porte ?

– Quand je fais cela, elle me bat. Mettez-vous seulement à ma place.

– A votre place, je la battrais.

Il soupirait profondément, levait vers le plafond un œil de vache, et sentencieusement :

– On ne doit pas battre une femme. Et il ajoutait dans sa barbe : D'autant plus qu'elle n'est pas seule !...

M. de Bouvy fut remplacé bientôt par M. Daniel, être malpropre, ignare et liquoreux, qui fleurait la taverne et le bordel ; mais qui du moins ne faisait pas de confidences ; qui fut remplacé par je ne sais plus qui.

L'ignorance et la vulgarité de ces répétiteurs successifs désolait M. Keller, homme de réel mérite et qui se donnait beaucoup de mal pour maintenir la pension à peu près digne de sa première renommée, laquelle était grande et, je crois, parfaitement justifiée. J'obtins bientôt de prendre avec lui seul toutes mes leçons ; à l'exception de celles de mathématiques qui m'étaient données par M. Simonnet – tous deux, professeurs excellents, de ces professeurs-nés, qui, loin d'accabler le cerveau de l'enfant, mettent leur soin à le délivrer au contraire, et qui s'y usent ; de sorte qu'ils semblent, dans leurs rapports avec l'élève, mettre en pratique la parole du Précurseur... « Il faut qu'il croisse et que je diminue » – tous deux, dis-je, me chauffèrent si bien qu'en un peu plus de dix-huit mois je rattrapai les années incultes et pus, en octobre 1887, rentrer en rhétorique à l'École alsacienne, où je retrouvai les camarades que j'avais perdus de vue depuis si longtemps1.


1 Je crois pourtant que je fais erreur et ne retrouvai que ceux de la classe suivante, mes premiers camarades m'avant devancé d'une année.