Le doute

Je douterai de tout, sauf de douter. Je douterai de tout, sauf de ce moment, dans lequel le doute apparaît nettement, car je ne pourrai pas le mettre en doute. Je mettrai en doute le langage qui est utilisé pour désigner l'expérience présente du doute, je mettrai en doute le côté vérifiable de l'expérience, mais je ne douterai aucunement de l'expérience, ici, en cet instant. Je douterai de l'expérience qui a eu lieu, il y a quelques instants, et je douterai également de l'expérience qui pourrait avoir lieu dans quelques instants, mais je ne douterai pas de ce moment. Et donc, bien que je puisse douter de tout ce que je dis sur l'existence, et douter qu'il existe « une chose telle que l'existence », je ne pourrai pas douter de la réalité que le mot « existence » désigne, la réalité de cet instant, la réalité de cela, cela et cela.

 

Je marche donc, seul, dans l'obscurité, le ciel de nuit scintille au-delà du halo orange vacillant des lampadaires de la rue, et je doute de tout. Je suis, j'existe, c'est l'évidence première, tout le reste est non-sens, tout le reste n'est que bruit mental. Avant d'être quelque chose, je suis. Avant de pouvoir connaître ce que je suis, je suis. Avant de pouvoir douter de mon existence, je suis. Cette indéniable réalité d'être n'est pas un concept mental ni une théorie à débattre, mais une réalité à expérimenter.

Elle est pleinement « dans » votre conscience maintenant, en réalité, c'est votre conscience maintenant, vous ne pouvez jamais la perdre ou la gagner, elle est tout simplement, et la seule chose que vous ayez à faire c'est de la remarquer. Lorsque tout a été mis en doute et rejeté, seule la conscience demeure, seul le « Je suis ».

 

Vous allez alors, littéralement « fondre » dans le mystère divin de ce moment, vous allez vous dissoudre, complètement abasourdi par le fait étonnant d'être là, et que tout cela se passe. Vous ne pourrez pas croire que ce soit possible, vous serez tellement étonné de votre propre existence, de l'existence apparente des autres choses, du fait qu'il semble pouvoir exister des relations apparentes entre les choses, entre vous et les autres, même si, en réalité, il n'y a pas d'autres, pas de choses, et certainement pas de soi. Vous mourrez, au sens littéral du terme, dans le Néant de tout, le Néant qui contient toutes choses, le Néant qui est la plénitude absolue, le Vide/Plénitude qui n'est pas séparé des choses apparentes qu'il contient, et vous réaliserez que oui, bien sûr, vous êtes ce Vide/Plénitude, vous l'avez toujours été. Ce Vide/Plénitude est l'essence de tout, la raison et la cause de tout, le commencement et la fin de tout, pour toute l'éternité et au-delà...

 

Vous rirez à ces pensées mêmes, qui, comme toutes les pensées, ne sont que du bruit mental inutile, et vous vous reposerez simplement dans l'être, dans la conscience, dans le moment présent. Vous accepterez vraiment ce que la vie vous apporte maintenant, maintenant, et maintenant. Vous aurez trouvé votre véritable chez-soi et rien ne pourra jamais vous blesser de nouveau.