« Ils reviennent ! dit Winnie. Nous sommes faits, cette fois !
Je vais pleurer un peu… Cette fois, j’ai le droit ! »
Impossible, bien sûr, de lui faire reproche
D’être triste, quand le danger était à l’approche.
Les pieuvres automates encerclèrent leurs otages
Comme une horde de pirates allant à l’abordage.
La plupart de leurs proies s’étaient bien résignées
À l’idée de se faire, à nouveau, dévorer.
Il régnait de partout une ambiance de terreur :
Le silence de l’effroi, le souffle de la peur.
C’est Morty en personne qui changea l’atmosphère
En plongeant dans la foule de ses congénères.
Il songeait, voyez-vous, que si la jeune Katie
Pouvait être courageuse… alors pourquoi pas lui ?
Il atteignit le cœur de la masse silencieuse,
Puis il prit la parole d’une voix courageuse :
« Y a des fois où l’on gagne, et des fois où l’on perd,
MAIS
JAMAIS ON
NE LÂCHE
,M’A TOUJOURS DIT MON PÈRE !
S’il était parmi nous, il dirait, c’est certain :
Mortimer, mon fiston, quand t’es dans le pétrin,
Quand tout va de travers, quand arrive une impasse,
Quand tu es dépassé, voire dans la mélasse,
Si des pieuvres-robots soudainement t’accostent,
Une seule réaction, mon fiston :
la riposte ! »
À l’écoute de ces mots vigoureux et sincères,
Les bêtes et les monstres, tous, se mobilisèrent !
Ils y mettraient leurs tripes, comme si c’était leur rôle
– Plus question, désormais, de perdre le contrôle !
Ils se tinrent immobiles, dans un silence d’acier,
Le regard rectiligne et les membres contractés.
Morty se retourna, puis, d’un ton ferme et grave,
Annonça : « Attendons jusqu’à ce que l’on perçoive
L’intérieur de leurs yeux, et nous pourrons alors
Prendre par inadvertance ces pieuvres carnivores. »
Sauf que leurs adversaires n’étaient pas si stupides…
Et l’un fondit sur eux – maudit octodroïde !
Il fusa comme une flèche ! Mais du fond de la grotte,
Pour lui la barrer la route, s’avança BÉHÉMOTH !
Ce dernier attrapa les pattes tentaculaires
Et souleva l’immonde assaillant dans les airs,
Puis, d’un geste précis, il l’envoya valser
En direction du mur, qu’il heurta de plein fouet !
« Bravo, cria Morty. C’était sensationnel !
Sauf qu’un droïde vaincu… c’est dix qui se rebellent !
Si nous restons groupés comme les doigts de la main,
Nous pourrons les défaire ! J’en suis sûr et certain ! »
C’est ainsi, que d’un coup, la bagarre éclata
(On peut dire qu’on entrait dans le vif du débat).
La bataille fut terrible, entre les adversaires,
Créatures de l’espace… face aux monstres de la Terre.
Les griffons, dont on avait attaché les ailes,
S’envolèrent dans les airs – une vision irréelle ! –,
Ils saisirent les pattes des robots-araignées
Et décrivirent des cercles jusqu’à les ligoter.
Même les plus petites minuscules créatures,
Les lutins des sous-bois, les elfes miniatures,
Eux aussi se joignirent à cette effervescence
Pour aider à combattre la maléfique engeance.
Ils bondirent, aussitôt, sur les pieuvres infernales
S’enfonçant très profond sous leurs couches de poils.
Ils allèrent se loger pile sous les aisselles,
Chatouillant les robots, pour qu’ils tanguent de plus belle !
Les infâmes automates se trouvèrent bientôt
Échevelés, meurtris et moins prompts aux assauts.
Mais ils ferraillaient ferme, sans relâche et encore
– Il faut dire qu’ils étaient remarquablement forts !
Ils remuaient leurs pinces, tels d’immenses faucheux,
Faisant grincer leurs crocs pointus et saliveux.
Ainsi se poursuivit le combat des droïdes,
Face aux dragons, aux ogres, aux lutins, aux sylphides,
Face aux sphinx et aux elfes, aux griffons, aux géants,
Chacun bataillant dur, tout en se défendant !
C’est alors que Katie eut une pensée soudaine :
Une idée pour qu’enfin la victoire survienne !
« Mortimer ! cria-t-elle. Reste ici à lutter !
Je m’absente un instant ! Je vais tout arranger ! »
« Comment ça ? fit Morty. C’est à n’y rien comprendre !
Dis-moi quel est ton plan, et où tu vas te rendre ! »
Mais la fille disparut, sans commentaire aucun.
Et là où elle était, il ne resta…
plus rien.
Mortimer s’agaça : C’est pas vrai ! pensa-t-il,
Alors qu’il esquivait un énième péril.
Katie était maligne, c’était une évidence…
Mais que pouvait-elle faire qui leur porte assistance ?
L’unique personnage qui la vit s’éclipser
Était laid et bossu en plus d’être voûté.
Et ce témoin alerte – voyez donc l’ironie –
Avait perdu un œil, pas plus tard qu’aujourd’hui !
En voyant disparaître la jeune trompe-la-mort,
Il cligna de l’unique œil qu’il avait encore.
« Bonne chance ! souffla l’ogre, en agitant la main,
Tu es timbrée, peut-être… mais vaillante, c’est certain ! »