Désintégration, 3h du matin

Pas de monde dehors, que cela.

 

Maintenant les mots ne viennent pas, et maintenant ils viennent.

 

Aucun contrôle à ce sujet. Spontanéité.

 

Cela respire, cela respire. Aucune raison de respirer, aucune raison de s'arrêter.

 

Aucun mot pour cela, tous les mots apparaissent dans cela, et s'y dissolvent.

 

Rien ne persiste. Aucune trace, aucune empreinte, aucune mémoire.

 

Toutes les réponses se dissolvent, les questions aussi ; tout n'est qu'énergie qui apparaît, puis se disperse.

 

*

 

Maintenant les pensées ne viennent pas.

 

Le mental est clair, comme le ciel. Un espace ouvert.

 

Pas de nuages. Seulement le silence, seulement l'espace, seulement cela.

 

Des voitures au-dehors. De l'eau dans les tuyaux. On frappe là-haut. Des formes apparaissent et passent, ne laissant aucune trace. Toute trace est une mémoire, toute trace est morte.

 

Des mots qui ne rendent pas justice à cela : la paix, Dieu, le vide, le nirvana, la liberté. Qui voudrait décrire cela de toute façon ?

 

Toutes les philosophies échouent ici. Cela ne peut être capturé. Cela ne peut être réduit. Alors qu'est-ce qui s'écrit ici ? Rien. Cela ne signifie rien, mais c'est en train de s'écrire ! Il n'y a rien, il y a quelque chose. C'est identique !

 

Rien, quelque chose. Quelque chose, rien.

Dualité, non-dualité. Non-dualité, dualité.

 

Tout est clair. Il n'y a jamais eu de confusion.

La confusion n'est qu'illusion.

 

Ai-je jamais pensé différemment ?

 

*

 

Alors, que faire ? Quand il n'y a rien à faire, que faire ?

Fais ce que tu fais ! C'est tout.

Qu'est-ce que je fais ? Écrire. Pourquoi ? Parce que je suis. Pas d'autre raison. Rien d'autre n'est possible. Que cela. Quelle liberté, quelle libération ! Rien d'autre n'est possible que cela. Ce moment. Et cela. Se battre contre cela – demander que cela soit quelque chose d'autre que ce qu'il est déjà – c'est de la folie. Pure folie. Pure futilité. Cela est parfait, simplement parce qu'il ne peut en être autrement.

 

Aucune illusion. Aucune illusion de contrôle. Il n'y a pas de contrôle, ni de manque de contrôle. Des pensées de contrôle et de manque de contrôle apparaissent, elles s'évanouissent toutes deux. Seul cela reste, et cela, et cela, à l'infini...

 

*

 

Est-ce donc la « grande libération » ? Il n'y a que cette question. Et la question ne signifie rien. Aucune réponse n'est retenue, et la question retourne dans le néant – le néant qui EST plénitude absolue. Aucune chose et quelque chose ne font qu'un.

 

*

 

Dualité ? Non-dualité ? Non-sens. Dieu ? Une belle histoire. Le nirvana ? Un rêve, rien de plus, rien de moins. Tous ces concepts se présentent et retournent dans la perfection qu'est ce moment, et ce moment, et cela.

*

 

Est-ce un « état » ? Qui pose la question ? Est-ce une réponse supposée ? La réponse est-elle dans la question ? La réponse est-elle la question elle-même?

 

Laissez la question se dissoudre dans le vide...

 

Cela . Cela . Que cela. Pour toujours, à l'infini, éternellement, sans commencement, ni fin. Plus ancien que Dieu. Antérieur à l'éternité.

 

*

 

Le passé n'est que mémoire, le futur une projection. Ni l'un, ni l'autre n'existent... ou n'existent pas.

 

*

 

Le langage est circulaire. Il n'y a rien à transmettre.
Pourquoi parlons-nous ? Pour transmettre ! Mais il n'y a rien à transmettre ! Et c'est la grande libération. Nous parlons, parce que nous parlons. C'est la supposition qu'il existe quelque chose à transmettre qui apporte la confusion ! Nous parlons parce que nous parlons, et lorsque nous ne parlons pas, nous ne le faisons pas. C'est tout. Il n'y a rien en dehors de cela.

 

Le langage est circulaire, et jusqu'à ce que nous voyions le langage pour ce qu'il est, nous y sommes piégés. Le langage ne peut nous emmener là, où nous sommes déjà. Il ne peut nous guider en dehors de lui-même. Le langage apparaît en cet instant, et c'est très bien. Si le langage n'est pas présent, c'est bien également. Cependant, le langage ne pourra jamais capturer cela, car il est plus petit que cela. Chaque chose qui existe, chaque concept est plus petit que cela – une infime petite goutte dans l'océan infini qu'est cela.

 

Pourquoi donc faire quoi que ce soit ? C'est la grande Perfection, et pourtant, je suis, apparemment, en train de faire quelque chose. Si ce n'est qu'il n'existe pas de « je » ! « Je » est une pensée qui arrive maintenant – et c'est très bien – mais l'illusion c'est que « je » puisse contrôler quoi que ce soit, en ce moment ou à tout autre moment.

 

« Je » ne tape pas ces mots. Taper se fait, et la pensée « je suis en train de taper ces mots » survient. C'est tout. Et la frappe se poursuit. Une autre pensée surgit, mais il n'y a rien ici. Pas de soi. Pas d'absence de soi. Pas de soi à trouver, pas de soi à perdre. Pas de soi à découvrir. Pas de disparition du soi, pas de recherche. Toutes les recherches se résolvent dans cela.

 

*

 

Pas de monde au-dehors. Le monde entier est ici. Tape, tape. C'est le monde. Pas de monde au-dehors.

 

Respirer... respirer. Silence. Tout se déroule parfaitement, moment après moment.

 

Pas de contrôle. Le corps respire, juste au bon moment. Les yeux cillent, de la même façon. Les doigts tapent, chacun sur la bonne touche au moment parfait. Personne ici pour les contrôler.

 

Hello ? Y a-t-il quelqu'un ?

 

Qui demande ? Qui tape ?

 

« Qu'est-ce que le soi ? » - Qui le demande ? La réponse le demande ! La réponse supposée le demande ! Mais la question doit mourir, au moment où elle est posée. Elle est fausse, construite sur un mensonge, un leurre. Elle sous-entend une réponse ! La question et la recherche de la réponse apparaissent en même temps. Lorsqu'il y a une question, il y a la supposition d'une réponse, et il y a une recherche, une contraction de cela. La question tue cela. A moins que ce ne soit vu, vu !

 

« Qu'est-ce que le soi ? » Six mots et un point d'interrogation ! C'est TOUT. Pas de réponse. Pas de réponse. Et donc, pas de question, et pas de recherche. Et ceci vous ramène à CELA, qui a été là, tout le temps, qui EST ici tout le temps, en cet instant. La question EST le moment, dans sa totalité, au moment où elle est posée. Pourquoi cherchez-vous une réponse à la question, quand la question se résout simplement dans l'instant ?

 

*

 

La question est identique à la supposition de la réponse.

 

Qu'est-ce que la nature de la réalité ? Cela suppose une nature de la réalité. Qu'est-ce que le soi ? Cela implique un soi. Qu'est-ce que la Vérité Ultime ? Cela suppose une Vérité Ultime.

 

*

 

Voir le monde tel qu'il est réellement, et non tel qu'on le pense, c'est la liberté.

 

Aucune philosophie ne vous amènera ici. Aucun guide de développement personnel. Aucun enseignant, aucune école de pensée. Aucune méditation. Aucune prière, charité, amour, rien. Vous ne pouvez pas être conduit ici, car vous y êtes déjà. Le rechercher implique que vous ne l'avez pas encore trouvé. Mais vous l'avez trouvé, c'est ici sous votre nez. C'est votre nez. Et tout le reste ! Comment pouvez-vous vous trouver vous-même, lorsque vous êtes déjà vous-même ? Vous ne le trouverez jamais, puisque vous êtes déjà cela ! Et cela !
Et cela !

*

 

Cela n'est jamais le même. Seules vos pensées à propos de cela le sont. Les pensées sont mortes. Seul cela est vivant. La vie éternelle ? C'est ici, maintenant !
Le paradis ? Cela  !

 

*

 

Peut-être le corps devrait-il dormir. Mais pour l'instant, il tape... Lorsqu'il s'arrête de taper, je suppose qu'il va aller se coucher. Dans un sens ou un autre, c'est égal pour moi. Il fait ce qu'il fait, et j'aime qu'il le fasse, parce qu'il le fait ! S'il ne le faisait pas, c'est qu'il ne le voudrait pas et je suis sûr que j'aimerais cela aussi, à moins que non, dans ce cas je ne l'aimerais pas, et ce serait très bien aussi, à moins que non. Eh ! C'est amusant !! C'est ce qui est. A chaque instant, il est parfaitement lui-même, ne réclamant jamais d'être autre chose que ce qu'il est. C'est de la pure honnêteté, de la pure intégrité, de la pure humilité. Et ce n'est pas sérieux. Il y a, là, beaucoup d'humour, beaucoup d'humour et un très grand soulagement.

 

*

 

Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Parce qu'il y a quelque chose. Il y a un ordinateur devant moi et il y a un rideau, une tasse, et une lampe. Si ce n'est que la tasse n'est pas une tasse. C'est ce que c'est. Nous l'appelons « tasse » à des fins de communication. Mais nous n'avons vraiment aucune idée de ce que c'est. C'est une tasse – Ce n'est pas une tasse. C'est la même chose. C'est égal. C'est bien que ce soit une tasse. S'il n'y avait rien, il n'y aurait pas de tasse, et je n'en parlerais même pas. Donc, il y a une tasse. Et c'est magnifique. La philosophie ne vous amènera pas ici ! C'est une tasse – Ce n'est pas une tasse. Qu'elle est la différence ? Des mots, simplement. Je n'ai pas le moyen de savoir ce que C'est. Ce que CELA est. Mais nous utilisons des mots – ou non. Cela n'a pas d'importance.

 

Rien à transmettre. Cependant, nous le faisons – parce que... autant le faire. Pas de raison plus profonde.

 

*

 

Le corps est fatigué maintenant. Ce doit être proche de la fin.

 

Respiration. Silence.

 

Que cela. Pour toujours et à jamais cela. Plus rien à combattre. Acceptation totale, rejet total, vide complet, plénitude entière. Le clash des opposés, la tension des paradoxes, la frustration de « ne pas saisir » : tout se résout dans l'instant.

 

Liberté, libération, illumination, paix : ce ne sont que des mots. Ils ne lui font pas justice, et pourtant, ils sont toute la justice qui a besoin d'être faite. Aucune obligation, aucun contrôle, aucune fin à cela. Éternellement, pour toujours, à jamais.

 

Oxford, le 12 Mars 2005, 3 a.m.