Le cimetière occupe le versant nord d’une petite éminence, un endroit que les gens de la ville nomment souvent « là-haut ». Il est proche, on s’y rend à pied. Une bonne partie de ceux qui ont assisté à l’office suivent le fourgon funéraire.

Le tonus du pasteur est contagieux. Son message a porté, les rythmes joyeux des cantiques aussi ; personne ne peine dans la montée. Chacun est détendu, on sourit, on discute de tout et de rien, on plaisante parfois.

En haut de la pente se découpent bientôt les contours d’une belle église romane. Elle semble là depuis toujours, solidement enracinée dans la terre grasse de la Beauce. Elle aussi rassure, elle aussi apaise.

Le cortège l’ignore, traverse le cimetière, gagne un carré de tombes. Face à la fosse fraîchement cimentée, la petite foule s’agglutine autour du pasteur.

Il entame un nouveau discours. On l’écoute moins attentivement qu’au temple ; certains poursuivent leurs conversations. Une gamine fond en larmes – peut-être l’une des petites-filles de la morte.

Le pasteur s’est tu. On dispose à l’entour de la fosse un monceau de fleurs. Une file d’attente se forme. Pendant un bon quart d’heure, chacun s’incline au-dessus de la tombe béante. Puis le cortège retraverse le cimetière.

Même sérénité qu’à l’aller, mêmes conversations anodines. Au bout de quelques mètres, la femme en manteau bleu-noir s’arrête, se retourne, jette un œil anxieux à la fosse toujours béante.

« Qu’est-ce qui se passe ? » s’inquiète l’homme qui l’accompagne. Elle répond : « Je ne sais pas », et reprend sa route.