L’amant improbable
Automne 2006. La rentrée des classes a eu lieu. Mon aînée est restée dans le même collège-lycée, situé à 200 mètres de chez moi. En revanche, la plus jeune a migré vers un collège plus proche du nouveau domicile de mon ex-femme – carte scolaire oblige. Je voyais donc plus la première (en seconde) que la seconde (en cinquième). Je ne me suis pas rendu compte que l’une comme l’autre commençaient à peiner dans leur scolarité – surtout l’aînée. La motivation leur manquait et Alice, qui en était pleinement consciente, était la dernière personne capable de la stimuler. Je pense que toutes les trois passaient leurs soirées à regarder des DVD ou la télé et mon ex semblait se soucier de leurs résultats scolaires comme de mes premières chaussettes. Résultat, au lieu de profiter pleinement de ce week-end sur deux avec elles, je passais mon temps à les houspiller et à les faire bosser, car je pensais que, si je ne le faisais pas, elles devraient tôt ou tard quitter l’enseignement général pour embrasser une filière technologique ou tenter un bac pro – perspective synonyme d’échec à mes yeux.
Clara avait 43 ans et elle s’est inscrite sur Meetic à la rentrée. Elle vivait avec son petit garçon âgé d’une demi-douzaine d’années dans un vaste loft en banlieue ouest – une sorte de colocation avec un couple d’amis. Lunettes cerclées d’émail, une masse de cheveux auburn sur les épaules, elle vivait à cent à l’heure, toujours dans l’excès. Juriste de formation, elle travaillait pour un grand cabinet d’avocats. Elle y côtoyait, à l’en croire, les hommes politiques les plus influents et des hommes d’affaires tous plus puissants les uns que les autres. Elle détenait des secrets d’État, n’ignorait rien des arcanes du pouvoir et, bien sûr, elle tenait dans ce petit monde un rôle essentiel, on s’arrachait ses services qui valaient de l’or. Peut-être disait-elle la vérité. La suite de l’histoire m’inciterait à en douter.
Étant donné son tempérament de fonceuse, il y avait peu de place pour les atermoiements dans la vie de Clara. Elle a souvent visité ma fiche courant septembre 2006. Un soir où nous étions tous les deux connectés, je l’ai invitée à chatter. Elle a répondu avec empressement et l’exaltation qui la caractérisait. Comment avais-je pu résister aussi longtemps avant de me manifester face à un tel profil et à une telle plastique ? semblait-elle aimablement me reprocher. Le passage du virtuel au réel n’a pas traîné.
Notre premier rendez-vous s’est tenu à Bastille, fin septembre. Nous avions chatté en début de soirée et j’avais provoqué la rencontre sur un coup de tête. À quoi cela servait-il d’attendre puisqu’il nous paraissait évident à tous les deux qu’elle aurait lieu ? Il était déjà plus de 22 heures quand je l’ai découverte en treillis kaki, bottes et blouson de cuir. Un premier verre de blanc dans un bar de la place, un second dans un autre, rue de la Roquette. La discussion était légère, il faisait encore bon, les terrasses étaient bondées. Clara était très volubile, elle remuait beaucoup d’air ; l’observer m’amusait.
Mais elle devait se lever tôt – quoi de plus normal avec son emploi du temps de ministre. Je l’ai raccompagnée à la station de taxis située au pied de l’opéra Bastille vers 1 heure du matin. Il y avait la queue, ce qui nous a laissé le loisir de papoter encore un peu et de nous promettre de nous revoir bientôt. Un bisou volé – mais néanmoins prometteur – sur le trottoir et nous avons sauté dans deux taxis qui ont pris des directions opposées.
Le lundi suivant, elle a accepté de venir dîner chez moi. Je ne me souviens plus du menu que je lui ai concocté, ni des conversations que nous avons eues. Mais je nous revois, affalés sur le canapé, fumant et buvant du vin, écoutant de la musique, échangeant quelques baisers. Puis nous avons fait l’amour dans ma chambre. Sous son chemisier et sa jupe plissée de cadre sup’, elle portait un string-soutien-gorge coordonné et des bas. Clara était fine, elle avait une jolie silhouette et la peau douce.
Curieusement, toute l’assurance qu’elle avait affichée jusque-là s’est évanouie à l’heure de l’acte de chair. Elle m’a avoué devoir réapprendre à faire l’amour, que le désir et surtout le plaisir étaient de lointains souvenirs pour elle. Je l’ai longuement caressée, promenant mes doigts et ma langue sur toutes les parties de son corps…
Vers 2 heures du matin, nos ébats terminés, elle a appelé un taxi. Sur le chemin du retour, elle m’a envoyé un texto : « Ces 5 dernières minutes étaient divines. »
Une deuxième soirée, en tout point comparable à la première, a eu lieu deux jours plus tard. Même endroit, même heure, même final.
La compagnie de Clara m’était agréable, mais je n’éprouvais pas de sentiments forts pour elle, je dois le confesser. Elle était trop excessive sans doute et je n’ai jamais été très attiré par les winneuses. Elle, en revanche, ne tarissait pas d’éloges à mon égard. J’étais tellement ceci et tellement cela. Le déséquilibre était embarrassant. J’ai décidé de prendre quelque distance. Peut-être aurais-je dû couper les ponts à ce moment-là, mais je n’avais pas complètement cerné Clara. Il restait une part de mystère que la curiosité me poussait à découvrir. Les personnes dont on fait le tour en quelques jours ne sont pas très intéressantes. Clara avait une personnalité suffisamment forte pour mériter qu’on s’y attarde.
Comme je l’ai laissé entendre, c’était une femme très occupée. Nous échangions régulièrement sur le chat de Meetic, par téléphone ou texto. Un jour, j’ai reçu celui-là : « Tu ne dois jamais attendre que je vienne vers toi pour penser que je t’aime, car je ne sais pas aller vers les autres. Je suis tout simplement comme cela, mais je t’adore et la forme que prend mon attachement à toi est juste singulière, elle ne doit jamais t’inquiéter, jamais ! Baisers. » Un autre soir, elle m’a adressé celui-ci d’un restaurant : « Fatiguée, mais je pense à toi car j’aimerais être avec toi. Je suis à un dîner, non pas de cons, mais de connards ! »
Elle a par ailleurs manifesté la curiosité de me lire. Je lui ai offert mon dernier roman, qui lui a inspiré ce commentaire : « Ton livre est étonnant. Je ne peux pas m’empêcher de penser que certaines émotions et certains événements que tu décris sont autobiographiques, on ne peut pas être aussi juste que tu l’es sans avoir vécu les choses. Cela me rassure, tu es donc capable d’émotions, ou alors tu es encore plus brillant que je ne le pensais. »
Notre troisième rencontre s’est déroulée presque un mois après les deux premières – mois chargé en déplacements professionnels pour ce qui me concernait. Je l’ai invitée au restaurant et elle est ensuite venue passer un moment chez moi. La soirée s’est répétée quelques jours plus tard selon un schéma identique. Clara ne passait jamais la nuit entière chez moi. Après avoir fait l’amour, elle rentrait chez elle, de manière à être présente au réveil de son fils.
Mes sentiments à son égard n’évoluaient guère.
Il s’est écoulé une quinzaine de jours puis j’ai reçu un texto qui disait en substance que si je désirais en savoir davantage sur elle, il me suffisait d’aller jeter un œil au blog qu’elle venait de créer sur Internet. Je me suis empressé d’aller découvrir qui était réellement Clara, sans me douter une seule seconde que j’allais tomber sur quelque chose d’aussi… déroutant :
22 novembre 2006
Éloges amoureux et apologie d’aventures amoureuses éphémères
À 43 ans, Clara est une femme libre depuis peu. Cette liberté retrouvée, après des années d’une vie de couple rapidement dénuée d’amour, elle veut en profiter, elle veut l’optimiser même. Elle veut rattraper le temps perdu […], ne veut plus faire aucune économie en matière de bonheur… Elle veut attraper au vol tout ce, et ceux, qui pourraient lui procurer du bonheur, car Clara est devenue une boulimique du bonheur !
[…]
Elle a aussi des certitudes (trop, lui dira quelqu’un) et elle pense que sa « résurrection » passera forcément par la rencontre d’un « amant au long cours », évidemment très aimant.
Pressée et pragmatique à la fois, Clara dépasse ses a priori et s’inscrit sur un site de rencontres bien connu. Elle rêve que, bientôt, elle va être amoureuse, et par conséquent nécessairement heureuse. Clara est pressée mais elle a conscience que rencontrer l’amour peut prendre un peu de temps, et rien ne lui interdit de renouer avec le désir ; désirer quelqu’un ne fait pas de mal et provoquer le désir est à sa portée.
Elle n’a pas vraiment d’urgence et pourtant elle veut aller vite. Habitée par ce sentiment étrange – que rien ne justifie – qu’il lui est interdit de perdre du temps…
Clara s’est fixé un vaste programme, rencontrer un homme bien : il devra être intègre, il aura de la hauteur de vues sur les gens et sur les choses, il sera généreux car la mesquinerie la repousse… Elle sera évidemment éperdument amoureuse de lui et il le lui rendra au centuple, ce qui les plongera tous les deux dans un bonheur parfait.
Bref, Clara n’a toujours pas compris que rechercher d’emblée un bonheur durable, harmonieux et absolu, c’est comme chercher la quadrature du cercle…
C’est dans cet état d’esprit qu’elle se lance dans cette nouvelle quête de l’âme sœur […].
Elle va très vite faire des rencontres, beaucoup… Clara est une chanceuse, tout le monde est à sa portée. Les rencontres faites et celles qu’elle fait encore sont de belles rencontres… Aucun homme n’a jamais heurté son cœur, son esprit ou son corps et chaque nouvelle rencontre lui donne le sentiment qu’elle est le Phénix… Oui, elle renaît, renaît toujours et ne brûle jamais ses ailes car Clara aime la chaleur si particulière que le sentiment amoureux lui procure.
Le temps passe (presque deux mois se sont écoulés) et, avec ses errements mythiciens, les exigences de Clara se modifient. Son besoin d’onirisme, vital au début, l’est un peu moins.
Devenue soudain indulgente à l’égard de certains qui ne la font pas et ne la feront d’ailleurs jamais rêver, elle réalise que son degré d’exigence était trop élevé. Elle concède que « Tout le monde ne peut pas et ne sait pas faire rêver, l’aptitude à faire rêver peut se révéler au fil du temps (temps qu’elle n’accordera qu’à quelques privilégiés) et puis d’ailleurs susciter le désir et parfois même procurer du plaisir, c’est déjà pas mal ! ».
Clara a déjà beaucoup changé mais elle conserve son discours « officiel ». Elle reste droite dans ses bottes, se prétend toujours en quête de bonheur et à la recherche du grand amour… mais elle n’est plus tout à fait la même, elle est accessible à la futilité, à la légèreté, Clara est devenue inconstante et désormais elle aime cela.
Plus ou moins attachée à presque tous ses « AMANTS » – qu’elle appellera toujours ses AMIS car cela la rassure – Clara veut vivre sa vraie vie, toute sa nouvelle vie, car elle est heureuse comme cela, mais elle ne veut aucun frein, elle veut tout avoir et tout de suite… elle s’exalte…
Contrairement à ce qu’elle pensait, elle a trouvé sa place dans cet univers des « histoires sans beaucoup d’amour »… Elle connaît des instants furtifs de bonheur, qu’elle veut croire sincères, mais cela n’a plus d’importance…
J’étais bien évidemment très surpris de lire cette profession de foi, que je ne me permettais pas de juger, ni sur le fond ni sur la forme, et qui avait le mérite d’être clair. Mais force était de constater que, en deux mois, le changement qu’elle exposait était assez impressionnant. Troublant, même. Et tous ces « amants » dont elle parlait, qui et combien étaient-ils au juste ?
La suite (car son mono-blog ne s’arrêtait pas là) m’a renseigné au-delà de mes attentes :
CHAPITRE I – Les belles aventures passées de Clara (en cours de rédaction)
Philippe : le plus beau d’entre tous… mon regret… ma sidération… un moment d’exception dans mon cœur et dans mon corps…
Pierre-Jean : le plus particulier… un autre regret… une intelligence.
Gilles : tellement agréable.
Arsène : tellement baroudeur, trop peut-être, et pourtant séduisant… je voulais le revoir… mais…
Bruno : tellement amoureux.
Eric : un instant de bonheur simple.
Fabrice : le plus romantique et le plus sincère, celui qui m’a souvent réconfortée.
Jacques : le plus communiquant mais le plus dur… trop dur… cruel pour moi…
Jean-Michel : rien à dire.
Joseph : le plus vulnérable, celui que j’aurais voulu protéger… de tout.
Julien : désirable et très beau…
Marc : mondain.
Nicolas : c’est sa légèreté que j’ai aimée.
Régis : la forte tête, un Auvergnat, quoi… Égoïste et orgueilleux, il a organisé sa vie, il n’a besoin de personne.
Serge : grand peintre, un artiste, et un amant que je n’ai pas totalement expérimenté…
Pardon à ceux qui ne figurent pas là…
Quinze histoires entamées, consommées et pliées en moins de deux mois, sans compter celles qui n’étaient pas mentionnées (« pardon à ceux qui ne figurent pas là ») ! Sacré tempérament, Clara !
Je n’apparaissais pas dans cette foutue liste pour la simple raison qu’on se voyait encore.
Peut-être dans le chapitre suivant ?
CHAPITRE II – Les belles aventures actuelles de Clara (en cours de rédaction)
Claude : vit dans le sud de la France, dans sa Xanadu (c’est comme cela que nous appelons sa maison)… C’est celui qui déshabille le mieux les femmes et celui qui m’embrasse le plus tendrement du monde…
Jean-Pierre : capable de tout… et je suis attachée à lui pour cela…
Sam : peut tout faire et fait tout pour me rendre simplement heureuse… Je ne peux pas m’en passer… Il est ma joie de vivre et un très bon amant… Je suis profondément attachée à lui…
Jean-Claude : il m’appelle toujours alors que je suis dans mon bain mais j’aime ça…
Jean-Marie : sa constance et sa détermination m’émerveillent.
Philippe : tellement impatient mais tellement drôle…
Raoul : un être d’exception, chaque mot prononcé est pour moi un rêve… Passionnant…
Arno : indispensable : j’en ai besoin : c’est tout. Je ne sais pas expliquer pourquoi, j’ai juste besoin qu’il soit là… Je suis addict de sa tendresse et de sa douceur.
Thierry : il est un élément de mon équilibre…
Pardon à ceux qui ne figurent pas là…
Ben voilà ! Cette fois, j’y figurais. Entre Thierry, élément de son équilibre, et Raoul, un être d’exception… J’avais envie de jeter mon ordi par la fenêtre. Non pas par déception amoureuse – je le répète, je ne nourrissais pas de sentiments profonds pour Clara –, mais parce que je me sentais bafoué d’apparaître dans ce ramassis de conneries. Nous ne nous devions rien, nous ne nous étions pas promis quoi que ce soit, mais comment ne pas éprouver le sentiment d’avoir été utilisé, trahi, trompé ? Quelque chose m’échappait. Pourquoi m’avait-elle donné l’adresse de son blog ?
Avant d’appeler Clara, j’ai terminé la lecture de ce déballage.
CHAPITRE III – Les plus belles aventures sont forcément celles à venir… (en cours de rédaction)
Enrico : vit en Italie : déterminé et patient, ses nombreux messages me touchent… car on ne se connaît pas.
Paul : mon actualité, ma bouffée d’air, une dérogation à mon principe de n’accepter aucun amant plus jeune que moi… Il occupe mes jours et mes nuits…
Thierry :… avec qui je dois reparler ce soir… pour que nous soyons certains que nous avons des choses en commun.
Pardon à ceux qui ne figurent pas là… je ne les ai pas oubliés… je dois juste compléter…
Posté par Clara à 21:49.
Actualisons nos statistiques !
En moins de deux mois, Clara avait démarré plus de vingt-huit histoires (comment comptabiliser celles qui n’étaient pas encore mentionnées ?) quasiment de front… Les bras m’en tombaient. Ça me paraissait dément mais je comprenais mieux à présent pourquoi elle était si peu disponible. Sensation mélangée de vertige et de rage. Que l’on ne s’y trompe pas, ce que j’éprouvais n’avait rien à voir avec le sentiment d’être cocu. Quoique… Non, je m’en voulais de n’avoir rien vu venir, de n’avoir à aucun moment décelé sa mythomanie car, à l’écouter, elle consacrait tout son temps à son travail, si prenant, et à son fils.
Clara s’était fichue de moi et il est dans la vie des constats moins contrariants. Je n’avais jamais exigé fidélité de sa part, et étais-je moi-même exempt de toute faute ? Nous ne nous voyions pas souvent et la pseudo-relation qui peinait à se mettre en place ne se basait pas sur l’exclusivité – nous n’en étions pas là. Mais cette multitude, cet inventaire sordide, cette analyse à chaud de chacun de ses « amants » présentée presque sous forme d’un tableau comparatif, et ce manque de pudeur et de clairvoyance à me la faire lire me donnaient envie de vomir. J’ai soudain pensé qu’elle était peut-être dérangée. En tout cas, cette espèce de don-juanisme qu’elle me révélait avec brutalité et sans honte me déstabilisait totalement.
Avec le recul, je me dis que c’est mon ego qui en a pris un coup ce soir-là. Je devais penser naïvement que je remplissais peu ou prou (et même si c’était sans doute très provisoire) une case dans sa vie. J’étais tellement loin du compte…
Je me suis connecté et elle était en ligne sur Meetic. Furax, je l’ai alpaguée sur le chat et lui ai balancé sans détour tout ce que j’avais sur la patate, lui conseillant de se faire soigner. Elle s’est étonnée de ma réaction et n’a jamais émis le moindre regret sur sa façon d’agir. Je lui ai dit que si elle avait eu la mauvaise idée de communiquer l’adresse de son blog à Pierre, Paul, Jacques et les nombreux autres, elle risquait fort de tous les perdre d’un seul coup. Bonsoir et bon vent ! Dans la foulée, je l’ai blacklistée – ce que je détestais faire par principe. Mais je ne voulais plus rien avoir à faire avec cette Clara, ni même entendre parler d’elle.
Elle s’est manifestée quelques heures plus tard par un texto laconique : « Je comprends que tu me blacklistes, pas de problème. Tu es légitime à le faire. Tu es un mec bien. Baisers. »
Quelques jours plus tard, la curiosité m’a pris de refaire un petit tour sur son blog. Il s’étoffait gentiment. Les « belles aventures passées, actuelles et à venir » de Clara se densifiaient. De nouveaux compagnons d’infortune venaient gonfler les rangs de ses victimes et certains de ses amants avaient à présent l’honneur d’un véritable portrait. J’en étais, une fois de plus :
Arno : l’amant improbable…
Arno était un amant improbable pour Clara, et pourtant…
Arno était écrivain et pour Clara, outre le fait que se présenter ainsi était le signe d’une prétention folle, c’était surtout un « défaut » quasiment rédhibitoire car elle imaginait Arno en écrivain raté et désœuvré…
Mais en même temps qu’elle se livrait à ce procès d’intention, Clara ne pouvait s’empêcher de regarder la photo d’Arno car il avait une beauté particulière, ni insolente, ni tapageuse, sa beauté était douce, complète, pleine et entière, presque immatérielle !
Elle le regardait souvent et cela provoquait chez elle des émotions contradictoires, de l’ordre de l’envie et de la peur alors qu’elle n’aura pourtant jamais peur avec lui… Le regarder suffisait à déclencher chez elle une sorte de conflit intérieur : Arno ressemblait à un Ange mais elle ne devrait pas trop s’en approcher !
Bien évidemment, Arno n’était pas lui-même un ange mais il avait sûrement été touché par l’ange Achaiah, pensait Clara qui l’avait doté d’une capacité extraordinaire à avoir du discernement en tout. Intelligent et patient, c’était un être sensible, subtil et passionné. Arno était un libre-penseur et Clara l’admirait pour cela. Intègre, il faisait des choix de vie qui étaient l’exact reflet des valeurs et des références auxquelles il croyait !
C’est finalement Arno qui viendra à Clara, un soir, en « chat » (évidemment, car il y excelle) et cela provoque une émotion intense dans le cœur de Clara… elle l’a si souvent regardé, elle va désormais lui parler…
Les échanges entre Arno et Clara sont évidemment rapides, efficaces et touchants car les mots d’Arno sont doux et fins – comme son visage –, Arno est tellement rassurant… Elle est sereine et, lorsqu’il lui demande de la voir le soir même – ce qu’elle s’interdit normalement de faire pour des raisons de sécurité –, elle accepte.
Elle n’acceptera plus jamais une rencontre « coup de cœur », « coup de tête » avec personne. Arno savait faire s’envoler les peurs et les craintes… Elle n’a pas eu peur ce soir-là et n’aura jamais peur avec Arno…
Lorsqu’elle aperçoit Arno pour la première fois – et comme chaque fois qu’elle le regardera –, elle trouve qu’il y a chez lui quelque chose de l’ordre de la grâce.
Ils se voient, se revoient, pas très souvent mais régulièrement. Clara est capable de quitter une soirée, un dîner, sur un coup de tête – comme au premier soir –, pour aller voir Arno et passer un moment dans ses bras… Arno est, en réalité, occupé mais il donne toujours ce sentiment agréable à Clara qu’il est là lorsqu’elle a envie de le voir.
Tout est simple avec Arno, tout est doux en lui, si doux ! Son esprit, son cœur et même son corps… sont une source de douceur indescriptible pour Clara… À ses côtés, elle est en sécurité, comme protégée.
Arno n’est absolument pas l’écrivain désœuvré qu’elle imaginait. Il travaille beaucoup et il écrit tellement bien… Clara est attachée à lui, très attachée à lui… Arno chemine doucement vers elle, silencieusement, comme à pas feutrés. Il s’approche d’elle, elle le sent.
Arno est comme cela, raisonnable et raisonné, il s’interdit l’exaltation. Clara aime cela, il est tout son contraire…
L’histoire se termine presque comme elle a commencé, un soir, en « chat », mais pas sur un « coup de tête » de Clara cette fois, non, sur un « coup de colère » d’Arno.
Clara ne s’y attendait pas et Arno va la heurter pour la première fois, violemment, en faisant croire à Clara qu’elle l’a trompé.
Elle ne l’a pas trompé mais elle respecte son choix, comme tous les choix qu’il fait car chez Arno tout est toujours justifié…
Posté par Clara à 13:58.
L’histoire m’a secoué. Dans les semaines qui ont suivi, je me suis à nouveau drogué à Meetic. Longues soirées à rôder devant ma galerie de cœurs à prendre, à marauder derrière mon clavier. Il me fallait d’autres rencontres. D’autres émotions. D’autres bras dans lesquels me jeter – toutes sortes de bras…
D’autres déceptions ?
Clara m’a recontacté à plusieurs reprises, sans aucune animosité. Elle restait sur ses positions mais comprenait ma façon de voir les choses. Je lui ai écrit un soir que j’avais rencontré quelqu’un d’autre (une certaine Frédérique, voir chapitre 13). Voici sa réponse : « J’en suis presque soulagée. Comme cela, on peut vraiment en terminer ! Adieu, je n’ai aucun regret, et tout va, puisque tu es bien et moi, je commence à l’être. On ne souffre pas et c’est génial. »
Au passage de la nouvelle année, elle m’a adressé un ultime texto : « Je t’embrasse avec tout mon cœur. Tu seras toujours aussi précieux pour moi en 2007 qu’en 2006. »