CHAPITRE 7

Le Tunnel du Silence

Il sembla à Katrina tout comme à Morty

Qu’ils passaient plusieurs jours dans la sombre galerie.

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Pourtant, un peu plus loin, le sol devint pentu,

Comme une longue montée… mais dépourvue d’issue.

La côte était si raide qu’ils en eurent des crampes !

C’était un escalier… sans marches et sans rampe !

 

Ce fut bien sûr Morty le premier à se plaindre :

« Je n’en peux plus ! dit-il. Quand allons-nous atteindre

Le sommet de cette pente ? Enfin, que dit le guide ?

J’ai les jambes qui tremblotent ! Et le dos tout humide ! »

 

Katrina, à ces mots, ne sut répondre rien,

Mais stoppa pour fouiller les galeries au loin.

Puis, les paupières plissées, elle étudia le plan,

Et, d’un geste, demanda le silence dans les rangs.

 

« Tais-toi ! dit-elle tout bas. Pas un bruit, pas un son !

Et puis au moindre pas surtout fais attention.

On est presque arrivés, mais le dernier morceau…

Pourrait s’avérer le passage le plus costaud.

 

La carte signale ici une forêt d’aiguillons,

De cornes et d’épines suspendus au plafond.

(Le plan dit “stalactites”… mais moi je me demande :

S’il n’y aurait pas eu un problème de commande…)

Alors, pour avancer sans se faire scalper,

Il faudra de courage et de cran nous armer !

 

Ces pointes sont fragiles, c’est précisé ici,

Elles se décrocheront au plus infime bruit !

Entendu, Mortimer ? Je te fais confiance !

Nous allons traverser… le Tunnel du Silence. »

 

Dans le fameux passage, il n’y avait pas un son…

Mais un drôle d’effet d’insonorisation :

Pas un bruit ne filtrait dans l’étrange corridor…

Le Tunnel du Silence était calme comme la mort.

 

Alors, à pas de loup, ils avancèrent tout droit,

Un œil sur le plafond, source de leur effroi.

Ces effrayants piquants, pointus et menaçants,

Ressemblaient à des doigts dans un terrible gant.

 

La peur gagnait Morty… Il ne scrutait qu’en l’air,

Oubliant de penser à regarder par terre…

Or jonchant le chemin, juste devant ses pieds,

Plusieurs branches de ronces étaient enchevêtrées.

 

Le malheureux Morty, quelle ne fut sa surprise,

Quand son pied se coinça, jambe et botte comprises.

Il faut lui reconnaître néanmoins cette prouesse :

Il n’émit pas un son en tombant sur les fesses.

 

Il tomba, en effet, lourdement en arrière…

Mais la chute produisit comme un bruit de

tonnerre.

 

D’abord on n’entendit ni choc ni résonance,

Pas d’éboulement de pierres… quelle incroyable chance !

Mais ensuite vint l’écho d’une chose qui dégringole :

Le

touc

d’un caillou s’affaissant sur le sol.

 

Kat cria aussitôt :

 

« En avant !

Dépêche-toi !

Car tout va s’effondrer, le toit et les parois ! »

 

Morty leva les yeux et pensa : « Qu’ai-je fait ? »

Katie avait raison : l’avalanche commençait !

 

Les stalactites pleuvaient, comme des bombes en pleine guerre,

Provoquant un épais nuage de poussière.

Katrina et Morty galopaient comme des fous,

Mais les broches de granit pilonnaient de partout.

 

Des épées tout en pierre et des sabres de roc,

Des échardes rugueuses, des lames tout d’un bloc

S’écrasant sur le sol sans jamais ralentir –

Une véritable averse de dents de vampire.

 

« Vite, Morty ! dit Katie, en lui prêtant main-forte.

Regarde là-haut ! Juste là : c’est la porte ! »

Tous les deux aperçurent comme un point lumineux,

Éclatant, aveuglant : un recoin de ciel bleu !

Qui, en ces circonstances de péril imminent,

Était promesse de vie et de soulagement.

 

Le tunnel, néanmoins s’effondrait par morceaux

Dans un fracas terrible, n’allant que crescendo.

 

Les deux amis, alors, tentèrent leur échappée,

Qui ne leur évita ni les bleus ni les plaies.

Ils bondirent du tunnel sur le flanc d’une butte

Qu’ils dévalèrent ensemble, emportés dans leur chute.

 

Ils roulèrent tout le long de la pente escarpée,

Jusqu’en bas, où ils restèrent un instant sonnés.

« Kat, on a réussi ! s’écria Mortimer.

Et on a survécu – c’est encore le meilleur ! »

 

Katrina, quant à elle, était plutôt en rogne.

Très loin d’être enchantée, elle lança sans vergogne :

« Espèce de lourdaud ! Maladroit ! Empoté !

C’est avant tout par chance que l’on s’en est tirés !

 

Tu n’es rien qu’un balourd ! Une véritable cloche !

À croire qu’à tes deux pieds correspondent deux mains gauches !

Et, justement tes pieds, on peut leur dire merci :

Grâce à eux on aurait pu finir en bouillie ! »

 

Mortimer resta muet, il ne dit pas un mot

Et, allongé dans l’herbe, prit un air tout penaud.

« C’est bien vrai…, souffla-t-il sur un ton désolé.

Cette histoire d’aventure, c’est hors de ma portée ! »

 

Pour unique réponse, Katrina soupira,

Se demandant comment un type si maladroit

Avait pu être choisi, et parmi les meilleurs,

Pour une telle mission – quelle grossière erreur !

 

Toujours dans ses pensées, elle se remit d’aplomb,

Et, autour d’elle, examina les environs.

 

La vue était unique – spectacle fabuleux !

Ils se tenaient au faîte d’un sommet montagneux,

Entouré de mille arbres aux prospères ramures,

Dans un air ambiant manifestement pur !

 

Mortimer, à son tour, lentement se leva,

Épousseta ses habits et puis se recoiffa.

 

Il aperçut alors, sur un arbre à châtaignes,

Clouée à même le tronc, une drôle d’enseigne.

 

Sauf que de longues branches en partie la masquaient

Et rendaient son message difficile à percer.

On y distinguait seulement quatre morceaux :

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Morty, toutefois, sut la lire sur-le-champ,

Et son sens lui parut tout à fait évident.

Il fit face à la vue, telle une figure de proue,

Et annonça :

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