L’oreille contre la porte, David écoutait. Pas un bruit ne s’échappait du bureau où s’était réfugiée Garance. Devait-il frapper et l’implorer de quitter sa tanière ? Devait-il la serrer dans ses bras, lui assurer que tout irait bien et, qu’ensemble, ils sortiraient sains et saufs de cette maison ? Oui. Voilà ce qu’il aurait dû faire. Mais David en était incapable. Depuis qu’elle avait rompu le cou de Solène, Garance le terrifiait. À l’instar de Mathieu, elle avait été capable du pire : tuer l’un des siens.
Pouvait-elle s’en prendre à son frère, unique témoin de son crime ?
Cette hypothèse effraya David. Il tourna les talons et tenta de se rassurer : tant que sa sœur restait enfermée dans ce bureau, il ne risquait rien.
Il refusait toutefois de passer une heure de plus entre ces murs.
Il fallait sortir de cet endroit maudit.
Oui, mais comment ?
David déambula dans le salon à la recherche d’une solution. La Casa, merveille d’architecture et de modernité, disposait-elle d’un passage secret vers l’extérieur ? Si oui, où se trouvait-il ? La réponse résidait peut-être dans l’objet qui attira soudain l’attention de David : la reproduction du domaine réalisée par son père. Il ôta la cloche en verre et détailla la maquette. Un travail d’une précision remarquable. Tout avait été miniaturisé avec exactitude. Le jardin paysager était représenté à l’identique ; chaque arbre était à sa place. L’agencement de l’intérieur de la Casa était, lui aussi, d’une fidélité extrême. On distinguait même, à travers les baies vitrées en plexiglas, les meubles et tableaux qui décoraient chaque pièce.
David colla un œil contre le quatrième soupirail et ce qu’il devina fit bondir son cœur dans sa poitrine.
Délicatement, il retourna la maquette et tapota la planche en bois qui servait de support. Le fond était creux.
David glissa la lame d’un couteau entre le socle et les cloisons en balsa. Les petits clous bondirent de leurs emplacements les uns après les autres et révélèrent la partie semi-enterrée de la maison. Elle était composée de deux espaces séparés par un mur : la cave voûtée à laquelle on accédait par l’extérieur et une autre pièce énigmatique où seul un détail était matérialisé : un escalier. Ses marches prenaient leur origine dans le salon, devant la cheminée. Était-ce « l’antichambre du démon » dont papa interdisait l’accès ? Si oui, elle abritait sans doute le quatrième soupirail par lequel David pourrait s’enfuir.
Surexcité, il posa la maquette sur le canapé et s’élança vers le foyer. D’un geste brusque, il souleva le tapis persan et, à sa grande stupeur, découvrit une trappe. Un anneau encastré dans le sol indiquait qu’elle était jadis verrouillée à l’aide d’un cadenas. David essaya de la faire pivoter, mais elle lui échappa. Avec un pic à feu, il fit levier et un morceau de parquet se souleva dans un grincement. Un escalier apparut et David se remémora alors les paroles de son père : « Si vous l’importunez et pénétrez dans ses appartements, vous n’en ressortirez pas vivants ! »
D’abord hésitant, il posa finalement un pied sur la première marche, puis, sans bruit, terrorisé à l’idée de réveiller quelque monstre tapi, descendit.
En bas, l’obscurité était totale. Tâtonnant à gauche et à droite, David chercha un interrupteur. Rien. Il activa le mode « lampe » de son téléphone portable et la pièce, d’une taille monumentale, se dévoila sous sa lueur blafarde. Il orienta fébrilement sa source de lumière en direction du quatrième soupirail.
Il était là, derrière un rideau rouge.
David tira sur l’étoffe de velours d’un coup sec.
Il aurait pu pleurer, mais il n’en eut pas la force.
Il aurait pu hurler, mais il garda le silence.
Devant le soupirail, devant cette seule voie vers la liberté, un mur avait été érigé.