La mort

« La mort n'est pas un événement de la vie : nous ne vivons pas pour expérimenter la mort. Si nous donnons à l'éternité non pas le sens d'une durée temporelle infinie, mais l'absence de temps, alors, la vie éternelle appartient à ceux qui vivent dans le présent. »

 

Wittgenstein

 

 

L'ultime secret de nos apparentes existences est peut-être que la mort est une libération . C'est la libération des formes de ce monde, de toutes les souffrances, mentales et physiques, de tous les problèmes, des espoirs, rêves, désirs, ambitions, buts, souvenirs, sentiments, de toute la condition humaine... Ce qui entraîne la question, peut-être l'unique question : pourquoi la redoutons-nous ?

 

Ce qui entraîne peut-être la toute dernière, dernière question : Qui, ou quoi, meurt ?

 

Voilà à quoi cela ressemble : « J'ai peur de ne plus exister. J'ai peur du vide, j'ai peur de l'inconnu. » Mais voici la difficulté : même l'inconnu est connu. Le moment où je pense à l'inconnu, « l'inconnu » est un objet de connaissance, une abstraction, une image dans le mental, et donc il est connu. Au-delà de la connaissance et de l'ignorance, ce qui est réellement Inconnu ne sera jamais capturé par le mental...

 

De quoi ai-je réellement peur, lorsque je pense à ma propre mort ? Simplement à ceci : la fin de « moi », la fin du soi, la fin de « je », la fin de mon histoire de vie, ma saga, mon épopée, mon voyage.

 

Cependant si vous y regardez de plus près, vous verrez que « je » n'est pas séparé de la structure entière de la pensée, la structure entière permettant l'expérience, avec laquelle le monde apparent est perçu. Tout ceci pour dire que lorsque le « je » disparaît, le monde entier disparaît avec lui. Il n'existe pas de monde en dehors de ce que j'en expérimente, dans mon expérience ! Peut-être que cela semble évident, mais si c'est vraiment accepté, alors, il est clairement vu que la mort n'est pas la fin. C'est simplement la fin de la structure personnelle d'expérience que vous prenez pour vous-même. C'est la fin du personnel, la fin du connu et un plongeon dans le néant.

 

Mais répondez : dans quoi ou dans qui apparaît cette structure entière permettant l'expérience ? Ou, disons le plus simplement : Qui est conscient de « moi », et qui est conscient que ce « moi » puisse s'achever ?

 

Serez-vous présent à votre propre mort ? Qui serez-vous au moment de votre mort ?

 

Pour cette question, qui étiez-vous au moment de votre apparente naissance ? Et, un instant avant celle-ci ?
Êtes-vous simplement apparu dans l'existence à un moment donné du temps, il y a tant d'années ? Allez-vous simplement disparaître de l'existence à un autre moment donné du temps, dans tant d'années par rapport à maintenant ?

 

Voilà le rêve, le rêve que vous êtes né et que vous allez mourir.

 

La fin de ce rêve, le plongeon dans le néant que vous êtes, c'est la libération. Et la libération peut arriver maintenant, à l'instant même, si vous pouviez seulement lâcher votre entier système de croyances, vos religions, vos superstitions, vos concepts, tout ce que vous avez pris sur vous. Si seulement vous pouviez lâcher tout ce que vous croyez être vrai, vous verriez la vérité, non pas le mot, mais l'expérience.

 

Bien sûr, vous ne pouvez rien abandonner, plus vous allez essayer de lâcher vos croyances, et plus elles vont coller.

 

Mais peut-être que ces choses ne seront vues par personne ; alors, la vérité se révèlera elle-même, la vérité qui était là tout le temps, la vérité qui est toujours là, tout le temps.

 

Et la vérité ressemble à ceci :

Respirer...

 

... un éternuement...

 

... un oiseau qui atterrit sur le pylône électrique là-bas...

 

...le vent qui souffle...

 

...les cris des enfants qui jouent dans le jardin...

 

...le bruit sourd de mon cœur qui bat...

 

...une douleur dans le bras gauche...

 

... la tasse chaude dans ma main...

 

...une pensée qui surgit à propos du match de football de ce soir...

 

... le bourdonnement de la télévision...

 

En cet instant, ici, maintenant, où est la mort ? Elle n'est nulle part, n'est-ce pas ? C'est une projection mentale, une projection qui crée l'illusion d'un futur, oui ?

 

Existe-t-il vraiment quelque chose en dehors des images de votre mental, des sensations de votre corps ?

 

Ne sont-ce pas ces images et ces sensations dont vous avez peur ?

*

 

Jusqu'à ce que la mort arrive, c'est toujours une projection. Le moment où la mort se présente, la projection se termine, la peur également. La mort est la fin de la peur, la fin du soi, la fin d'un futur.

 

Et donc, la mort ou la peur de la mort, c'est vraiment la grande farce cosmique. La seule chose dont nous ayons vraiment peur est la seule chose qui, tout bien considéré, nous libérera, et nous libérera d'elle-même ! La mort vous libère de la mort ! Et il n'y a, en réalité, pas de « vous » à libérer !

 

Laissez donc mourir les gens ! Laissez-les ! Ils meurent quand ils meurent, et vous ne pouvez pas l'empêcher. Oui vous pouvez sans doute atténuer la douleur, et c'est la meilleure chose à faire dans ces circonstances, mais vous ne pourrez finalement pas les empêcher de mourir, ce qui est, en réalité, votre désir profond. Vous devez les laisser aller, leur dire au revoir, car vous ne pouvez pas les sauver ! Les garder vivants, si c'était possible, ne vous sauverait pas.

 

*

 

Et bien sûr, vous ne pouvez « vous » empêcher de mourir. Vous pourriez essayer, mais ce serait mener une bataille que vous allez perdre de toute évidence. Ce serait comme courir en rond toute votre vie, pour se battre contre la mort, la bataille contre la fin du soi, n'est rien d'autre que l'effort du soi pour se protéger de sa propre destruction, un effort qui EST le soi.

 

Comme un chien qui court après sa queue...

 

*

 

L'immortalité est le rêve ultime de l'ego, le dernier espoir et la dernière folie. Il semble que nous soyons tous pris par cette folie, nous voulons tous être immortels ; ou au moins, nous voulons tous vivre ; ou au moins, nous ne voulons pas mourir ! Pas tout de suite, en tout cas... Pure folie, sans espoir ! Vous ALLEZ mourir ! Vous mourrez en dépit de tous vos efforts pour vivre ! Vous pourriez même mourir demain !

 

*

 

Oui, vous pourriez mourir demain ; alors, pourquoi passez-vous votre temps à souffrir et à croire en des problèmes inexistants ? Vivez ! Vivez totalement ! Vivez joyeusement ! Vivez sans peur ! Vivez comme si vous n'aviez rien à défendre ! Lâchez vos croyances, vos idéologies, vos préjudices, toutes les formes de souffrance et vivez ! Faites-le maintenant, c'est aussi bien – cela vous sera imposé, de toute façon, au moment où le corps s'arrêtera de fonctionner ! Pourquoi attendre jusque-là ? Le temps c'est maintenant - il n'y en a pas d'autre !

*

 

Regardez la mort droit dans les yeux, et se tordre de rire - c'est cela l'illumination.