Il y a peu, j’ai analysé ce qui m’est arrivé ce printemps-là. Je venais d’apprendre qu’un mal étrange touche presque tous ceux dont un proche a été assassiné quand la police tarde ou échoue à élucider le drame. La maladie consiste à se dire : « Je vais enquêter, moi aussi. Si ça se trouve, je vais faire mieux que les flics. » J’ai écrit quelques lignes à ce propos dans mes carnets ; j’ai intitulé ce petit texte « Le syndrome Columbo ».

Rien ne l’annonce. Il vous tombe dessus d’une minute à l’autre. Pour moi, ce fut un matin. À peine levée, je décide de relire, ligne à ligne, mot à mot, l’article qui a été publié deux jours après l’agression.

Je le retrouve aussitôt sur Internet. Il est maintenant précédé de trois nouveaux articles. Le premier est daté de début décembre, le suivant de la mi-février et le troisième est tout récent. D’autres attaques se sont produites.

C’est le deuxième papier, celui de décembre, qui m’arrête. En l’épluchant, comme je me le suis promis, je découvre qu’avant Denise, deux « retraités » auraient été attaqués à leur domicile par un cambrioleur ultra-violent.

La première intrusion s’était déroulée au mois de juin, dans une maison située à huit cents mètres du pavillon de ma sœur, au fond d’une impasse, elle aussi. L’agresseur n’avait pas lésiné sur les moyens : il s’était armé d’un marteau. L’article ne disait pas si la victime était un homme ou une femme. Il signalait seulement qu’elle avait soixante-douze ans et qu’il s’agissait d’une « personne vulnérable » – en d’autres termes, dépendante. L’inconnu avait tenté de l’étouffer à l’aide d’un oreiller. Fort heureusement, son fils était intervenu et l’avait mis en fuite.

Le quatrième article, le plus récent, reprenait ces informations en ajoutant qu’une troisième agression s’était produite pendant l’été, juste avant celle de Denise. Son auteur, cependant, était prudent ; il en parlait au conditionnel. Une nouvelle attaque, soulignait-il – sur ce point, il était formel –, avait eu lieu début décembre, soit quatre mois jour pour jour après l’intrusion chez ma sœur, un samedi encore une fois, à deux kilomètres de chez elle. Une autre vieille dame avait vu surgir un inconnu dans sa chambre.

Elle était plus âgée, quatre-vingt-sept ans. Mais le mode opératoire présentait de nombreuses similitudes : l’intrus avait cassé une vitre pour pénétrer dans sa maison. Il l’avait surprise dans son lit sur le coup de quatre heures du matin et tenté de l’étouffer avec son oreiller avant de la dépouiller d’un collier et de ses bagues. Là aussi, l’irruption de son fils l’avait sauvée. L’agresseur avait pris la fuite.

La série avait repris en février. Cette fois l’adresse de la victime n’était pas précisée, mais son âge, si : quatre-vingt-un ans, ainsi que le butin du cambriolage, un lingot d’or de cinq cents grammes plus des bijoux, soit au total vingt mille euros. La vieille dame aurait été jetée au sol et traînée sur quelques mètres. Sous la menace d’une arme – laquelle, l’article ne le disait pas –, l’inconnu l’avait forcée à lui ouvrir son coffre-fort.

Enfin, le 30 mars au petit matin, une nonagénaire, alertée par le fracas d’une vitre brisée, avait surpris un homme dans son jardin. Il brandissait le marteau qui avait servi à défoncer le vitrage. Cette fois, l’individu n’avait pas insisté, il avait détalé.

« Rien n’indique que les agressions soient liées », notait le journaliste. Pour autant, l’article était titré : « Le cambrioleur ultra-violent repéré ».