L’appareil génital est sans doute l’ensemble d’organes le plus intime que nous ayons. Il nous accompagne fidèlement dès l’instant où nous nous extirpons du vagin de notre mère. En maternelle, nous comparons zizi et zézette avec jubilation. Puis avec le début de la puberté, viennent les poils sombres à l’entrejambe. Que ce soit un moment de fierté ou de frayeur, nous nous souvenons toutes de nos premières règles. Pendant la puberté nous avons peut-être découvert la masturbation et notre corps qui se tord de jouissance. Puis sont venus nos débuts sexuels, avec tout ce qu’ils pouvaient comporter de vulnérabilité, de curiosité et de plaisir. Plus tard peut-être avons-nous mis un enfant au monde, faisant alors l’expérience de tous les changements que traverse l’appareil génital et des miracles qu’il parvient à effectuer. Notre appareil génital fait partie de nous. Faisons donc plus ample connaissance avec lui.
Mettez-vous nue devant le miroir et examinez-vous. Le sexe commence en bas du ventre, par une zone constituée de tissu adipeux qui recouvre l’avant du bassin. On appelle cette zone moelleuse “mont du pubis” ou “mont de Vénus” et, au cours de la puberté, elle se couvre de poils. Le mont du pubis abrite un coussinet de graisse, plus gros chez certaines que chez d’autres, si bien que certains bas-ventres ressortent un peu par rapport au ventre, la minette chouquette, quoi. D’autres ont un mont de Vénus plus plat, que nous pourrions appeler minette galette. Nous ne faisons pas dans le détail quand il s’agit de trouver des surnoms niais d’inspiration pâtissière.
Si vous regardez un peu plus bas que le mont du pubis, vous arrivez à ce que nous appelons, nous, la vulve, mais qui est aussi appelé chatte, abricot, moule, motte, con, vallon, fente et ainsi de suite. “Vulve” n’est peut-être pas le terme le plus employé, mais si vous êtes une femme et que vous regardez entre vos jambes, ce que vous voyez, ça s’appelle une vulve.
On croit souvent que la partie visible de l’appareil génital féminin est le vagin. “J’ai des poils sur le vagin”, dites-vous, “quel beau vagin tu as”, mais c’est inexact. Il n’y a pas de poils sur un vagin, et il n’est pas très facile de le voir, ce qui n’enlève rien à sa beauté. Vagin n’est le nom que d’une partie du sexe féminin, plus précisément du tube musculaire que vous utilisez quand vous avez des relations sexuelles avec pénétration et par lequel vous accouchez, c’est donc le tube qui mène à l’utérus. Si nous nous préoccupons tant de terminologie, c’est parce que le sexe féminin englobe bien plus que le seul vagin, même si celui-ci est indéniablement source de beaucoup de joie ! La plupart des gens qui parlent de vagin pour qualifier le sexe féminin veulent dire vulve, et c’est par elle que nous allons commencer la description du formidable organe sexuel de la femme.
La vulve est construite comme une fleur, avec une double corolle de pétales. Et croyez-le ou non, nous n’avons pas trouvé la métaphore de la fleur toutes seules. Pour regarder les différentes parties de la vulve, il convient de commencer par l’extérieur avant de se pencher vers l’intérieur.
Les pétales, ou lèvres, ont pour mission de protéger les parties fragiles cachées à l’intérieur. Les grandes lèvres, qui sont plus épaisses que les petites, sont pleines de graisse et ont un peu la fonction d’un airbag ou d’un pare-chocs. Elles peuvent être assez longues pour recouvrir les petites lèvres, mais elles peuvent aussi être très modestes. Certaines femmes n’ont que deux petites bosses de peau qui encadrent le reste de la vulve.
Les grandes lèvres sont recouvertes de peau ordinaire, comme celle que vous avez sur le reste du corps. Cette peau est pleine à craquer de glandes sébacées, de glandes sudorifères et de follicules pileux. Outre les poils, qui sont une bonne chose, vous pouvez avoir des boutons et de l’eczéma sur les grandes lèvres, ce qui est moins sympathique. Mais qu’on le veuille ou non, la peau reste de la peau.
Les petites lèvres sont souvent plus longues que les grandes, mais ça n’a rien d’obligatoire. Elles peuvent être pleines de frisures et de festons, comme un tutu de princesse. Quand vous vous regardez dans le miroir, il est bien possible que vos petites lèvres dépassent franchement de vos grandes lèvres. Chez d’autres, le seul moyen de les apercevoir est d’écarter les grandes lèvres.
Contrairement aux grandes lèvres dodues, les petites lèvres sont fines et très sensibles, pas autant que le clitoris, qui est l’endroit le plus sensible du corps, mais elles sont pleines de terminaisons nerveuses et les toucher peut donc être très agréable.
Les petites lèvres ne sont pas recouvertes de peau ordinaire, mais d’une muqueuse. Des muqueuses, vous en avez déjà vu, sur votre globe oculaire par exemple, ou dans votre bouche. Cela signifie simplement que les petites lèvres sont recouvertes d’une couche de mucus protectrice et hydratante. La peau ordinaire est surmontée de deux couches de cellules mortes. Cette couverture la protège et lui permet de s’accommoder de la sécheresse. Les muqueuses, elles, n’en disposent pas et sont donc moins robustes face à l’usure. Des petites lèvres longues sont donc facilement irritées par le frottement d’un pantalon serré. À l’inverse de la peau ordinaire, les muqueuses préfèrent rester humides. Il n’y a pas de poils sur les muqueuses et les parties de la vulve à l’intérieur des grandes lèvres sont donc glabres.
Si vous écartez vos petites lèvres, vous trouverez une zone qu’on appelle le vestibule. Du latin vestibulum, ce mot désigne le hall d’entrée d’une maison. Si vous aimez les châteaux ou les opéras, c’est l’entrée majestueuse ornée de colonnes et de tapis moelleux. Le vestibule de la femme n’est flanqué d’aucune colonne notable, mais c’est néanmoins une entrée. Vous y trouvez deux trous : la sortie de la vessie, ou méat urétral, et l’orifice du vagin. La sortie de la vessie se situe entre le clitoris et le vagin.
Nous avons beau faire pipi tous les jours, nous ne savons pas toujours où cela se passe. Certaines s’imaginent même qu’elles ne disposent pas d’une sortie spéciale, mais sont faites comme les hommes, avec un seul trou pour deux choses. Nous ne faisons pas pipi avec notre vagin, mais la méprise est facile, même quand on connaît beaucoup de sexes féminins différents. L’orifice de l’urètre peut être dur à repérer, même avec un miroir. C’est un tout petit trou, souvent entouré d’un tas de liserés de peau, mais qui cherche trouve.
Contrairement au petit orifice de l’urètre, l’orifice vaginal est facile à identifier. Le vagin est un tube musculaire de sept à dix centimètres de long qui mène de la vulve à l’utérus. D’ordinaire, il est compressé, si bien que les parois antérieure et postérieure se touchent. Cela contribue à vous rendre étanche. Songez-y !
Quand vous êtes excitée, le vagin s’allonge et s’élargit – il est très extensible. Un peu comme une jupe plissée. Touchez-le et vous verrez comme il est grenu.
Les muscles autour du vagin sont puissants, ce dont vous pouvez vous rendre compte en enfonçant un doigt dans votre vagin et en serrant. Comme les autres muscles, ceux du périnée se renforcent quand on les fait travailler.
La paroi intérieure du vagin est recouverte d’une muqueuse humide. Si une petite partie de l’humidité du vagin provient de glandes situées autour du col de l’utérus, l’essentiel résulte d’un écoulement depuis l’intérieur du corps à travers la paroi vaginale qui, elle, est dépourvue de glandes. L’humidité vaginale est toujours présente, mais s’accentue quand vous êtes émoustillée. Une plus grande quantité de fluide percole à travers la paroi vaginale quand l’irrigation sanguine de l’ensemble de l’appareil génital augmente. Ce que vous remarquez quand le clitoris et les petites lèvres enflent. Le liquide qui apparaît avec l’excitation sexuelle réduit les frictions dans le vagin quand vous vous masturbez ou que vous avez un rapport sexuel. Moins de frictions, cela signifie moins de dommages sur la paroi vaginale, qui peut souvent en prendre un coup quand on fait l’amour. Après un rapport sexuel, il n’est pas inhabituel d’avoir de petites éraflures qui saignent ou de sentir son vagin un peu irrité. Par bonheur, c’est sans danger aucun. La paroi vaginale sait bien se réparer elle-même.
Au fluide qui traverse la paroi vaginale s’ajoute un peu de cyprine, sécrétée par deux glandes situées à l’arrière du vestibule, vers les fesses, de part et d’autre de l’orifice vaginal. Ces glandes sont appelées glandes vestibulaires ou glandes de Bartholin, d’après l’anatomiste danois Caspar Bartholin. Elles produisent donc la cyprine, liquide qui favorise la lubrification de l’orifice vaginal. Elles sont ovales, de la taille d’un petit pois, et peuvent être à l’origine de problèmes. Si le canal par lequel elles sécrètent la cyprine se bouche, un kyste peut se former à l’entrejambe. On le sent comme une petite boule dure ou un petit ballon d’un côté de la vulve. Si un tel kyste s’infecte, l’affaire peut devenir douloureuse, mais le problème peut se résoudre par une intervention chirurgicale. L’importance des glandes vestibulaires dans la lubrification vaginale est contestée4. Les femmes souffrant de problèmes de kystes et d’infections qui se font enlever ces glandes connaissent malgré tout une augmentation de la lubrification vaginale en situation d’excitation sexuelle.
Sur la paroi vaginale antérieure, à savoir contre la vessie, se trouve un point que les rubriques “sexe” des magazines féminins adorent. Le point G. Cette zone a été nommée d’après Ernst Gräfenberg, le gynécologue allemand qui l’a découverte. Mais les chercheurs ont beau en discuter et essayer de le dénicher depuis les années 1940, le point G reste sujet à controverse. Personne n’est en fait très sûr de ce qu’est le point G et son existence même reste à démontrer.
Le point G est décrit comme un point du vagin particulièrement sensible chez certaines femmes. Elles expliquent être en mesure d’atteindre l’orgasme par sa seule stimulation. Il se situerait à une certaine hauteur de la paroi vaginale antérieure, donc vers le ventre, et il se stimulerait par un geste de “viens par ici” fait avec un doigt. Imaginez une sorcière de Disney cherchant à vous attirer et vous aurez le mouvement adéquat. Certaines femmes décrivent la stimulation du point G comme meilleure et différente de la stimulation vaginale par ailleurs. Comme vous l’avez peut-être remarqué, le vagin en soi n’est pas particulièrement sensible en comparaison de la vulve, et surtout du clitoris. La sensibilité est plus importante au niveau de l’entrée du vagin et moindre plus haut.
Les médias parlent souvent du point G comme s’il s’agissait d’une structure anatomique propre. C’est une impression qu’on peut retirer en particulier de la lecture des rubriques “sexe”, des guides sur la sexualité ou des récits de femmes sur leurs propres expériences sexuelles. En 2012, un article britannique passant en revue toutes les études sur le point G comme zone spécifique du vagin a conclu que les preuves de son existence étaient maigres et que la majeure partie des travaux sur le sujet avait recours à des questionnaires dans lesquels les femmes elles-mêmes décrivaient le point G. Cette méta-analyse montre que même les femmes qui croient au point G ont souvent du mal à le situer. Les auteurs indiquent par ailleurs que les études fondées sur les techniques d’imagerie n’ont pas réussi à identifier une structure séparée qui pourrait provoquer l’orgasme ou le plaisir sexuel chez la femme, à part le clitoris5.
Une hypothèse avance qu’il ne s’agirait pas d’une structure physique propre, mais d’une partie interne profonde du clitoris qui, lors des rapports sexuels, serait stimulée à travers la paroi vaginale. En 2010, des chercheurs ont publié les résultats d’une étude au cours de laquelle ils avaient examiné la paroi vaginale antérieure d’une femme lors d’un rapport sexuel avec pénétration. Ils ont eu recours aux ultrasons pour étudier ce qui se passait et situer le point G. Ils ne l’ont pas trouvé, mais ont conclu que les parties internes du clitoris se situaient si près de la paroi vaginale antérieure que la solution à l’énigme du point G pourrait être le clitoris6.
Il se peut aussi que le point G ait un rapport avec un ensemble de glandes se trouvant sur l’urètre, qui est proche de la paroi vaginale antérieure. Appelées glandes de Skene ou glandes para-urétrales, elles sont le pendant féminin de la prostate, glande qui chez l’homme entoure une partie de l’urètre. Les glandes para-urétrales sont associées à l’éjaculation féminine7. Certaines études affirment que le point G est essentiel pour atteindre l’orgasme avec éjaculation, mais il ne s’agit pour l’heure que d’hypothèses, car si nous savons avec certitude que certaines femmes connaissent l’orgasme avec éjaculation, nous ne savons même pas si le point G existe réellement.
Il est surprenant que la paroi vaginale, qui est pourtant une zone accessible, soit entourée d’un tel mystère. Surtout quand on pense à toute l’encre qui a coulé sur le point G. Nous attendons donc avec impatience la publication d’autres travaux de qualité sur le corps féminin.
Vous avez peut-être été surprise de lire “parties internes” du clitoris. Quelles parties internes ? Le clitoris, tel qu’il est habituellement décrit, est de la taille d’un raisin sec et se trouve sur le haut du sexe féminin, bien en sécurité à la jonction des petites lèvres. Mais en réalité, ce petit bouton n’est que le sommet d’un iceberg ! Dans les ombres du bas-ventre se cache un organe qui dépasse l’entendement.
Les anatomistes ont beau l’avoir montré depuis le milieu du XIXe siècleI, peu savent que le clitoris est avant tout un organe souterrain. Alors que le pénis de l’homme est décrit en détail dans les atlas et manuels d’anatomie humaine, le clitoris demeure une curiosité. En 1948 encore, l’atlas d’anatomie renommé qu’est le Gray’s Anatomy avait choisi de ne pas mettre de nom sur le clitoris. Le monde de la médecine sous domination masculine n’a pas non plus manifesté de grand intérêt pour une exploration plus poussée du clitoris. L’unanimité n’est toujours pas faite sur ses éléments constituants ni sur son fonctionnement. Pour la recherche médicale, c’est franchement étonnant.
Une chose dont nous sommes sûres : ce qui est souvent décrit comme étant le clitoris n’est en réalité qu’une fraction d’un grand organe se déployant à la fois vers l’intérieur du bassin et vers le bas, de part et d’autre de la vulve8. Si nous chaussions des lunettes à rayons X, nous verrions que le complexe clitoridien a la forme d’un Y renversé. Le petit raisin, également appelé gland du clitoris, se situe tout en haut. Il peut mesurer entre 0,5 et 3,5 cm de long, mais paraît plus petit puisqu’il est entièrement ou partiellement recouvert d’un petit capuchon9. Le gland est la seule partie visible du clitoris. Puis vient le corps du clitoris qui descend vers l’intérieur en formant un coude comme un boomerang, avant de se séparer en deux piliers reposant de part et d’autre du sexe, enfouis sous les lèvres génitales.
Dans chaque pilier du clitoris se trouve un corps caverneux qui se remplit de sang et gonfle en cas d’excitation. Entre ces piliers, situés dans la zone entre les petites lèvres (dans le vestibule donc), on trouve aussi deux corps spongieux, nommés les bulbes du vestibule, qui entourent l’orifice vaginal et celui de l’urètre.
Cette description semble peut-être familière à celles qui ont bien suivi les cours de sciences de la vie et de la terre (SVT). N’était-ce pas le pénis de l’homme qui avait un gland, des corps caverneux et des corps spongieux ? La source principale du plaisir féminin, le clitoris, est un secret bien caché, ce qui tranche avec un pénis en érection, plus tape-à-l’œil. Il peut donc sembler surprenant que le clitoris et le pénis soient deux versions différentes d’un même organe.
Jusqu’à environ douze semaines, les embryons de garçons et de filles ont un entrejambe parfaitement identique, dominé par une sorte de mini-pénis (ou de méga-clitoris !) appelé tubercule génital. Ce tubercule a le potentiel de se développer en organe sexuel féminin ou masculin. Le pénis et le clitoris se développant à partir de la même structure de base, il existe entre les deux organes de nombreux points communs quant à la forme mais aussi au fonctionnement.
La tête du pénis étant en fait la même chose que le bouton du clitoris, on leur a donné à tous deux le même nom : gland. Le gland est le point le plus sensible du corps féminin et du corps masculin. On estime que le gland, chez l’homme comme chez la femme, contient plus de 8 000 terminaisons nerveuses. Chacune reçoit des informations de pression et de contact et renvoie les signaux au cerveau, où l’information est interprétée soit comme douleur soit comme plaisir. Plus il y a de terminaisons nerveuses, plus les signaux que reçoit le cerveau sont nuancés et puissants. Cependant, le gland du clitoris est nettement plus sensible que le gland du pénis, car les terminaisons nerveuses sont rassemblées sur une zone beaucoup plus petite : leur concentration est cinquante fois plus élevée10 !
Malheureusement, comprendre que le clitoris était le bouton sur lequel il fallait appuyer a peut-être fait croire à certains hommes que toute pression était agréable. Quand une simple pression légère n’apporte pas de résultats, ils appuient davantage et plus fort, mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Le clitoris étant si riche en terminaisons nerveuses, la moindre variation de l’attouchement est perçue. Cela donne des possibilités insoupçonnées de stimulation et de plaisir, mais cela signifie aussi qu’on peut rapidement ressentir de la douleur ou de l’engourdissement. Les terminaisons nerveuses refusent alors de transmettre les signaux au cerveau. Le bouton du clitoris est mis sur “off”. Il faut le laisser tranquille pour qu’il soit de nouveau disposé à parler. Autrement dit, le clitoris, c’est un peu comme la drague, si vous y allez trop franco, le succès n’est pas toujours au rendez-vous.
Les corps caverneux permettent aux pénis de l’homme de durcir quand ils se remplissent de sang. Pourquoi ceux de la femme ne feraient-ils donc pas la même chose ? Quand nous sommes excitées, le complexe clitoridien peut gonfler jusqu’à doubler de taille11. Il s’agit bel et bien d’une impressionnante érection. Les piliers du clitoris et les bulbes du vestibule étant sous les petites lèvres et autour des orifices de l’urètre et du vagin, la vulve peut grossir en cas d’excitation. Par ailleurs, l’afflux sanguin donne au vestibule et aux petites lèvres une teinte violacée plus sombre.
Les similitudes ne s’arrêtent pas là. Les hommes aiment frimer avec leurs érections matinales et nocturnes, mais nous aussi, nous en avons. Dans les années 1970, une étude de l’université de Floride a comparé deux femmes ayant un grand clitoris avec des hommes. Les chercheurs ont découvert que, pendant le sommeil paradoxal, les femmes avaient autant “d’érections” nocturnes que les hommes12. Une autre étude a montré que les femmes connaissent jusqu’à huit “érections” par nuit, pendant une durée totale d’une heure et vingt minutes13 !
Comme vous le voyez, bien des aspects du clitoris ne sont pas enseignés en cours de SVT. Ce fier organe est resté ignoré, sous-estimé et caché bien trop longtemps. Car c’est seulement en comprenant comment le clitoris se déploie et englobe toutes les parties de notre sexe que nous saisissons de quel formidable instrument de plaisir nous sommes dotées.
Depuis des millénaires, diverses cultures, y compris la culture norvégienne, se préoccupent énormément de la virginité. Pas celle des hommes, mais celle des femmes. L’homme ne peut pas être une putain ou une madone, pur ou impur, mais la femme, si. Et “par bonheur” un saignement du vagin, la nuit de noces, est censé pouvoir déterminer quel genre de femme elle est.
L’expression anglaise pop her cherry, littéralement “fais sauter sa cerise”, porte à croire qu’une femme vierge serait comme une bouteille de champagne, dont il faut faire “sauter le bouchon”. Cela sous-entend que le sexe féminin, après le premier rapport, est très différent, un peu comme une bouteille de Moët & Chandon après l’ouverture. Comme vous le devinez sans doute au ton que nous employons ici, ce n’est pas le cas.
L’idée de la virginité est omniprésente dans la culture populaire. Pour le vampire Jessica, dans True Blood, chaque rapport sexuel est comme le premier et, chaque fois, elle doit saigner. Le doute entoure la reine Margaery Tyrell dans Game of Thrones. Est-elle vraiment toujours pure, après avoir épousé son troisième roi ?
Les classiques aussi s’intéressent à la virginité et au saignement. Dans Kristin Lavransdatter, l’adaptation cinématographique du roman de Sigrid Undset, que nous avons tous regardée en classe, l’héroïne ne s’exclamait pas “Merde !” quand le sang coulait sur sa cuisse, mais “Qui voudrait d’une fleur dont on a arraché les pétales ?” Elle pleurait amèrement dans les bras de son amant, Erlend, qui, lui, n’avait aucune raison de pleurer. En tant qu’homme, Erlend n’avait pas de vertu à perdre.
Le langage médical aussi utilise la métaphore de la fleur innocente pour parler de la femme. La perte de virginité est nommée “défloration”, une terminologie incontestablement obsolète14. On en viendrait presque à croire qu’à travers les cultures et l’histoire, les hommes se sont concertés afin d’élaborer des moyens pour contrôler la femme, limiter sa sexualité et sa capacité à disposer de son propre corps.
Vous l’avez compris, nous devons maintenant parler de l’hymen. Cette chose mythique, située à l’entrée du vagin, et qui coûte encore leur honneur et leur vie à de nombreuses femmes dans le monde entier. Il est inconcevable qu’une telle différence soit encore faite entre les femmes et les hommes, que quelque chose d’aussi sympa et positif que le sexe soit associé à la “perdition” et puisse représenter une menace pour les femmes et seulement pour elles. Quand, pour couronner le tout, on comprend que les lieux communs sur l’hymen et son saignement reposent sur des contrevérités, tout cela devient carrément absurde.
Le mythe selon lequel l’hymen est une sorte de sceau de chasteté qui se briserait et saignerait uniquement lors du premier rapport sexuel reste omniprésent dans les esprits. Ce saignement est considéré comme une preuve de virginité. Cette preuve a pris une telle importance que, aujourd’hui encore, une certaine tradition veut qu’on fasse sécher le drap taché de sang, dehors, après la nuit de noces. De cette façon, tout le voisinage peut constater que tout s’est passé comme il se doit.
Le mythe de l’hymen dit : si vous saignez après un rapport sexuel, c’est la preuve que vous n’avez jamais fait l’amour. Si vous ne saignez pas, alors c’est la preuve que vous n’êtes pas vierge. Mais comme la plupart des mythes, c’est entièrement faux.
En Norvège, le terme employé, jomfruhinne (membrane de virginité), contribue à maintenir cette croyance dans l’esprit collectif. Quand on entend “membrane”, on imagine quelque chose ressemblant à un film alimentaire étiré qui craque si on y fait un trou. Pop ! Mais si vous observez votre sexe avec un miroir, vous verrez qu’il n’existe pas de film recouvrant une partie du vagin, même si vous n’avez jamais eu de relations sexuelles. Mais ne laissons pas un mythe en remplacer un autre. Dernièrement, nous avons entendu de nombreuses déclarations du type : “L’hymen n’existe pas.” C’est exact qu’il n’existe pas de “sceau” apposé sur le vagin, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de structure anatomique à l’origine de ce malentendu.
Toutes les femmes naissent avec un hymen, mais ça ne veut pas dire qu’elles en ont besoin. L’hymen est à la femme ce que les mamelons sont à l’homme : il n’a aucune fonction et n’est qu’un reliquat de la vie fœtale.
L’hymen n’est pas fin comme du film étirable, mais épais, large et robuste. Avant la puberté, il est en général régulier, de la forme d’un donut, avec un trou au milieu. Puis débarque l’orchestre des hormones et, comme bien des parties du corps, l’hymen change. Après la puberté, il présente souvent une forme de demi-lune, s’élargit à l’arrière, vers l’anus, tout en continuant de ceindre le vagin, mais avec un trou plus grand au centre15. Du moins est-ce la théorie, car en réalité il n’y a aucune règle concernant l’aspect de l’hymen.
La plupart des femmes ont un hymen circulaire avec un trou au milieu, mais l’hymen n’est pas toujours lisse et régulier. Souvent il est bosselé ou festonné, et ce n’est pas là un signe d’activité sexuelle. Certains hymens présentent des fragments s’étirant au travers de l’orifice vaginal. D’autres ressemblent à une passoire, avec un tas de petits trous à la place de l’unique gros trou au centre. D’autres encore apparaissent sous la forme de simples petites franges le long de la paroi vaginale. Et quelques très rares hymens recouvrent toute l’entrée du vagin. Ils sont alors plutôt rigides et durs ; ce cas de figure est épineux parce que le sang des menstruations doit bien sortir quelque part ! Souvent, le problème n’est découvert que lors des premières règles. Le sang menstruel reste emprisonné dans le vagin et peut provoquer de vives douleurs. L’intervention chirurgicale est nécessaire. Ce rare cas est celui qui s’apparente le plus au mythe de l’hymen formant un sceau16.
Quelle que soit sa forme, et hormis dans les rares cas où il recouvre entièrement l’orifice, l’hymen est souple et flexible. Cependant, il n’en reste pas moins le point le plus étroit du vagin. Et si le vagin a une extrême capacité d’extension et de contraction – c’est après tout la voie par laquelle naît un bébé – l’hymen ne peut pas toujours s’étirer suffisamment pour un rapport sexuel. Il fonctionne un peu comme un élastique : si on tire vraiment trop fort dessus, il claque.
Lors du premier rapport sexuel avec pénétration, l’hymen s’étire avec le reste du vagin. Chez de nombreuses femmes, tout se passe sans encombre, mais chez d’autres, l’hymen peut se déchirer et saigner légèrement. Autrement dit, certaines saignent lors de leur premier rapport sexuel, d’autres non. Tout dépend de la flexibilité de l’hymen. Pour les femmes qui ont un hymen d’une forme particulière, avec par exemple une partie qui s’étire au-dessus de l’orifice vaginal, celle-ci devra souvent se déchirer pour laisser passer des doigts ou un pénis.
Il est difficile d’établir avec certitude le nombre de femmes qui saignent de l’hymen lors de leur premier rapport sexuel. Des chiffres existent, mais ils varient. Deux études que nous avons consultées indiquaient respectivement que 56 % et 40 % des femmes avaient saigné lors de leur premier rapport sexuel consenti par voie vaginale. Il ne s’agit donc pas de la totalité des femmes, loin de là, mais elles sont tout de même un certain nombre à connaître un saignement17.
Les études en question ont été menées en interrogeant des femmes sur leur premier rapport sexuel. Nous n’avons donc aucun moyen de savoir si c’était l’hymen qui saignait (même si l’hymen est le point le plus étroit du vagin) ou si le sang venait d’ailleurs. Comme nous l’avons mentionné dans le passage sur le vagin, il est à la fois possible et fréquent que de petites éraflures de la paroi vaginale saignent si on a des rapports sexuels un peu vigoureux, si on n’est pas suffisamment lubrifiée ou si les muscles du sexe sont trop contractés. Cela peut se produire lors du premier rapport sexuel ou lors de rapports ultérieurs.
Le mythe sur l’hymen est aussi celui du test de virginité. L’existence d’un tel test porte à croire qu’il est possible de constater médicalement si une femme a fait l’amour ou pas. La Vierge Marie aurait soi-disant été soumise à un test de virginité. De même que Jeanne d’Arc et plus récemment tout un tas de femmes issues de milieux conservateurs.
Il paraît que des médecins norvégiens continuent à effectuer ce test sur des jeunes femmes, à la demande de parents désireux d’obtenir une preuve que leur fille est “intacte18” ; et cela, malgré le refus des spécialistes de la médecine légale de reconnaître à cette pratique une quelconque valeur scientifique19. Il y a même des médecins qui délivrent des certificats de virginité à des jeunes femmes terrifiées à l’idée de ne pas saigner lors de leur nuit de noces et par les conséquences qu’elles subiraient alors.
Il est avéré qu’en général il n’y a pas de différence visible entre l’hymen d’une fille ayant eu des relations sexuelles et celui d’une vierge20. Cette pratique du test de virginité apparaît alors absurde. Et même si l’hymen peut être endommagé pendant un rapport sexuel quand il est soumis à un fort étirement, cela ne signifie pas pour autant que la blessure demeurera. Très souvent, l’hymen se répare sans cicatrices visibles21.
Les recherches sur l’hymen et ses altérations après les débuts sexuels ont souvent été faites à partir d’examens de femmes et de filles qui avaient subi une agression sexuelle. Une méta-analyse norvégienne indique que des modifications de l’hymen autrefois considérées comme suspectes chez les enfants, telles que, par exemple, un hymen présentant une large ouverture22 ou un bord étroit, sont aujourd’hui interprétées comme des constats non spécifiques et ne constituent pas une preuve d’agression sexuelle23. On peut aussi trouver ces variantes d’hymen chez des petites filles qui n’ont pas subi d’agression sexuelle. Les auteurs de l’article soulignent par ailleurs que l’absence de résultats ne démontre pas qu’une fillette n’a pas été victime d’une agression sexuelle.
De manière générale, on ne peut pas savoir si une femme a eu des relations sexuelles ou non en regardant entre ses jambes. L’hymen n’est pas l’apanage des femmes qui n’ont jamais fait l’amour et, comme les autres parties du corps, il a un aspect variable. Désolées, mais les tests de virginité, ça ne veut strictement rien dire.
Malheureusement, cet état de fait n’est pas connu de tous. Des femmes continuent d’avoir recours à l’intervention chirurgicale, dite hyménoplastie, pour garantir un saignement lors de la nuit de noces. En Norvège, cette intervention s’effectuait à la clinique privée Volvat à Oslo. En 2006, la clinique a cessé cette pratique24 sur l’avis du Conseil d’éthique médicale, qui considérait l’hyménoplastie comme une fausse solution à une problématique d’ordre culturel25.
L’hyménoplastie existe toujours. Et pour 30 dollars, vous pouvez acheter sur Internet de faux hymens avec du sang de théâtre, qui vous garantissent de pouvoir kiss your deep dark secret goodbye, c’est-à-dire de “vous libérer de votre secret le plus intime” et de vous marier en toute sécurité26. En 2009, des hommes politiques égyptiens ont d’ailleurs souhaité interdire l’importation de ce produit27.
Pourquoi laissons-nous des jeunes filles recourir à de telles solutions au lieu d’informer que l’absence de saignement n’est pas synonyme de virginité perdue ? La vraie question est de savoir pourquoi les femmes devraient apporter la preuve de leur virginité. Nous devons cesser de nous focaliser ainsi sur le saignement et supprimer pour de bon les tests de virginité. Et, surtout, nous devons abandonner l’idée que la virginité elle-même est importante.
La difficulté est de trouver de la bonne documentation sur l’hymen, et surtout de faire la part des choses entre ce qui est vrai, ce qui l’est moins et ce qui est carrément faux. Dans notre chasse à l’information sur l’hymen, nous avons trouvé peu d’éléments qui soient à la fois exacts et accessibles à tous. Nous avons trouvé un certain nombre d’articles scientifiques à ce sujet, mais dans les manuels de gynécologie de fac de médecine, l’hymen est à peine mentionné, et si c’est le cas, beaucoup de contrevérités y sont propagées. En définitive, nous n’avons pas plus de réponses à nos nombreuses questions. C’est à s’arracher les cheveux de constater que les médecins ont porté si peu d’intérêt à une partie du corps qui continue de causer aujourd’hui la perte de l’honneur de certaines femmes ou, dans le pire des cas, leur mort. Plus alarmant encore, c’est de constater que même les informations existantes ne sont pas accessibles à celles qui en ont besoin. Nous avons là un important travail de sensibilisation à faire. Il ne reste plus qu’à s’y mettre.
Là où le soleil ne brille jamais, disons-nous, en évoquant l’anus. Ce trou brun et fripé est souvent laissé dans l’ombre quand on parle du sexe féminin, mais le vagin et l’anus ne sont séparés que par une mince paroi. Du fait de ce voisinage, l’anus est nécessairement lié au vagin et à la vulve, et il participe à l’image de soi sexuelle de nombreuses femmes.
L’anus est un formidable sphincter, conçu pour retenir les excréments jusqu’à ce que nous soyons prêts à nous en débarrasser. Il s’agit évidemment là d’une tâche essentielle depuis la nuit des temps, puisque notre corps nous a équipés non seulement d’un, mais de deux sphincters. Si l’un fait défaut, nous avons une écluse de sécurité en plus.
Le sphincter interne est piloté par ce que nous appelons le système nerveux autonome, une partie du système nerveux que nous ne contrôlons pas. Au moment où le corps sent que le rectum se remplit d’excréments, des signaux sont envoyés au sphincter interne pour qu’il se relaxe. C’est le réflexe de défécation, qui se traduit par le besoin soudain de trouver les toilettes les plus proches.
Si on n’avait rien que ce réflexe primitif, nous irions à la selle de façon intempestive, comme les enfants en bas âge. Mais l’être humain est un être social. Le sphincter externe – celui que l’on sent quand on se met un doigt dans l’anus et qu’on serre – est celui qui décide en dernier ressort. Il prend en compte notre volonté et nous permet de nous retenir jusqu’à ce que les conditions d’intimité soient réunies. Si vous contractez ce sphincter suffisamment longtemps, le corps comprend et les instincts primitifs savent qu’ils ont perdu. Les excréments remontent discrètement dans l’intestin et attendent patiemment qu’une meilleure occasion se présente. La fenêtre de défécation, comme on l’appelle, se referme pour un certain temps.
L’anus est le recoin sombre de l’entrejambe, mais par bonheur il est bien plus qu’un récipient à excréments. La zone autour et l’entrée de l’anus regorgent de terminaisons nerveuses qui n’attendent que d’être stimulées. Certaines femmes ajoutent une dimension à leur vie sexuelle en conviant l’anus à la fête. D’autres se satisferont peut-être de lui envoyer de temps à autre une pensée chaleureuse en songeant à la beauté de son fonctionnement.
Être femme implique d’avoir des poils à la zézette. En tout cas, c’est ce qui nous vient de la nature. À la puberté, de petits poils sombres commencent à apparaître sur le mont de Vénus et le long des lèvres génitales. Progressivement, ils se répandent et se multiplient, jusqu’à ce qu’un dense pré triangulaire se déploie en direction de l’anus et souvent sur l’intérieur des cuisses, au-delà de la fameuse ligne du bikini.
Ces dernières années, la mode a été aux vulves lisses et très nettes, ce qui est souvent une source de problèmes. De nombreuses femmes craignent que l’épilation n’entraîne une augmentation de la pilosité, l’apparition d’une toison plus sombre ou même une croissance plus rapide des poils. Pendant des années, nous étions mortes de peur à l’idée que notre ligne de bikini ne devienne incontrôlable et que des poils se mettent à pousser partout en cas d’imprudence avec le rasoir. Au contraire, les garçons à l’adolescence empruntent le rasoir de papa, rasent consciencieusement le duvet de leur lèvre supérieure et espèrent qu’une moustache masculine apparaîtra pour venir cacher leurs boutons d’acné. Heureusement pour nous, et malheureusement pour eux, il ne s’agit là que de balivernes.
L’abondance de la pilosité et sa localisation sont déterminées par l’hérédité et les hormones28. À la naissance, vous disposez déjà de l’ensemble de vos follicules pileux, soit environ 5 millions. Certains d’entre eux, par exemple autour des organes sexuels et sur les aisselles, sont particulièrement sensibles aux hormones. Pendant la puberté, le corps connaît une explosion d’hormones sexuelles. Alors, les follicules pileux sensibles aux hormones se mettent à grandir et à former des poils plus épais et plus sombres. La répartition de ces follicules est déterminée par les gènes et explique pourquoi certains hommes ont une fourrure dense sur le dos alors que d’autres ont à peine un poil sur le torse. Même si on en a l’impression, les poils ne sont pas plus nombreux à la puberté, c’est juste que le duvet tout mignon se transforme peu à peu en poils “adultes”. Si l’on s’imagine souvent que le rasage accroît la pilosité, c’est parce qu’on commence à se raser au moment où la pilosité change.
Quand on a le bas-ventre qui pique comme un hérisson le lendemain du rasage, on croit parfois que les poils deviennent plus épais, plus drus ou poussent plus vite quand on les rase. Cela ne se peut pas. Nos poils sont essentiellement de la matière morte. En l’occurrence, tout ce que vous voyez au-dessus de la peau est de la protéine morte. Il n’y a de vie que dans le follicule, qui ignore que vous avez sectionné le poil. Les morts-vivants sont réservés aux séries fantastiques. Dans le monde réel, le follicule pileux continue de produire des poils exactement au même rythme qu’avant, dans la bienheureuse ignorance que vous détruisez tout ce qu’il produit.
De plus, c’est la taille du follicule qui détermine l’épaisseur du poil. Vous pouvez donc vous raser autant que vous voudrez. Le poil, en revanche, peut sembler plus rigide, parce qu’il est plus court quand il repousse. Les poils auxquels on ne touche pas s’usent, leurs pointes s’affinent toujours plus et on a l’impression qu’ils sont plus doux. En rasant le poil, on le coupe là où il est le plus épais, à la surface de la peau. Quand il repousse, la pointe est donc plus épaisse pendant un certain temps29.
Qu’on soit satisfait ou non de sa pilosité, la répartition des poils sur le corps est donc déterminée génétiquement. En revanche, ce que vous voulez faire de vos poils vous appartient. Les poils ont une fonction, c’est vrai, mais pas de là à en déconseiller l’épilation. Sachez toutefois que les poils contribuent à augmenter notre sensibilité sexuelle : il suffit de les effleurer et des stimuli sont envoyés aux follicules pileux, qui, à leur tour, transmettent le message au système nerveux30. Les nombreuses terminaisons nerveuses autour des follicules participent donc à l’expérience sensorielle.
Au cours de l’histoire, l’épilation s’est toujours pratiquée chez les deux sexes. Aujourd’hui, vous pouvez raser, épiler à la cire ou à la pince ou utiliser de la crème dépilatoire pour citer les méthodes temporaires. Laquelle choisir est essentiellement affaire de goût, mais il existe tout de même quelques différences31.
L’épilation à la pince ou à la cire peut réduire la pilosité car sur la durée, à force d’arracher les poils avec la racine, les follicules pileux sont endommagés. L’inconvénient : les poils plus fins ont plus de difficulté à passer à travers la peau et des problèmes de poils incarnés et d’infection des follicules peuvent survenir. La crème dépilatoire, elle, fait “fondre” la partie du poil qui se trouve au-dessus de la peau en désintégrant la structure de la kératine, la protéine du poil. Le follicule pileux n’étant pas affecté, on rencontre souvent moins de problèmes de poils incarnés qu’avec les autres méthodes.
Le plus gros problème de l’épilation reste les poils incarnés ou encore pseudofolliculitis barbae32. Quand on s’épile, les poils peuvent s’enrouler sur eux-mêmes, en particulier s’ils sont frisés, et, en repoussant, se développer sous la peau, ce qui cause une inflammation du follicule pileux et l’apparition de petits boutons. Si on les triture, une infection bactérienne risque de s’y ajouter. Les boutons peuvent alors gonfler, voire devenir douloureux, et souvent laisser une cicatrice.
Les méthodes pour éviter les poils incarnés lors de l’épilation abondent dans les médias. Et nous gobons les conseils des spécialistes de la beauté, car un sexe épilé décoré de boutons et de poils incarnés, ça n’est pas très classe. Faut-il pour autant acheter la crème hors de prix que l’esthéticienne essaie de vous vendre ? Ou le Gillette Venus Swirl à cinq euros la lame de rechange ?
Malheureusement, vous jetez votre argent par les fenêtres. Si vous êtes très touchée par ce genre de désagréments, il peut valoir le coup de préférer la crème dépilatoire aux autres méthodes. Si vous choisissez d’épiler à la pince, à la cire ou au rasoir, soyez attentive à l’hygiène. Les femmes qui ont fréquemment des follicules infectés devraient désinfecter la zone avant et après l’épilation.
Pour finir, on ne soulignera jamais assez qu’il faut éviter de triturer un poil incarné ou infecté, car une cicatrice risque de se former. Et, dans le pire des cas, l’infection peut s’étendre. Si elle est importante, le follicule peut atteindre la taille d’un raisin. Il faut alors consulter un médecin, qui pourra vider l’abcès en douceur et, si nécessaire, prescrire des antibiotiques.
COMMENT BIEN SE RASER
1. Toujours raser dans le sens du poil, ne jamais étirer la peau. C’est en tendant la peau et en rasant dans le sens inverse des poils qu’on obtient le résultat le plus net et le plus doux, car on coupe alors les poils sous la surface de la peau. Mais malheureusement, c’est ainsi que les poils s’incarnent plus facilement, avec l’inflammation du follicule pileux que cela entraîne.
2. Toujours utiliser une lame de rasoir propre et tranchante, de préférence neuve. Vu leur prix, il est tentant d’utiliser les lames de rasoir à maintes reprises, mais c’est un mauvais calcul. Une lame aiguisée permet une coupe propre et le poil qui repousse sort plus facilement de la peau, sans se coincer. La lame neuve requiert moins de force, ce qui permet d’éviter l’irritation de la peau et les boutons rouges. Sur une lame usée, on trouvera de surcroît des bactéries, qui peuvent provoquer l’infection des follicules pileux.
3. Utiliser des rasoirs (bon marché) à une lame. Les rasoirs existent dans des versions de plus en plus sophistiquées, avec des lames de plus en plus nombreuses, et le prix qui augmente en conséquence. Les slogans promettent un “rasage de plus près”. Mais les lames multiples coupent le poil sous la surface de la peau et favorisent ainsi les complications. De plus, en raison du coût élevé de ces rasoirs, on ne change pas toujours les lames assez souvent, si bien qu’elles sont usées et couvertes de bactéries. Vous voilà bien avancée. Optez donc pour les rasoirs pour hommes, qui sont souvent moins onéreux.
4. Recourir abondamment à l’eau chaude. Le rasage à sec doit être évité à tout prix. Les poils secs sont rigides, donc plus difficiles à couper. En mettant plus de pression, on irrite davantage la peau, on récolte des boutons rouges et des inflammations. La douche chaude est un moyen efficace de ramollir le poil. La mousse fait le même effet si on la laisse agir pendant cinq minutes avant le rasage, mais telle que la plupart des gens l’utilisent (vite mise vite enlevée), elle est peu efficace.
5. Exfolier légèrement. En nettoyant la zone en légers mouvements circulaires avec un gant d’exfoliation ou un savon exfoliant granuleux, vous pouvez aider d’éventuels poils incarnés à se libérer de la peau. Allez-y doucement, sous peine d’accentuer l’irritation ou l’inflammation de la peau.
Il est facile d’oublier que les organes sexuels de la femme sont bien plus que la simple vulve et le vagin, et que, sous les couches de peau, de graisse et de muscles, se cache un ensemble de parties du corps molles, dont les organes sexuels internes.
Commençons notre expédition vers l’intérieur. Si vous glissez un doigt dans votre vagin, vous sentirez au bout de sept à dix centimètres un petit tronc conique moelleux de la même consistance et de la même forme que le bout d’un nez, juste un peu plus grand. C’est le col de l’utérus, ou cervix, l’entrée de l’utérus. Vu du vagin, le col de l’utérus a l’air d’une demi-sphère dégonflée. Au premier coup d’œil, il ne ressemble pas à une entrée ou une issue, mais en son centre se trouve un tout petit trou appelé orifice externe du col de l’utérus. C’est le début d’un couloir extrêmement étroit de deux à trois centimètres de long, qui nous mène à l’intérieur de l’utérus. C’est par là que s’écoule le liquide menstruel, ainsi que les sécrétions vaginales. C’est d’ailleurs ici que se forme l’essentiel des sécrétions vaginales.
On croit souvent que le passage du vagin à l’utérus est grand ouvert. On nous pose d’ailleurs régulièrement la question de savoir si le pénis peut toucher le bébé quand on fait l’amour pendant la grossesse. Ces histoires sur la place de l’utérus suscitent bien des interrogations. Si vous avez lu le roman Kafka sur le rivage de Haruki Murakami, vous avez sans doute ri en lisant le passage où une femme sent le sperme gicler sur les parois de son utérus33. C’est évidemment impossible. Le col de l’utérus n’est pas une écluse ouverte, au contraire. Et le vagin est de toute façon largement assez profond pour accueillir la plupart des pénis, puisqu’il est extensible en profondeur comme en largeur.
Il semble que la plupart des femmes ne prêtent pas attention à leur col utérin, et ça n’a rien d’étonnant. On ne le voit pas, on ne l’a pas forcément touché et on n’a pas nécessairement conscience de son emplacement. Mais le col de l’utérus mérite toute l’attention que nous pouvons lui apporter, car c’est de santé qu’il s’agit. C’est en effet l’endroit du corps susceptible d’être atteint par le cancer le plus mortel chez les jeunes femmes. Et c’est souvent à partir du col de l’utérus que les symptômes d’infections sexuellement transmissibles se développent.
Le col de l’utérus est important, mais il n’est qu’une partie d’un organe plus vaste : l’utérus. En temps normal, l’utérus n’est qu’un petit organe de la taille d’un poing serré, mais si vous êtes enceinte, il s’élargit considérablement. Après tout, c’est lui qui doit accueillir un (ou plusieurs) fœtus et grandir jusqu’au terme de la grossesse. Chez les femmes adultes avant la ménopause, l’utérus mesure en moyenne 7,5 centimètres de long et ne pèse pas plus de 70 grammes. On le compare souvent à une poire renversée, le col utérin étant la partie où est attachée la queue.
Chez la plupart des femmes, l’utérus est basculé en avant, vers le nombril, si bien qu’il se trouve dans un angle à 90 degrés par rapport au vagin. Raison supplémentaire pour que le pénis ne puisse jamais entrer dans l’utérus. Érigé, le pénis ne peut en effet pas se courber, ce n’est pas un serpent, il se casserait ! Chez 20 % des femmes, l’utérus est basculé en arrière, et il fonctionne aussi bien que les autres. C’est comme avec les yeux, on voit tout aussi bien qu’ils soient bleus ou marron.
L’utérus est creux, mais pas comme un tonneau, car il ne contient pas d’air. Comme celles du vagin, les parois antérieure et postérieure de l’utérus sont collées l’une contre l’autre. Entre elles, on trouve une mince couche de liquide.
L’utérus a des parois musculeuses très épaisses. Ces muscles sont indispensables, notamment pour expulser le liquide menstruel grumeleux du col de l’utérus par l’isthme, un couloir hyper-étroit. Les muscles utérins se contractent alors comme un torchon qu’on essore. Quand vous avez des règles douloureuses, vous ressentez des crampes dans le ventre ou dans le dos, mais en réalité ces douleurs proviennent de l’utérus qui est en train d’expulser du sang et de la glaire.
La paroi utérine est constituée de plusieurs couches, dont la couche interne, l’endomètre. Cette muqueuse est un élément central des règles et elle change beaucoup au cours du cycle menstruel. Tous les mois, elle s’étend et s’épaissit. Si vous ne tombez pas enceinte, elle est expulsée de l’utérus. Il peut être utile de mémoriser le mot “endomètre”, car il est lié à une maladie dont souffrent de nombreuses femmes, à savoir l’endométriose. Cette affection entraîne le développement de l’endomètre non seulement dans l’utérus, mais aussi ailleurs dans le corps. Elle est, entre autres choses, la cause de règles particulièrement douloureuses. Vous en apprendrez davantage sur l’endométriose plus loin.
On peut aussi se représenter l’utérus comme un triangle avec une pointe vers le bas et deux tubes fins sortant de chacun des deux angles supérieurs. Ces tubes, qu’on appelle tubes utérins, anciennement trompes utérines ou trompes de Fallope, serpentent chacun sur dix centimètres et leur rôle est de conduire l’ovocyte des ovaires à l’utérus. L’extrémité des tubes utérins est appelée infundibulum tubaire, ou pavillon, et elle est bordée de petites franges, ou fimbriae, qui s’étirent vers les ovaires pour capter l’ovocyte dès qu’il s’en libère. La fécondation entre le spermatozoïde et l’ovocyte se déroule dans le tube utérin, puis l’ovule fécondé, l’œuf, remonte vers l’utérus, où il se fixe sur l’endomètre pour grandir.
Les ovaires ressemblent à de petites poches ou des sachets. Nous en avons deux, un de chaque côté de l’utérus, et ils ont deux rôles. Le premier est le stockage et la maturation des cellules sexuelles ou gamètes de la femme (les ovocytes). Contrairement aux hommes, les femmes ne produisent pas de nouveaux gamètes au cours de leur vie. À la naissance, nous possédons déjà tous nos ovocytes : 300 000 environ34. Mais ceux-là ne sont pas encore mûrs. Ils sont en quelque sorte des versions rudimentaires d’ovocytes fécondables. Ces ovocytes de premier ordre, ou ovocytes I, sont déjà achevés au cinquième mois de vie fœtale. Jusqu’à la puberté, quand le cycle menstruel se lance, ces ovocytes I vont s’entraîner à leur futur travail. Ils commencent à mûrir en groupes, mais le cerveau ne leur envoyant pas de signaux d’ovulation, ils finissent simplement par mourir. En masse. Quand nous atteignons la puberté, cet entraînement nous a déjà fait perdre un tiers de nos ovocytes et nous nous retrouvons avec un groupe sélect qui n’en compte plus qu’environ 180 000. À 25 ans, il nous en reste 65 000 qui attendent patiemment leur tour. Cycle après cycle, ils vont mûrir et être libérés.
Maintenant, vous trouvez peut-être étrange que nous ayons autant d’ovocytes au début de la puberté. Pour le nombre de cycles que nous allons avoir au cours de notre vie, cela semble beaucoup trop ! La vérité, et nous étions les premières surprises, c’est que nous pouvons utiliser jusqu’à mille ovocytes par mois, pas juste un seul. Autrement dit, la différence avec le sperme de l’homme n’est pas aussi flagrante qu’on la présente souvent. Chez la femme aussi, les gamètes se livrent à un combat acharné pour engendrer un enfant. Des centaines d’ovocytes commencent à mûrir tous les mois, mais un seul ovocyte d’élite franchit le contrôle de sécurité et quitte l’ovaire. Brutalement rejetés, les autres vont à leur perte35.
On nous a souvent posé la question suivante : la contraception qui inhibe l’ovulation prolonge-t-elle la fertilité en préservant tant d’ovocytes d’une mort certaine ? Cela semblerait logique d’économiser ses ovocytes jusqu’au moment où l’on a l’intention de s’en servir pour faire un enfant. Malheureusement, ce n’est pas comme ça que ça marche. La contraception hormonale empêche seulement que l’unique ovocyte sélectionné soit libéré de l’ovaire et elle n’arrête pas la maturation des mille ovocytes I mensuels. Vous pouvez avoir recours à toute la contraception que vous voudrez, tous les mois vous perdrez autant d’ovocytes36.
Vers 45-55 ans, nous arrivons à l’âge de la ménopause, qui est une étape de la vie au cours de laquelle le corps féminin traverse autant de changements spectaculaires qu’à la puberté. La transformation principale est que nous cessons d’être fertiles. Plus aucun ovocyte disponible. L’âge de la ménopause et le nombre d’ovocytes varient d’une femme à l’autre et sont pour l’essentiel déterminés génétiquement. Chez les hommes, la production de spermatozoïdes, jusqu’à plusieurs millions par jour, continue jusqu’au jour où leur cœur cesse de battre. Leur fertilité n’est assortie d’aucune date de péremption même si la qualité du sperme se dégrade avec le temps. L’âge de l’homme joue donc aussi un rôle pour la fertilité d’un couple et peut augmenter le risque pour l’enfant de naître avec une maladie congénitale. Avec son amie mannequin nettement plus jeune, Mick Jagger a ainsi eu son huitième enfant à 73 ans. La vie est injuste.
Le deuxième rôle des ovaires est la production d’hormones dont les plus importantes et les plus connues sont les estrogènes et la progestérone. Pendant les différentes phases de notre vie, elles modifient le corps et gèrent le cycle menstruel en collaboration avec d’autres hormones produites dans le cerveau et ailleurs. Nous y reviendrons plus tard.
Pour beaucoup, le mot sexe recèle une opposition : femelle-mâle, fille-garçon. Quand on vous pose la question : “Qu’est-ce qu’un homme ?” ou : “Qu’est-ce qu’une femme ?”, vous pensez peut-être que la réponse est facile, car un homme est une personne au corps masculin et une femme une personne au corps féminin. Les Joies d’en bas, par exemple, est un livre sur les personnes qui ont un vagin et d’autres organes sexuels féminins, ce qui implique donc que ce livre parle des femmes.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que vous pensiez en ces termes, mais en réalité l’affaire n’est pas si simple. Nos organes sexuels, ou notre morphologie, ne sont pas seuls à déterminer si nous sommes des femmes ou des hommes. Et la différence physique est bien moindre qu’on l’imagine.
Dans ce chapitre, nous allons nous concentrer sur trois types de facteurs qui contribuent à déterminer notre sexe : les facteurs chromosomiques, nous parlerons ici de sexe génétique ou chromosomique, les facteurs anatomiques ou sexe anatomique et les facteurs psychologiques ou sexe psychologique. Nous ne prétendons pas que ce sont les seuls facteurs qui constituent le “sexe”. Des facteurs sociaux et culturels jouent aussi un rôle, mais ici, dans ce livre médical, nous avons décidé de nous concentrer sur les facteurs génétiques, physiques et psychologiques.
Avez-vous déjà vu un brin d’ADN ? Si vous zoomez avec un microscope géant, il ressemble à une échelle tordue en spirale. Les degrés de l’échelle d’ADN ne sont pas comme les marches de l’escabeau que vous prenez pour changer une ampoule. Par rapport à sa largeur, au-delà du microscopique, l’échelle d’ADN est extrêmement longue et dotée d’échelons spéciaux.
Les degrés de l’échelle d’ADN sont faits de substances qu’on pourrait comparer à des lettres d’alphabet. Sur chaque échelon se trouvent deux lettres qu’on peut lire comme des codes ou des mini-recettes. Chaque recette correspond au code d’une protéine différente, qui a une fonction spécifique dans notre corps. Les codes de plusieurs protéines sont appelés gène. Nos gènes déterminent entre autres si nous avons les yeux bleus ou marron, deux ou trois jambes, des ailes et une queue ou un grand cerveau. Ensemble, tous les codes forment une recette d’absolument tout ce dont nous avons besoin pour être nous, et rien que nous. Cette recette, c’est notre génome, qui contient donc l’intégralité de notre recette ou formule génétique.
Par ailleurs, chaque cellule du corps d’une personne contient une recette complète, ce qui signifie que dans chaque cellule il y a environ trois mètres de brins d’ADN. C’est ce que cherche la police pour confondre un criminel à partir d’un peu de sang, de sperme, d’ongle ou de cellules de la peau. Prenez une cellule de quelqu’un choisi complètement au hasard, par exemple Erna Solberg, et cette cellule contiendra en théorie toutes les informations dont vous avez besoin pour construire une nouvelle version de la Première ministre norvégienne, c’est-à-dire un clone. Mais comment cet ensemble de recettes long de trois mètres peut-il se caser dans quelque chose d’aussi petit qu’une cellule ? Eh bien, les longs brins d’ADN sont roulés en pelotes serrées, exactement comme de la laine. Dans chaque cellule, nous avons 46 de ces pelotes, qui ensemble constituent le génome, c’est-à-dire notre recette – de la première à la dernière ligne. Ces pelotes s’appellent “chromosomes”.
Les chromosomes vont par deux. Nous avons donc 46 chromosomes en 23 paires, et dans chaque paire il y a une pelote de maman et une pelote de papa.
Une paire en particulier définit le sexe, c’est la vingt-troisième, celle des chromosomes sexuels. Ce sont ces deux pelotes qui décident si, d’un point de vue génétique, nous sommes des femmes ou des hommes. Il existe deux types de chromosomes sexuels : le X et le Y. Les femmes ont deux chromosomes du même type, codés XX, alors que les hommes ont une variante de X et une variante de Y, codées XY.
Comme on l’a vu, nous sommes d’abord une cellule ou gamète de maman (l’ovocyte) et une cellule ou gamète de papa (spermatozoïde). L’ovocyte et le spermatozoïde contiennent un demi-jeu de chromosomes chacun, à savoir 23 pelotes, ou la moitié de notre recette. Quand on fait un enfant, on réunit la moitié de la recette de maman avec la moitié de celle de papa, si bien que l’enfant obtient sa recette complète, avec sa propre formule de fille ou de garçon, une formule unique au monde.
Les personnes génétiquement femmes n’ont jamais de chromosome Y, mais seulement deux chromosomes X. Leur ovocyte contiendra donc toujours une version X du chromosome sexuel. C’est la contribution de la mère à la vingt-troisième paire de chromosomes du fœtus. La mère ne peut jamais donner un Y. En revanche, les gamètes du père, les spermatozoïdes, peuvent contenir soit un X soit un Y. Environ la moitié des spermatozoïdes contiennent un X, tandis que les autres contiennent un Y. Si un spermatozoïde contenant un Y fusionne avec l’ovocyte, le fœtus sera un garçon parce que le code sera XY. Si c’est un spermatozoïde contenant un X qui fusionne avec l’ovocyte, le fœtus sera une fille, avec le code XX.
C’est donc l’homme qui “détermine” si l’enfant va être un garçon ou une fille. Historiquement, une grande pression a été exercée sur les femmes pour qu’elles “donnent des fils aux hommes”. Qui n’a pas entendu parler de ces rois frustrés qui attendaient de la reine qu’elle mette au monde un vrai héritier du trône : un garçon, évidemment.
Aujourd’hui, nous avons évolué. Nous savons que c’est un pur hasard si l’enfant est un garçon ou une fille. Il y a chaque fois une chance sur deux pour que ce soit l’un ou l’autre. On dit une chance sur deux bien qu’en réalité, si on laisse la nature suivre son cours et pour une raison que l’on ignore, il naisse légèrement plus de garçons que de filles. Quoi qu’il en soit, l’ovocyte de la femme n’exerce aucune influence sur le sexe de l’enfant.
En conclusion : si la vingt-troisième paire de chromosomes contient deux chromosomes X, la recette contiendra les ingrédients pour faire une fille. Si la vingt-troisième paire contient un chromosome de chaque type, un X et un Y, tout sera réuni pour faire un garçon.
Avec cette image de recette, on peut avoir l’impression qu’on naît soit fille, soit garçon, mais comme vous allez bientôt le voir, c’est loin d’être le cas. En fait, les organes sexuels de l’homme et de la femme sont étonnamment similaires, et au cours de la formation de l’organe sexuel bien des entre-deux peuvent survenir. Nous avons tendance à nous focaliser sur les différences, mais en fait nous avons plus qu’un simple “trou ou bâton” entre les jambes.
Parfois, certaines choses dérapent, soit au niveau des chromosomes, soit au niveau des gènes individuels de l’ADN. Ainsi des erreurs se glissent dans la recette. Prendre un kilo de poivre au lieu d’un kilo de sucre, ça peut toujours avoir bon goût, mais le résultat est clairement différent de ce à quoi vous vous attendiez.
Il est d’ailleurs possible de naître avec trop ou pas assez de chromosomes sexuels, mais de quel sexe est-on alors ? De quel sexe sont X, XXX ou XXY ? C’est une bonne question. Comme vous l’avez sûrement compris, il n’existe pas de YY, car deux spermatozoïdes ne peuvent pas faire d’enfant ensemble.
Pour aller au fond de cette histoire, il nous faut parler un peu du développement de nos organes sexuels et il convient ici d’introduire le deuxième aspect du sexe : le sexe anatomique.
Si rien ne tourne mal au moment où l’ovocyte et le spermatozoïde fusionnent, nous sommes faits d’après la recette XX ou XY, et devenons donc une femme ou un homme. Pourtant, au début, les fœtus masculins et féminins ne sont pas si différents. À l’origine, les embryons sont parfaitement identiques, quelle que soit la combinaison chromosomique. Un embryon commence toujours avec un bas-ventre sexuellement neutre, et les organes sexuels internes de l’embryon peuvent aussi bien devenir testicules qu’ovaires.
Par souci de simplicité, nous allons ici nous concentrer essentiellement sur les organes sexuels externes. Voici à quoi ils ressemblent au tout début.
Au sommet du bas-ventre, vous trouvez le tubercule génital. On dirait un peu un mini-pénis, non ? Ou peut-être aussi un clitoris ? Le tubercule génital peut en effet devenir l’un ou l’autre.
Pour que le bas-ventre neutre du fœtus se développe en organes sexuels mâles, il faut que tout se passe comme prévu au cours de quelques jours critiques en tout début de grossesse. L’embryon doit en effet être soumis au bon moment à l’influence d’hormones sexuelles mâles, ou androgènes. L’hormone la plus importante dans ce processus est la testostérone qui est produite seulement si l’embryon a un chromosome Y. Si l’embryon avec un chromosome Y n’est pas exposé à l’effet de la testostérone, le plus souvent en raison d’une erreur dans un ou plusieurs gènes de l’embryon en question, le bas-ventre se transforme systématiquement en vulve. On se retrouve alors avec un garçon “génétique” ayant un organe sexuel de fille.
Autrement dit, la vulve est une chose dont, sauf indication contraire, tous les embryons sont pourvus. Les hommes en tirent parfois la conclusion qu’ils ont “quelque chose de plus”, par rapport aux femmes, considérées comme plus “basiques”. Un peu comme un simple tee-shirt blanc en comparaison d’un haut habillé. Mais l’interprétation reste libre. On pourrait aussi juger que la femme est le premier sexe, le sexe fondamental, et que les hommes n’en sont qu’une variante, le deuxième sexe, en quelque sorte. Aïe, attendez, n’est-ce pas aux femmes qu’on a collé cette étiquette ?
Le petit bouton (tubercule génital) au sommet du bas-ventre qu’on aperçoit sur l’illustration de l’embryon de six semaines peut donc devenir soit un pénis soit un clitoris.
Si vous en savez un peu sur le pénis, et que vous avez lu le chapitre sur le clitoris, vous aurez compris que ces deux-là ont beaucoup de points communs.
Il importe particulièrement d’insister là-dessus auprès des femmes inquiétées par la taille du gland de leur clitoris. On nous met dans la tête l’idée d’un joli petit bouton, mais les parties externes du clitoris peuvent être bien plus imposantes. Cela ne signifie pas pour autant que vous êtes plus masculine ! Les clitoris sont de tailles diverses, comme les pénis, qui peuvent mesurer entre 7 et 20 centimètres. Un pénis court ne fait pas de l’homme une femme.
Mais revenons à notre fœtus. L’urètre de l’homme se développe à l’intérieur du pénis, alors que l’urètre de la femme reste une entité séparée. De part et d’autre du clito-pénis se forment des plis qui deviennent soit le scrotum de l’homme soit les grandes lèvres de la femme. Pour devenir scrotum, les plis doivent fusionner au milieu. Pour devenir lèvres génitales, ils n’ont pas besoin de fusionner, mais se contentent de grandir un peu.
Jetez un bon coup d’œil entre les jambes du prochain homme que vous verrez nu et vous constaterez alors que les bourses sont divisées en deux par une belle ligne mince, on dirait une couture. Et, tiens donc, c’en est une, de couture ! Il s’agit de l’endroit où les lèvres génitales ont fusionné pour former les bourses ! Sachant que le pénis n’est qu’un clitoris enflé avec urètre intégré, imaginez à présent que vous le rétrécissez, que vous décalez l’urètre un peu vers le bas et que vous divisez les bourses en deux : vous obtenez une espèce de vulve.
Ouah ! C’est plutôt cool, mais n’allez pas pour autant découper en morceaux votre amoureux ou autre car les hommes ont tous besoin de bourses pour stocker leurs testicules. Mais c’est à peu près ainsi que procèdent les chirurgiens lors des opérations de réattribution sexuelle d’un corps d’homme vers un corps de femme, chose dont nous parlerons un peu plus loin.
Mais revenons d’abord à la question de l’erreur chromosomique. Tous ceux qui n’ont pas de chromosome Y deviennent physiquement des femmes, alors que les porteurs d’un chromosome Y qui subissent l’influence de la testostérone deviennent physiquement des hommes. À moins qu’ils ne se fassent tous exterminer comme dans la fameuse bande dessinée Y : le dernier homme (2002). Mais non, mais non…
Théoriquement, si un fœtus donné a le code X ou XXX, sa recette indique “femme”. S’il a le code Y ou XXY, la recette penchera vers un développement masculin. Mais comme pour tous les livres de cuisine, le résultat n’est pas toujours tel que décrit par la recette. On peut devenir une femme, d’un point de vue anatomique, même si on est génétiquement un homme, et inversement !
Répondant mal à la testostérone, certains fœtus génétiquement masculins peuvent donc développer des attributs féminins, avec une vulve entre les jambes à la place du pénis. Cela peut se présenter à divers degrés. Certaines personnes peuvent naître sans utérus et avec des testicules dans l’aine au lieu d’ovaires dans le ventre, même si elles ont une vulve. Il est aussi possible de se retrouver avec des organes sexuels externes hésitant entre le complexe pénis-bourses (les organes sexuels de l’homme) et la vulve.
Tous les ans, à la naissance de certains enfants, des sages-femmes doivent se creuser la tête quand les parents leur demandent si c’est une fille ou un garçon. On parle alors d’intersexuation, de personne intersexeII, ce qui signifie tout simplement que l’enfant est “entre deux sexes”.
On parle également d’intersexuation quand le sexe génétique ne correspond pas aux organes sexuels externes. Ce terme englobe donc plusieurs réalités. À la naissance d’un bébé, ses organes génitaux peuvent ne pas correspondre à son sexe, ses organes génitaux externes et internes peuvent appartenir à des sexes différents ou encore aux deux sexes à la fois. En Norvège, le Rikshospital d’Oslo et l’hôpital de Haukeland à Bergen sont chargés de l’examen et du traitement de ces enfants.
De nombreux enfants intersexes sont opérés, et le moment est venu de révéler un triste épisode de l’histoire. Par le passé, les enfants nés avec des organes sexuels “indéterminés” étaient systématiquement opérés en filles. Tout d’abord, on estimait que c’était bien ainsi, parce qu’on considérait que l’éducation conditionnait l’identité sexuelle. Il suffisait de donner des poupées et des habits roses à l’enfant et l’affaire était dans le sac. L’inné et l’acquis et tout le tralala.
De plus, les chirurgiens trouvaient plus facile d’obtenir de bons résultats en formant une vulve plutôt qu’un pénis et des bourses. Les chirurgiens, eux-mêmes des hommes bien sûr, considéraient qu’il était difficile de vivre avec un petit pénis ne fonctionnant qu’à moitié. Alors qu’une vulve ne fonctionnant qu’à moitié ne poserait aucun problème aux femmes. Ils partaient là du principe que la vie sexuelle, c’était plus important pour les hommes… Résultat : on a transformé beaucoup de garçons génétiques et psychologiques en filles physiques. De nombreuses vies ont ainsi été détruites.
En 1999, le Rikshospital a changé de pratique. Les médecins n’opèrent plus dès la naissance, mais se livrent désormais à des examens plus approfondis pour déterminer le sexe, si bien que l’enfant aura de grandes chances d’avoir après l’opération un corps correspondant à son sexe. Les résultats sont là. Le professeur Trond Diseth du Rikshospital affirme qu’à sa connaissance, depuis le changement de protocole, aucun enfant opéré ne s’est retrouvé avec le mauvais sexe37.
Ces pratiques font l’objet de débats. De nombreuses personnes pensent qu’on ne devrait pas du tout opérer ces enfants mais les laisser décider à leur majorité de ce qu’ils veulent faire. Devoir appartenir à la catégorie garçon ou fille ne leur paraît déjà pas pertinent. Pourquoi ne serait-il pas acceptable d’être quelque chose d’intermédiaire ? Pourquoi ne pas donner à certains enfants un pronom neutre, par exemple “iel”, et les laisser découvrir leur propre identité sexuelle avec le temps ? Cette question nous amène au troisième aspect du sexe, à savoir le sexe psychologique.
Le sexe psychologique est plus difficile à expliquer par la biologie, car il concerne l’identité : qui nous sommes à nos propres yeux et ce que nous pensons de nous-mêmes. C’est personnel, et vous seul pouvez le savoir.
Nous négligeons souvent des questions importantes parce que nous nous focalisons trop sur ce qui est “habituel”, “normal”. Chez la plupart des gens, les trois aspects correspondent à un seul sexe. Nous nous sentons femmes, nous avons l’air de femmes entre les jambes et nos gènes confirment que nous sommes des femmes. Mais ce n’est pas parce que la plupart des gens ont un certain ressenti que c’est le cas de tous. Voilà une leçon dont l’humanité devrait sans cesse se rappeler.
Quand votre fils vous dit qu’il est une fille, qu’il souhaite uniquement porter des robes et qu’il préfère la collection de Barbie de sa grande sœur à son train miniature, on est tenté de se dire que ce n’est qu’une phase, bien que ça ne le soit pas forcément. Une fille n’est pas obligatoirement “féminine“et ne préfère pas toujours les poupées au foot. Le sexe psychologique n’est pas la même chose que la personnalité et il ne cadre pas forcément avec les rôles de genre traditionnels. Quoi qu’il en soit, il est parfaitement possible d’avoir un autre sexe psychologique que celui qu’on a d’un point de vue anatomique et génétique. À propos des gens qui ont un autre sexe que ce qu’indiquent leur corps et leurs gènes, on emploie souvent les notions de “né dans le mauvais corps” ou de trans.
Alors qu’est-ce qu’un trans ? Trans vient du latin et signifie “de l’autre côté” ou “par-delà”. On nomme transsexuel quelqu’un qui s’identifie à un sexe autre que celui auquel il ou elle appartient physiquement. On peut aussi se faire appeler trans si on ne s’identifie avec aucun sexe déterminé, tout le monde n’a pas forcément besoin d’une telle étiquette. Dans certains pays on ajoute au mot trans un astérisque, trans*. On le fait pour montrer que le concept de trans est vaste et recouvre de nombreuses réalités. Il peut être judicieux de demander à une personne trans comment elle préfère qu’on parle d’elle : il, elle ou “iel” ? Ou autre chose ? En cas de doute, n’hésitez pas à poser la question.
Ceux qui ne sont pas trans sont appelés cis. Cis vient aussi du latin et signifie “du même côté”, donc le contraire de “traverser”. Cela veut dire que quelqu’un habite le sexe avec lequel il est né.
Une femme trans est une personne née avec un corps d’homme, mais qui est pourtant une femme, et souhaite parfois modifier son corps afin que son sexe physique corresponde à son sexe psychologique. Un homme trans est une personne née avec un corps de femme, mais qui s’identifie comme homme.
De nombreuses personnes trans savent dès l’enfance qu’elles appartiennent au sexe que leur corps n’a pas. Tout comme d’autres situations inconnues, celle-ci peut paraître effrayante aux parents. C’est pourquoi il est important de lever le voile sur les trans et de parler d’eux. En Norvège, si l’on suspecte que son enfant est “né dans le mauvais corps”, on peut l’emmener consulter au Rikshospital ou à l’hôpital de Haukeland. Si nécessaire, l’enfant pourra peu à peu procéder à une réattribution sexuelle à l’aide de traitements hormonaux et d’opérations.
Par bonheur, la plupart des gens sont désormais familiarisés avec les trans, souvent grâce à la culture populaire. L’actrice Laverne Cox d’Orange is the New Black (2013) et la célèbre Caitlyn Jenner de l’émission de téléréalité L’Incroyable Famille Kardashian sont parmi les personnes qui, ces dernières années, ont contribué à faire connaître les trans. En Norvège, la diffusion en 2010 de la série documentaire Født i feil kropp (Né dans le mauvais corps) a été très remarquée. De plus, plusieurs personnes trans participent activement au débat public. Le vétéran de la cause, Esben Esther Pirelli Benestad, qui a un rapport souple à la notion de sexe et préfère le pronom “iel”, mais aussi Luca Dalen Espseth, un homme trans apparu récemment dans la sphère publique, font partie de ceux qui montrent aux enfants et aux jeunes trans de Norvège qu’ils ne sont pas seuls.
Il existe (au moins) trois facteurs déterminant le sexe auquel nous appartenons, et nous avons employé les termes sexe génétique, sexe anatomique et sexe psychologique. Le sexe n’est pas nécessairement ou l’un ou l’autre. Des erreurs chromosomiques peuvent empêcher la combinaison chromosomique typique XX ou XY. Des erreurs génétiques peuvent nous faire échouer quelque part entre femme et homme dans le développement physique de nos organes sexuels. Il est aussi possible d’avoir un sexe psychologique différent du sexe génital ou génétique avec lequel on est né. Autrement dit, le sexe d’une personne n’est pas aussi simple qu’il peut paraître. Nous espérons que ce récapitulatif aura éveillé votre curiosité et ouvert votre esprit à cette mosaïque de possibilités que peut être le sexe.
I L’anatomiste Kobelt a décrit la construction interne du clitoris dans les années 1840, en concluant que les organes sexuels féminin et masculin étaient constitués à partir des mêmes éléments.
II Les opinions sur l’intersexuation sont nombreuses. Le terme peut s’employer pour désigner un ensemble d’états médicaux ou une identité. Nous trouvons que la notion d’intersexe convient bien pour décrire les variantes physiques entre le développement mâle et femelle, mais nous savons que quand elles parlent d’elles-mêmes, les personnes concernées peuvent avoir différentes préférences quant aux termes qu’elles emploient.