Début 2005, nous lancions notre blog Underlivet. Nous n’étions pas certaines qu’il y ait un véritable besoin de nouvelles publications sur la santé sexuelle, le corps féminin et le sexe. Dans les médias on trouve aujourd’hui plus que jamais des informations sur la sexualité : le meilleur mais aussi le pire. Enfants et adolescents ont accès à Internet et l’utilisent dès leur plus jeune âge. Quand on a une question, le docteur Google est facile à consulter. Et puis, n’est-on pas raisonnablement calé sur le sujet quand on a suivi les cours d’éducation sexuelle à l’école ?
Nous ne savions pas non plus vraiment comment aborder le sujet. Un énième blog sur le sexe ? Encore des étudiantes en médecine naïves expliquant aux internautes qu’ils sont en bonne santé et que tout est normal chez eux ?
La semaine du lancement du blog, nous nous téléphonions en poussant des cris de joie parce que nous avions eu sept cents visiteurs. C’étaient sûrement en majorité nos familles et nos amis. Mais aujourd’hui, près de deux ans plus tard, nous pouvons affirmer avec certitude que l’intérêt était bien là. Nous avons reçu une multitude de retours sympathiques de la part de connaissances et d’inconnus, et nos billets ont été lus plus de 1,4 million de fois.
Ce blog que nous avons longtemps cru destiné aux adolescentes s’est révélé ratisser large. Nous recevons tous les jours des questions d’hommes et de femmes de tous âges. Souvent, on nous pose des questions sur ce que nous pensions être élémentaire et enseigné au collège. D’autres fois, il est évident que les lecteurs cherchent avant tout la confirmation que leur expérience est “normale” et que rien ne cloche chez eux. Malheureusement, ce sont surtout des femmes qui se retrouvent dans cette catégorie.
C’est donc pour vous que nous avons écrit ce livre, pour vous les femmes qui n’êtes pas sûres de fonctionner comme il faut, vous qui pensez que vous devriez avoir une autre apparence. Nous espérons que cet ouvrage vous apportera l’assurance dont vous avez besoin. Nous l’avons aussi écrit pour vous qui êtes satisfaites et fières de l’incroyable organe que vous avez entre les jambes, et qui aimeriez mieux le connaître. Le sexe féminin est passionnant, et nous sommes convaincues qu’une bonne santé sexuelle passe avant tout par la connaissance de son corps.
À l’automne 2016, nous avons pu lire dans la presse des articles sur l’extrême sexualisation de certaines semaines d’intégration organisées dans des lycées norvégiensI, 1. La pression sociale impitoyable y incitait des filles de 16 ans, désireuses d’être cool et de se faire accepter, à dépasser leurs limites sexuelles. Ces actes étaient si trash que nous avions peine à croire ce que nous lisions. Il est choquant de lire que des garçons de 18 ans trouvent acceptable de se servir de leur prestige pour obtenir que des filles de seconde se livrent à des fellations sur dix garçons en file indienne. Comme l’écrivait alors le quotidien VG, il s’agit là d’une culture qui gomme la distinction entre relation sexuelle consentie et agression sexuelle, et cette tendance est dangereuse2. Ces dernières années, nous avons assisté à une sexualisation croissante de la culture des jeunes, en particulier chez les filles. Les adolescents ne grandissent pas dans un environnement facile. Et malheureusement, pour beaucoup, grandir implique de vivre des expériences sexuelles désagréables, qui représenteront un poids tout au long de leur vie. Ça ne devrait pas être le cas.
Quand les femmes font des choix liés à leur corps et à leur sexualité, ces choix s’inscrivent dans un contexte plus général. Qu’il s’agisse de contraception, d’avortement, d’identité ou de pratique sexuelles, ils sont guidés par des facteurs culturels, religieux et politiques.
Nous souhaitons que les femmes puissent faire des choix autonomes, en ayant toutes les informations à leur disposition ; nous souhaitons que ces choix reposent sur des connaissances médicales, et non sur des rumeurs, des malentendus ou sur la peur. De bonnes connaissances de base sur le fonctionnement du corps favorisent la prise de décisions personnelles avec assurance et confiance. Il faut démystifier la sexualité et prendre possession de notre corps. Avec ce livre, nous espérons vous aider à faire des choix intelligents et informés qui vous conviennent à vous.
Maintenant, vous vous demandez peut-être pourquoi vous vous donneriez la peine de lire un livre de médecine écrit par deux étudiantes qui ne sont même pas encore sorties de la fac ! Nous nous sommes posé la même question à de nombreuses reprises. Nous ne sommes ni diplômées, ni spécialistes. C’est donc avec une bonne dose d’humilité que nous avons rédigé cet ouvrage.
L’expérience de l’étudiante allemande en médecine Giulia Enders nous a donné du courage. Elle a connu un succès triomphal avec son livre Le Charme discret de l’intestin et a fait des tripes et de la crotte des sujets dont on pouvait parler aux heures de grande écoute dans les talk-shows. Elle a ouvert la voie en nous montrant comment la médecine pouvait être rendue compréhensible et amusante et, surtout, comment on pouvait parler des parties les plus intimes de notre corps sans une once de honte.
Car en tant qu’étudiantes en médecine, nous possédons un avantage que personne ne peut nous enlever : nous sommes curieuses, jeunes et ne considérons aucune question comme “idiote”, car ce sont les nôtres ou celles de nos copines. Notre réputation professionnelle n’est pas en jeu et nous n’avons pas (encore) fréquenté assez longtemps le milieu médical pour ne plus parler comme tout le monde. Nous espérons que d’autres parmi nos jeunes condisciples prendront la plume qui les démange. La vulgarisation scientifique, c’est top !
En travaillant sur ce livre, nous nous sommes souvent rendu compte que nous nous étions totalement méprises sur certaines choses. Nous aussi, nous étions victimes des mythes qui entourent le sexe féminin – car ils sont nombreux. Ceux qui concernent l’hymen sont sans doute parmi les plus coriaces, et ils continuent de mettre des filles en danger dans le monde entier. Pourtant, peu de médecins se soucient de cette petite partie du corps. Certains entretiennent même les fausses croyances et pratiquent des examens à la demande de parents qui veulent s’assurer de la virginité de leur fille. Dans notre chasse aux réponses sur l’hymen, nous avons vu de grands pontes de la gynécologie balayer nos questions en les considérant comme sans intérêt ou sans importance. C’est inacceptable quand on connaît les conséquences que l’absence de rupture de l’hymen peut avoir sur la vie des femmes. Dans ce livre, nous nous sommes efforcées, dans la mesure de nos moyens, de dire la vérité sur cette membrane.
Un autre mythe est celui qui entoure la question de la contraception hormonale, jugée dangereuse, car non naturelle. Cette suspicion autour de la contraception hormonale entraîne des milliers de grossesses involontaires chez des filles qui lui préfèrent des méthodes de contraception peu sûres. Nous comprenons la confusion ambiante et la peur des effets secondaires, et nous nous agaçons d’entendre un certain nombre de professionnels de la santé minimiser les inquiétudes à leur sujet sans fournir de bonnes explications. C’est pourquoi nous avons choisi de consacrer une grande place à la contraception dans ce livre. Nous passons en revue les principales recherches sur les effets indésirables possibles, tels que les sautes d’humeur et la baisse de la libido. Nous présentons ouvertement les incertitudes, mais cherchons avant tout à éviter une panique injustifiée. Les effets indésirables graves sont très rares et peu d’éléments portent à croire que la dépression ou la baisse de libido frappent un pourcentage élevé des femmes ayant recours à la contraception hormonale. Il y a toujours des exceptions, mais nous espérons que la lecture de ce livre vous aidera à faire la part des choses entre les effets courants et ceux qui ne le sont pas.
D’autres mythes ne sont pas directement préjudiciables, mais ils montrent que le monde de la recherche médicale a été bien trop longtemps un monde d’hommes. Quand des copines se plaignent de ne jamais avoir “d’orgasme vaginal”, on voit à quel point la compréhension de la sexualité féminine a été façonnée par les besoins des hommes. L’orgasme vaginal, ça n’existe pas en tant que tel. Il n’y a que des orgasmes déclenchés de différentes manières, tous aussi délicieux les uns que les autres. Nous espérons que les femmes pourront cesser de se sentir inférieures parce qu’elles ont besoin d’autres formes de stimulation que la pénétration.
De nombreux autres sujets sont abordés dans cet ouvrage et nous espérons que vous vous réjouissez de ce voyage à travers le sexe de la femme, depuis la vulve jusqu’aux ovaires. Avec un peu de chance, la lecture de ce livre sera aussi instructive pour vous que sa rédaction l’a été pour nous. Le plus important à nos yeux serait qu’après l’avoir lu vous puissiez lâcher vos inquiétudes. Un corps n’est rien qu’un corps. Nous en avons tous un et, au fil de la vie, il nous offre des joies et des malheurs. Soyez fières de ce qu’il arrive à accomplir et soyez patientes avec lui quand il galère.
Pour finir, permettez-nous de remercier quelques personnes en particulier. Non content d’être un type génial et un excellent médecin, Marius Johansen a effectué un formidable travail de relecture scientifique de notre manuscrit. Nous espérons avoir à nouveau plein d’occasions de collaborer avec lui. D’autres personnes très compétentes de la profession ont apporté leurs connaissances de spécialistes à cet ouvrage. Merci à Kjartan Moe, Trond Diseth, Kari Ormstad, Sveinung W. Sørbye, Jorun Thørring, Anne Lise Helgesen, Anders Røyneberg, Eszter Vanky, Berit Austveg et Reidun Førde pour les précieuses conversations, relectures et indications. Il nous faut aussi remercier les médecins de l’université d’Oslo, qui, en salle de cours ou lors de patientes discussions pendant les pauses, ont apporté sans le savoir des réponses aux questions que nous nous posions. Soulignons ici que les éventuelles erreurs de ce livre relèvent de notre pleine et entière responsabilité.
Nous souhaitons aussi remercier nos collègues d’hier et d’aujourd’hui du Medisinernes Seksualopplysning Oslo, du centre d’écoute de la fondation SUSS, du centre Sex og Samfunn et de la clinique Olafia3, qui ont su créer des environnements d’apprentissage agréables et stimulants. Nous sommes par ailleurs incroyablement reconnaissantes envers nos chères amies et collègues qui ont relu le livre, en ont discuté, et nous ont averties quand nous nous étions égarées dans des explications incompréhensibles. Chères Thea Elnan, Kaja Voss, Emilie Nordskar, Karen Skadsheim, sans vous, ce livre aurait été moins bon et nos vies plus ennuyeuses.
Merci à vous qui lisez notre blog, à vous qui avez suggéré des thèmes à aborder, qui avez posé des questions intelligentes et qui nous avez soutenues depuis le premier jour. C’est pour vous que nous avons écrit ce livre. Merci aussi à Bjørn Skomakerstuen, qui supervisait nos premiers billets de blog au sein du journal en ligne Nettavisen, pour nous avoir pris sous son aile protectrice et avoir été si positif à l’égard de ce que nous écrivions, nous en avons presque été gênées.
Un remerciement tout particulier à notre éditrice Nazneen Khan-Østrem chez Aschehoug. Tu as fait un travail fabuleux et tu as été de bon conseil. Nous avons été ravies de parler avec toi de toutes sortes de sujets – du punk aux menstruations. Te savoir à nos côtés a été très rassurant. Merci à Hanne Sigbjørnsen, alias Tegnehanne, d’avoir dessiné les meilleures illustrations que nous pouvions imaginer. Faire équipe avec une infirmière aussi drôle – quelle chance !
Et pour finir, nous souhaitons bien sûr remercier nos familles.
De la part de Nina : Ce livre a été conçu à peu près au moment où Mads est venu au monde et n’aurait pas été possible sans Fredrik, le compagnon le plus patient et le plus prévenant qui soit. Tu es un homme, un vrai. Mads, tu es mon rayon de soleil et tu seras sûrement très embarrassé le jour où tu liras le livre de maman. Je vais essayer de ne pas trop parler de vulves et de vagins à table. Maman, papa et Helch, vous êtes la plus belle famille que l’on puisse souhaiter avoir.
De la part d’Ellen : Merci à maman, papa et Helge, la meilleure famille du monde, qui a patiemment écouté mes longs monologues, voire mes diatribes assez vives sur l’hymen, les douleurs de la vulve, l’herpès et autres sujets douteux, parfois même dans des lieux publics inappropriés. Merci aussi à mon grand-père de nous avoir comparées à Karl Evang (1902-1981), pionnier de la vulgarisation médicale en Norvège. Je vous aime tous infiniment ! Et, surtout, je voudrais remercier Henning pour bien plus de choses que je n’arrive à formuler ici.
Bonne lecture !
NINA ET ELLEN,
Oslo, le 15 novembre 2016.
I Les notes numérotées se trouvent en fin de volume, p. 397. Nous avons choisi de faire figurer quelques notes explicatives en bas de page. Sauf mention contraire, elles sont des auteurs.