Chapitre 5

Un nom dans un agenda

On l’aura compris, suite à ma réinscription, les « affaires ont repris » : les contacts se sont multipliés et mon agenda s’est proportionnellement rempli.

Diane était une femme d’à peine 40 ans qui impressionnait. Près de 1,80 mètre, svelte, beau visage, habillée dernier cri, elle ne manquait pas d’allure. Seule ombre au tableau : en fermant les yeux on aurait cru entendre Donald nasiller. « Coin-coin ! » Célibataire et sans enfant, Diane travaillait dans la haute couture, ou du moins le prétendait-elle. Elle habitait dans le VIIe du côté du boulevard Raspail. On s’est vus une première fois un jour de semaine, à 17 heures, aux Deux Magots – c’était son choix. Je n’affectionne pas particulièrement ce genre d’endroits, dits sélects, on n’y est pas mieux accueilli qu’ailleurs, ni mieux assis. La sélection ne se fait finalement que par le prix des consommations.

C’était le printemps mais il pleuvait abondamment ce jour-là et Diane m’a fait attendre car elle s’était abritée en chemin dans une boutique. Rencontre plutôt sympathique, néanmoins. Diane était une femme cultivée et très agréable… à regarder. Nous avons beaucoup parlé littérature et cinéma, plus Kurosawa et Peter Handke que Werber ou les Bronzés, si bien qu’on s’est promis de se revoir, pour dîner cette fois. Quelques semaines plus tard, nous nous sommes donc retrouvés vers 19 heures à la Coupole – son choix à nouveau. Hélas, elle m’a encore fait poireauter. Près d’une demi-heure. Il ne pleuvait pourtant pas mais Diane avait fait du shopping en se rendant à notre rendez-vous. Après un premier verre (deux pour moi) dans ce vaste et sinistre endroit pour touristes mal aiguillés et troisième âge désœuvré, nous sommes ressortis. Je lui ai encore laissé le choix du restaurant – nous étions dans son quartier et je pensais qu’elle me ferait découvrir une bonne adresse. Au lieu de quoi, elle m’a entraîné à la Closerie des Lilas ! Je précise que lorsque je proposais à une femme de prendre un verre ou de dîner au restaurant, c’est moi qui invitais, systématiquement – en tout cas la première fois. Sachant donc que je paierais l’addition, elle aurait pu émettre un choix plus modeste. Cette façon de faire m’a paru assez indélicate – après tout, elle ignorait tout de ma situation financière, j’aurais pu être Rmiste, mais je pense qu’elle s’en foutait.

Au cours du repas, Diane m’a dévoilé un autre visage. Elle avait un avis sur tout et cet avis reposait bien souvent sur de curieux arguments où se mêlaient aigreur et intolérance. Elle fustigeait avec rage et sa voix de palmipède mal emplumé toutes les personnalités que nos propos amenaient à évoquer. « Coin-coin ! » Personne ne trouvait grâce à ses yeux. Vers 21 h 30, nous avions déjà quasiment fini de dîner. Elle m’a laissé payer sans broncher et nous avons marché jusqu’à Montparnasse. J’ai suggéré l’idée d’un dernier verre mais il n’en était pas question : elle était crevée, devait se lever aux aurores et ne pensait plus qu’à son lit. Nous nous sommes donc quittés ainsi. Cela faisait deux fois que je traversais Paris pour la rencontrer dans son quartier. Cela faisait trois fois que je réglais les notes salées des Deux Magots, de la Coupole et de la Closerie. À défaut de me voir offrir un dernier verre, je m’attendais au moins à un petit merci. Je n’y ai pas eu droit.

De retour chez moi vers 23 heures, je me suis connecté sur Meetic. J’ai pu constater, passablement énervé, que Diane était présente sur la messagerie instantanée – Meetic est aussi un affreux mouchard. « Coin-coin ! » Elle y est restée jusque vers deux heures du matin. « Coin-coin-coin ! » Je pouvais tout à fait accepter l’idée de ne pas lui plaire. Là n’était pas le problème. Mais, bordel, un peu de franchise ! Je lui ai adressé un mail pour lui signifier que son comportement me paraissait quelque peu équivoque et manquait pour le moins de savoir-vivre. Elle ne m’a jamais répondu ni recontacté… Je me suis dit par la suite qu’elle était suffisamment séduisante (sa photo était en ligne sur Meetic) pour trouver plusieurs pigeons par semaine susceptibles de l’emmener dîner dans les endroits de son choix. Peut-être était-ce d’ailleurs la principale raison de sa présence sur le site. Je n’en aurais jamais la confirmation.

 

Joanna était polonaise – pas seulement d’origine, elle avait un accent très prononcé. Elle annonçait 45 ans, mais frisait à mon avis la cinquantaine si elle ne l’avait pas déjà franchie. Elle habitait la banlieue, était divorcée et mère de deux grands enfants. Nous avons chatté à plusieurs reprises et l’envie de se rencontrer s’est vite imposée. Je me sentais prêt à prendre le risque d’un rendez-vous avec elle sans avoir vu sa photo car j’étais sûr de ne pas m’ennuyer. Les discussions virtuelles que nous avions étaient plutôt axées sur une franche déconnade. Elle aimait rire et cela me convenait. Elle a choisi comme lieu de rendez-vous un endroit et un horaire assez insolites : l’église polonaise de Paris, rue Saint-Honoré, un dimanche en fin d’après-midi, à l’heure de l’office. Pour je ne sais quelle raison, elle voulait à tout prix que j’assiste à sa messe en polonais. Je lui ai dit de ne pas y compter mais qu’en revanche elle me trouverait à la sortie sur le parvis de l’église.

Comme chacun sait, beaucoup de Polonais sont de fervents catholiques. Mais je pense que, dans son cas, il s’agissait avant tout de retrouver sa communauté. Car il y avait véritablement à la sortie de l’office une ambiance assez festive, chacun traînant sur place pour saluer les uns et les autres, bavarder, plaisanter.

Joanna était très différente de Diane : moins grande, moins jolie, moins cultivée, moins élégante, mais beaucoup plus drôle et plus chaleureuse. Passé les présentations, nous sommes descendus dans les sous-sols du presbytère où se trouvait un restaurant, sans enseigne extérieure. On y proposait des plats typiquement – et exclusivement – polonais ainsi qu’une quantité impressionnante de marques de vodkas. Nous avons donc dîné là, dans la bonne humeur et une décontraction partagée. J’étais l’unique Franco-Français dans la salle et notre table la seule où l’on s’exprimait dans la langue de Bernard Werber. Très bizarre. La gastronomie polonaise ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, par contre les vodkas méritaient le déplacement. Les esprits se sont donc gentiment échauffés et, à la fin du repas, j’ai proposé de manière très directe à Joanna de venir terminer la soirée chez moi. Elle s’est un peu fait prier, mais pas tant que ça. Une heure plus tard nous nous agitions sous ma couette.

Il était évident, en tout cas de mon côté, que cette nuit de galipettes n’aurait pas de suite. Le lendemain matin, le 1er mai 2006, Joanna est rentrée chez elle. Elle m’a appelé dans la soirée :

« J’ai envie de te revoir. Je peux venir avec une bouteille de vodka et une boîte de caviar ? »

Elle n’a pas très bien pris le fait que je refuse sa proposition. Mais je préférais en rester là. Nous ne partagions pas grand-chose, si ce n’est un certain goût pour les douceurs de l’existence et la rigolade. Cela n’était pas négligeable, mais était-ce suffisant pour autant, sachant que Joanna n’était pas du tout le genre de fille dont je peux tomber amoureux ? À la différence de Pascale, Joanna resterait quoi qu’il arrive un « plan cul ». Le premier. Totalement assumé. Elle m’a relancé plusieurs fois sur Meetic. Je n’éprouvais pas le désir de la revoir. Alors on badinait un moment et c’était tout.

 

Nicole m’a envoyé sa photo par MSN. C’était une belle blonde de 45 ans, mince et distinguée, cadre sup’, qui vivait dans le VIIIe avec sa fille de 18 ans. Elle était venue vers moi sur Meetic et s’était d’emblée présentée comme une chasseuse. Je te prends, je te jette. Je n’avais rien contre. Mais malgré d’abondants échanges (téléphone, chats, SMS…), la rencontre ne s’est jamais produite. Il y a eu trois tentatives ; toutes ont foiré. La première fois, elle a annulé en raison d’une réunion de travail qui s’éternisait. Pour la seconde, elle m’a laissé attendre son appel toute une soirée. Le lendemain, j’ai reçu ce mail : « J’ai rencontré samedi un Meetic boy et y a eu étincelle. Je suis fidèle et ne cours pas deux lièvres à la fois (même en tant que chasseuse…). Bonne chance à toi. » Affaire classée. Pas grave, même pas mal.

Elle est néanmoins revenue à la charge quelques jours plus tard – le lièvre était peut-être aussi poseur de lapins – et j’ai eu la naïveté d’accepter un troisième rendez-vous. J’ai attendu son coup de fil chez moi à l’heure convenue – chaque fois, on devait se préciser vers 20 heures le lieu du rendez-vous. Comme elle ne se manifestait pas, c’est moi qui l’ai appelée et elle m’a annoncé que son homme venait de débarquer – il n’était plus du tout question du Meetic boy évoqué plus haut. Première nouvelle, elle ne m’avait jamais parlé d’un régulier.

Entre-temps, nous avions eu un clavardage « érotique » un soir sur Meetic. On peut dire, pour résumer l’épisode, qu’elle m’a virtuellement violé. J’étais quasiment ligoté sur une chaise et elle dansait nue devant moi, m’interdisant de la toucher. Puis elle m’a fait une cyberfellation avant de s’empaler sur moi. De toute évidence, elle avait un penchant très prononcé pour la domination. Je l’ai laissée aller jusqu’au bout de son cybernuméro, à l’issue duquel elle m’a avoué avoir eu un orgasme énooorme. Fin de la parenthèse.

Ce troisième et dernier lapin me laissait un goût amer. Ces manières avaient le don de m’énerver. Toujours cet irrespect que je ne supporte pas. Je lui ai adressé ce mail le lendemain :

« J’ai encore la faiblesse de me poser quelques questions à ton sujet… J’hésite entre deux définitions :

– soit tu es une personne peu fiable, mal élevée, fantasque, lunatique, mythomane… auquel cas je te remercie de passer ton chemin et d’aller déverser ta frustration et ton inconsistance sur d’autres candidats un peu plus masos que moi,

– soit tu manques cruellement de confiance en toi et crains la rencontre, et j’aurais là beaucoup plus d’indulgence.

Pour ce qui est de ton “mec”, sorti du chapeau au moment opportun, je ne voudrais pas, s’il existe réellement, être à sa place. Pauvre homme !

Comme je te l’ai déjà dit, je n’aime pas les actes manqués et les malentendus. Et il me reste une once de curiosité à ton égard, car, vois-tu, ce qui m’attristerait le plus dans cette histoire, ce ne serait pas de ne jamais te rencontrer, mais bien de m’être trompé sur ta personne parce que cela remettrait en cause mes capacités en matière de clairvoyance.

Quoi qu’il en soit, je te souhaite de très belles rencontres (rien ne saurait justifier l’absence de courtoisie et de politesse, si tu connais le sens de ces mots) sur Meetic ou ailleurs, et je t’embrasse, Arno. »

Elle n’a pas répondu directement à ce mail mais m’a retrouvé un soir sur Meetic pour me traiter de tous les noms, une avalanche d’amabilités, après quoi elle m’a blacklisté. Ce qui ne l’a pas empêchée de continuer à m’envoyer d’autres mails, parfois enflammés, sur la messagerie de Meetic les jours suivants. Comme si rien ne s’était passé. Je lui ai alors écrit, via son adresse mail perso : « Pourquoi m’envoies-tu des mails sur Meetic puisque tu m’as blacklisté ? Tu devrais savoir que je ne peux pas y répondre. Et pourquoi me demander par texto si je vais bien après m’avoir déversé toute ta bile l’autre soir ? (Enfin, tu peux toujours m’appeler si tu tiens à le savoir.) PS : Aurais-tu un léger problème d’ordre psychologique ? »

Voici sa réponse : « Oh ! T’es vraiment trop chiant et 1er degré ! Bye. »

L’histoire pourrait s’arrêter là. Pourtant, Nicole m’a encore téléphoné un autre soir, vers 22 heures, des semaines plus tard. Elle recevait deux amies célibataires chez elle et le champagne coulait à flots. L’ivresse pointait le bout de son nez ; la lubricité s’exprimait librement. À l’entendre, j’allais passer la soirée de ma vie, il fallait absolument que je me joigne à elles. Nicole m’a passé ses copines au téléphone et chacune tenait le même discours. On n’attendait plus que moi pour passer aux choses sérieuses. Mais je ne le sentais pas, ça puait le coup fourré. Pour tenter de me faire changer d’avis, elles se sont mises à prendre des photos coquines entre elles avec leurs portables, qu’elles m’envoyaient par MMS. Je n’ai pas mordu à l’hameçon.

 

Au même titre que Joanna, Madeleine a été un « plan cul ». Je n’ai gardé aucun souvenir de nos chats, pas plus que de la conversation que nous avons eue en live, et je pense que je ne la reconnaîtrais pas dans la rue. Nous nous sommes donné rendez-vous un soir de mai dans un bar à Bastille – si ma mémoire est bonne, elle habitait dans le 94 et travaillait dans un hôpital parisien. Après deux verres, je lui ai proposé de poursuivre la soirée chez moi. Elle a accepté sans que j’aie besoin d’insister.

Je n’avais pas reçu de photo de Madeleine, j’étais allé au rendez-vous avec l’idée que même si elle ne me plaisait qu’à moitié, je coucherais avec elle si nous étions sur la même longueur d’ondes. C’est ce qui s’est produit. Ces sites de rencontres servent aussi à rapprocher les solitudes et les frustrations. On se croise, on fait semblant de se plaire ou de se séduire, on couche ensemble et on se sépare avec le sentiment d’avoir existé un instant dans les bras de l’autre. Pas plus heureux ni plus malheureux qu’avant. Pour parler crûment, on a baisé, on était là pour ça et on l’a fait dans le respect de l’autre avec la même envie de donner que de recevoir. Nous n’avions aucune raison d’en rougir ou d’en éprouver du remords.

Madeleine a oublié une paire de lunettes de vue chez moi. Je devais me rendre le lendemain dans son arrondissement, non loin de son lieu de travail. Je lui ai donc envoyé un texto proposant de passer les lui déposer. Qu’avais-je dit là ? Surtout pas sur son lieu de travail ! Une discrétion absolue était de rigueur ! Elle m’a répondu qu’elle me contacterait pour les récupérer.

Elle ne l’a jamais fait.

 

Au cours du printemps 2006, j’ai aussi fait la connaissance de Lucille, une institutrice de mon âge qui baguenaudait sur Meetic sans photo. Elle a tourné un temps autour de ma fiche, la visitant puis s’éloignant, pour y revenir régulièrement. Elle a fini par m’inviter à chatter un soir. Elle m’a glissé dans la conversation qu’elle n’était pas insensible à mon physique. Je lui ai demandé sa photo et, à réception, elle m’a paru plutôt séduisante, elle aussi. Nous avons vite délaissé Meetic pour MSN. Elle avait deux fils de plus de vingt ans dont l’un vivait encore avec elle. Lucille adorait son métier et y consacrait beaucoup de temps, toujours à la recherche de nouveaux livres ou DVD à faire découvrir à ses élèves, toujours à l’écoute des parents, toujours en quête de fonds pour les sorties scolaires. Bref, une maîtresse comme on en souhaite à ses propres enfants.

Nous nous sommes rencontrés un dimanche vers 19 heures dans un café donnant sur le bassin de la Villette. Lucille était grande et très mince, presque maigre, et portait des cheveux mi-longs châtain clair. Look décontracté : jean, pull et baskets. Nous avons bu une bière belge en parlant de tout et de rien, de son métier et du mien, de sa situation sentimentale et de la mienne. Pas de coup de foudre, mais le courant passait gentiment. Je l’ai invitée à dîner dans un restaurant chinois du quartier, à mi-chemin entre chez elle et chez moi – nous habitions à un kilomètre l’un de l’autre. L’attirance était réciproque. Nous avons mangé et bu sans voir l’heure tourner. Vers minuit nous nous sommes retrouvés sur le trottoir, je l’ai prise dans mes bras et nous nous sommes embrassés. Il n’y a pas trente-six manières d’embrasser, pourtant, d’une personne à l’autre, l’effet peut varier dans des proportions non négligeables. Les baisers de Lucille étaient aphrodisiaques ! Elle maniait la langue avec une force érotique peu courante. Je l’ai suppliée de venir boire un dernier verre chez moi, mais il était tard et elle se levait tôt. Je l’ai encore embrassée et j’ai insisté… Elle a fini par accepter.

Je nous ai servi deux verres de vin blanc et nous avons continué ce que nous avions amorcé sur le trottoir devant le chinois.

Lucille ne trichait pas. Elle était telle que nos conversations virtuelles me l’avaient décrite : peu farouche, directe, intelligente, rigolote, indépendante, déterminée. Au lit, sa détermination prenait toute sa dimension. Elle se connaissait bien et savait comment atteindre son but, et elle le faisait savoir sans honte. Une fois nos plaisirs atteints, elle a renfilé son jean. Contrairement à Françoise, Joanna ou Madeleine qui avaient toutes passé la ou des nuits entières chez moi, Lucille a regagné son domicile vers trois heures du matin.

Je lui ai précisé sur MSN quelques jours plus tard que je n’étais pas encore prêt pour une relation exclusive et stable.

« Je veux bien qu’on se revoie si nous sommes sur la même longueur d’ondes… à savoir, sans promesse de quoi que ce soit, juste pour passer de bons moments ensemble, comme l’autre soir…

– Un nom dans un agenda ?

– Non, une personne avec qui j’ai passé une chouette soirée et avec qui j’aimerais en passer d’autres…

– D’accord.

– Ça te convient ?

– Je ne suis pas archi-sûre que ça me convienne, j’ai jamais essayé ce genre de relation…

– Je ne suis pas un habitué moi-même, mais c’est tout ce que je peux te proposer en ce moment. »

Finalement, nous ne nous sommes jamais revus. Un de ses ex a refait surface et elle en était assez troublée. « Besoin d’être libre, mais besoin aussi de son immense amour et de le respecter… Pas clair dans ma tête… Je vois le temps et les hommes qui passent… Il faudrait peut-être penser à être plus stable ! » m’a-t-elle confié un soir. Nous n’avons jamais perdu totalement le contact. On se fait un petit coucou de temps à autre sur MSN. J’ai appris que sa tentative de rabibochage avait finalement échoué. Retour à la case départ. On a plusieurs fois évoqué l’idée de se revoir, mais elle ne s’est jamais concrétisée…

 

Une jeune femme sans photo d’une trentaine d’années s’est présentée à moi un soir. Ça commençait comme un poignant mélo. La donzelle bossait comme vendeuse à mi-temps pour financer des études qu’elle venait de reprendre. Mais les temps étaient durs… À tel point que cinq minutes plus tard, elle me communiquait son numéro de portable en me proposant la botte moyennant quelques deniers qui l’aideraient à ne pas renoncer à ses louables résolutions.

En deux ans sur Meetic, c’est la seule « professionnelle » – ou semi – que j’ai croisée. Je n’ai pas fait appel à ses services mais j’ai eu la curiosité de revisiter sa fiche quelques jours ou semaines plus tard et celle-ci n’existait plus. Les gendarmes de Meetic1 l’avaient-ils priée d’aller arpenter un autre trottoir ? Avait-elle été dénoncée par un riverain grincheux ? Mystère.

 

Au cours de cette période, j’ai dû honorer un rendez-vous d’un tout autre genre. Au tribunal de grande instance de Paris. La fameuse tentative de conciliation. En réalité, cette audience m’a laissé peu de souvenirs. C’était une sorte de formalité avant de passer aux choses sérieuses. Il a néanmoins été entériné que nous ne reviendrions pas sur notre décision, que je pouvais continuer à bénéficier de la jouissance de notre appartement acquis sous le régime de la communauté, que la garde des enfants était confiée à leur mère (ce sur quoi nous étions d’accord) et qu’il me revenait dorénavant de verser une pension alimentaire à mon ex-femme pour « contribution à l’entretien et à l’éducation » de nos filles.

Je me souviens en revanche parfaitement que ce jour-là Alice avait les yeux rouges et des mouchoirs en papier roulés en boule dans la main, et surtout j’ai bien cru que l’audience n’aurait pas lieu. Mon avocat étant déjà sur place, je n’ai eu d’autre choix que de pénétrer dans le palais de justice de l’île de la Cité par cette petite porte qui donne également accès à la Sainte-Chapelle. Une file d’attente d’une centaine de personnes (des touristes pour la plupart) se pressait sur le trottoir puis dans un passage étroit au bout duquel j’apercevais les portiques de sécurité. J’avais beau brandir ma convocation, les fonctionnaires chargés du filtrage ne voulaient rien entendre. Pour des raisons que j’ai oubliées, ni mon avocat ni Alice n’étaient joignables sur leurs portables. Impossible de les alerter. J’ai fini par atteindre le cabinet B4, escalier S, 4e étage, avec près d’une heure de retard. Notre tour était passé, mais nous avons été reçus un peu plus tard.

Cette étape franchie, il restait à nos avocats de fourbir leurs armes et de défendre au mieux les intérêts de leurs clients.

Où il allait être question de partages de biens meubles et immeubles, de prestation compensatoire et autres soultes…

Rendez-vous à l’automne 2006.

1.

Comme sur tout site de rencontres, il y a sur Meetic des personnes chargées de veiller à ce que certains principes soient respectés. Abriter par exemple une forme de prostitution exposerait certainement le site à des poursuites judiciaires. Il est par ailleurs possible pour les membres de signaler au webmaster un profil douteux, des propos ou comportements injurieux ou à caractère raciste, etc.