Notre appareil génital est comme toutes les parties de notre corps. Tant qu’il fonctionne comme il faut, nous n’y pensons pas trop. Mais dès que quelque chose se met à clocher, l’affaire peut devenir obsédante. Toute femme qui a déjà eu, par exemple, une infection aux champignons, ou qui souffre de règles douloureuses, vous le confirmera : ces jours-là, on se passerait bien d’être une femme. Que ne ferions-nous pas pour échanger nos crampes mensuelles de l’utérus contre le risque tout relatif de recevoir un coup de pied dans les bijoux de famille ?
Dans ce chapitre, nous allons aborder tout ce qui peut causer des problèmes gynécologiques. Nous sommes prêtes à parier que la grande majorité des femmes connaissent quelques-unes de ces affections au cours de leur vie. D’autres maladies, comme le cancer du col de l’utérus, sont heureusement très rares.
En travaillant sur ces pages, nous nous sommes parfois demandé si nous n’allions pas générer plus d’inquiétude que nécessaire. Parler de maladies dangereuses rares, dont les symptômes sont souvent peu signifiants, ne risquait-il pas de causer de nouveaux soucis inutiles aux femmes ?
Nous espérons que ce ne sera pas le cas. Il ne faut pas oublier que le corps émet constamment de petits signaux de bien- ou de mal-être. Après tout, il faut se sentir en vie, nous ne sommes pas des machines ! Certaines d’entre nous sont plus attentives que d’autres à ces signaux et trop d’attention peut parfois nous transformer en malades imaginaires. Nous pensons que le meilleur traitement contre ces angoisses de santé passe par l’information et le savoir. Avoir plus de connaissances peut rassurer, tandis que googliser à outrance des symptômes vagues peut renforcer l’anxiété. Tout l’art est de faire la distinction entre des phénomènes normaux, que nous connaissons toutes de temps à autre, et ce qui peut être le signe de quelque chose de plus grave.
En recevant les messages sur notre blog Underlivet, nous avons découvert d’importantes lacunes concernant des maladies gynécologiques tout à fait ordinaires. Or, quand on souffre d’une maladie dont personne n’a jamais entendu parler dans notre entourage, on se sent vite seule et abandonnée. Où trouver de l’aide ? Nous-mêmes, nous n’avions jamais entendu parler de l’endométriose avant de commencer nos études de médecine. Pourtant, 10 % des femmes souffrent de cette maladie et la vie d’un certain nombre d’entre elles en est régulièrement affectée. Ce n’est pas normal. Imaginez qu’un homme sur dix s’absente de son travail une semaine par mois en raison de douleurs terribles dans les testicules. Ce serait immédiatement déclaré “cause nationale” et ferait partie du programme scolaire.
Autrement dit, il est temps de parler haut et fort de nos problèmes à nous. C’est ainsi seulement que les femmes pourront trouver l’aide dont elles ont besoin. Sans compter qu’être plus loquaces sur ce dont nous souffrons pourrait favoriser un meilleur financement de la recherche sur les maladies gynécologiques, et permettre de trouver de bons traitements pour l’avenir. Tous les espoirs sont permis.
Commençons par l’un des problèmes les plus répandus : les troubles hémorragiques.
Les règles occupent une place significative dans la vie de la plupart des femmes. À certaines exceptions près, notre cycle menstruel se perpétue de la puberté jusqu’à ce que nous ayons entre 45 et 52 ans (en moyenne), mois après mois.
Il est normal de s’inquiéter et d’être déconcertée quand quelque chose ne tourne pas rond avec ses règles et quand son cycle diffère de ce qu’on pense être la norme. “Mince alors”, vous dites-vous ! Eh bien, vous n’êtes pas la seule. En constatant que nos saignements et la glaire de notre utérus changent, on a vite fait de penser qu’on a un problème au centre même de notre féminité. Panique à bord ! Nos pensées tournent en boucle. Est-ce que quelque chose ne va pas chez moi ? Pourrai-je avoir les enfants que je prévoyais de faire dans dix ans ? Est-ce un cancer ? Une autre maladie ? Sans blague, au secours !
Les troubles des saignements peuvent revêtir de nombreuses formes. Il peut s’agir de douleurs, d’irrégularité, de problèmes de volume ou tout simplement de disparition des règles. Parlons des troubles hémorragiques les plus courants.
Les règles qui disparaissent sans laisser de trace sont un phénomène très courant (et éminemment inquiétant). Parfois aussi, elles disparaissent mais elles laissent des traces. La femme continue alors à avoir de rares saignements légers même si les règles habituelles se sont volatilisées.
Quand les règles disparaissent pendant plus de trois mois chez des femmes qui avaient un cycle régulier auparavant, nous parlons d’aménorrhée198. Un cycle régulier, c’est un cycle qui a toujours la même durée, si bien qu’il est possible de prédire la date de ses règles à l’aide d’un calendrier de menstruation. Le mot aménorrhée vient du grec et signifie “sans écoulement mensuel”. C’est là précisément ce dont il s’agit.
L’aménorrhée est courante. Pas moins de 8 % des femmes entre 16 et 24 ans la vivent chaque année. Les causes sont diverses199. Le premier réflexe à avoir, c’est de penser qu’on est enceinte. “J’ai pourtant utilisé un préservatif”, vous dites-vous au troisième jour de retard. Vous n’êtes pas prête pour avoir un enfant maintenant et la panique s’empare de vous.
Un test de grossesse au bon moment pourra exclure la possibilité que vous soyez enceinte. S’il y a la moindre chance que vous le soyez, il est extrêmement important de vérifier si c’est le cas. Y a-t-il eu échec de contraception ? Des oublis de pilule ? Avez-vous compté sur la méthode du retrait ou des périodes sûres ? Si oui, achetez un test de grossesse : il est fiable à partir de trois semaines après un échec de contraception ou un rapport sexuel non protégé. En revanche, si vous n’avez pas fait l’amour ou que vous êtes sous contraception sûre, sans possibilité de mauvaise utilisation (un implant contraceptif ou un dispositif intra-utérin hormonal, par exemple), alors il s’agit d’autre chose. Faites quand même un test si vous êtes dans le doute, mais sachez que l’absence de règles peut avoir d’autres causes.
Voyager perturbe parfois la régularité des règles. C’est une cause rare et plutôt insolite. Mais les vols long-courriers par exemple (surtout ceux qui traversent plusieurs fuseaux horaires) peuvent bouleverser le cycle menstruel, si bien que le saignement n’intervient plus au bon moment, comme s’il souffrait de décalage horaire, lui aussi. Nous ne connaissons pas les raisons de ce phénomène.
Le changement de poids et le sport intensif, en revanche, sont des causes d’aménorrhée nettement plus répandues. Il est difficile de donner des indications chiffrées concernant ces deux facteurs qui induisent l’aménorrhée.
Les sportives professionnelles sont souvent en aménorrhée. Mais pas besoin d’être une athlète de haut niveau pour voir ses règles disparaître en raison du sport.
La disparition des règles est l’un des critères pour diagnostiquer l’anorexie mentale. Mais une perte de poids peut entraîner la disparition de vos règles sans que vous soyez anorexique.
Les maladies, telles que le syndrome des ovaires polykystiques et les maladies métaboliques, sont aussi des causes fréquentes d’aménorrhée. Le stress psychologique en est une autre. L’état psychologique agit sur les règles. Vous avez peut-être trop de travail à ce moment-là, ou vous avez subi des traumatismes comme la guerre, des accidents ou des décès dans votre famille.
Pour simplifier, les règles sont un signe de vitalité. Si vous tombez enceinte, votre corps doit être suffisamment fort pour le supporter. La grossesse est une épreuve et si, pour une raison ou pour une autre, vous perdez l’énergie dont vous avez besoin pour porter un enfant, il est fréquent que les règles disparaissent afin de vous protéger d’une grossesse pour laquelle vous n’êtes pas prête. Tout est lié. Le corps, la psyché et les règles ne font pas exception. Si vos règles disparaissent et que vous ne comprenez pas pourquoi, un petit tour chez le médecin est franchement recommandé. Plusieurs maladies peuvent en être la cause, tels que le syndrome des ovaires polykystiques et l’hypothyroïdie.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier l’action des contraceptifs sur les règles. Les contraceptifs progestatifs, comme le dispositif intra-utérin hormonal, le contraceptif injectable, la pilule progestative et l’implant contraceptif entraînent souvent une absence de menstruation sur la durée. C’est tout à fait normal et cela ne signifie pas que quelque chose cloche. Les saignements que vous avez sous contraception ne sont pas des saignements ordinaires. Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, ce sont des hémorragies de privation : rien à voir avec le signe de vitalité dont nous venons de parler. Si vos règles disparaissent à cause de votre contraception hormonale, il ne s’agit pas d’aménorrhée.
Pour finir, sachez que pendant les deux ou trois années suivant vos premières règles l’irrégularité des menstruations est tout à fait normale. Vos règles peuvent donc disparaître pendant une certaine durée. Il faut quelque temps pour que l’équilibre hormonal se fasse et que l’ovulation devienne mensuelle. Petit à petit ça viendra !
Plus de la moitié des femmes ont de violentes douleurs menstruelles, qui ressemblent à des crampes dans la région du bas-ventre. On parle de dysménorrhée primaire, sauf si d’autres facteurs tels qu’une maladie provoquant des règles douloureuses sont à l’origine de ces souffrances. Certaines femmes ont mal aux lombaires, aux cuisses ou au vagin. Les douleurs les plus intenses se manifestent pendant les premiers jours des règles. D’autres désagréments viennent s’y ajouter : nausées, vomissements ou diarrhée. Jusqu’à une femme sur six connaît des douleurs si vives qu’elle doit s’absenter de son travail ou de l’école pendant quelques jours tous les mois200.
Les douleurs menstruelles sont dues à des contractions de l’utérus. À la fin de chaque cycle, ce petit tas de muscles creux se contracte pour expulser l’endomètre (la muqueuse de l’utérus), qui s’évacue alors sous forme de saignements.
L’utérus est fort, peut-être même un peu trop pour cette tâche-là. Il pousse au point de ne plus pouvoir respirer, et ça fait mal ! Bien entendu, l’utérus ne respire pas vraiment. Il n’y a que les poumons qui respirent, mais toutes les cellules du corps ont besoin d’oxygène. Sans oxygène, elles étouffent. L’oxygène est acheminé dans le sang. Alors d’où vient la douleur ? Eh bien, dans son enthousiasme, après s’être débarrassé de l’endomètre, l’utérus comprime les vaisseaux qui assurent sa propre irrigation sanguine. C’est donc le manque d’oxygène qui est douloureux, et non les crampes en elles-mêmes.
Ça ne vous rappelle rien ? Si vous travaillez dans le secteur de la santé, ou si votre grand-père souffre d’angine de poitrine, ça devrait vous sembler familier. Les douleurs dues au manque d’oxygène, c’est exactement ce qui arrive à ceux qui ont des artères coronaires bouchées. Les personnes souffrant d’angine de poitrine peuvent ressentir des douleurs à la poitrine pendant une activité physique. Quand votre grand-père monte un escalier, son cœur a besoin de plus d’oxygène, mais ses artères étroites n’arrivent pas à acheminer le sang oxygéné suffisamment vite. Il a des douleurs cardiaques dues au manque d’oxygène. Du côté de l’utérus, c’est exactement la même chose.
Lors d’un infarctus du myocarde, on peut aussi avoir des douleurs thoraciques. Il y a alors si peu d’oxygène qu’une partie du cœur étouffe et meurt. Rassurez-vous, les douleurs menstruelles ne sont pas la même chose qu’un infarctus : on ne perd pas une partie de son utérus à cause des crampes. Mais, oui, il est un peu étrange de penser que dans un cas comme dans l’autre, c’est le manque d’oxygène qui cause les douleurs. S’ils se ressemblent, les deux phénomènes ne sont pas identiques.
Quelle est donc la raison pour laquelle certaines femmes ont si mal quand elles ont leurs règles alors que d’autres trouvent que c’est de la petite bière ?
On pense que la réponse se trouve du côté de l’activité enzymatique. Les enzymes sont de petites protéines faisant en sorte que tous les processus chimiques du corps suivent bien leur cours. Un groupe d’enzymes appelées cyclo-oxygénases (COX) participent à la fabrication des prostaglandines. Ce sont ces substances que l’on administre aux femmes enceintes pour déclencher un accouchement. Elles entraînent des contractions de l’utérus, qui, à leur tour, causent le manque d’oxygène que nous évoquions.
Certains spécialistes pensent que les femmes souffrant de règles particulièrement douloureuses ont des enzymes COX très actives201 et, par conséquent, plus de prostaglandines que les autres. Ce qui génère des contractions plus fortes de l’utérus. Résultat : l’utérus a du mal à se détendre entre les contractions. Les prostaglandines rendent également les nerfs du bas-ventre hypersensibles à la douleur.
S’il vous est arrivé de penser que vous aviez un seuil de tolérance à la douleur particulièrement bas ou si votre entourage reste dubitatif quand vous décrivez vos douleurs, permettez-nous de vous proposer ici quelques chiffres. Ils devraient faire taire la plupart des sceptiques. Chez les femmes souffrant de dysménorrhées, on a constaté que la pression des contractions utérines pouvait être équivalente à 150-180 mmHg202. Cela ne vous parle peut-être pas, mais en comparaison, la pression dans la phase de poussée d’un accouchement est d’environ 120 mmHg. Lors d’un accouchement, on a trois ou quatre séries de contractions utérines toutes les dix minutes. Quand elles ont leurs règles, les femmes souffrant de dysménorrhées peuvent en avoir quatre ou cinq. Autrement dit, la pression lors d’importantes douleurs menstruelles est au moins aussi importante que pendant la phase de poussée d’un accouchement et les séquences douloureuses sont un peu plus rapprochées. On comprend alors pourquoi les règles font si mal. Heureusement, ces affreuses souffrances tendent en général à s’atténuer au fil des ans.
Pour arriver à vivre avec ces douleurs, il est important de savoir bien se servir des médicaments antidouleur. L’ibuprofène, par exemple, agit par inhibition directe des enzymes COX et fait en sorte que la production de prostaglandines diminue. C’est pourquoi c’est la substance médicamenteuse la plus efficace contre les règles douloureuses ! Si vous avez de fortes douleurs menstruelles, il vaut mieux commencer à prendre de l’ibuprofène un jour avant vos règles. Sinon, prenez-en dès que vous percevez le moindre signe de douleur. Ensuite, vous en prenez toutes les six à huit heures pendant les premiers jours des règles. On attend trop souvent d’avoir très mal pour prendre des antalgiques et, malheureusement, ils ont alors nettement moins d’effet, car la prostaglandine est déjà produite203. Par ailleurs, la plupart des contraceptifs hormonaux atténuent les douleurs des règles.
Pour finir, il faut préciser que les douleurs peuvent avoir, chez certaines femmes, d’autres causes cachées. En particulier, quand il s’agit de douleurs étranges qui durent. Vous vous dites : “Je n’avais pas mal avant.” Il peut alors s’agir de nœuds musculaires dans l’utérus, dits myomes ou fibromes, ou d’une endométriose, ce qui signifie qu’il y a présence de muqueuse utérine hors de l’utérus. On peut aussi ressentir une aggravation des douleurs menstruelles avec le dispositif intra-utérin au cuivre. C’est votre cas ? Alors il est temps de changer de moyen de contraception.
Si vous avez des douleurs vives et soudaines, il faut envisager la possibilité d’affections aiguës plus graves. Il pourrait s’agir d’une grossesse extra-utérine. Ce phénomène se produit si l’ovule fécondé ne descend pas dans l’utérus comme il est censé le faire. L’embryon commence alors à se développer dans le tube utérin, où il n’y a pas de place pour lui. Une grossesse extra-utérine peut ressembler à de fortes douleurs menstruelles, mais elles sont souvent situées surtout d’un seul côté. Il faut alors vous rendre aux urgences.
Il est normal de ne pas avoir de règles régulières les premières et les dernières années de menstruations, mais aussi sous certains contraceptifs hormonaux. En dehors de ces cas de figure, le cycle doit se stabiliser et avoir une longueur régulière allant de 21 à 35 jours. À peu près.
Si, en revanche, vous êtes réglée depuis plusieurs années et que les saignements sont toujours (ou deviennent soudain) aussi imprévisibles que le scénario de Gone Girl (2014), vous devriez vous alarmer – qu’il s’agisse de métrorragies (de petites gouttes entre deux menstruations), de saignements qui interviennent inopinément, ou qui se déclenchent après ou pendant un rapport sexuel. Le stress, un changement de poids ou une activité physique intense peuvent dérégler votre cycle, mais une maladie sous-jacente peut également en être la cause.
Le cancer du col de l’utérus et certaines infections sexuellement transmissibles conduisent à une sensibilité du col utérin, qui peut alors saigner facilement pendant ou après un rapport sexuel vaginal. Si c’est le cas, il est recommandé de faire rapidement un examen médical, même en cas de saignements très légers.
Si vous êtes sous contraceptif combiné (pilule, patch ou anneau vaginal) et que vous avez des problèmes de saignements irréguliers, il faut penser à en parler à un médecin. Parfois on peut mettre un terme à l’irrégularité des saignements en optant pour un contraceptif au dosage d’estrogènes légèrement plus élevé.
On le remarque à la variété des tailles de tampons du rayon hygiène féminine, chaque femme saigne à sa manière. Pour certaines, les mini-tampons sont déjà trop gros ; elles n’ont besoin que de quelques kleenex dans leur culotte et le problème est résolu. D’autres doivent changer leur tampon XXL au bout de quelques heures à peine. Vous saisissez le tableau.
Les pertes de sang normales au cours d’un cycle varient énormément, mais la moyenne oscille entre 25 et 30 millilitres, soit à peu près la taille d’un expresso. Mais saigner un double expresso est dans la norme aussi204.
Êtes-vous de celles qui sont mortes de rire, là ? Un simple expresso ? Pour la totalité des règles ? Haha, pathétique ! Un double par jour, au moins !
Pour certaines, les règles évoquent moins la tasse de café que la baignoire de Lady Báthory. Vous savez, cette tueuse en série de Transylvanie dont on dit qu’elle prenait des bains de jouvence dans du sang de vierges. Mais, rassurez-vous, personne ne saigne toute une baignoire au cours d’un cycle ! On pourrait le croire quand les saignements n’en finissent pas et que le sang traverse le tampon, la culotte, le pantalon, et atterrit sur le canapé blanc de belle-maman. De nombreuses femmes ont même des problèmes d’anémie. Elles doivent alors être supplémentées en fer. Pâles et sans énergie, elles souffrent souvent de maux de tête et n’ont aucune force pour des activités qu’elles aimeraient pourtant faire. Parfois, les règles nous privent de toute joie de vivre !
On considère comme anormalement abondants les saignements menstruels dont la durée dépasse huit jours par cycle ou dont le volume dépasse 80 millilitres205, soit 2,5 expressos simples. Pas précisément une baignoire, mais beaucoup de sang quand même.
Les premières règles sont souvent abondantes. La situation peut s’arranger par la suite, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Quand les saignements sont très abondants, il vaut mieux s’assurer qu’ils ne sont pas provoqués par une maladie sous-jacente. Certaines maladies hémorragiques peuvent conduire à saigner plus facilement et davantage que la moyenne. Ces cas sont très rares.
Si vous avez un dispositif intra-utérin au cuivre, c’est souvent lui le coupable de vos saignements abondants. Ce moyen de contraception fonctionne très bien chez de nombreuses femmes, mais chez d’autres, le volume et les douleurs des règles peuvent augmenter. C’est surtout vrai chez celles dont les saignements étaient déjà abondants avant la pose du DIU au cuivre. Les contraceptifs combinés, eux, permettent une plus grande maîtrise de ses saignements. Les contraceptifs progestatifs, qui suppriment complètement les règles ou réduisent considérablement leur volume, sont eux aussi une solution gagnante.
Si une femme réglée depuis un certain temps se met à avoir des saignements abondants, il est possible qu’elle soit atteinte d’une maladie sous-jacente. On pense par exemple au syndrome des ovaires polykystiques, qui perturbe les hormones. Il peut aussi être question de myomes ou léiomyomes utérins, qui sont des nodules musculaires présents sur la paroi utérine. Nous en reparlerons un peu plus loin dans ce chapitre.
Les règles sont douloureuses, nous nous entendons tous là-dessus. Mais certaines femmes connaissent des souffrances telles que leur vie entière est mise sur pause. Plusieurs jours par mois, elles restent roulées en boule sur le canapé, une bouillotte sur le ventre, à gober des antalgiques comme des bonbons. Ce n’est pas normal. Si c’est votre cas, il y a des chances que vous souffriez d’une endométriose. Cette maladie frappe environ une femme sur dix. Bien qu’il soit difficile de déterminer le nombre exact de femmes touchées (souvent, elles n’ont pas de symptômes et le diagnostic n’est posé que lors de l’opération), on estime qu’un tiers des femmes souffrant de telles douleurs pelviennes ont une endométriose206. Bien sûr, cela ne vaut pas pour les douleurs à la vulve même, dont nous parlerons un peu plus loin.
Comme son nom l’indique, l’endométriose est une maladie qui touche l’endomètre, la fameuse muqueuse qui tapisse l’intérieur de notre utérus. Lors de chaque cycle, elle s’épaissit pour se préparer à accueillir un ovule fécondé. Si on ne tombe pas enceinte, elle est expulsée sous forme de menstruations. Jusqu’ici, rien de nouveau. Voici donc le scoop : l’endométriose, c’est avoir de l’endomètre en dehors de l’utérus. Chez certaines femmes, il va se perdre à l’intérieur du myomètre, la paroi musculeuse de l’utérus. On parle alors d’adénomyose.
On ne sait pas vraiment comment cette muqueuse utérine se développe hors de l’utérus. L’hypothèse principale, c’est qu’au lieu de descendre par le col de l’utérus, les règles s’écoulent dans le mauvais sens et remontent les tubes utérins pour arriver dans le ventre. Dans une certaine mesure, cela se produit chez toutes les femmes quand elles ont leurs règles. Mais certaines y sont particulièrement sujettes et le corps ne parvient pas à rétablir la situation. De petits groupes de cellules de muqueuses ne comprennent pas où elles doivent se rendre et partent s’installer, par exemple, sur les ovaires, dans le pelvis, sur les intestins ou ailleurs dans le ventre.
La plupart du temps, on trouve ces cellules endométriosiques à proximité des organes sexuels internes, mais dans certains cas extrêmement rares il y en a jusque dans la plèvre qui entoure les poumons. On a fini par se demander si l’endométriose était due à d’autres mécanismes que celui des règles faisant fausse route. Il pourrait s’agir d’un type de cellules-souches (des cellules pouvant devenir n’importe quelles cellules), qui se développent mal et au mauvais endroit. Ou de cellules de l’endomètre acheminées par le sang vers d’autres endroits du corps. Dans quelques années, nous parviendrons peut-être à connaître le fin mot de l’histoire.
Comme ces retraités qui partent s’installer au soleil, les colonies d’endomètre ont beau avoir un nouveau foyer, elles n’oublient pas d’où elles viennent. Elles se comportent comme si elles vivaient dans l’utérus et réagissent aux hormones du cycle menstruel comme l’endomètre ordinaire. Du coup, quand vous souffrez d’endométriose, tous les mois, vous avez une petite menstruation en dehors de l’utérus. Incroyable, mais vrai.
Les règles au mauvais endroit, ça fait désordre. Quand l’endomètre s’installe dans un quartier d’ordinaire sans histoires, le système immunitaire hausse le ton. Le corps a des lois auxquelles on ne déroge pas. On ne peut pas circuler à l’intérieur comme bon nous semble. Quand des colonies d’endomètre se mettent à saigner ailleurs qu’à leur place, il y a vite du grabuge. Les nouveaux voisins s’irritent d’écoper soudain d’une douche de sang. On les comprend. Ils appellent la police : nos cellules immunitaires. Elles débarquent sirènes hurlantes pour régler le problème. Résultat, vous avez une inflammation des tissus autour de la colonie d’endométriose. Et les inflammations, ça fait mal.
Il est souvent difficile de faire la distinction entre des douleurs menstruelles fortes, mais normales, et les douleurs d’endométriose. Dans la plupart des cas, ces dernières se situent à proximité de l’utérus. Bien sûr, il est aussi vrai que certaines femmes ont mal à de drôles d’endroits ; quand elles urinent (si les cellules se sont installées près des voies urinaires), ou quand elles vont à la selle (si elles se sont fait un nid douillet dans le rectum).
Alors comment faire la différence ? Le point commun de toutes ces douleurs, c’est qu’elles sont cycliques. Elles suivent une périodicité fixe. Dans le cas d’une endométriose, non seulement les douleurs surviennent souvent un jour ou deux avant la menstruation, mais elles peuvent aussi durer encore plusieurs jours après la fin des règles. Il existe aussi un autre moyen de faire la différence entre des menstruations normales et une potentielle endométriose : la plupart du temps, les douleurs se développent progressivement plusieurs années après les premières règles. Certaines ont des douleurs dès le début de l’adolescence, mais c’est moins fréquent et on diagnostique rarement une endométriose avant 19 ans.
Avec le temps, les inflammations mensuelles autour des colonies d’endomètre peuvent laisser des cicatrices et des adhérences. La vessie, par exemple, peut venir se coller à son voisin, l’utérus. Ces cicatrices intérieures occasionnent alors divers problèmes, tels que des douleurs chroniques sourdes dans la région pelvienne, un phénomène fréquent chez les femmes souffrant d’endométriose. Elles ressentent aussi des élancements profonds pendant les rapports sexuels. Ça fait mal tout en bas du ventre, et non dans le vagin ou la vulve.
Autre difficulté, de nombreuses femmes souffrant d’endométriose ont du mal à avoir des enfants. Cette maladie est la cause d’environ un quart des cas d’infertilité207. Pourquoi cette pathologie provoque-t-elle des problèmes de fécondité ? On ne le sait pas vraiment. La formation de cicatrices et d’adhérences peut endommager les tubes utérins et les ovaires, mais davantage de mécanismes semblent être en jeu : on pense que le système immunitaire et les hormones sont aussi impliqués. Si vous avez du mal à concevoir et que vous souffrez d’une endométriose, la procréation médicalement assistée peut vous aider. Vous avez par ailleurs la possibilité de vous faire opérer. En ôtant les implants endométriosiques par voie chirurgicale, des femmes ont pu tomber enceintes naturellement ou par procréation médicalement assistée208. On recommande de ne faire l’opération qu’une seule fois et d’attendre d’être prête à avoir des enfants.
L’origine de l’endométriose est un mystère. Elle est héréditaire dans une certaine mesure, mais d’autres facteurs semblent jouer un rôle. Les connaissances actuelles ne permettent pas de prévenir l’endométriose. Un coup de malchance peut-être ? Certains retraités se plaisent chez eux été comme hiver, d’autres préfèrent migrer vers le soleil. De même, l’endomètre, chez certaines d’entre nous, préfère migrer hors de l’utérus.
À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de tests simples permettant de détecter l’endométriose avec certitude. C’est un problème. Les analyses de sang, les examens gynécologiques et les examens par imagerie, comme l’IRM, ne nous disent rien ou presque sur l’endomètre migrateur. La seule façon de confirmer ou d’infirmer l’endométriose est de procéder à une chirurgie endoscopique, c’est-à-dire d’ouvrir le ventre et de regarder à l’intérieur avec une caméra par de petits trous. Comme pour toute opération, les complications sont possibles, les interventions chirurgicales ne se font donc qu’en cas de douleurs importantes et après élimination des autres causes possibles.
Plutôt que d’opérer, les médecins essaient d’abord un traitement qui, par bonheur, est simple dans la plupart des cas. Il est aussi sans danger : pilules contraceptives sans pauses ou dispositif intra-utérin hormonal et antidouleur pour atténuer souffrances et inflammations. La prise en continu de la pilule empêche les implants endométriosiques de saigner et pourrait aussi conduire à leur réduction sur la durée209. L’ibuprofène agit sur les douleurs, tout en réduisant potentiellement l’inflammation. Il ne supprime pas les implants, mais les souffrances sont moindres.
Si ce traitement n’est d’aucun secours, il existe des moyens plus sophistiqués pour traiter l’endométriose : la chirurgie ou des traitements hormonaux plus robustes. C’est un travail de spécialiste. Hélas, l’endométriose est une maladie chronique qui ne disparaît qu’à la ménopause. Le traitement ne guérit pas. Même après avoir été supprimés par voie chirurgicale, les implants endométriosiques reviennent avec le temps. Mais il existe donc des moyens d’atténuer les douleurs.
L’une de nos amies dit toujours : “La seule chose qui est pire que les règles, c’est de ne pas les avoir.” Beaucoup de femmes s’inquiètent quand leurs règles disparaissent ou surviennent moins d’une fois par mois. Les menstruations irrégulières, ou saignements menstruels rares, sont souvent causées par une maladie appelée syndrome des ovaires polykystiques, SOPK, ou syndrome de Stein-Leventhal. Vous n’avez jamais entendu parler du SOPK ? Vous n’êtes pas la seule, mais nous serions pourtant toutes bien inspirées de nous y intéresser davantage. C’est le trouble endocrinien le plus répandu chez les femmes en âge de procréer. 4 à 12 % d’entre elles sont touchées, la plupart sans même le savoir210.
De nombreuses femmes atteintes du SOPK ont des kystes sur les ovaires, d’où le nom de cette maladie. Les kystes sont comme de petites vésicules remplies de liquide transparent, qui font ressembler les ovaires à des grappes de raisins. À la différence d’autres types de kystes ovariens, ceux-ci sont si petits qu’ils n’éclatent pas. On ne remarque pas leur présence.
Ces kystes sont le symptôme le plus connu du SOPK mais ils ne représentent en fait qu’un aspect de la maladie. Le SOPK est un syndrome, un fourre-tout qui comprend différents symptômes survenant souvent en même temps, mais pas toujours. Ils sont dus à un ensemble de perturbations du système endocrinien. Ça ne cloche pas seulement au niveau des ovaires, mais également dans le pancréas, le système digestif et l’hypophyse, la petite glande du cerveau qui a une forme de scrotum.
Les ovaires ont pour mission de stocker les ovocytes et de déclencher une ovulation tous les mois. En cas de SOPK, ces fonctions sont perturbées et l’hypophyse comme les ovaires sécrètent des taux inadéquats des hormones qui dirigent le cycle menstruel. Il en résulte une raréfaction ou une disparition des ovulations. Les femmes touchées s’en aperçoivent dans leur quotidien quand leurs règles deviennent moins fréquentes ou inexistantes.
L’ovulation étant nécessaire pour tomber enceinte, de nombreuses femmes qui souffrent d’un SOPK mettent plus de temps à concevoir ou ont besoin d’assistance pour y parvenir211. Ce syndrome est l’une des causes les plus fréquentes des difficultés à concevoir chez les femmes212. Il est aussi associé à un plus gros risque de complications en cas de grossesse, car il peut entraîner fausses couches ou diabète de grossesse.
Plus tard dans la vie, on suspecte que les femmes atteintes d’un SOPK non soigné présentent un risque légèrement plus élevé de développer un cancer de l’endomètre, le cancer gynécologique le plus répandu chez les femmes du monde occidental213. Une méta-analyse a montré que si, sur toute leur vie, les femmes en bonne santé présentaient un risque d’environ 3 % de développer un cancer de l’endomètre, celui des femmes ayant un SOPK semblait être de 9 %214. On manque de bonnes études épidémiologiques pour le prouver.
L’endomètre d’une femme souffrant d’un SOPK s’épaissit en permanence sans être régulièrement renouvelé lors des règles. C’est la raison pour laquelle on suspecte le SOPK d’augmenter le risque de cancer de l’endomètre. Les cellules de la muqueuse “vieillissent” et se comportent de façon anormale. En prévention de cette anomalie, il serait préférable d’avoir trois ou quatre saignements par an, que l’on pourrait provoquer grâce à la contraception orale ou un autre traitement hormonal.
Que ce soit parfaitement clair, ce vieil endomètre n’a rien à voir avec le phénomène qui se produit quand on saute ses règles à l’aide de la contraception hormonale. Avec un SOPK, l’endomètre reçoit constamment des signaux pour s’épaissir, alors qu’avec la contraception hormonale, on empêche la prolifération de l’endomètre. On a beau avoir des règles peu abondantes dans les deux cas, les mécanismes sont totalement différents.
Le SOPK cause donc des problèmes d’ovulation. Mais cette affection peut aussi impliquer que les ovaires, les tissus adipeux et les capsules surrénales produisent trop d’hormones mâles, dites androgènes. Toutes les femmes produisent un peu d’hormones sexuelles mâles, mais normalement la balance penche vers les variantes femelles. Si les androgènes prennent le dessus, la pilosité augmente à des endroits inhabituels ; la femme touchée pourra avoir de la barbe qui pousse sur le visage ou une large bande de poils pubiens, qui remonte sur le ventre. On parle d’hirsutisme et plus de la moitié des femmes atteintes d’un SOPK en sont affectées215. Il ne s’agit pas d’un peu de duvet supplémentaire, mais de vrais poils sombres et épais. Il est fréquent aussi d’avoir des problèmes d’acné qui perdurent bien au-delà de la puberté. Et la façon de prendre du poids change. En temps normal, les femmes grossissent “en poire”, autour des fesses et des hanches, mais avec un SOPK, les hormones mâles font qu’on grossit plutôt “en pomme”, autour du ventre. On peut développer une brioche, ce qui, en termes de santé, est la graisse la plus malsaine. Les androgènes ont des effets qui ne se remarquent pas nécessairement, par exemple, un taux indésirable de cholestérol et d’acides gras dans le sang qui est mauvais pour les parois artérielles.
Un SOPK engendre aussi un comportement anormal du pancréas. Cet organe du système digestif produit l’hormone insuline et des substances participant à la digestion. L’insuline est libérée après les repas. Elle émet des signaux informant les cellules du corps d’absorber le glucose dans le sang et de le brûler. Chez 50 à 70 % des femmes atteintes d’un SOPK, les cellules ne réagissent pas convenablement aux signaux de l’insuline du pancréas216. Les femmes sont insulino-résistantes et le pancréas réagit en produisant encore plus d’insuline, dans l’espoir que le message parvienne à destination.
Un niveau d’insuline élevé, ce n’est pas bon pour le corps. Une insulino-résistance hors de contrôle peut finir par causer un diabète de type II. Or les femmes atteintes d’un SOPK présentent un risque nettement plus élevé que les autres femmes de poids et de mode de vie équivalents de développer cette maladie217. Des études américaines ont montré qu’à l’âge de 40 ans, 20 à 40 % des patientes atteintes d’un SOPK souffraient de prédiabète ou de diabète de type II218. L’insulino-résistance en association avec des perturbations des taux de graisses ou triglycérides dans le sang et une augmentation de la graisse abdominale sont les principaux ingrédients des maladies cardiovasculaires. Elles contribuent à augmenter les risques d’en souffrir quand vous serez plus âgée.
Vous l’avez compris, il faut prendre le SOPK très au sérieux. Un syndrome des ovaires polykystiques peut être la cause de menstruations irrégulières. Pour savoir si vous êtes atteinte de cette maladie, le médecin réalise un dosage hormonal et examine vos ovaires par échographie en recherchant la présence de kystes. Si l’examen est positif, il y a certaines choses auxquelles il faudra penser pour votre santé future.
Les principaux conseils concernent le poids corporel et les changements de mode de vie. Si vous avez un poids moyen, ce conseil ne s’adresse pas à vous. Mais si vous êtes en surpoids, quelques kilos en moins pourraient atténuer vos souffrances. Plus facile à dire qu’à faire, certes, mais toute activité sportive en association avec une alimentation saine est bénéfique ! Quatre femmes en surpoids sur cinq retrouvent une ovulation normale avec une simple perte de poids de 5 %219, c’est-à-dire en passant de 80 à 76 kilos, par exemple. Cette perte de poids peut favoriser une réduction de l’insulino-résistance et du risque de diabète, comme de maladies cardiovasculaires. Les problèmes de pilosité et d’acné peuvent eux aussi diminuer, car le surpoids est un facteur d’augmentation de la production d’hormones sexuelles mâles.
Nous vous conseillons de parler de contraception combinée (pilule, patch contraceptif ou anneau vaginal) avec votre gynécologue. C’est l’un des éléments les plus importants du traitement d’un SOPK. Les estrogènes de la pilule réduisent la production ovarienne d’hormones androgènes, ce qui peut agir sur la pilosité et les boutons d’acné. Ils peuvent notamment limiter le développement de nouveaux kystes et le risque de cancer de l’endomètre. Les femmes qui ne peuvent pas prendre d’estrogènes, en raison d’un risque d’accident thromboembolique, peuvent recourir à la contraception progestative, comme le DIU hormonal ou l’implant contraceptif, mais ces derniers n’exercent hélas aucun effet sur les hormones androgènes.
Il faut se poser la question des enfants. En voulez-vous ? Si oui, mieux vaut ne pas attendre trop longtemps. Les femmes atteintes d’un SOPK ont souvent besoin d’aide à la procréation, et ce processus est long. Il faut s’y préparer.
Votre dernière visite chez le gynécologue vous a-t-elle valu une surprise un peu désagréable ? Un certain nombre d’entre nous ont des tumeurs bénignes, dites myomes, dans l’utérus. Il n’y a rien d’étonnant à ce que vous ayez des sueurs froides quand vous entendez le mot “tumeur” à propos de votre propre corps, mais dans le cas présent, vous pouvez vous détendre. Allongez-vous sur le fauteuil gynécologique et respirez profondément. Les myomes sont des tumeurs bénignes, qui se développent à partir de cellules de la paroi musculeuse de l’utérus. Ils n’ont rien à voir avec le cancer. Ils ne sont pas cancéreux et ne vont pas le devenir. Pour mieux comprendre la différence entre tumeurs gentilles et un peu moins gentilles, on peut qualifier les myomes ou fibromes de nœuds musculaires.
Les myomes sont constitués de “musculature lisse”, à savoir des muscles impossibles à actionner volontairement. Nous en avons aussi dans les intestins et l’estomac. Les myomes sont souvent caoutchouteux et ronds comme des billes. Si vous en aviez un sur la table devant vous, vous pourriez le couper en deux avec un couteau et voir que l’intérieur est blanc de perle et non rouge comme on aurait peut-être pu le croire. En fait, les myomes ressemblent un peu aux perles qui poussent dans les huîtres au fond de la mer.
Les myomes peuvent se développer à plusieurs endroits de l’utérus. Ils peuvent pousser à l’intérieur ou à l’extérieur de la paroi, et former des bosses dans la cavité utérine. Certaines femmes n’ont qu’un seul myome, mais souvent elles en ont jusqu’à six ou sept220. Ils peuvent être tout petits ou, dans le pire des cas, de la taille d’un pamplemousse. Ces boules n’ont pas une croissance régulière. Certaines peuvent grossir énormément en peu de temps, d’autres s’arrêtent à un centimètre, et d’autres encore rétrécissent et disparaissent d’elles-mêmes.
Jusqu’à la fin de la ménopause, les myomes sont très fréquents chez les femmes. Comme beaucoup de choses dans le bas-ventre, les myomes réagissent aux estrogènes, ils apparaissent après la puberté et ont l’art de disparaître après la ménopause. Près d’une femme sur quatre découvre qu’elle a des fibromes ou myomes221. Nous sommes sans doute encore plus nombreuses à en avoir, mais ils sont souvent si petits qu’ils ne se remarquent pas. Les myomes n’étant que des boules inoffensives, il est inutile de les chercher juste pour savoir si on en a. Tant qu’ils ne causent pas de désagréments, ça ne fait rien d’en avoir.
La grande majorité des myomes n’entraînent aucun symptôme, sauf des saignements menstruels abondants ou de longue durée, surtout s’ils poussent vers la cavité utérine. Les métrorragies ne sont pas fréquentes en présence de myomes. Certaines femmes ressentent des douleurs lancinantes aiguës dans le bas-ventre quand les myomes sont importants, mais les douleurs ne sont pas non plus un symptôme significatif. Sauf si un myome se décompose et meurt, parce qu’il n’est plus irrigué en sang, par exemple. Cet événement peut provoquer des douleurs très vives. C’est effrayant, a fortiori si cela se produit pendant une grossesse, mais ce n’est pas dangereux.
Si vous vous représentez un utérus rempli de six ou sept perles grosses comme des balles de tennis, vous comprendrez facilement que les nodules musculaires puissent aussi occasionner d’autres problèmes. Ils peuvent compresser la vessie, située juste devant l’utérus et vous donner des envies d’uriner fréquentes. Ils peuvent aussi provoquer une sensation de gonflement et de lourdeur qui rappelle un peu la grossesse, et le ventre peut grossir au point de vous donner l’air d’être enceinte de quelques mois.
Dans le pire des cas, ils peuvent conduire à des difficultés de procréation222. Heureusement, cela ne concerne qu’une minorité des femmes qui en souffrent, mais les myomes sont tout de même la cause d’infertilité de 1 à 2 % des femmes223. On n’est pas entièrement sûr de ce qui empêche la grossesse, mais il semblerait que la cause principale soit la localisation des myomes et non leur taille224. Les nodules musculaires forment des bosses dans l’utérus. Ils peuvent donc compliquer la nidation, l’œuf devant justement s’y implanter. Les myomes peuvent aussi pincer l’orifice des tubes utérins, empêchant les spermatozoïdes d’atteindre l’ovocyte. Si les myomes sont suspectés d’être la cause de l’infertilité, on peut les retirer, mais l’effet bénéfique de cette opération n’est pas encore totalement démontré225.
Ce dont on est moins sûr, c’est de l’impact des myomes sur une grossesse. Là encore, il semble que ce soit les myomes poussant à l’intérieur de la cavité utérine qui occasionnent le plus de problèmes. Certaines études ont constaté un risque accru d’avortement spontané, entre 22 et 47 %226. En dehors de cela, les myomes ne semblent pas exercer d’effet négatif majeur sur la grossesse, si ce n’est que le recours à la césarienne est légèrement plus fréquent quand ils gênent le passage de l’enfant dans le canal utérin. Il n’y a donc aucune raison d’opérer des myomes avant d’avoir un enfant227.
Il est possible de limiter la croissance des myomes, mais comment ? Les contraceptifs progestatifs à effet de longue durée, comme l’implant contraceptif ou le dispositif intra-utérin hormonal, sont une solution simple à essayer228. Si vous avez des problèmes de saignements abondants, la contraception hormonale peut aussi être bénéfique. Les contraceptifs à faible dosage d’estrogènes ne font pas grossir les myomes, donc rien ne s’oppose à ce que vous les choisissiez si vous les préférez.
Dans la plupart des cas, les myomes de l’utérus sont un peu comme des taches de rousseur : vous pouvez en avoir peu ou beaucoup, de grands ou de petits, et ils ne causent aucun tracas. On n’enlève pas des nodules musculaires uniquement parce qu’ils sont là. On les enlève s’ils causent des problèmes. Et souvenez-vous : les myomes ne deviennent jamais cancéreux.
Vous souffrez de douleurs au sexe dont les médecins ou autres professionnels de la santé ne parviennent pas à identifier la cause ? Vous n’êtes pas la seule, et l’absence d’informations est frustrante. Les douleurs sont là, c’est indéniable. Elles vous handicapent au quotidien et rendent les rapports sexuels difficiles, mais d’où viennent-elles ? Pour l’heure, personne ne le sait avec certitude.
Les douleurs de ce type peuvent avoir un tas de causes. Les champignons et d’autres problèmes gynécologiques entraînent de furieuses brûlures et démangeaisons, et les infections sexuellement transmissibles rendent les rapports sexuels éprouvants, elles aussi. De douloureuses maladies de peau peuvent toucher la vulve et des cas plus rares de cancers gynécologiques peuvent, eux aussi, occasionner des souffrances. Les glandes vestibulaires peuvent s’infecter et faire un mal de chien. La liste est longue.
Ces affections ont un point commun : elles sont habituellement explicables. Si vous consultez un médecin, il en découvrira l’origine à l’aide d’examens et de tests. Il n’y a rien d’étonnant à ce que vous ayez mal au bas-ventre si vous avez par exemple un herpès récurrent, mais que se passe-t-il quand les médecins cherchent et cherchent sans rien trouver ?
Si vous avez des douleurs dont vous ne trouvez pas l’origine, on parle de vulvodynie. Dynie vient du mot grec pour douleur. “Vulvodynie” signifie ainsi douleurs de la vulve.
Il est sans doute bon de souligner d’emblée qu’en présence d’une vulvodynie les douleurs sont parfaitement réelles, même si les médecins n’en trouvent pas les causes. De nombreuses femmes affectées ont le sentiment de ne pas être prises au sérieux. Peut-être ont-elles subi de multiples examens et consulté médecin après médecin sans qu’aucun ne trouve quoi que ce soit ? Cela signifie-t-il pour autant que les douleurs sont imaginaires ? Non, elles sont bien réelles. Nous les prenons au sérieux.
La vulvodynie peut se manifester de plusieurs façons différentes et elle peut signifier deux choses : premièrement, que plusieurs affections inconnues donnent des douleurs vulvaires, mais que, n’ayant aucunes certitudes, nous les rassemblons toutes sous une dénomination commune. Deuxièmement, que diverses formes de douleurs vulvaires inexplicables peuvent être l’expression d’une seule affection donnant des symptômes différents d’une personne à l’autre.
Où se situe la vérité ? Et surtout, qu’est-ce qui cause les douleurs ? Nous l’ignorons. Heureusement, la médecine ne cesse d’avancer et il sera intéressant de voir les résultats que nous apporteront les futures recherches sur le sujet. L’interprétation des causes d’une maladie évolue avec le temps. Au Moyen Âge, on pensait qu’un déséquilibre des humeurs (des fluides corporels) était la cause de toute maladie et que la saignée était une idée de génie, un remède miracle pour tout et n’importe quoi, de la dépression au cancer. Pour prendre un exemple un peu plus récent, il n’y a pas si longtemps, les médecins pensaient que les ulcères étaient dus à des facteurs de mode de vie comme le stress et la consommation de café. Il est apparu que le coupable était une bactérie du nom de Helicobacter pylori.
La vulvodynie est-elle une maladie neurologique ? Une bactérie ou un virus provoquant une infection ? Une réaction à un autre traitement ? L’avenir nous le dira.
Elle est associée à des douleurs brûlantes, ou ce qu’on appelle dans le jargon allodynie et hyperalgésie. L’allodynie implique que des stimuli habituellement indolores, par exemple une pression ou un effleurement, deviennent soudain douloureux. Une selle de vélo, un rapport sexuel, un tampon hygiénique, le toucher direct du clitoris, peuvent ainsi déclencher une douleur brûlante. L’allodynie survient souvent dans des zones qui, d’une manière ou d’une autre, sont blessées. Nous ne savons pas avec certitude si c’est vrai aussi de l’allodynie gynécologique. L’hyperalgésie signifie que des stimuli habituellement douloureux le sont encore plus. Une légère piqûre d’aiguille, par exemple, qui, en temps normal, n’aurait généré chez vous qu’un haussement d’épaules, peut donner lieu à d’intenses douleurs. L’hyperalgésie comme l’allodynie sont des douleurs neuropathiques. Cela signifie que les douleurs peuvent provenir d’une lésion ou d’une maladie des nerfs périphériques, à savoir ceux qui se situent à l’extérieur du cerveau et de la moelle épinière.
La vulvodynie est souvent associée à des douleurs brûlantes et des douleurs neuropathiques, mais nous ne pouvons pas affirmer qu’aucune autre forme de douleur ne survienne. Il est possible que les douleurs varient d’une personne à l’autre, et, nous le disions, nous ne savons pas si toutes les vulvodynies sont une seule et même maladie. L’interprétation de la douleur varie d’une personne à l’autre, ce qui contribue largement à nos incertitudes. C’est vrai pour toutes les douleurs, pas seulement pour les douleurs vulvaires. Certaines femmes interprètent parfois leur inconfort comme une démangeaison et pensent que c’est dû à une affection qu’elles connaissent déjà, par exemple une mycose. Cette interprétation peut pousser à prendre des traitements fréquents contre les mycoses sans que celles-ci soient la cause du désagrément en question229.
Le siège de la douleur varie aussi, et c’est là un facteur qui divise la vulvodynie en groupes. Certaines ont des douleurs dans la vulve entière, à savoir à la fois à l’entrée du vagin, au clitoris, sur les lèvres génitales et autour. C’est ce qu’on appelle une vulvodynie généralisée, plus répandue chez les femmes un peu plus âgées. D’autres ont une douleur localisée à un point précis de la vulve. On parle de vulvodynie localisée, plus fréquente chez les femmes jeunes. Les douleurs localisées au clitoris ou exactement à l’orifice du vagin (le vestibule) sont les plus courantes. C’est pourquoi ces deux vulvodynies localisées portent des noms distincts : la clitorodynie et la vestibulodynie.
Autrefois, la vulvodynie et surtout la vestibulodynie étaient appelées vestibulite, terme que vous avez peut-être entendu ou lu dans les médias. Quand un mot se termine par -ite en langue médicale, cela signifie qu’on parle d’inflammation. La vaginite, par exemple, est synonyme d’inflammation du vagin. Personne n’ayant réussi à démontrer qu’il y avait inflammation du vestibule quand on avait une vulvodynie, on a décidé d’abandonner le nom vestibulite. Il est plus exact de parler de vulvodynie ou de douleurs à la vulve230.
Les douleurs n’évoluent pas toutes de la même façon. Certaines femmes ont ce qu’on appelle des douleurs provoquées, d’autres des douleurs spontanées. On devient si sensible que même le contact de vêtements amples ou de sous-vêtements peut être douloureux. Pour voir si la personne souffre de douleurs provoquées, les médecins font le test qui consiste à appuyer sur la zone douloureuse (l’orifice vaginal, par exemple) avec un coton-tige.
Douleur spontanée signifie que la douleur survient soudainement, sans contact avec quoi que ce soit. Elle est souvent de type douleur brûlante. On peut aussi avoir un mélange de douleurs provoquées et spontanées. Certaines femmes ont une constante sensation de brûlure, d’autres ont mal de temps à autre231. Le cas de figure typique : la vulvodynie localisée, comme la vestibulodynie, donne surtout des douleurs provoquées, alors que la vulvodynie généralisée donne surtout des douleurs spontanées en plus des douleurs déclenchées par le contact avec les vêtements232.
On n’a pas établi de corrélation sûre entre la vulvodynie et d’autres problèmes gynécologiques, tels que les infections sexuellement transmissibles. Selon une hypothèse répandue, il existerait un lien entre la vulvodynie et les traitements fréquents contre les mycoses. Cela ne signifie pas pour autant que vous déclencherez forcément une vulvodynie si vous prenez un traitement contre les mycoses. De nombreuses femmes pensent que leurs douleurs vulvaires sont dues à une mycose et, chose naturelle, elles ont recours à des traitements contre les mycoses. Ensuite, c’est le serpent qui se mord la queue ; il peut devenir difficile de déterminer si c’est le traitement contre la mycose qui crée les problèmes ou si ce sont les problèmes qui conduisent au traitement contre la mycose.
Une étude a pu permettre d’établir un lien entre les mycoses à répétition et la vulvodynie. Des souris soumises à des mycoses à répétition ont développé une allodynie. Elles présentaient aussi des tendances à l’hypersensibilité de la zone douloureuse : le nombre de terminaisons nerveuses aptes à capter la douleur avait augmenté. D’après cette étude, il pourrait donc sembler que les mycoses répétées renforcent l’aptitude des souris à capter la douleur d’un point de vue purement neurologique. Le seul bémol : l’expérience ayant été faite sur des souris, il est difficile de dire si ces conclusions valent pour nous autres bipèdes233.
D’autres recherches ont montré une modification de l’innervation chez les femmes souffrant de vulvodynie. Il semblerait que certaines femmes souffrant de douleurs vulvaires aient développé davantage de fibres nerveuses sensitives234. On ne sait pas exactement à quoi ces changements sont dus.
Si vous avez entendu parler de la vulvodynie dans les médias, il ne vous aura pas échappé qu’on prête souvent à cette maladie de possibles aspects psychologiques. De nombreux thérapeutes, peut-être surtout des sexologues travaillant sur la corrélation entre psyché et sexualité, insistent sur ce point dans leur travail avec leurs patientes. Se trouverait-il que les douleurs vulvaires frappent des femmes qui ont des rapports sexuels sans vraiment le désirer ? Sont-ce les “premières de la classe” qui veulent avoir tout bon partout qui sont frappées ? Des femmes qui ont eu de mauvaises et douloureuses expériences sexuelles ? Des femmes qui ont été victimes d’agressions ou de maltraitance ? Toutes ces hypothèses ont été formulées dans le cadre de douleurs vulvaires inexplicables, mais tiennent-elles la route ?
Il est facile d’apposer l’étiquette “causes psychologiques” sur des affections dont on n’identifie pas immédiatement la cause physique, mais il faut se garder d’aller trop vite en besogne. Quand les femmes ne s’y reconnaissent pas, ces descriptions peuvent générer confusion et colère. L’expression “première de la classe” en particulier peut donner cette idée erronée que la femme, ou sa personnalité, est elle-même à l’origine de ses propres douleurs. Être douée et consciencieuse entraînerait des symptômes physiques débilitants. Allons, ce n’est pas très constructif ! Cela étant dit, il se peut tout à fait que les douleurs gynécologiques soient dues à des causes psychologiques chez certaines femmes, sans qu’il y ait de honte à avoir.
Dans le cadre de leur traitement, de nombreuses patientes souffrant de vulvodynie ont recours à la psychothérapie. La psychothérapie peut certainement être bénéfique, car elle permet de travailler sur d’éventuels aspects psychologiques des douleurs, mais aussi parce que la vulvodynie en soi est parfois un tel fardeau psychologique qu’on peut avoir besoin d’aide pour le porter.
Nous savons que toutes les formes de douleur sont étroitement liées à la psyché. Les gens qui souffrent finissent souvent par développer des comportements d’évitement et des tensions pouvant aggraver le problème initial, tant et si bien que l’on se retrouve dans un cercle vicieux. Dans le cas de la vulvodynie, s’attendre à un rapport sexuel douloureux peut conduire à resserrer inconsciemment le vagin pour se protéger, et faire l’amour sera alors d’autant plus douloureux.
On sait aussi que vivre avec la douleur sur la durée sensibilise le cerveau aux nouveaux signaux de douleur. La douleur engendre la douleur. Les techniques de relaxation et la psychothérapie peuvent aider à briser ce cercle. Ce n’est pas la même chose que de prétendre qu’à l’origine la vulvodynie a une cause psychologique.
À notre connaissance, les recherches n’ont pas démontré de lien entre la vulvodynie et des antécédents d’agressions ou de sévices sexuels. Une telle expérience peut néanmoins être un facteur sous-jacent chez certaines femmes souffrant de vulvodynie. Les études comparant le profil psychologique des femmes avec et sans vulvodynie obtiennent des résultats variables. Une étude ayant examiné 240 femmes souffrant de vulvodynie en les comparant avec le même nombre de femmes n’ayant pas de problèmes a révélé que la prévalence de vulvodynie était nettement plus forte chez les femmes qui avaient des antécédents d’anxiété235. Une autre étude, qui comparait deux groupes de plus petite taille, n’a trouvé aucune différence dans le profil psychologique des femmes avec ou sans vulvodynie236. La question de la nature psychologique de la vulvodynie fait débat. On peut très bien souffrir de vulvodynie sans antécédents de difficultés psychologiques ou d’expériences sexuelles douloureuses.
Comme on sait peu de choses sur les causes de la vulvodynie, le traitement tâtonne et reste disparate. On essaie diverses méthodes utilisées pour traiter d’autres syndromes douloureux en espérant qu’elles marcheront. Quoi qu’il en soit, la première étape est de trouver un médecin compétent dans le domaine.
Plusieurs formes de vulvodynie comportent des douleurs de nerfs pour lesquelles on dispose de très bons médicaments, comme un type particulier d’antidépresseur et quelques médicaments contre l’épilepsie, qui se sont révélés efficaces chez certaines patientes237. D’autres femmes constatent une amélioration avec la prise d’estrogènes, sous la forme de contraceptifs tels que l’anneau vaginal, par exemple. Les estrogènes agissent sur la muqueuse vaginale, qui s’épaissit. Les gels antidouleur sont aussi utiles. Les femmes qui souffrent de douleurs provoquées et qui ont quand même envie de faire l’amour peuvent tirer parti de leur utilisation pendant les rapports sexuels. Par ailleurs, des séances de kiné sont en mesure de soulager et de permettre d’apprendre des exercices de relaxation, car cette maladie s’accompagne souvent d’autres tensions musculaires, notamment dans la nuque, ou de maux de tête.
On donne régulièrement ce conseil très général aux femmes qui souffrent de vulvodynie : il ne faut pas faire ce qui provoque des douleurs. Si, par exemple, vos rapports sexuels sont douloureux, il ne faut pas vous forcer à en avoir malgré tout. Si vous avez envie de sexe, pourquoi ne pas tester d’autres choses qui ne vous font pas mal, seule ou avec votre partenaire ? Les sexologues peuvent vous conseiller. On recommande de faire preuve de modération dans l’usage de parfum, de savon et de crèmes à l’entrejambe, car on soupçonne ces produits d’aggraver les douleurs.
La vulvodynie est souvent mentionnée dans le cadre de ce qu’on appelle le vaginisme, un diagnostic tout aussi controversé et difficile à établir. Le vaginisme se dit pour une femme qui connaît des contractions involontaires ou des tensions des muscles du périnée autour de l’orifice du vagin. Fréquemment, les femmes atteintes de vaginisme redoutent la pénétration vaginale, qu’elle soit sexuelle ou médicale, dans le cadre d’examens gynécologiques, car elles souffrent ou s’attendent à des douleurs et de l’inconfort. Autrement dit, le vaginisme est une affection qui complique les rapports sexuels, l’utilisation de tampons hygiéniques et les examens médicaux.
Certains envisagent le vaginisme comme un spasme musculaire involontaire qui rend le vagin physiquement plus étroit. En norvégien, on parle de “crampe vaginale” pour désigner le vaginisme. Les recherches utilisant des appareils de mesure de l’activité musculaire n’ont pas trouvé de preuve évidente de tels “spasmes musculaires” chez les femmes souffrant de vaginisme, et il n’y a pas de consensus concernant les muscles impliqués dans le vaginisme238.
Les diagnostics de la vestibulodynie et du vaginisme se confondent. Les douleurs du vaginisme sont souvent décrites comme identiques ou similaires à celles de la vestibulodynie. Situées essentiellement dans l’orifice du vagin, elles se distinguent des douleurs profondes que l’on connaît quand le col de l’utérus est rendu sensible par une infection sexuellement transmissible ou une endométriose. Il est difficile de déterminer si ces deux diagnostics sont les deux faces d’une même maladie ou s’il s’agit de deux affections différentes qui surviennent simultanément239.
Le traitement du vaginisme est très similaire à celui de la vulvodynie. Dans le cas du vaginisme, on essaie en outre de développer la capacité à avoir quelque chose dans le vagin. La plupart du temps, on commence par y introduire soi-même des objets fins, dits dilatateurs, et dont on augmente progressivement la taille. L’introduction se fait toujours avec un gel antidouleur. Ce traitement peut se faire en collaboration avec un gynécologue, un sexologue ou un kinésithérapeute.
Le vaginisme et la vulvodynie sont des affections terriblement invalidantes, qui ont un gros impact sur la joie de vivre et la vie sexuelle des patientes. Tant que dure l’affection, il est souvent impossible de mener une vie sexuelle normale et les relations de couple peuvent en pâtir, voire prendre fin. De nombreuses patientes craignent de ne jamais avoir ni amoureux ni enfants et de rester seules pour toujours. Elles ont l’impression de ne pas être à la hauteur. Notre manque de connaissance de ces affections peut être cause d’amertume. Dans leurs contacts avec les services de santé, elles se sentent souvent stigmatisées. En guise de consolation et en attendant de mieux comprendre ces affections, il faut se dire que la situation s’améliore en général avec le temps et, bien que la vulvodynie soit une affection chronique à évolution longue de nombreuses femmes connaissent une guérison complète.
En regardant la série de téléréalité Paradise Hotel, nous avons bien ri le jour où l’un des participants a déclaré être capable de voir immédiatement si une fille avait des maladies sexuellement transmissibles ou non, ce qui lui permettait de ne jamais utiliser de préservatif240. On ne sait jamais de quels dons le ciel nous a gratifiés. Peut-être était-il diplômé de l’école de sorcellerie de Poudlard ? Ce qui est certain, c’est que personne ne peut voir si une femme, ou un homme, est atteint d’une telle maladie ou non. Souvent, on ne sait même pas qu’on est contaminé, et c’est ça le problème. Les gens continuent d’avoir des rapports sexuels sans préservatif alors qu’ils sont porteurs d’une maladie de ce type. Ce qu’on ignore se propage ainsi tranquillementI.
Aujourd’hui, ces maladies portent généralement le nom d’infections sexuellement transmissibles (IST). Les IST peuvent se contracter lors d’un rapport sexuel ou d’un contact sexuel avec une personne contaminée. Elles sont dues à différents types de micro-organismes, tels que des bactéries, des virus et des parasites. Certaines de ces infections ne se transmettent que par des liquides organiques comme le sang et le sperme, d’autres par simple contact avec la peau et les muqueuses.
Certaines IST sont très répandues, d’autres plus rares sous nos latitudes. Il est possible que vous en contractiez une ou plusieurs au cours de votre vie. C’est l’un des inconvénients d’avoir une vie sexuelle active.
La sexualité a longtemps été associée à la honte et à la culpabilité, surtout pour les femmes. Il en va de même pour les maladies sexuellement transmissibles. Encore aujourd’hui, il est rare de parler ouvertement de ses problèmes de verrues génitales et de chlamydia. Ces affections ont beau être répandues et il a beau être difficile de s’en protéger, les gens gardent le sentiment qu’ils auraient dû avoir moins d’aventures d’un soir pour ne pas exposer leur partenaire à la contamination. Nous espérons que l’évolution des connaissances sur les infections sexuellement transmissibles pourra vous débarrasser de ces douloureux sentiments de honte. La contagion est avant tout une histoire de mauvais usage du préservatif et, ensuite, de chance et de malchance. Votre “morale sexuelle personnelle” n’est pas en jeu. Certaines personnes couchent avec des centaines de partenaires sans préservatif et échappent miraculeusement à toute contamination. D’autres se retrouvent avec des verrues génitales après une unique aventure d’un soir. L’expression “morale sexuelle” nous plaît autant qu’à l’écrivain Jens Bjørneboe. À savoir, pas du tout.
Avant les médicaments modernes et les antibiotiques, certaines maladies sexuellement transmissibles étaient non seulement associées à la honte mais aussi à de graves souffrances et, dans le pire des cas, elles entraînaient la mort. La gonorrhée a longtemps été une cause répandue de cécité chez les enfants, qui avaient été contaminés par leur mère pendant l’accouchement. La maladie était si répandue en Norvège que tous les nouveau-nés recevaient un traitement contre la gonorrhée sous forme de gouttes dans les yeux au moment où ils voyaient le jour. Dans la pièce de Henrik Ibsen Les Revenants (1881), Oswald, un personnage à l’âme d’artiste, souffre de syphilis, maladie qu’on peut interpréter comme étant un personnage à part entière. Elle finit par attaquer son cerveau et son système nerveux central. Aujourd’hui, cette maladie est traitée par la pénicilline et on peut en guérir complètement. En 1881, c’était impossible. Oswald n’a pas été le seul à en souffrir et à y succomber.
Malgré les progrès de la médecine, les infections sexuellement transmissibles sont encore un frein important à la bonne santé publique mondiale. Le sida est une préoccupation mondiale. Depuis les années 1980, période où il tuait des centaines de milliers de jeunes hommes homosexuels, cette maladie fait partie des sujets d’actualité. À bon droit. Le sida, ou syndrome d’immunodéficience acquise, est une maladie qui provoque un effondrement de la défense immunitaire, c’est-à-dire des défenses du corps contre les bactéries, les virus et autres joyeusetés. Le micro-organisme coupable dans cette histoire, c’est le virus VIH. En 2015, 1,1 million d’individus sont décédés de causes liées au VIH et aujourd’hui plus de 36,7 millions vivent avec ; 35 millions de personnes sont mortes depuis le début de l’épidémie241. Une fois que vous contractez le VIH, vous ne pouvez plus jamais vous en débarrasser. Mais il existe un traitement si efficace que les personnes contaminées parviennent à mener une vie quasiment normale. Avec ce traitement, elles ne sont plus contagieuses. Il existe donc des médicaments qui gardent le virus sous contrôle, mais, malheureusement, seule une partie du monde y a accès.
Actuellement, ni la syphilis ni le VIH ne sont très répandus en Norvège, mais ils existent. En 2015, 221 personnes ont reçu un diagnostic d’infection par le VIH, et elles étaient 189 pour la syphilis en 2014242. C’est très peu en comparaison des autres maladies sexuellement transmissibles, qu’il faudrait presque considérer comme des maladies “populaires”. Le dépistage du VIH et de la syphilis se fait par prélèvement sanguin, mais ces maladies étant très rares, vous n’avez pas besoin de vous tester régulièrement, à moins d’être particulièrement exposée à la contagion.
La maladie bactérienne la plus fréquente en Norvège porte le nom de chlamydiaII. En 2014, 292 772 tests de chlamydia ont été effectués, dont 24 811 étaient positifs, soit pas moins de 8 %243 ! Un test positif signifie que l’on a découvert des chlamydiae. Dans les groupes d’âge 15-19 ans et 20-24 ans, le nombre de tests positifs est plus élevé que dans tous les autres groupes d’âges confondus. Chez les 15-19 ans, 13,6 % des filles testaient positivement contre 16,1 % des garçons. Chez les 20-24 ans, 10,6 % des filles testaient positivement contre 16,3 % des garçons. On suppose que les chiffres sont bien plus importants, car de nombreuses personnes ne font pas le test.
La majorité des personnes qui ont un test positif sont des femmes, pas moins de 60 %. Cela ne signifie pas que les femmes ont plus souvent des chlamydiae, elles sont seulement plus assidues en termes de dépistage. Les chiffres le montrent, pour les 15-19 ans et les 20-24 ans, quand ils font le test, le pourcentage de garçons ayant des chlamydiae est plus élevé que celui des filles. Il y a donc plus de garçons que de filles qui se promènent en ayant des chlamydiae sans le savoir.
Un certain nombre de garçons comptent peut-être sur les filles pour se faire dépister et pensent qu’ils recevront un coup de fil si une ancienne partenaire sexuelle a eu un test positif. Ce n’est pas très classe, et surtout, ce n’est pas une stratégie très fiable. Il est possible d’avoir des chlamydiae même si votre partenaire sexuelle a un test négatif. Il n’y a pas 100 % de risque de contagion à chaque rapport sexuel et les deux parties devraient donc faire le test. Autrement dit, le participant de Paradise Hotel qui était hostile aux préservatifs, et un tas de gens avec lui, devraient changer d’habitudes. Le préservatif, c’est toujours une bonne idée quand vous avez des rapports sexuels avec un nouveau partenaire, même si vous avez vous-même fait le test de dépistage. Il n’est pas certain que votre partenaire ait été aussi malin que vous. Parfois, on oublie le préservatif, tant pis, ce qui est fait est fait. Mais si c’est le cas, il est important de faire le test ensuite.
Le mycoplasme et la gonorrhée sont deux IST qui ressemblent un peu aux chlamydiae. Le préservatif offre une bonne protection contre ces trois maladies bactériennes.
Le mycoplasme est une maladie souvent oubliée des médecins de famille. C’est un peu la petite sœur des chlamydiae. Elle lui ressemble beaucoup et entraîne les mêmes symptômes, probablement aussi les mêmes séquelles, mais nous y reviendrons. À moins que le patient ne présente des symptômes caractéristiques, on n’effectue pas de test du mycoplasme. Et même en présence de ces symptômes, de nombreux médecins ne pensent pas à ce test. Le traitement étant différent de celui des chlamydiae, il est important d’identifier la maladie. Si vous avez des symptômes, mais que le test des chlamydiae est négatif, il faut demander à faire un test de mycoplasme.
Les symptômes les plus fréquents des chlamydiae, du mycoplasme et de la gonorrhée sont des pertes altérées ou plus abondantes, des brûlures quand vous urinez et un inconfort général ou une démangeaison de l’appareil génital, de l’urètre ou de l’anus, selon le siège de l’infection. Ces trois maladies bactériennes attaquent souvent le col de l’utérus et provoquent son inflammation. Faire l’amour devient inconfortable ou douloureux, et certaines femmes connaissent de petits saignements après ou pendant le rapport sexuel en raison de la pression sur le col utérin sensible. D’une manière générale, il faut toujours prêter attention aux saignements vaginaux qu’on ne s’explique pas, en particulier s’ils interviennent dans le cadre de rapports sexuels. Ils sont parfois dus à la menstruation ou à la contraception hormonale, mais si tel n’est pas le cas, il pourrait s’agir d’une infection sexuellement transmissible ou d’une autre maladie. L’examen médical s’impose.
Attention, tout le monde ne développe pas de symptômes. La moitié des hommes infectés et un tiers des femmes seulement présentent des symptômes de chlamydiae244. Quand on est atteint d’un mycoplasme, on ne développe pas forcément des symptômes, et parfois pas non plus en cas de gonorrhée. Alors pourquoi se préoccuper de maladies qu’on ne remarque pas ? Eh bien, tout d’abord parce que les maladies bactériennes sont très contagieuses. Le risque de transmission de chlamydiae lors d’un rapport sexuel non protégé est de 20 %245. Ensuite, il y a un risque de séquelles durables.
Si on les laisse faire, les bactéries remontent par le col de l’utérus et s’y répandent, ainsi que dans les tubes utérins. Chlamydiae, mycoplasme246 et gonorrhée peuvent entraîner une infection qu’on appelle salpingite. On débat encore de la question de savoir si le mycoplasme peut causer une salpingite. La recherche dans ce domaine reste parcellaire, mais quelques petites études isolées portent à le croire. Nous sommes d’avis qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Sans traitement, on estime que les chlamydiae conduisent à une salpingite aiguë dans 10 à 15 % des cas247. L’infection risque de laisser des adhérences et de boucher les tubes utérins. C’est une cause fréquente de difficulté de conception, qui peut aussi entraîner des douleurs chroniques.
Quand on a une salpingite, on se sent souvent mal, on souffre de vives douleurs dans le bas du ventre, on a des saignements vaginaux, de la fièvre et des pertes vaginales plus abondantes. Les douleurs deviennent même plus fortes avec le temps. C’est le cas de figure type. Il faut prendre ces symptômes au sérieux et se faire examiner par un médecin aussi rapidement que possible, sans hésiter à se rendre directement aux urgences.
On peut aussi avoir une salpingite sans symptômes, qui sera peut-être découverte plus tard lors d’examens en cas d’infertilité248.
Raison de plus pour faire des tests réguliers en cas de changements de partenaires sexuels.
Chlamydia, mycoplasme et gonorrhée sont des maladies bactériennes qui se soignent avec des antibiotiques. Pour l’instant, la plupart des personnes contaminées guérissent totalement sans séquelles, mais on constate une inquiétante tendance à l’antibiorésistance, en particulier dans les cas du mycoplasme et de la gonorrhée. L’antibiorésistance, ça signifie que les bactéries deviennent immunes à certains types d’antibiotiques. Il faut alors des médicaments plus puissants pour les vaincre. La meilleure chose à faire, c’est d’utiliser systématiquement des préservatifs pour éviter une contamination.
Certaines infections sexuellement transmissibles sont encore plus répandues que les chlamydiae : il s’agit des maladies virales que sont l’herpès et le VPH ou virus du papillome humain, dont les variantes sont nombreuses. Certaines donnent des verrues génitales ou condylomes. D’autres multiplient les risques de cancer du col de l’utérus. L’herpès, c’est la même chose que les boutons de fièvre et c’est une maladie qui provoque de petites vésicules sur la peau.
L’herpès et le VPH se transmettent par voie cutanée et par contact des muqueuses. On ne connaît pas exactement le nombre de personnes touchées, mais ces deux virus sont largement répandus et il est fréquent de ne pas s’apercevoir qu’on est contaminé.
Les symptômes n’étant pas toujours présents, de nombreuses personnes sont contaminées par des partenaires masculins ou féminins qui ignorent leur infection. Cela rend difficile de se protéger. Le préservatif ne garantit pas non plus forcément une protection suffisante. Si par exemple on a des verrues génitales ou de l’herpès sur la racine du pénis, on risque de contaminer sa partenaire, même avec un préservatif, tout simplement parce qu’il ne recouvre pas la zone contagieuse.
Il est possible de se vacciner contre le VPH, et plusieurs vaccins protègent à la fois des virus qui donnent des verrues génitales et de ceux qui sont susceptibles de causer un cancer du col de l’utérus. Les verrues génitales peuvent être brûlées par cryothérapie ou badigeonnées de divers produits pharmaceutiques jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Le traitement est donc le même que quand on attrape des verrues plantaires dans les douches de la piscine municipale. Les verrues génitales, causées par d’autres virus VPH, ne sont pas dangereuses, et elles n’ont rien à voir avec le risque de cancer.
L’infection par VPH passe souvent toute seule. Tout comme les verrues, mais chez certaines personnes elles reviennent sans cesse.
L’herpès, en revanche, est un virus dont on ne se débarrasse jamais. On est contaminé une seule fois et le virus reste dans les cellules nerveuses, dans une espèce de dormance, pendant toute la vie. Vous pouvez avoir plusieurs éruptions, dont la durée peut être limitée par des médicaments sur ordonnance. L’herpès n’est pas dangereux et, plus le temps passe, moins on est affecté.
Le préservatif protège bien du VIH, des chlamydiae, du mycoplasme et de la gonorrhée. Le VPH et l’herpès, en revanche, peuvent être transmis par voie cutanée, on peut donc être contaminé par des endroits qui ne sont pas recouverts par le préservatif.
Pour un cunnilingus, on peut recourir à une digue dentaire. Il s’agit d’un mince carré de latex transparent à poser sur la vulve. Il permettra par exemple d’empêcher une contagion d’herpès de la bouche au sexe ou du sexe à la bouche. Les digues dentaires n’étant pas particulièrement commodes (ni faciles à trouver), elles sont peu utilisées. Mais si vous en voulez une, vous pouvez la fabriquer vous-même : avec des ciseaux, ôtez le bout d’un préservatif, puis découpez-le dans le sens de la longueur, et dépliez-le afin d’obtenir un carré transparent suffisamment grand.
Dans l’idéal, il faut faire un test de dépistage des chlamydiae chaque fois que vous avez un rapport non protégé avec un nouveau partenaire, même si vous n’avez pas de symptômes. C’est une bonne chose (aussi bien pour vous que pour votre cher/chère et tendre) de faire un test aussi tôt que possible dans la relation. On peut rester longtemps avec des maladies sexuelles sans s’en apercevoir. Si vous n’avez pas de symptômes, il suffit d’aller chez votre médecin ou dans un centre de dépistage pour faire un test par autoprélèvement, sous la forme d’un échantillon d’urine ou d’un petit coton-tige avec lequel vous réalisez des prélèvements dans votre vagin ou votre anus.
Si vous avez des rapports sexuels anaux non protégés, il n’est pas certain que la contamination soit relevée sans test anal. Le cas échéant, demandez donc à faire un test anal en plus.
Si vous remarquez des symptômes, un examen gynécologique sera peut-être nécessaire. Votre médecin saura vous dire s’il est nécessaire ou non. Il est important de contacter un médecin si vous avez des brûlures quand vous urinez, des démangeaisons, une altération de vos pertes, des éruptions cutanées ou des vésicules, d’étranges saignements ou d’autres symptômes qui vous paraissent inhabituels.
Les tests de dépistage de l’herpès et du VPH ne se font pas si les patients ne souffrent d’aucun mal particulier.
Pour qu’un test de dépistage des chlamydiae soit considéré comme sûr, il doit être effectué au moins deux semaines après l’exposition à une éventuelle contagion. Vous pouvez donc avoir confiance dans une réponse négative si le test a été fait deux semaines ou plus après le ou les rapports sexuels en question, mais pas avant. Cela dit, vous pouvez bien sûr vous tester plus tôt. De nombreuses personnes constatent un résultat positif au test avant le terme de ce délai de deux semaines. C’est une bonne chose, car elles peuvent commencer le traitement plus tôt. Si le résultat de ce test précoce est positif, vous avez la certitude d’avoir des chlamydiae. Si en revanche le résultat est négatif, vous ne pouvez pas avoir de certitude absolue avant d’avoir refait un autre test, au plus tôt deux semaines après l’exposition à une éventuelle contagion. Cette règle des deux semaines vaut également pour le dépistage du mycoplasme et de la gonorrhée249.
Nous venons de présenter toute une série de maladies sexuelles, en mettant l’accent sur le dépistage des chlamydiae. Qu’en est-il des autres maladies ? Un certain nombre de femmes demandent à être testées pour tout, mais il n’est pas nécessaire de le faire systématiquement. Décidez avec votre médecin quels tests faire, en fonction des risques encourus.
Si vous êtes une femme hétérosexuelle, vivant par exemple en Norvège, et que vous n’avez de relations sexuelles qu’avec des hommes hétérosexuels vivant en Norvège, votre risque de contracter les maladies graves que sont le VIH, la syphilis et la gonorrhée est plus faible que si vous avez un tas de relations sexuelles non protégées avec des travailleurs sexuels de Thaïlande. Cela va de soi. La maladie sexuelle la plus répandue parmi les hétérosexuels de Norvège étant sans conteste l’infection à chlamydia, il suffit souvent de faire le test de dépistage des chlamydiae.
Si vous avez des rapports sexuels non protégés lors de vacances à l’étranger, il est important d’en parler à votre médecin. Les médecins oublient de poser la question, alors n’attendez pas qu’ils en prennent l’initiative. Même si vos partenaires n’étaient que de mignons Suédois à la Full Moon Party. Personne ne sait où ils ont passé le reste de leur voyage sac au dos. Il en va de même si vous avez des relations sexuelles avec quelqu’un qui revient d’un voyage dans un pays où les maladies sexuelles sont très répandues. Que les choses soient bien claires, nous ne parlons pas uniquement de la Thaïlande. Parfois les maladies sexuelles sont différentes même dans les autres pays européens. Par exemple, les Norvégiens sont souvent contaminés en Allemagne, en Espagne et en Pologne, pays où les prévalences de maladies sexuelles sont très différentes de la Norvège.
Si vous avez vendu ou acheté des prestations sexuelles, il est impératif de faire un dépistage plus étendu. Idem si vous vous êtes injecté de la drogue ou si vous avez eu des partenaires sexuels qui le font.
En Norvège, ce sont les Harsah, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, qui ont le plus de maladies sexuelles graves. (Nous employons cette expression plutôt que le terme “homosexuel” car on peut très bien être un homme qui a des relations sexuelles avec des hommes sans pour autant s’identifier comme homosexuel. L’orientation sexuelle ne correspond pas nécessairement à nos pratiques sexuelles.) La gonorrhée et la syphilis sont bien plus répandues parmi les Harsah qu’au sein de la population hétérosexuelle. Pour ces hommes, il est donc particulièrement important de se tester. Cela vaut également pour les femmes qui ont des relations sexuelles avec des Harsah. Si le dernier homme avec qui vous avez eu une aventure d’un soir a aussi eu des relations sexuelles avec des hommes, le risque de maladie est plus élevé que s’il en a seulement eu avec d’autres femmes. Nous n’insistons pas sur les Harsah pour les épingler, mais pour de pures raisons de statistiques.
Vous pouvez avoir de la chance ou de la malchance, que vous ayez des relations sexuelles avec des femmes, des hommes ou des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Dépister les maladies plus rares ne fait pas de mal, mais si le risque n’est pas particulièrement élevé, vous n’avez pas besoin d’inclure systématiquement les maladies plus rares dans vos tests de dépistage. Faites-en souvent, faites-les selon les risques courus et utilisez des préservatifs aussi souvent que possible.
De petites vésicules douloureuses sur les lèvres ou sur le sexe, ça ne semble pas particulièrement amusant, mais l’herpès est plus répandu qu’on ne le croit. C’est contagieux, c’est ennuyeux et il est impossible de s’en protéger, mais ouf, ce n’est pas dangereux. Pourtant, l’herpès semble être la maladie sexuelle la plus redoutée.
L’herpès ne disparaît pas et cela effraie. Une fois que vous êtes contaminée, le virus reste dans votre corps jusqu’à la fin de vos jours. Ce qui suscite maintes interrogations. Suis-je contagieuse en permanence ? Ne vais-je plus jamais pouvoir faire l’amour avec qui que ce soit sans préservatif ?
L’herpès qui apparaît subitement dans une relation sexuelle génère beaucoup de méfiance et d’incertitude. Qui a contaminé qui ? L’amoureux avec qui vous êtes depuis trois ans vous a-t-il été infidèle ?
De nombreux malentendus et idées reçues entourent l’herpès, et la peur de cette maladie est fréquente, à la fois chez ceux qui sont contaminés et chez ceux qui ont peur de l’être.
C’est une maladie virale qui touche la peau et les muqueuses. Deux virus légèrement différents peuvent en être la cause : Herpes simplex virus 1 (HSV-1) et Herpes simplex virus 2 (HSV-2). Ces virus se transmettent par voie cutanée ou par contact des muqueuses, par exemple lors de baisers ou de rapports sexuels. Ils peuvent aussi se transmettre indirectement. L’exemple classique est celui des enfants à la crèche qui sont contaminés quand ils sucent le même dinosaure en plastique qu’un enfant contaminé. Plus de la moitié des Norvégiens sont probablement contaminés par le HSV-1 dans leur enfance250.
Nous ne connaissons pas précisément le nombre total de personnes touchées, car nous ne disposons d’aucun registre. Mais une fois n’est pas coutume, et contrairement à l’époque où vous cherchiez à convaincre votre père que tous les autres avaient une GameBoy et que, vous aussi, il vous en fallait une, il est presque exact de dire que tout le monde a un herpès. On pense que 70 % des Norvégiens sont infectés par le HSV-1 et 40 % par le HSV-2. On peut être contaminé par les deux types ou par un seul. Pour couronner le tout, ces chiffres pourraient bien être en dessous de la vérité, car parfois on ne se sait pas contaminé, puisqu’on ne développe pas nécessairement de symptômes.
Réfléchissons un peu à ces chiffres. Ils signifient qu’il est plus courant d’être contaminé que de ne pas l’être. Et cependant les gens envisagent souvent l’herpès comme la fin du monde. Mais rassurez-vous, le drame d’une vie sexuelle impossible n’est pas le sort de 70 % de la population norvégienne…
Mais attendez une seconde. L’herpès labial et l’herpès génital sont deux maladies différentes, alors pourquoi en parlons-nous comme si c’était une seule et même chose ? Une maladie sexuellement transmissible, c’est autre chose qu’un bouton de fièvre, non…?
L’herpès est bel et bien une seule et même chose, où que vous l’ayez sur le corps. On pensait autrefois que le HSV-1 était surtout lié à l’herpès labial et le HSV-2 à l’herpès génital, mais le HSV-1 peut très bien donner lieu à des éruptions génitales et le HSV-2 à des éruptions labiales, si c’est là que vous avez été contaminée. Vous pouvez aussi avoir de l’herpès autour de l’anus, sur les doigts ou (si vous manquez vraiment de chance) dans l’œil. L’HSV-1 sur les parties génitales donne moins de symptômes, et des symptômes moins virulents, que l’HSV-2251.
À cet égard, l’herpès génital est aussi un bouton de fièvre et l’herpès labial peut être une infection sexuellement transmissible. La contamination peut se faire de sexe à lèvres et, encore plus fréquemment, de lèvres à sexe. En l’occurrence, la plupart des jeunes femmes qui attrapent un herpès génital de nos jours sont contaminées par le HSV-1 labial d’un ou une partenaire lors de pratiques sexuelles buccales. Cela concerne 80 % des cas252.
En pratique, si beaucoup de gens ont un herpès sans le savoir, cela signifie que de nombreuses jeunes femmes peuvent être contaminées par des partenaires qui ignorent qu’ils sont infectés. Alors comment s’en protéger ?
Lors de l’infection, le virus peut provoquer des éruptions pendant quelques jours, mais on peut aussi être contaminé sans rien remarquer. Un gang de virus d’herpès remonte le long des nerfs de la zone cutanée où l’infection s’est produite. Ils s’en vont dormir dans une cellule nerveuse un peu plus profond dans le corps, à l’image d’un ours qui hiberne. Ils y resteront jusqu’à la fin de vos jours, en se déplaçant parfois le long des nerfs pour ressortir sur la peau. On peut alors avoir de nouvelles éruptions sous forme de cloques au même endroit que la fois précédente. Il est aussi possible d’avoir des éruptions cachées, c’est-à-dire qu’un virus se trouve sur la peau sans que vous ne vous en aperceviez. Un ours invisible sorti de son hibernation.
L’éruption d’herpès visible commence par l’inconfort de picotements et d’une sensation de brûlure sur la peau des parties génitales ou des lèvres. Puis apparaissent de petites cloques qui poussent accolées en grappes. Au bout de quelques jours, les vésicules s’assèchent et se transforment en croûtes qui finissent par tomber.
En règle générale, la première éruption est la plus sévère. On l’appelle épisode primaire d’infection. Certaines personnes sont très malades. Elles peuvent avoir de la fièvre et éprouver du mal à uriner à cause de brûlures génitales. Comme pour tout le reste, si vous avez des symptômes forts sans savoir avec certitude à quoi ils sont dus, il faut consulter un médecin. L’épisode primaire dure plus longtemps que les suivants. De nouvelles vésicules peuvent apparaître pendant une à deux semaines. Les croûtes disparaîtront complètement au bout de trois ou quatre semaines253. Si l’éruption primaire est conséquente, on peut se consoler en se disant que la suivante le sera moins, si jamais il y en a une. Il est fréquent de ne connaître qu’un seul épisode.
Si vous avez de nouvelles éruptions, elles surviendront toujours à l’endroit où vous avez été infectée en premier lieu. D’ordinaire, la fréquence des épisodes diminue avec le temps. Aucun médicament n’éradique l’herpès, mais quand on sent qu’une éruption se profile, on peut prendre des cachets pour l’atténuer et la raccourcir. Dans les cas particulièrement sévères, avec de nombreuses éruptions chaque année, il existe aussi des traitements de longue durée qui modèrent les symptômes.
Les nouveaux épisodes surviennent souvent quand les défenses immunitaires sont affaiblies. On parle alors de boutons de fièvre. Ils apparaissent quand on est malade, lors d’un rhume, par exemple. Le stress, les règles et le soleil peuvent aussi déclencher une éruption. Il en va de même des irritations cutanées, dues par exemple au frottement de sous-vêtements ou à l’épilation à la cire ou au rasoir.
Il n’existe pas de vaccin contre l’herpès comme celui qu’on peut trouver contre le HPV, mais nous n’en avons pas réellement besoin. L’herpès fonctionne un peu comme un vaccin contre lui-même. Si vous avez été infectée une fois, dans votre enfance par exemple, vous ne pourrez plus jamais être infectée par le même virus ailleurs sur votre corps. Le virus active les défenses immunitaires et un même virus sera toujours reconnu et empêché de s’installer dans de nouvelles cellules nerveuses. C’est pourquoi, pour chaque virus, vous ne serez infectée qu’à un seul endroit. Si vous êtes infectée sur la bouche, vous êtes protégée contre l’infection génitale et inversement.
Mais comme vous le savez maintenant, il y a deux virus d’herpès. Si vous avez été infectée au HSV-1 par le passé, vous n’êtes pas protégée contre l’infection au HSV-2. Théoriquement, vous pouvez avoir un herpès aux deux endroits s’il s’agit de deux virus d’herpès différents. Mais soulignons qu’il existe tout de même un certain degré d’interprotection. Si jamais vous êtes infectée au virus numéro deux, les symptômes seront souvent faibles, voire inexistants254.
Si vous avez un herpès génital, le virus ne peut pas se déplacer à d’autres endroits du corps. Mais attention ! Ce n’est valable que si les défenses immunitaires sont activées. Lors de l’épisode primaire d’infection, les défenses immunitaires mettent un certain temps à identifier l’herpès et c’est pourquoi vous pouvez vous contaminer vous-même. Soyez donc particulièrement scrupuleuse sur le lavage de mains et l’hygiène lors de votre première éruption. Ne vous frottez pas les yeux en ayant le virus sur les doigts. Surtout pas !
Après la première éruption, vous ne pouvez plus vous contaminer vous-même, mais vous pouvez contaminer les autres. Quand il est en dormance dans les cellules nerveuses, profond dans le corps, l’herpès n’est pas contagieux. Pour contaminer les autres, le virus doit s’être déplacé des nerfs à la peau : vous avez alors une éruption. Une semaine avant l’éruption, le virus s’accumule sur la peau. C’est à ce moment et pendant l’éruption même qu’on est le plus contagieux. Les vésicules sont pleines de virus. Il est bon d’éviter les rapports sexuels quand on sent venir l’éruption, ce qui est souvent le cas plusieurs jours avant l’apparition des vésicules. Mais évidemment, il peut être difficile d’avoir la certitude une semaine avant qu’une éruption se prépare.
Nous avons aussi les épisodes asymptomatiques. Les virus peuvent aller sur la peau sans que vous le remarquiez, et sans que vous ayez de cloques. Vous êtes contagieuse malgré tout. En pratique, cela signifie que vous n’êtes habituellement pas contagieuse, mais que vous pouvez l’être à tout moment. Il n’y a aucune période sûre. Vous pensez que c’est la crise totale ? Oui, il est impossible d’être sûre qu’on ne contamine pas d’autres gens, et c’est sans doute ce qui rend l’herpès si problématique, mais ne tirez pas de conclusion trop hâtive.
Disons que vous avez un HSV-1 génital et que vous souhaitez faire l’amour avec un nouveau ou une nouvelle partenaire. Vos partenaires potentiels ont 70 % de probabilités d’être déjà infectés et donc protégés sans le savoir contre une nouvelle infection. Le risque se réduit déjà considérablement. Si votre partenaire a déjà eu un bouton de fièvre sur la bouche, vous pouvez être quasiment sûre que vous ne pouvez pas le ou la contaminer, puisque l’herpès labial est généralement dû au HSV-1. Si votre partenaire est déjà infecté/infectée par le HSV-1, il ou elle est protégé/protégée contre une nouvelle contamination.
Voici une autre façon de voir les choses : de toute façon, la plupart des gens seront contaminés tôt ou tard. Si ce n’est pas par vous, ce sera par quelqu’un d’autre. L’herpès n’est pas dangereux et de nombreuses personnes infectées n’auront pas la moindre manifestation du virus.
Pour finir, il faut parler d’un aspect plus problématique de l’herpès : son impact sur les relations de couple. Supposons que ni vous ni votre amoureux ou votre amoureuse n’ayez eu de vésicules d’herpès par le passé. Ni sur la bouche ni sur les parties génitales. Vous êtes ensemble depuis trois ans et tout est génial entre vous. Un jour, l’infection se manifeste. Vous avez une sévère éruption de cloques sur le sexe et vous songez au pire. Vous, vous n’êtes sortie avec personne d’autre, ce doit donc être votre partenaire.
Maintenant, vous le savez, on n’est pas nécessairement conscient d’avoir un herpès. Il n’y a pas forcément d’éruption sous forme de vésicules lors de l’infection. On peut avoir un herpès depuis longtemps sans avoir jamais eu d’éruptions visibles. L’infection peut tout à fait se produire lors d’un épisode asymptomatique chez votre partenaire. Autrement dit, ce n’est pas forcément une histoire d’infidélité ! L’herpès est répandu. On ne sait pas forcément qu’on en est atteint. Nous avons vu des relations de couple se briser à cause d’accusations d’infidélité à la suite d’éruptions d’herpès. Bien sûr, l’infidélité est possible, mais l’herpès n’en est pas la preuve. Si vous n’avez pas d’autres raisons de douter de votre partenaire, l’herpès ne devrait pas être l’élément qui sème le doute.
C’est une très bonne chose que les gens se responsabilisent pour ne pas transmettre de maladies sexuelles à leurs partenaires. Quand il s’agit de chlamydiae, nous nous en réjouissons, mais par rapport à l’herpès, cela nous désole. Il est inutile de craindre d’avoir des relations sexuelles à cause de l’herpès. Il a beau s’agir de deux virus dont on ne peut pas se débarrasser, l’herpès n’est pas le VIH. Il est sans danger aucun. Contracter un herpès génital n’est pas la fin du monde. Vous ne seriez qu’une personne parmi tant d’autres à l’avoir. Une parmi la grande majorité, même. Il y a de fortes chances que votre herpès ne vous cause que peu de tracas au cours de votre vie. Si vous en avez, ces tracas s’atténueront très probablement avec le temps. Et si vous êtes l’une des malchanceuses qui connaît des épisodes fréquents, il existe des traitements pour vous soulager.
Quelque chose se trame entre vos jambes. C’est rouge, ça sent bizarre ou ça vous démange au point de vous empêcher de dormir la nuit. La mycose et la vaginose bactériennes sont des problèmes gynécologiques fréquents, qui ne sont pas dus à des infections sexuellement transmissibles. Au cours de leur vie, la plupart des femmes sont touchées par l’une ou l’autre, ou encore les deux. Ces deux affections sont sans danger, mais elles peuvent être très embêtantes. Étant donné que vous aurez sans doute à faire face à ces problèmes gynécologiques, il faut acquérir quelques connaissances sur le sujet.
En général, les micro-organismes (comme les bactéries et les champignons) donnent des associations négatives et des envies de savon et de spray désinfectant. Qui n’a jamais entendu parler de la vitesse à laquelle les bactéries prolifèrent sur un chiffon de cuisine, les champignons sur un mur humide ? On en frémit. Mais tous les micro-organismes ne sont pas nocifs.
Certaines bactéries sont absolument nécessaires à notre fonctionnement, comme celles des intestins, qui nous aident à digérer. Nous avons environ dix fois plus de bactéries que de cellules. Nous ne sommes pas malades pour autant.
Les muqueuses de la vulve et du vagin sont recouvertes de micro-organismes qui constituent ce qu’on appelle “la flore normale génitale” ou microbiote. Elle contribue à la bonne santé du vagin en soutenant le système immunitaire dans sa lutte contre les micro-organismes étrangers et en maintenant l’équilibre naturel du vagin. Nous l’avons déjà dit dans le premier chapitre, le vagin est autonettoyant, et le savon, particulièrement en usage interne, élimine la protection naturelle de l’appareil génital.
La flore vaginale normale varie selon l’étape de la vie à laquelle on se trouve. Avant la puberté et après la ménopause, la flore normale est essentiellement constituée de bactéries cutanées et intestinales. Mais quand vous êtes en âge de procréer, votre corps est sous l’influence des estrogènes. Les estrogènes rendent les muqueuses épaisses et actives, et le microbiote devient tout à fait caractéristique de l’appareil génital, se distinguant du microbiote d’autres zones du corps.
Le microbiote des femmes fertiles est essentiellement constitué de lactobacilles qui comptent sur les estrogènes pour se nourrir et vivre. Ces bactéries produisent un acide qui rappelle celui des yaourts. L’acide lactique favorise un pH bas, environ 4,5, et produit ainsi un environnement hostile pour les bactéries nocives. Mais dans le vagin, on trouve encore plein d’autres bactéries, champignons et virus255. Tout ce petit monde se bat dans un espace réduit pour la nourriture et le logement. La diversité de ces micro-organismes est telle qu’aucun n’arrive à prendre le dessus. Grâce aux défenses immunitaires du corps, ils se tiennent en respect les uns les autres. Mais dès que le microbiote protecteur est en déséquilibre, le vagin est fragilisé. C’est la raison pour laquelle prendre soin de son système immunitaire est, dans ce domaine aussi, une des clés de la prévention. Parlez-en avec votre médecin.
Commençons par les mycoses. Un certain nombre de femmes ont une levure appelée Candida albicans dans le rectum, d’où elle peut se déplacer vers le vagin, a fortiori si elle y trouve des conditions favorables à son développement. Candida albicans est présente dans la flore vaginale d’environ 20 % des femmes256, chiffre qui monte à 50 % chez les femmes enceintes257. Sans doute parce que cette levure adore les estrogènes, qui abondent pendant la grossesse. En Norvège, c’est Candida albicans qui est à l’origine de la plupart des mycoses.
Attendez un peu. Levure ? Ce qu’on met dans les brioches et le pain ? Presque ! Il ne s’agit pas exactement du même type de levure que la levure de boulanger, mais ça y ressemble. En novembre 2015, une femme atteinte de mycoses s’est même servie des levures de son vagin pour préparer un pain au levain. Ce fait divers n’a pas manqué de faire sensation sur Internet258. Elle a prélevé quelques sécrétions vaginales à l’aide d’un vibromasseur. Le levain a survécu, elle a fait un pain et l’a dégusté. Selon ses propres dires, il n’était pas mauvais du tout.
Si vous faites partie de ces 20 % de femmes qui ont des champignons dans le vagin, vous n’avez pas forcément une infection aux champignons, une mycose ou candidose, qui sont des inflammations de la muqueuse. Autrement dit, si vous en avez, vous vous en rendez compte.
Une mycose peut toucher le vagin à l’intérieur de l’appareil génital et les petites lèvres à l’extérieur. La démangeaison peut être intense, et certaines connaissent aussi des brûlures. Les rapports sexuels peuvent être douloureux et vous pouvez avoir mal quand vous urinez. La muqueuse infectée devient rouge et enflée. Certaines femmes ont des pertes blanchâtres grumeleuses qui pourraient être décrites comme du cottage cheese, tandis que d’autres ont des pertes fluides.
Parfois, le partenaire d’une femme souffrant de mycoses vaginales ressent des démangeaisons et des brûlures du pénis. Nous insistons toutefois sur le fait que les mycoses ne sont pas des infections sexuellement transmissibles. Vous pouvez faire l’amour même si vous avez une mycose et même si vous êtes sous traitement antifongique. En général, le traitement n’est pas nécessaire chez l’homme. Il suffit que vous soyez débarrassée de la levure pour qu’il le soit aussi.
Les mycoses étant très répandues, de bons médicaments sont vendus sans ordonnance en pharmacie. Ils sont nombreux et tous efficaces. Le traitement comporte l’application de crèmes, l’insertion d’ovules dans le vagin ou la prise de comprimés antifongiques à avaler. Si vous utilisez des ovules vaginaux, introduisez-les dans votre vagin avant de vous coucher afin qu’ils puissent agir pendant la nuit. Sans quoi ils ont tendance à se dissoudre très rapidement et à s’écouler dans votre culotte. La crème s’étale en couche fine sur les petites lèvres, du clitoris à l’anus. Il vaut mieux éviter les ovules si vous avez vos règles, non pas parce que c’est dangereux, mais parce que le sang emporterait le médicament hors du vagin.
L’existence de ces traitements sans ordonnance favorise l’automédication en cas de signes qui rappellent les mycoses. Or, tout ce qui gratte n’est pas mycose ! Si ça vous démange à l’entrejambe, il n’y a que 50 % de probabilités qu’il s’agisse de champignons259. Diverses affections de l’appareil génital peuvent se ressembler. Nous recommandons donc aux femmes présentant de nouveaux symptômes de consulter un médecin. Démangeaisons et altérations des sécrétions vaginales sont des indices diffus qui peuvent être dus à tout et n’importe quoi, par exemple des maladies sexuellement transmissibles comme les chlamydiae et la gonorrhée, ce qu’il vaut mieux découvrir le plus tôt possible. Diverses manifestations eczémateuses et irritations de l’appareil génital en réaction à la présence de restes de lessive sur les sous-vêtements ou à l’utilisation de savons et de lingettes intimes parfumées sont aussi répandues.
Même si elles en ont déjà eu, les femmes ont du mal à faire la différence entre les mycoses et d’autres affections gynécologiques. Leur diagnostic de mycose n’est exact que dans un cas sur trois260. En ayant systématiquement recours à l’automédication au lieu de consulter un médecin, on suit souvent des traitements qui ne servent à rien et n’éliminent pas le mal. L’utilisation inutile de fongicide peut aussi retarder le dépistage du réel problème et entraîner l’apparition de symptômes supplémentaires. L’usage extensif de fongicides peut même provoquer l’irritation des muqueuses, faisant alors penser à une mycose. Autrement dit, il est important de faire un tour chez le médecin pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une mycose.
Quand on vous diagnostique une mycose et qu’on vous prescrit un traitement antifongique, il est important de respecter les recommandations du médecin ou du pharmacien. Même si les symptômes disparaissent, il faut suivre le traitement jusqu’au bout. Continuez d’appliquer la crème pendant au moins deux jours après la disparition des symptômes, sans quoi les champignons reviennent facilement. Si vous arrêtez le traitement avant l’heure, vous risquez que de petites quantités de champignons subsistent et que l’infection reparte de plus belle.
Les mycoses sont répandues. Nous savons que jusqu’à trois femmes sur quatre en ont au cours de leur vie. Mais quelle en est la cause ? Ça, c’est moins facile à déterminer. Nous connaissons plusieurs facteurs qui prédisposent à la mycose. Nous savons que de nombreuses femmes en ont quand elles se lavent trop souvent l’entrejambe ou après la prise d’antibiotiques. Savon et antibiotiques contribuent à éliminer le microbiote nécessaire à la bonne santé de l’appareil génital. Nous savons aussi que les estrogènes jouent un rôle dans cette affaire. Avant la puberté et après la ménopause, les problèmes de mycose sont rares, car l’appareil génital n’est plus sous l’effet des hormones sexuelles. Les femmes enceintes, à l’inverse, connaissent des mycoses à répétition. Nous savons que les champignons apparaissent à des étapes précises du cycle menstruel. Le plus souvent, la mycose intervient avant la menstruation, contrairement à la vaginose bactérienne.
Les femmes diabétiques sont particulièrement sujettes aux mycoses, en particulier celles dont la glycémie n’est pas bien contrôlée. On constate par ailleurs que les jeunes femmes ont des mycoses plus fréquentes après leurs débuts sexuels et celles qui ont plusieurs rapports sexuels par mois semblent y être légèrement plus exposées.
Certaines femmes ont des problèmes de mycoses qui ne disparaissent jamais tout à fait, ce qui peut être handicapant. 3 à 5 % de l’ensemble des femmes souffrent de plus de quatre mycoses par an261. Si vous êtes très touchée, parlez-en à votre médecin, car vous pourriez avoir besoin d’un véritable examen et d’un fongicide plus puissant que ceux qui sont disponibles sans ordonnance.
On n’a hélas pas découvert de méthode efficace pour prévenir les champignons. Sur Internet comme dans les cabinets médicaux, ce ne sont pourtant pas les remèdes qui manquent. On conseille d’apporter des lactobacilles au vagin, soit sous forme de comprimés ou en buvant beaucoup de lait fermenté. Mais l’efficacité de ce traitement n’a pas été démontrée et vous risquez de jeter votre argent par les fenêtres, sauf si vous affectionnez particulièrement le lait ribot262.
Puisque les champignons aiment la chaleur humide, il est conseillé de minimiser l’humidité au niveau de l’entrejambe en évitant les bains prolongés en piscine ou dans un jacuzzi (changer de maillot en sortant), et en préférant les douches aux bains (bien sécher le sexe en sortant). Il est recommandé de bannir les sous-vêtements synthétiques et les pantalons serrés, mais aussi les protège-slips, qu’il ne faut utiliser qu’en cas de réelle nécessité. Il faut donc préférer les sous-vêtements en coton (qui respirent mieux) et dormir sans culotte pour permettre une bonne aération de l’entrejambe. Si vous êtes très touchée par les mycoses, il peut valoir la peine d’essayer de suivre ces recommandations, même si leur efficacité n’est pas prouvée scientifiquement. Ça ne coûte rien et c’est sans effets secondaires.
Passons maintenant à une autre affection de l’appareil génital, elle aussi extrêmement fréquente : la vaginose bactérienne, ou VB. Vous avez peut-être déjà entendu toutes les expressions dont on use pour décrire le sexe féminin et qui rappellent l’ambiance de la criée ? Fête de la crevette ou pas, la vérité est qu’un sexe en bonne santé n’est pas censé sentir le poisson, mais que la vaginose bactérienne produit souvent cette odeur.
La vaginose bactérienne est due à un déséquilibre du microbiote vaginal. Les lactobacilles protecteurs sont moins nombreux et d’autres types de bactéries prolifèrent, semant alors le trouble. En cas de vaginose bactérienne, le vagin perd de son acidité, il devient plus basique. C’est pour cette raison que le médecin mesure parfois le pH de votre vagin, quand vous avez des problèmes gynécologiques. Cela lui permet de déterminer si vous avez une VB.
Les responsables de la vaginose bactérienne ne sont pas un type de bactéries en particulier, mais un véritable cocktail. Les bactéries dans le vagin, c’est normal, on l’a vu. Les problèmes surviennent quand elles se déplacent ou prolifèrent.
La plupart des spécialistes pensent que seules les femmes ayant eu des relations sexuelles peuvent avoir une VB, que le risque augmente avec le nombre de partenaires sexuels et qu’il diminue avec l’utilisation de préservatifs. C’est valable pour les femmes ayant des relations sexuelles avec des femmes comme pour celles qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Plus il y a de partenaires, plus il y a de VB263. On peut donc s’imaginer que certaines bactéries viennent du partenaire sexuel, mais la VB n’est pas considérée pour autant comme une infection sexuellement transmissible. Souvenez-vous, de nombreuses bactéries sont responsables de la VB. Nous ne parlons donc pas d’une seule bactérie contagieuse et nocive, comme la chlamydia. Vous pouvez plutôt envisager la VB comme un mélange de votre microbiote avec celui de plusieurs personnes dont la composition bactérienne est un peu différente de la vôtre. Plus il y a de monde aux fourneaux, plus il y a de casseroles renversées.
Les femmes qui n’ont pas de partenaires multiples peuvent aussi déclencher une VB, mais elles doivent avoir eu des relations sexuelles. La VB est considérée comme bénigne. Il n’y a donc aucune raison de protéger un partenaire régulier de la contagion en utilisant un préservatif ou de s’abstenir de faire l’amour pendant le traitement. En revanche, n’oubliez pas qu’il reste préférable d’utiliser des préservatifs quand vous avez plusieurs partenaires ! Bien entendu, toujours en raison du risque de contracter une infection sexuellement transmissible, et non une VB.
En dehors de cette odeur caractéristique, décrite comme celle du poisson pourri, les femmes atteintes de VB ont des pertes plus abondantes que d’ordinaire. Il est fréquent d’avoir des sécrétions grisâtres très fluides et de devoir changer de culotte plusieurs fois par jour. L’odeur peut être si forte qu’elle traverse les vêtements.
Beaucoup de femmes connaissent seulement de temps en temps ces odeurs ou constatent leur aggravation après un rapport sexuel vaginal, ainsi que pendant ou après les menstruations. Cela signifie-t-il que les règles et les rapports sexuels favorisent les VB ? Non, mais si vous avez une VB, les règles et le sperme peuvent accentuer vos symptômes.
Plus l’appareil génital est basique, plus l’odeur se renforce. Autrement dit, l’odeur est plus marquée quand les lactobacilles sont moins nombreux ou qu’une substance basique est ajoutée au vagin. Le sang et le sperme étant plus basiques que l’environnement vaginal, ils renforcent cette fameuse odeur de poisson. Si vous la sentez après vos règles ou après un rapport sexuel, c’est peut-être un signe que vous souffrez d’une VB sans symptômes nets et qu’elle s’embrase quand le milieu est moins acide.
On peut penser qu’il est facile d’identifier une vaginose bactérienne, mais, comme pour les mycoses, il n’est pas certain que vous la reconnaissiez à ses symptômes. Les femmes atteintes de VB ont des démangeaisons et d’autres manifestations qui rappellent une mycose. Les pertes sont un symptôme commun à diverses infections sexuellement transmissibles, et il est possible d’avoir plusieurs affections à la fois ! Il n’est pas facile de distinguer les affections gynécologiques les unes des autres. Morale de l’histoire : si votre appareil génital n’est pas comme d’habitude, il faut consulter un médecin. Altération des pertes, démangeaisons ou brûlures ? Prenez rendez-vous !
Quand on est confrontée à une mauvaise odeur, on tire facilement la conclusion que l’appareil génital est sale. C’est un réflexe fréquent. Pourtant, ce n’est pas le cas. Si vous tentez de vous débarrasser du problème en vous lavant, vous allez aggraver la situation. La seule chose que vous allez faire, c’est lessiver les bonnes bactéries qui maintiennent le vagin acide. La VB peut passer toute seule, mais il est préférable de laisser un médecin se charger de vous soigner. La VB étant causée par des bactéries, il faut prendre des antibiotiques. Pour traiter la VB, il existe aussi des ovules vaginaux de lactobacilles censés apporter un complément au milieu vaginal. Même si aucune étude n’a démontré l’efficacité de ce traitement.
Ce n’est pas pour rien qu’on dit avoir l’impression d’uriner des barbelés quand on a une infection urinaire. Les infections urinaires sont une vraie cochonnerie et les femmes y sont particulièrement sujettes.
C’est la faute à deux choses : d’abord, à notre urètre qui est court et, ensuite, à la localisation de son orifice près de l’anus. Quand elles restent à leur place, les bactéries du rectum fonctionnent au mieux, mais elles grimpent facilement dans l’urètre, puis remontent jusqu’aux muqueuses de celle-ci et de la vessie. Ce petit voyage entraîne alors une infection.
On remarque une infection urinaire (ou cystite) quand on fait pipi. Ça brûle et on a l’impression que ce n’est plus de l’urine qui sort, mais des barbelés. Surtout à la fin, quand la vessie se vide complètement et que les parois se collent. Le besoin d’uriner est fréquent, mais on n’urine qu’un petit peu chaque fois. Il se peut aussi que l’urine ait une odeur étrange ou qu’elle soit mêlée d’un peu de sang.
La grande, grande majorité des infections urinaires chez les jeunes femmes (pas moins de 95 % d’entre elles) sont des infections appelées “non compliquées264” ; l’infection est considérée comme peu grave et requérant un traitement simple, voire pas de traitement du tout. Autrefois, on soignait toutes les infections urinaires avec des antibiotiques, parce qu’on pensait que l’infection allait remonter dans le système jusqu’aux reins et provoquer une infection plus grave, mais ce traitement systématique s’est révélé inutile. En prenant des antidouleurs et en laissant passer quelques jours, la plupart des infections urinaires se résorbent d’elles-mêmes.
Bien sûr, il faut toujours être attentive aux aggravations. Si la fièvre monte et si des douleurs vives surviennent (en particulier si elles remontent dans le dos), il faut consulter un médecin sans délai et ne pas hésiter à aller aux urgences. Ce peut être le signe que les bactéries ont entraîné une infection rénale et pourraient, dans le pire des cas, abîmer un rein.
Pour les femmes enceintes, toute cystite doit être prise au sérieux. On la considère alors systématiquement comme compliquée et on la soigne à l’aide d’un traitement spécial aux antibiotiques. On considère aussi les infections urinaires comme compliquées si elles sont fréquentes. Il faut alors rechercher les bactéries en cause et déterminer s’il y a une affection sous-jacente qui rendrait la personne plus sujette aux cystites. Cela étant dit, un certain nombre de femmes ont des infections urinaires à répétition sans qu’on sache vraiment pourquoi. On soupçonne que leurs défenses immunitaires sont un peu différentes dans les muqueuses de leurs voies urinaires, si bien que les bactéries s’y logent plus facilement.
Plus d’une femme recherche désespérément des méthodes pour éviter les infections urinaires. Le jus ou les comprimés de canneberge sont un remède de grand-mère bien connu. Les canneberges sont utilisées depuis des siècles. Elles contiennent une substance qui empêcherait les bactéries de s’implanter dans les muqueuses de la vessie. Une vaste méta-analyse du célèbre institut Cochrane aurait montré qu’elles n’exercent cependant pas d’effet préventif265. Là encore, rien ne vous empêche d’essayer si vous aimez le jus de canneberge. C’est sans effet secondaire. On conseille aussi de boire beaucoup d’eau pour nettoyer l’urètre, de vider votre vessie dès que le besoin se manifeste et, évidemment, de toujours vous essuyer de l’avant vers l’arrière quand vous êtes allée à la selle.
Nous savons que les relations sexuelles augmentent les risques de cystite. Pendant un rapport, le sexe est souvent très humide, les bactéries se déplacent plus facilement et le frottement ainsi que les chocs d’un sexe contre l’autre peuvent les pousser au mauvais endroit. Chez les femmes de moins de 30 ans, le risque d’infection urinaire est 60 fois plus élevé dans les quarante-huit heures suivant un rapport sexuel266.
Le bon vieux conseil de faire pipi après un rapport sexuel, pour limiter le risque de se retrouver avec de pénibles brûlures, est bien connu lui aussi. C’est une bonne astuce. En urinant après avoir fait l’amour, on chasse les éventuelles bactéries intestinales qui seraient venues se perdre dans l’urètre et on s’en débarrasse avant qu’elles aient pu semer la zizanie en envahissant la muqueuse vaginale.
Si les cystites ont un lien avec les rapports sexuels, elles ne sont pas des infections sexuellement transmissibles pour autant. Il s’agit simplement de bactéries intestinales ordinaires qui se retrouvent au mauvais endroit. Mais les chlamydiae, la gonorrhée et le mycoplasme, eux aussi, provoquent souvent des brûlures quand on urine. Il faut donc faire très attention. Les bactéries n’ont pas exactement le même comportement. Contrairement aux bactéries intestinales, les bactéries sexuellement transmissibles se plaisent bien dans l’urètre, mais pas dans la vessie. Quand on a une infection sexuellement transmissible, on ne ressent pas la douleur caractéristique en fin de jet. On ressent également moins le besoin d’uriner très fréquemment. La différence reste difficile à établir soi-même. Une infection urinaire peut ressembler à des chlamydiae et les chlamydiae peuvent ressembler à une infection urinaire. Et vous pouvez même avoir les deux d’un coup.
Pour la prévention, voici donc un résumé des bons gestes :
LES BONS GESTES POUR PRÉVENIR LES CYSTITESIII
• Buvez beaucoup d’eau et de liquides non alcoolisés (volume au moins égal à 1,5 litre par jour) car le flux urinaire diminue la charge bactérienne.
• Urinez dès que vous en ressentez le besoin : ne vous retenez pas.
• Lorsque vous urinez, faites-le complètement afin d’éviter qu’un résidu d’urine ne demeure dans votre vessie et favorise la multiplication d’éventuelles bactéries.
• Ne prenez pas de douches vaginales. • N’utilisez pas de produits d’hygiène intime parfumés.
• N’utilisez pas de bains moussants.
• Essuyez-vous de l’avant vers l’arrière après être allée aux toilettes car, si l’urine est stérile, les selles contiennent de nombreux germes.
• Urinez tout de suite après chaque rapport et évitez l’usage des spermicides.
• Luttez contre la constipation.
• Portez des sous-vêtements en coton.
Ce n’est pas spécialement sympa de se retrouver à acheter un paquet de serviettes Tena Lady au supermarché à 19 ans et demi alors qu’on n’a jamais mis un enfant au monde. Pourtant, les vieilles dames et les femmes qui ont eu beaucoup d’enfants ne sont pas les seules à avoir des fuites. L’incontinence urinaire est un problème gynécologique fréquent.
L’âge, les accouchements et le surpoids sont les principaux facteurs de risque. Plus elles vieillissent, plus les femmes sont touchées. C’est pourquoi on s’étonne souvent d’avoir des incontinences urinaires avant son premier accouchement, mais les femmes peuvent être concernées à tout âge.
Il est difficile d’évaluer le nombre de femmes qui souffrent d’incontinence. Les chiffres varient selon les études, mais on pense aussi que moins de la moitié des femmes incontinentes consultent un médecin, ce qui porte à croire que les chiffres réels dépassent largement les estimations267. Une étude réalisée auprès de Norvégiennes a montré que 30 % d’entre elles avaient des problèmes d’incontinence urinaire268, et une autre menée auprès de femmes ayant accouché trois mois auparavant indiquait que 20 à 30 % d’entre elles étaient concernées269. Plusieurs études étrangères ont présenté toutes sortes de chiffres, de 10 à 60 %, selon la gravité des incontinences dont il était question270.
Il y a encore moins de données sur les femmes jeunes et sans enfants, et les chiffres disponibles varient considérablement. Une étude qui s’intéressait aux femmes australiennes entre 16 et 30 ans n’ayant jamais accouché a montré que 12,6 % d’entre elles avaient des fuites urinaires271. Une étude suédoise a obtenu des résultats très différents : environ 3 % des femmes âgées de 20 à 29 ans souffraient d’incontinence272.
Quelle que soit, parmi les études mentionnées ici, celle qui est la plus proche de la vérité, on peut juste dire que les incontinences urinaires touchent aussi les femmes jeunes et sans enfants.
Cette affection se présente sous plusieurs formes. Nous distinguons les incontinences dites d’effort, les incontinences par impériosité et les incontinences mixtes, qui associent l’incontinence d’effort et l’incontinence par impériosité.
La forme la plus répandue, l’incontinence d’effort, concerne environ 50 % des femmes qui ont des problèmes de fuites urinaires76. Il s’agit des fuites d’urine quand la pression sur le ventre augmente, par exemple quand on tousse ou qu’on éternue, quand on rit, saute, court et ainsi de suite. Les pertes sont faibles par rapport aux incontinences par impériosité, mais le degré de gravité est extrêmement variable. Tout comme la fréquence et le volume des fuites.
L’incontinence par impériosité (incontinence par hyperactivité vésicale ou urgenturie) se manifeste par un besoin impérieux d’aller faire pipi. Les femmes touchées éprouvent un besoin soudain et violent de faire pipi immédiatement, suivi d’une importante perte d’urine. 10 à 15 % des femmes souffrant d’incontinence connaissent exclusivement l’incontinence par impériosité273. Elles ont une vessie hyperactive ; elles éprouvent de fréquents besoins impérieux d’uriner sans qu’il y ait nécessairement de fuites. En général, les femmes dont la vessie est hyperactive urinent plus souvent que les autres et doivent se lever la nuit pour faire pipi274.
Entre 35 et 50 % des femmes incontinentes souffrent d’incontinence mixte. La forme de fuite est donc variable. À certains moments, on a des fuites quand on saute ou qu’on éternue, et à d’autres, c’est l’urgence absolue qui les déclenche.
Les fuites urinaires ont plusieurs causes. Si vous buvez plus d’eau que nécessaire, il faut envisager de réduire la quantité. Boire beaucoup d’eau n’est pas forcément bon pour la santé. À moins de faire du sport ou de séjourner dans un endroit au climat très chaud, vous n’avez pas besoin de plus de deux litres d’eau par jour. On absorbe une partie de cette eau par la nourriture. Il peut aussi être bon de limiter les boissons diurétiques comme le thé et le café.
Parfois les fuites urinaires sont aussi un symptôme d’autres maladies, telles que des infections urinaires ou certaines maladies neurologiques. Si vous n’identifiez pas clairement l’origine de vos incontinences, il faut en parler à votre médecin.
Si vous avez des fuites urinaires, vous n’êtes pas condamnée à porter des pantalons noirs pour les dissimuler, ni à vous priver de courir et de rire jusqu’à la fin de vos jours. Il existe des solutions. La première mesure que l’on prend pour mettre un terme aux fuites requiert un petit effort personnel. L’incontinence d’effort est souvent due à un défaut de tonicité du périnée, par exemple quand il est encore sous l’effet d’un accouchement. Les muscles périnéaux sont ceux qu’on utilise notamment pour interrompre un jet d’urine ou serrer le vagin. Avec une musculature périnéale mieux exercée, on peut avoir plus de facilité à prévenir les fuites involontaires quand la pression dans le ventre augmente. Il existe plusieurs façons d’exercer la musculature périnéale, mais elles consistent en gros à contracter les muscles de l’entrejambe par intervalles, tout comme vous travaillez vos autres muscles en salle de sport. De nombreuses femmes se font aider d’un médecin ou d’un kinésithérapeute. Il existe des programmes d’entraînement spéciaux, notamment des applis faites spécialement pour l’exercice du plancher pelvien. Vous pouvez aussi essayer les boules de geisha ou autres instruments similaires. Le but des boules de geisha est de se servir de la musculature périnéale pour les maintenir aussi longtemps que possible dans le vagin. Quels que soient les exercices que vous choisirez, vous remarquerez avec un peu de chance que votre périnée se renforce et que les fuites se font moins nombreuses.
La rééducation du périnée peut aussi être bénéfique pour les femmes ayant des problèmes d’incontinence par impériosité, mais dans ce cas, il est encore plus important de se livrer à l’entraînement de la vessie. Lors d’incontinences par impériosité, le problème réside ailleurs que dans les muscles. Le muscle de la vessie se contracte au mauvais moment, sans qu’on ait de contrôle dessus. C’est pour cela qu’on urine souvent de si grands volumes. La rééducation de la vessie consiste à apprendre à uriner moins souvent. Le but est d’uriner en obéissant à des horaires et non à un besoin. Vous pouvez, par exemple, commencer par vous dire que vous avez le droit de vous soulager toutes les heures. Si un besoin soudain surgit entre ces heures autorisées, vous ne devez pas aller aux toilettes, mais vous retenir. Puis vous allez progressivement augmenter l’intervalle et passer à deux, trois, quatre heures et ainsi de suite. À long terme, cette rééducation permet souvent d’améliorer l’incontinence par impériosité.
Dans certains cas, on peut avoir recours à un traitement médicamenteux ou à la chirurgie. Chez certaines femmes, des interventions simples, effectuées en soins ambulatoires, font une vraie différence, mais chez d’autres, la rééducation seule fera l’affaire. La solution pour vous dépendra de ce que vous souhaitez et de la gravité du problème.
Si vous regardez votre anus, vous remarquerez qu’il est plissé. C’est la raison pour laquelle on le compare parfois à un nœud de ballon. Les plis se forment quand les sphincters referment le trou. L’anus doit pouvoir s’élargir beaucoup et ce diamètre élargi est caché par une espèce de jupe plissée. En temps normal, les plis sont répartis autour de l’orifice et leur surface est plutôt régulière. Alors, quand soudain on aperçoit un ovni qui sort de notre anus, notre sang ne fait qu’un tour. Cette excroissance attire notre attention sur un orifice dont nous préférerions oublier l’existence. Ce qu’on voit est très probablement une marisque ou des hémorroïdes. Pas de panique, ce sont deux affections bénignes.
Les hémorroïdes sont un problème très répandu chez les femmes comme chez les hommes. Environ un tiers des adultes en ont, sans que ce soit un sujet de conversation pour autant275. On peut avoir des hémorroïdes à l’intérieur et à l’extérieur du rectum, autour de l’anus, mais tenons-nous-en à l’extérieur. De toute façon, les hémorroïdes sont des hémorroïdes.
Les hémorroïdes sont une varice dans le derrière qui se présente comme un renflement bleu violacé avec l’allure d’un ballon. À la différence des marisques, on arrive presque toujours à les repousser à leur place, mais elles ressortent quand vous allez à la selle ou que vous faites une grosse flexion. Souvent, elles démangent et peuvent être sensibles. Parfois, le sang frais sur le papier quand vous vous essuyez est le seul symptôme qui les signale. S’il y a du sang, c’est simplement parce qu’une hémorroïde n’est qu’un vaisseau égaré. D’ordinaire, les vaisseaux sont retenus autour de l’anus par du tissu conjonctif et des muqueuses, ce qui fait que nous ne les voyons pas. Avec l’âge, ces structures de soutien se relâchent un peu, et une pression accrue dans le pelvis – par exemple quand on pousse fort aux toilettes, qu’on soulève un objet lourd, ou pendant la grossesse et lors d’un accouchement – peut conduire à ce qu’un certain nombre de vaisseaux soient repoussés hors de leur emplacement et forment comme un tuyau d’arrosage recourbé. Cette courbure se retrouve facilement compressée à la racine, si bien que le sang s’accumule et forme un petit ballon. C’est ce ballon que nous appelons hémorroïde.
Les hémorroïdes autour de l’anus, ce n’est pas grave, mais c’est franchement désagréable. Les vaisseaux n’apprécient pas d’être bougés ainsi et de petites infections peuvent survenir autour des hémorroïdes. Quelques glaires, douleurs et démangeaisons apparaissent, et le simple fait de s’asseoir, sans parler d’aller à la selle, devient une épreuve. Des saignements, modérés ou relativement abondants, peuvent également apparaître.
Heureusement, il existe de quoi vous secourir. C’est facile, vous allez voir. Tout d’abord, il faut veiller à avoir une bonne hygiène intestinale. Boire suffisamment d’eau pour garder des selles molles et n’aller aux toilettes que quand le besoin s’en fait sentir pour ne pas devoir pousser. Nous vous recommandons aussi de laisser votre journal sur la table de la cuisine. Si vous passez trop de temps aux toilettes, la pression autour des hémorroïdes augmente et les désagréments s’accentuent. Souvent, il suffit d’une bonne hygiène intestinale pour que les hémorroïdes se replacent d’elles-mêmes. Si vous êtes partante, renfoncez-les avec le doigt quand elles ressortent, afin qu’elles puissent se remettre en position. Il vous paraîtra peut-être un peu inhabituel de vous enfoncer un doigt dans le rectum, mais si ça peut vous consoler, les médecins le font tous les jours à des gens qu’ils ne connaissent ni d’Ève ni d’Adam.
En pharmacie, on trouve diverses pommades pour hémorroïdes qui sont efficaces en général. Si elles restent sans effet, votre médecin pourra vous conseiller sur les nombreux traitements possibles, notamment la chirurgie. Pas d’inquiétude, il a l’habitude de ce genre de conversations !
Si ce ne sont pas des hémorroïdes qui émergent de votre anus, c’est probablement une marisque. Une marisque est un feston de peau de l’anus un peu plus grand que les autres, qui apparaît souvent après le dessèchement d’une hémorroïde. Quand une hémorroïde sort, certains festons de peau de l’anus peuvent se détacher de leur place d’origine. Quand l’hémorroïde se réduit, ces festons fusionnent en un seul, légèrement plus grand, et qui dépasse un peu de la surface. Une marisque ou deux causent rarement de grands problèmes, même si on a parfois des démangeaisons passagères et des suppurations en cas d’irritation du feston de peau par le frottement de strings, des défécations fréquentes, etc. L’inconvénient des marisques, c’est qu’elles peuvent rendre difficile la toilette de l’anus.
Certaines femmes trouvent les marisques esthétiquement gênantes. Il est possible d’éliminer le feston de peau chirurgicalement, mais réfléchissez bien, car il y a toujours un risque de complications, et l’ablation est douloureuse. Vous aurez une plaie opératoire au milieu de l’anus et, hélas, la défécation n’attendra pas. Même si vous venez de vous faire opérer. À moins qu’elles ne vous causent beaucoup de problèmes, nous vous conseillons donc de ne pas stresser et de laisser vos marisques tranquilles.
Le col de l’utérus, ou cervix uteri, est la porte qui se situe entre l’utérus et le vagin. Vous pouvez sentir votre col utérin tout en haut de votre vagin, comme une excroissance ayant la consistance d’un bout de nez avec un tout petit trou au milieu. C’est là l’étroit tunnel par lequel les spermatozoïdes passent pour monter dans l’utérus et c’est par là que les règles s’évacuent. Quand vous allez accoucher, le col de l’utérus peut s’élargir pour laisser passer un bébé entier. C’est aussi à cet endroit qu’on peut avoir un cancer.
Le cancer du col de l’utérus est un cas de cancer unique. Dès le XIXe siècle, on avait découvert que cette forme de cancer se comportait différemment des autres. Elle était nettement plus répandue chez les prostituées que chez les femmes mariées, et les religieuses étaient quasiment épargnées par la maladie. Pouvait-il s’agir d’une punition divine contre les femmes de mœurs légères ?
Nous savons aujourd’hui que le châtiment divin a peu de rapport avec cette histoire. En effet, le cancer du col de l’utérus est causé par une maladie virale qui se transmet sexuellement ! Nous avons mentionné ce virus dans la partie dédiée aux infections sexuellement transmissibles : il s’agit du virus du papillome humain (VPH).
Le VPH est une grande famille de virus. La plupart sont parfaitement bénins, il en est un, par exemple, qui est à l’origine des verrues dermatologiques ordinaires. Certains VPH se plaisent surtout dans l’appareil génital. Ils sont transmis par contact sexuel et, au cours de leur vie, la plupart des femmes sexuellement actives sont infectées par un ou plusieurs types de VPH. Avant d’avoir atteint 50 ans, plus de 80 % des femmes ont contracté le virus. Il est donc considéré comme la plus fréquente des maladies sexuelles ; près de la moitié des femmes de 20 à 24 ans se promènent avec une infection par VPH276.
En règle générale, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Contrairement au cas de l’infection par herpès, le corps parvient la plupart du temps à se défaire du virus par ses propres moyens, comme c’est le cas avec les rhumes. Nous le savons car chez les femmes surveillées sur le long terme, on constate souvent que le virus n’est pas le même. On pense donc que ces infections sont de courte durée et que les femmes sont réinfectées par de nouveaux types de virus quand elles changent de partenaire.
Certains types de VPH se distinguent des autres car ils provoquent une infection durable du col de l’utérus ; on les appelle “virus à haut risque”. Les plus courants sont le VPH-16 et le VPH-18. À long terme, cette infection peut évoluer en cancer. À lui tout seul, le VPH-16 est responsable de la moitié des cas de cancers du col de l’utérus. Il peut provoquer des cancers de la bouche et de la gorge, ainsi que du vagin, de la vulve et de l’anus. Mais ça ne se produit pas dès lors qu’il y a infection. Le VPH-16 est très courant, mais l’infection évolue très rarement en cancer. D’autres facteurs sont donc déterminants dans le développement du cancer. Des vulnérabilités particulières de la patiente ou d’autres facteurs environnementaux, tels que le tabagisme par exemple, peuvent favoriser cette mutation. Nous ne les connaissons pas encore tous.
Formulons les choses autrement : certes, presque toutes les femmes qui ont un cancer du col de l’utérus ont une infection par virus HPV, mais très peu de femmes qui en sont infectées développent un cancer.
On n’est pas atteinte d’un tel cancer du jour au lendemain. D’abord, le virus conduit à une dysplasie, une transformation des cellules du col de l’utérus. Ces cellules présentent ensuite de petits défauts et des anomalies qui vont altérer leur comportement. Au début, les cellules malades sont juste un peu différentes, mais si les défenses immunitaires les laissent tranquilles, elles peuvent commencer à vraiment se distinguer du groupe. Le temps passant, elles s’altèrent toujours plus, pour finalement devenir méconnaissables et se développer là où elles ne sont pas censées se trouver. Ce n’est qu’à ce stade qu’elles sont devenues des cellules cancéreuses.
Dans la plupart des cas, il s’écoule au moins dix à quinze ans entre les premières dysplasies innocentes et la déclaration du cancer du col de l’utérus. Dans l’intervalle, on suppose qu’il y a plusieurs stades de transformation cellulaire. À chacun de ces stades, les cellules peuvent changer d’avis ou être tuées par les défenses immunitaires.
Ce sont de telles transformations cellulaires qui sont susceptibles d’être des états précancéreux. On souhaite les découvrir aussi tôt que possible. En effectuant un dépistage régulier tous les trois ans sur des prélèvements de cellules, les transformations peuvent être repérées à temps et on peut éliminer les cellules avant qu’elles constituent un danger. C’est un mode efficace de prévention du cancer du col de l’utérus.
Les transformations de cellules et le cancer du col de l’utérus entraînent rarement des symptômes ou des signes de maladie avant un stade tardif de la maladie. C’est pourquoi les examens réguliers du col de l’utérus sont si importants. Les symptômes du cancer du col de l’utérus peuvent être les suivants : troubles hémorragiques (saignements entre les règles ou lors de rapports sexuels), douleurs à l’entrejambe ou dans le bas-ventre (pendant les rapports sexuels ou dans la vie quotidienne), pertes malodorantes avec des traces de sang.
Autrement dit, les signes qui peuvent survenir lors d’un cancer du col de l’utérus sont très peu spécifiques : ce sont des signes qui se manifestent dans un grand nombre d’affections gynécologiques courantes et moins dangereuses. Si vous avez certains de ces symptômes, il faut absolument consulter un médecin. Mais inutile de vous inquiéter à l’idée qu’il s’agisse d’un cancer. C’est plus probablement une maladie sexuellement transmissible, des effets secondaires de la contraception ou un état douloureux lors de rapports sexuels. Quoi qu’il en soit, il est important de vous faire examiner.
En Norvège, le Registre national du cancer envoie à toutes les jeunes femmes âgées de 25 ans une invitation à faire un frottis. Certains comtés norvégiens participent actuellement à un programme pilote proposant un test de VPH à la place du frottis. Les femmes se révélant avoir un VPH-16 ou un VPH-18 sont ensuite convoquées pour un frottis. Cette procédure pourrait bien devenir la future forme de dépistage en Norvège, peut-être d’ici quelques années. De nombreuses Norvégiennes échapperaient ainsi à des examens gynécologiques et frottis inutiles et seules celles présentant un risque accru de transformations cellulaires seraient examinées. En France, le dépistage généralisé du cancer du col de l’utérus ne sera systématisé qu’à partir de 2018. Alors, s’il est une invitation que vous devriez accepter, c’est bien celle-là. Les femmes qui font régulièrement des prélèvements de cellules du col de l’utérus réduisent de 70 % leur risque de développer un cancer du col de l’utérus au cours de leur vie. C’est ce que nous appelons une assurance-vie très bon marchéIV !
Et pourtant la lettre que les jeunes femmes norvégiennes entre 25 et 34 ans reçoivent échoue dans la corbeille à papier de près de la moitié d’entre elles. Le taux de participation au dépistage a chuté. Il est passé de 71 à 57 % dans le groupe d’âge 25-34 ans. Ce sont les jeunes qui ne se font pas dépister, bien qu’elles soient plus exposées qu’avant. En Norvège, les jeunes femmes souffrant d’un cancer du col de l’utérus sont aujourd’hui plus nombreuses que jamais. Ces dernières années, le Registre du cancer indique une augmentation de 30 % du nombre de cas parmi les femmes de moins de 40 ans. Il y a deux raisons à ces chiffres : les femmes se présentent moins souvent pour des examens du col de l’utérus et davantage de jeunes femmes sont contaminées par le VPH à l’origine de ce cancer.
Le frottis est donc une solution simple pour prévenir le cancer du col de l’utérus. En Norvège, après la première convocation l’année de ses 25 ans, il est recommandé de faire un test tous les trois ans jusqu’à l’âge de 69 ans. Quand trois ans se sont écoulés depuis le dernier frottis, les femmes reçoivent un rappel les invitant à prendre rendez-vous pour un nouveau prélèvement.
Pour réaliser le frottis, les Norvégiennes peuvent se rendre chez leur médecin traitant ou chez un gynécologue. Elles peuvent aussi le faire si elles n’ont pas encore reçu de lettre.
Il ne faut pas faire de frottis au moment des règles. Il est également préférable de ne pas avoir eu de rapports sexuels vaginaux dans les deux jours précédant le prélèvement. L’examen gynécologique prend deux ou trois minutes. Le médecin ouvre le vagin avec une sorte de grand entonnoir, appelé spéculum, regarde le col de l’utérus et effectue un prélèvement à l’aide d’une petite brosse. Un frottement léger de la brosse contre le col de l’utérus va détacher quelques cellules, qui pourront ensuite être observées au microscope dans le laboratoire. Si les cellules du col de l’utérus montrent des transformations, les femmes concernées en sont informées dans les semaines qui suivent.
Les femmes que nous rencontrons sont souvent inquiètes et frustrées par les informations trop parcellaires que leur fournit le médecin sur le processus de dysplasie du col de l’utérus. La plupart des jeunes femmes chez qui on découvre des transformations de cellules se sentent en pleine forme et l’idée d’un cancer ne les a jamais traversées. Cette lettre peut donc être un choc bien plus considérable que ne le mesurent les professionnels de la santé.
Quand on les informe de la découverte de transformations de cellules, de nombreuses femmes ont peur d’avoir un cancer et de mourir. À leur adresse, nous insistons sur le fait qu’il est très fréquent que les jeunes femmes sexuellement actives aient de légères transformations de cellules du col de l’utérus. Toute infection par le VPH, y compris dans le cas des virus à faible risque, peut donner lieu à ce genre de modifications. C’est la raison pour laquelle on ne dépiste pas les femmes de moins de 25 ans en Norvège. Si on le faisait, elles seraient extrêmement nombreuses à s’inquiéter inutilement et à être traitées pour rien. Sans que cela ne nous permette de détecter de nouveaux cas.
Chez la grande, grande majorité des femmes, les transformations cellulaires du col de l’utérus disparaissent d’elles-mêmes. Comme pour les autres virus : en général, ça passe. Les défenses immunitaires du corps sont formidables quand il s’agit de régler les problèmes par leurs propres moyens ! Le médecin traitant le sait, et cela explique pourquoi il ou elle ne manifeste pas de grande inquiétude. Pendant ce temps, la femme testée positivement n’a qu’un mot en tête : cancer.
Voici de quoi vous tranquilliser un peu plus, si vous êtes dans ce cas : tous les ans, on trouve des cellules anormales chez 25 000 Norvégiennes et, sur ces 25 000 femmes, seules 3 000 finissent par avoir besoin d’un traitement pour des lésions précancéreuses graves. Et celles qui développent un cancer du col de l’utérus par la suite sont encore moins nombreuses. Elles sont environ 300.
Revenons à cette lettre indéchiffrable du médecin. Que se passe-t-il entre le moment où vous faites le frottis et le moment où vous recevez la lettre ? Les cellules prélevées sur le col de l’utérus ont été envoyées dans un laboratoire. Là, un médecin a teinté les cellules et les a observées au microscope à la recherche de cellules d’aspect anormal. Selon leur étrangeté, leur aspect et leur nombre, on classe les transformations dans les catégories suivantes : légèrement anormales, modérément anormales ou fortement anormales. Mais pas de panique, même les cellules classées comme fortement anormales peuvent disparaître d’elles-mêmes. Malgré tout, il reste important d’assurer un suivi de toute dysplasie.
Le laboratoire observe les cellules. Il peut aussi effectuer un test de VPH sur le prélèvement. Le niveau des cellules sur l’échelle de transformation et le résultat du test de VPH sont déterminants pour la suite des opérations :
• Le prélèvement de cellules montre des transformations de cellules incertaines ou légèrement anormales :
Il suffit de refaire un frottis de contrôle six mois à un an plus tard. La plupart du temps, les cellules anormales se seront alors réparées d’elles-mêmes après l’attaque virale ou auront été tuées par vos défenses immunitaires. Si les transformations cellulaires ont régressé, et que le test de VPH est négatif, vous êtes en aussi bonne santé qu’avant, et vous n’aurez pas besoin de nouveau prélèvement de cellules avant trois ans. Si vous avez toujours des transformations de cellules lors du frottis de contrôle et que le test de VPH est positif, le gynécologue effectuera les examens plus approfondis décrits ci-dessous.
• Le prélèvement de cellules montre des transformations de cellules fortement anormales :
Votre gynécologue va faire deux choses. D’abord il ou elle jettera un coup d’œil sur le col de votre utérus avec des jumelles spéciales. Cet examen, appelé colposcopie, permet de voir s’il y a des transformations de la muqueuse. Ensuite un prélèvement de tissu (biopsie) du col de l’utérus sera envoyé à un spécialiste – un pathologiste – pour examen au microscope. Lors d’un frottis, on enlève juste quelques cellules de la surface de la muqueuse en frottant avec une brosse, mais lors d’une biopsie, on enlève un petit fragment de peau pour voir s’il y a des cellules anormales plus profond dans la muqueuse. On observe ainsi toute l’architecture de la muqueuse.
Dans la plupart des cas, les gynécologues effectuent une anesthésie locale du col de l’utérus. Mais après l’examen, même avec l’anesthésie locale, on ressent de la douleur. Il vaut donc mieux prendre de l’ibuprofène au préalable. Après une biopsie, il est fréquent d’avoir quelques saignements. La plupart des patientes doivent utiliser des serviettes hygiéniques (pas des tampons !) pendant le reste de la journée.
Quand le pathologiste observe ce prélèvement au microscope, les transformations cellulaires sont classées selon leur gravité : dysplasies légères, moyennes ou sévères. Aucune n’est un cancer. C’est seulement quand les cellules malades ont traversé entièrement la muqueuse qu’on parle de cancer du col de l’utérus.
Si la colposcopie et la biopsie sont parfaitement normales ou n’indiquent que des transformations légères, vous pouvez vous détendre. Il faudra néanmoins refaire un frottis et un test de HPV dans les six à douze mois pour vérifier que tout va bien. Dans neuf cas sur dix, les transformations ont disparu ou sont restées stables sans aucune aggravation277. En Norvège, les chiffres sont les suivants : 60 % des transformations légères régressent, 30 % restent stables. Au cours de la vie, seules 10 % vont évoluer en transformations sévères et 1 % en cancer.
Si certains des examens confirment qu’il s’agit de lésions précancéreuses moyennes ou sévères, il faut se rendre à l’hôpital pour une petite intervention chirurgicale, qui porte le nom de conisation. Elle consiste en l’ablation de la partie externe du col de l’utérus, généralement à l’aide d’une anse. Autrefois, les médecins conisaient avec un bistouri. La partie enlevée avait alors l’air d’un cône de glace, d’où le nom de l’intervention. Aujourd’hui, le fragment de tissu prélevé ressemble davantage à un beignet plat.
La conisation se déroule habituellement sous anesthésie locale, mais certaines patientes peuvent avoir une légère anesthésie générale. Bien que ce soit une intervention simple, on ne la pratique pas sans nécessité. On a constaté que les femmes conisées présentaient un risque un peu plus élevé d’accouchement prématuré ou de fausses couches lors de grossesses ultérieures.
La grande majorité des femmes conisées, environ 90 %, guérissent totalement. Pour s’en assurer, on vérifie que tout va bien en effectuant un nouveau frottis et un test de VPH six mois, puis douze à dix-huit mois après l’opération.
Si les dysplasies ont disparu d’elles-mêmes ou ont été supprimées par la conisation, vous pouvez oublier le cancer du col de l’utérus. Tout comme dans le jeu de l’échelle, vous êtes retournée à la case de départ !
Mais souvenez-vous que vous pouvez être réinfectée par le virus VPH. Pour l’éviter, vous pouvez vous faire vacciner contre ces virus. Nous y reviendrons. Vous devrez aussi faire un frottis tous les trois ans jusqu’à la fin de vos jours. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à ce stade vous n’avez plus de raisons de stresser.
Nous avons beaucoup parlé de l’attitude à adopter par rapport aux infections par le VPH et aux transformations de cellules. Mais imaginez un instant que nous puissions empêcher la contamination par ce virus cancérigène dès le départ ! Eh bien, c’est parfaitement possible. Il y a quelques années, ce serait passé pour de la science-fiction, mais aujourd’hui, nous disposons bel et bien d’un vaccin qui peut prévenir le cancer. C’est un miracle de la médecine.
Comme nous l’avons expliqué plus haut, il existe plus de cent types de virus du papillome humain (VPH), dont seuls quelques-uns sont cancérigènes. Deux vaccins contre le VPH ont été développés. Ils protègent des types de VPH les plus dangereux : le numéro 16 et le numéro 18. Ces virus à haut risque sont à l’origine de 70 % des cancers du col de l’utérus. En se vaccinant contre ces virus, on se protège à presque 100 % de l’infection, et par conséquent des transformations de cellules et du cancer du col de l’utérus qu’ils occasionnent. On a récemment homologué un nouveau vaccin protégeant de neuf types de virus. Il peut prévenir 90 % des cancers du col de l’utérus.
Le vaccin Gardasil (l’un des deux existants) protège aussi du VPH-6 et du VPH-11, qui donnent des verrues génitales ou condylomes. Des études montrent que le second vaccin, nommé Cervarix, offre, lui aussi, une protection partielle contre les verrues génitales. Notons bien qu’il n’existe strictement aucun lien entre les verrues génitales et les cancers gynécologiques, mais c’est un bonus de pouvoir échapper aux verrues à l’entrejambe. Sans vaccin, 10 % de la population norvégienne pourrait avoir des verrues génitales, environ 10 % des femmes devraient être soignées pour dysplasies sévères et 1 % de l’ensemble des femmes pourraient développer un cancer du col de l’utérus au cours de leur vie.
Depuis 2009, le vaccin contre le VPH fait partie du programme de vaccination infantile en Norvège. Cela implique que toutes les filles se voient proposer la vaccination gratuite quand elles ont 11 ou 12 ans.
Ce n’est pas un médicament, mais en cas d’infection future ce vaccin empêchera le virus de s’implanter dans le corps et de vous rendre malade. Il stimule les défenses immunitaires afin qu’elles reconnaissent le virus et établissent une espèce de plan de bataille pour le briser net si jamais il faisait irruption. En cas d’infection déjà présente par le VPH-16 ou le VPH-18, le vaccin n’élimine pas le virus. C’est la raison pour laquelle on l’administre aux jeunes filles : nous souhaitons les protéger avant qu’elles commencent à avoir une vie sexuelle et courent le risque d’être infectées par les virus.
Le vaccin est autorisé pour les filles et les garçons entre 9 et 26 ans. On a démontré son efficacité jusqu’à l’âge de 45 ans. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, seule une minorité d’entre nous vont être infectées à la fois par le VPH-16 et le VPH-18. Si vous n’avez pas encore été infectée par les deux virus, le vaccin aura un effet préventif. Ensuite, nous le disions, la plupart des infections par le VPH passent toutes seules. Mais les chercheurs se sont rendu compte que nous avions une mauvaise immunisation naturelle contre le VPH. Autrement dit, si vous avez été infectée par le passé, vous n’êtes pas protégée contre une infection ultérieure avec un autre partenaire. Un vaccin contre le VPH peut protéger d’une telle réinfection.
Pour l’heure, les garçons ne sont pas inclus dans le programme de vaccination, mais l’Institut de santé publique de Norvège recommande le vaccin contre le VPH pour les filles comme pour les garçons. L’effet sur les verrues génitales et sur les cancers associés au VPH – cancer du pénis, cancer de l’anus et cancer de la bouche et de la gorge – sera aussi bon chez les hommes que chez les femmes. Vous avez peut-être entendu parler de la recrudescence du cancer de la bouche et de la gorge chez les hommes. On se demande si elle pourrait être due à l’essor du cunnilingus et de la fellation qui favorisent l’infection par le VPH dans la bouche. Là encore, le vaccin peut prévenir l’infection et le développement d’un cancer à cet endroit. Ce vaccin serait utile en particulier aux garçons homosexuels, car ils ne bénéficient pas d’une protection indirecte par la vaccination des filles.
Les Norvégiens nés avant 1991 qui souhaitent se vacciner doivent malheureusement le faire à leurs frais, mais faut-il l’envisager malgré tout ?
Pour chaque partenaire sexuel que vous avez, le risque d’infection par le VPH est d’environ 10 %. Même si vous avez déjà été infectée par un ou plusieurs types de VPH, il est bien possible que vous n’ayez pas été infectée par le VPH-16 ou le VPH-18. En vous vaccinant, vous vous protégez d’une future contamination par de nouveaux partenaires sexuels. Comme nous l’évoquions, des études ont montré que le vaccin avait un effet sur les femmes jusqu’à l’âge de 45 ans. Si l’on doit payer de sa propre poche ce vaccin onéreux, il faut évaluer les coûts par rapport au risque de contamination que l’on pense avoir. Pour simplifier, le nombre de partenaires sexuels que vous avez eus compte. Moins vous en avez eu, plus l’effet probable du vaccin sera important. À cela s’ajoute le nombre de partenaires que vous allez avoir. Plus ils seront nombreux, plus le risque d’infection potentielle et l’utilité du vaccin seront grands. Par ailleurs, les femmes qui sont traitées pour transformations de cellules ont un risque de rechute moindre quand elles se vaccinent contre le VPH.
En Norvège, une fille de 11 ou 12 ans sur quatre choisit de refuser le vaccin contre le VPH278. Nous ne connaissons pas l’origine de ce refus, mais la peur des effets secondaires semble répandue. Certains parents se disent aussi que le vaccin contre le VPH n’est pas nécessaire, car leur fille de 12 ans ne va pas avoir de relations sexuelles avant des années. Au Danemark, les médias ont beaucoup parlé des possibles effets indésirables, ce qui a conduit à une baisse drastique du taux de vaccination des filles279.
En Norvège, près de 500 000 doses du vaccin ont été administrées à 160 000 filles. 645 cas d’effets indésirables possibles ont été rapportés, dont 92 % considérés comme peu graves. Il s’agissait de symptômes transitoires, gonflements et sensibilité autour du point d’injection, fièvre, nausées et diarrhées.
Parmi les rares effets indésirables graves rapportés depuis 2009 (52 au total), on trouve 10 cas de syndrome de fatigue chronique/encéphalomyélite myalgique et 5 cas de syndrome de tachycardie orthostatique posturale (STOP). Le STOP est une affection qui donne un pouls élevé quand on se met en position debout, une pression artérielle instable, de la fatigue et des vertiges.
Les déclarations de possibles effets indésirables graves sont prises très au sérieux. De nombreux cas de STOP ayant été rapportés au Danemark à la suite de la vaccination, l’Agence européenne des médicaments (AEM) a décidé d’effectuer une expertise. Le résultat a été publié en novembre 2015. L’agence concluait qu’aucune donnée ne portait à croire qu’il existait une corrélation entre le vaccin anti-VPH et les syndromes STOP et SDRC (syndrome douloureux régional complexe280). Il s’agit là d’affections rares, mais la prévalence n’est pas plus élevée chez les filles vaccinées que dans le reste de la population. On n’a pas non plus découvert de lien entre le vaccin et le syndrome de fatigue chronique/encéphalomyélite myalgique.
À l’heure actuelle, 180 millions de femmes dans le monde ont été vaccinées contre le VPH et on n’a pas identifié de problèmes de sécurité graves concernant ces vaccins. La possibilité d’effets indésirables est toujours présente lors de l’utilisation de produits pharmaceutiques et de vaccins, mais, globalement, il s’agit dans le cas présent de problèmes transitoires et légers. Alors qu’un cancer du col de l’utérus, c’est tout sauf ça.
L’été 2015, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a adressé un post un peu inhabituel à ses 33 millions d’amis Facebook281. Zuckerberg et sa femme médecin annonçaient leur joie d’attendre leur premier enfant, une fille, pour laquelle ils étaient prêts à faire du monde un endroit meilleur. Vous avez peut-être réprimé un bâillement et cliqué négligemment sur like. Ce genre d’annonces personnelles sont habituelles sur Facebook, ce lieu devenu synonyme de fausse modestie et de construction des apparences.
Mais Zuckerberg ne s’en tenait pas là. Il avait décidé de rendre public le douloureux chemin du couple vers la grossesse. L’histoire qui se termine bien et recueille 1,6 million de likes concerne un sujet souvent tabou. Au cours de plusieurs années de tentatives de conception, le couple a connu trois fausses couches. Quatre grossesses ont donc abouti à un seul enfant.
L’avortement spontané, c’est une grossesse qui se termine involontairement avant la vingtième semaine, lorsque l’embryon fécondé cesse de se développer ou que le fœtus meurt dans le ventre. Le plus souvent, une fausse couche entraîne des douleurs et des saignements. Cela étant dit, il n’est pas anormal d’avoir des saignements pendant la grossesse. Environ une femme enceinte sur quatre saigne au cours du premier trimestre. Il ne s’agit d’un avortement spontané que dans un cas sur dix282. Si vous saignez pendant votre grossesse, il faut contacter votre médecin pour un examen.
En début de grossesse, l’avortement spontané est la complication la plus répandue. Il se produit dans environ un cas de grossesse “clinique” sur cinq, c’est-à-dire de grossesse dont la femme est elle-même consciente283. À cela s’ajoutent les avortements spontanés qui ont lieu avant que le test de grossesse n’ait pu déceler que vous étiez enceinte. Ces grossesses sont souvent appelées grossesses “chimiques”. En prenant en compte les grossesses chimiques, on estime que seuls la moitié des ovules fécondés donnent lieu à des grossesses viables284. Autrement dit, l’avortement spontané est aussi fréquent qu’une grossesse réussie.
Les tests de grossesse actuels sont d’une sensibilité telle qu’ils peuvent détecter une grossesse à un stade extrêmement précoce, mais si vous rêvez d’une réponse positive, il vaut mieux ne pas compter dessus. La grande majorité des avortements spontanés se produisent au cours des premières semaines suivant la fécondation, jusqu’au moment où les règles étaient attendues. À un stade si précoce, les grossesses se terminent très souvent par une fausse couche. Vous vous épargnerez donc beaucoup de déception si vous attendez d’avoir un retard de règles pour faire le test. En patientant deux semaines de plus (jusqu’à la sixième semaine de grossesse), le risque d’avortement spontané descend à 10-15 %. Un test positif à ce moment-là implique que vous serez très vraisemblablement maman huit mois plus tard. Au bout de huit semaines, le risque est seulement de 3 %. Quand la barre des trois mois est franchie, le risque se stabilise à un niveau bas, autour de 0,6 %285. À chaque semaine qui passe, les chances que tout se passe bien augmentent.
On attend souvent que trois mois se soient écoulés et que le premier trimestre soit terminé pour annoncer une grossesse à son entourage justement par peur d’une fausse couche. Si la nouvelle est tenue secrète, c’est pour protéger la femme enceinte au cas où les choses tourneraient mal. Perdre un enfant désiré est déjà bien assez dur, on n’a pas besoin de passer des coups de fil aux amis et à la famille pour rétracter la bonne nouvelle. Même si, au bout de la huitième semaine, nous pouvons déjà être assez sûres de nous.
Garder le secret pendant les premiers mois est une pratique qui montre aussi que la fausse couche est souvent associée à un sentiment de honte. Si tout le monde était déjà au courant, on entend les couples exprimer une certaine culpabilité : “On n’aurait pas dû l’annoncer si tôt.” C’est parfaitement absurde. Zuckerberg décrit l’avortement spontané comme une expérience solitaire : “La plupart des gens ne parlent pas des fausses couches par peur de faire fuir les autres, d’apparaître sous un mauvais jour ; comme si vous aviez un défaut ou que vous étiez responsable de l’avortement spontané. On doit se débrouiller tout seul.”
Ce ressenti n’est pas réservé à Zuckerberg. Dans une étude publiée par la revue américaine Obstetrics & Gynecology, près de la moitié des personnes ayant vécu une fausse couche indiquaient avoir un sentiment de culpabilité ou l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. Elles se sentaient abandonnées et honteuses286. C’est triste, d’autant plus que les reproches que l’on se fait reposent sur des malentendus concernant l’avortement spontané. Cette même étude américaine montre également que près d’un quart des personnes interrogées pensaient que le mode de vie et le tabagisme, la consommation d’alcool ou la drogue, étaient les causes les plus fréquentes de fausse couche. De nombreuses personnes s’imaginaient aussi que soulever des charges lourdes ou être stressée pouvaient mener à une fausse couche. Les forums de mamans sur Internet mentionnent la consommation de café et les bains bouillonnants.
En réalité, l’avortement spontané résulte rarement d’un faux pas de la mère (ou du père). La cause la plus commune de fausse couche est une anomalie chromosomique grave chez l’embryon, à savoir une erreur du code génétique survenue au moment de la conception. Arrêtez de rendre responsables les soirées arrosées, une alimentation malsaine ou les quelques cigarettes fumées avant de savoir que vous étiez enceinte.
La fusion du matériel chromosomique de la mère avec celui du père pour créer la recette d’un individu unique (qui va ensuite être suivie à la lettre) est une opération infiniment complexe. Il est donc normal que des erreurs se produisent constamment et sans raison. L’avortement spontané est le mécanisme de contrôle du corps. C’est sa façon de veiller à ce que nous ayons des enfants en bonne santé et en mesure de vivre. Il peut être terriblement douloureux de faire l’expérience d’une fausse couche, mais en réalité, votre corps ne vous veut que du bien.
Ce n’est qu’après deux ou trois fausses couches successives qu’on doit envisager de consulter un médecin pour voir si quelque chose chez la mère (ou le père) pourrait être à l’origine de ces avortements. En dessous de ce nombre, on considère qu’il s’agit d’épisodes tout à fait normaux. Chez les femmes qui connaissent des fausses couches à répétition, les causes sont multiples : de l’anomalie anatomique aux troubles endocriniens, en passant par les maladies auto-immunes et les hémopathies génétiques. On peut difficilement incriminer les parents pour ces affections. Qui plus est, avec un peu de chance, elles pourront être soignées.
La plupart du temps, l’avortement spontané est un coup de malchance. En revanche, nous savons que quelques rares facteurs en augmentent le risque. Le facteur principal, c’est l’âge de la mère. Une étude danoise a montré que 25 % des grossesses de femmes de 35 à 39 ans se terminaient par un avortement spontané, contre 12 % chez les femmes de 25 à 29 ans287. Chez les femmes de 40 ans, seule la moitié des grossesses débouchaient sur une naissance, notamment parce que la qualité des ovocytes commence à être si mauvaise qu’il y a plus d’erreurs chromosomiques et génétiques rendant l’enfant non viable.
Le tabagisme n’a pas sa place dans une grossesse, tout le monde le sait. Dès que vous découvrez que vous êtes enceinte, il faut arrêter de fumer. Mais qu’en est-il de la période précédant cette découverte ? Qu’en est-il du tabagisme en soirée quand vous n’en saviez encore rien ? La plus grande méta-analyse qui ait été effectuée sur le sujet a montré une corrélation claire entre tabagisme et fausses couches288. Si cent non-fumeuses et cent fumeuses tombaient enceintes, vingt non-fumeuses feraient une fausse couche contre environ vingt-six fumeuses. Le risque relatif d’avortement spontané est donc de 1,32 pour les fumeuses en comparaison des non-fumeuses pendant la grossesse. Dans cet exemple, nous avons supposé que le risque d’avortement spontané pour les non-fumeuses était de 20 %. Il est bien possible que ce chiffre soit trop élevé, mais il a été choisi pour illustrer le risque relatif d’une façon compréhensible. Bref, on estime qu’environ un avortement spontané sur dix est dû au tabagisme289, mais il semblerait qu’il faille fumer pas mal – plus de dix cigarettes par jour – pour que le risque augmente notablement290. Pas la peine de s’affoler ou de se sentir coupable si vous avez fumé quelques cigarettes lors d’une ou deux soirées pendant les premières semaines.
Dans une certaine mesure, c’est la même chose pour l’alcool. On sait qu’il est très nocif pour l’embryon, mais on ne sait pas quelles quantités provoquent des lésions. Il n’est pas évident de mesurer combien les femmes enceintes peuvent boire avant que l’embryon subisse des lésions ou meure. Impossible de faire des recherches cliniques sur ce sujet… Étant donné que nous ignorons où se situe la limite, les autorités de la santé recommandent l’abstinence totale. Histoire de ne pas prendre de risque.
Emily Oster, économiste de renommée internationale, a décidé de se pencher de plus près sur les recherches effectuées sur le sujet. Dans le livre paru en 2013, Expecting Better – Why the Conventional Pregnancy Wisdom Is Wrong and What You Really Need to Know (Attendre plus sereinement son enfant – pourquoi les connaissances traditionnelles sont fausses et ce que vous devez vraiment savoir), elle affirme que peu d’éléments appuient les recommandations officielles de ne pas boire du tout pendant la grossesse291. D’après elle, les recherches portent à croire qu’on peut boire une à deux unités d’alcool par semaine en toute sécurité, soit un petit verre de vin ou un verre de bière deux jours différents de la semaine. Cela n’entraîne pas d’effets durables sur l’intelligence ou le comportement des enfants. Emily Oster pense que les conseils des autorités se fondent sur l’idée que les femmes sont incapables de se restreindre, si vous dites oui à un verre de vin le jour de votre anniversaire, vous aurez vite fait de descendre la bouteille entière.
Mais ce n’est peut-être pas cet unique verre de vin à table qui vous inquiète quand le test de grossesse se montre positif. De nombreuses femmes se font du souci à cause d’une soirée un peu trop arrosée dans les semaines précédentes, au cours de laquelle elles ont consommé largement plus qu’un ou deux verres d’alcool. Une étude épidémiologique danoise de 2012 a montré que le risque d’avortement spontané était doublé quand on buvait quatre ou cinq verres par semaine pendant les trois premiers mois de grossesse292. Théoriquement, une bonne beuverie au cours des semaines précédant la nouvelle de la grossesse peut donc provoquer une fausse couche, mais ce n’est pas obligatoire.
Parlons maintenant du florilège de rumeurs qu’on trouve sur Internet : soulever du poids, être stressée ou boire du café en quantité normale ne mènent pas à l’avortement spontané. Il semblerait que la consommation de café doive s’élever à dix tasses par jour pour éventuellement présenter un risque293. Quant au sport, la skieuse de fond Marit Bjørgen s’est entraînée six heures par jour pendant sa grossesse, sans répercussions négatives. Les apports de vitamines et assimilés ne semblent pas avoir d’efficacité dans la prévention de l’avortement spontané294. Mais quand vous découvrirez que vous êtes enceinte (et même avant de commencer à essayer de concevoir), nous vous conseillons de prendre de l’acide folique. C’est une vitamine B qui peut prévenir certaines lésions du système nerveux de l’enfant.
Le post de Mark Zuckerberg a libéré la parole sur les fausses couches dans les réseaux sociaux. Certains trouvent peut-être indécent de livrer de pareilles expériences dans la sphère publique, mais le message de Zuckerberg est important : parler de l’avortement spontané est essentiel pour sensibiliser la société à ce sujet et pour montrer qu’il frappe toutes sortes de gens. Il n’y a aucune honte à faire une fausse couche et, le plus souvent, personne n’a commis de faute. La bonne nouvelle, c’est que la plupart des femmes concernées ont plus tard des enfants en très bonne santé.
La règle des trois mois que nous évoquions plus haut était censée protéger les femmes de la douleur d’avoir à annoncer leur avortement spontané, mais cette règle fait peut-être plus de mal que de bien. Elle cultive des malentendus et des préjugés au lieu de normaliser et de favoriser l’acceptation du phénomène. De nombreux couples se retrouvent seuls avec un sentiment de honte et de culpabilité injustifié, au moment où ils ont le plus besoin de leur entourage. Alors commençons à nous parler !
C’est curieux : quand on approche de la trentaine, certaines personnes, même inconnues, se sentent autorisées à se mêler de notre vie privée. “Le temps passe, ma fille ! Ne devrais-tu pas bientôt songer à avoir des enfants ?” Peu leur importe que vous soyez célibataire, aux balbutiements d’une relation ou prise dans les filets d’une intense passion pour votre travail. Vous devriez lâcher tout ce que vous avez entre les mains pour forcer le premier homme venu à participer à une procréation immédiate.
Songer à avoir des enfants, oui… Souvent, les gens y songent et y songent encore, mais il ne naît pas d’enfants pour autant. Si vous avez envie d’en avoir, ce qui n’est nullement une obligation, vous pouvez faire face à plusieurs obstacles. Le plus gros, évidemment, c’est de trouver quelqu’un avec qui vous puissiez envisager d’en avoir, et qui soit prêt à en avoir avec vous. C’est curieux comme de nombreux hommes dégagent le terrain quand, au bout du deuxième verre, la jolie fille au bar se met à parler de poussettes et de pavillons de banlieue avec des étoiles plein les yeux.
Malheureusement, nous ne pouvons pas vous aider à trouver le papa idéal, mais nous pouvons vous donner quelques munitions contre toutes ces tantes énervantes qui vous soûlent avec leurs rêves de bébés, ou vous calmer si vous commencez à vous sentir stressée. On a beau présenter l’âge des 30 ans comme une limite, elle est loin d’être légitime.
Commençons par quelques faits. Environ 75 % des couples qui essaient de concevoir obtiennent une grossesse dans les six mois. Dans les douze mois, ils sont 85 à 90 % à attendre un enfant295. L’infertilité est définie comme une absence de grossesse après un an de rapports sexuels réguliers non protégés. Elle concerne donc autour de 10 à 15 % des couples, mais cela ne signifie pas pour autant que la course soit terminée. La moitié des couples auxquels on a collé l’étiquette “infertiles” conçoivent tout à fait naturellement au cours de la deuxième année d’essais. Ils ont du mal à avoir des enfants, mais ils y arrivent s’ils essaient suffisamment longtemps. Au total, près de 95 % des couples hétérosexuels arrivent à concevoir naturellement s’ils disposent de beaucoup de temps.
C’est là qu’intervient donc cette question d’âge. Depuis l’entrée des femmes dans la vie active, l’âge moyen au moment de la naissance de leur premier enfant n’a cessé d’augmenter. En 2014, pour les femmes d’Oslo, il était de 30,8 ans296. Bien plus que par le passé, les femmes souhaitent attendre avant de fonder une famille. Elles font des études plus longues et elles souhaitent construire leur carrière. En même temps, le corps médical crie gare. Avançant des chiffres qui montrent une chute spectaculaire de la fertilité avec l’âge, il nous demande de bien réfléchir avant de différer nos tentatives pour concevoir. Il y a plusieurs bonnes raisons à cela, notamment le risque de complications pendant la grossesse et de malformations de l’enfant quand la mère est plus âgée. Nous y reviendrons. Mais la question est ici de savoir si ces difficultés pour concevoir quand on a passé les 30 ans sont surestimées.
Plusieurs études récentes se sont penchées sur les probabilités de tomber enceinte de femmes en bonne santé. Plus elles étaient âgées, moins elles étaient nombreuses à tomber enceintes, mais les chiffres sont nettement moins spectaculaires qu’on ne pourrait le croire. Dans une étude ayant suivi 782 couples qui essayaient d’avoir un enfant297, les femmes du groupe d’âge 19-26 ans étaient clairement les plus fertiles – 92 % d’entre elles étaient enceintes dans les douze mois – et ensuite la tendance était déclinante. Mais on n’a pas découvert de grandes différences de fertilité entre les femmes de la fin de la vingtaine, début de la trentaine, et celles de la fin de la trentaine. 86 % des femmes entre 27 et 34 ans étaient enceintes dans les douze mois contre 82 % de celles âgées de 35 à 39 ans. Les chiffres sont similaires dans d’autres études. Une étude danoise portant sur 3 000 femmes a montré que 72 % des femmes de 35 à 40 ans tombaient enceintes dans les douze mois. Ce chiffre montait à 78 % chez celles qui avaient essayé de caler les rapports sexuels sur leur ovulation. Chez les 30-34 ans, il était de 87 %298.
Que pouvons-nous en conclure ? Que si toutes les filles essayaient de tomber enceintes à la fin du lycée, une sur dix rencontrerait des difficultés. Vingt ans plus tard, ce chiffre se situerait quelque part entre deux et trois sur dix. Le point positif : la majorité des femmes arrivent à tomber enceintes jusqu’à un stade avancé de la trentaine ! Si nous voulions parler d’une limite où l’âge commence à avoir un gros impact sur la fertilité, 35 ans serait sans doute plus proche de la vérité.
Chez la grande majorité des femmes qui ont du mal à tomber enceintes, l’âge n’est pas la cause directe. Précisons d’abord que, dans un tiers des cas, le problème se situe chez l’homme, car son âge aussi joue un rôle. Dans les autres cas, le problème, ou une partie du problème, vient de la femme. Qu’est-ce qui ne va pas ? La première source d’infertilité est une perturbation des hormones qui régulent l’ovulation. Il est alors souvent question d’un syndrome des ovaires polykystiques, où l’équilibre hormonal n’est pas exactement ce qu’il devrait être. La deuxième cause la plus fréquente d’infertilité, ce sont les lésions des tubes utérins. Elles peuvent être dues à d’anciennes infections sexuellement transmissibles, comme la chlamydiose, où les bactéries ont causé une infection ayant entraîné des adhérences dans les tubes utérins. Les problèmes d’infertilité peuvent aussi être causés par une endométriose, l’affection qui voit l’endomètre proliférer ailleurs que là où il est censé le faire. Enfin, la grossesse peut être empêchée par des myomes (ces nodules musculaires dans l’utérus). Ce sont ces causes que nous venons d’énoncer, et non l’âge, qui sont le plus souvent à l’origine des problèmes de conception.
Ce qui, en revanche, constitue un problème avec l’âge plus élevé lors de la conception est le risque accru de fausse couche. Comme nous le disions, les femmes de plus de 35 ans ont un risque doublé de subir un avortement spontané299.
L’âge a un impact négatif sur les chances de tomber enceinte et il augmente les risques de fausse couche, de complications de grossesse et d’erreurs chromosomiques comme la trisomie 21. Pourtant, jusqu’au milieu de la trentaine, la majorité des femmes n’auront pas de mal à avoir de façon “traditionnelle” des enfants en bonne santé. Il est bien sûr impossible de préjuger des difficultés que vous rencontrerez à partir de statistiques, mais si vous avez du mal à avoir des enfants, sachez que cela aurait sûrement été pareil à 28 ans. Si vous suspectez que vous souffrez d’une endométriose ou d’un syndrome des ovaires polykystiques, ou que vous avez eu des chlamydiae à plusieurs reprises, il vaut peut-être mieux ne pas trop remettre à plus tard vos tentatives de concevoir. Vous aurez besoin d’un peu plus d’aide et de temps pour y parvenir.
Tous les ans, des millions de filles sont mutilées à vie. Leurs organes génitaux sont coupés, cousus ou piqués avec des aiguilles. Les mutilations génitales sont une pratique culturelle dans plusieurs régions du monde, mais elles sont en recul. Aujourd’hui, c’est dans des régions d’Afrique, du Moyen-Orient et de certains pays d’Asie qu’elles sont les plus répandues. Il fut un temps où l’on pratiquait les mutilations génitales en Occident aussi. À partir du milieu du XIXe siècle, des gynécologues américains et anglais ont pratiqué l’ablation du clitoris pour guérir les femmes de l’onanisme, car ils prétendaient que cette pratique pouvait conduire à l’hystérie, à l’épilepsie et être responsable d’un QI faible300. L’excision était et demeure une tentative brutale de contrôler la sexualité des femmes.
En Norvège, un gros travail a été fait pour empêcher l’excision de filles d’origine immigrée et il semble que le travail sur les mentalités ait porté ses fruits. Mais pour de nombreuses femmes, le dommage est déjà fait.
L’OMS a classé les mutilations génétiques en quatre catégories. La première est l’ablation de tout ou partie du gland du clitoris. Souvent, on élimine aussi le capuchon du clitoris. L’idée que le clitoris risque de se développer en une sorte de pénis si on ne l’enlève pas a souvent été indiquée comme explication. On ne peut pas passer à côté du fait que, en éliminant ou en endommageant le clitoris, on supprime aussi la source principale de plaisir sexuel chez la femme. Certaines femmes conservent néanmoins une partie de leur sensibilité et la possibilité d’avoir un orgasme, car le complexe clitoridien se trouve avant tout sous la surface de la peau. Dans le livre BONK – The Curious Coupling of Science and Sex, Mary Roach parle d’ailleurs de la rencontre entre la chercheuse Marie Bonaparte et des femmes égyptiennes qui continuaient de se masturber en stimulant les cicatrices de leur clitoris. Cependant, chez d’autres, la cicatrice fermée provoque des douleurs chroniques.
La deuxième forme de mutilation génitale implique l’ablation des petites lèvres. Elle est souvent associée à d’autres formes de lésions du clitoris. Quand nous arrivons à la puberté, les petites lèvres poussent en cadence avec l’éveil sexuel de l’adolescence. Peut-être s’est-on figuré une corrélation entre la croissance des organes génitaux et l’intérêt pour le sexe. En éliminant les petites lèvres, on maintient l’illusion de l’innocence enfantine.
La troisième forme de mutilation génitale est celle qui attire le plus souvent l’attention, parce que c’est l’intervention la plus invasive. Ici, on suture carrément les grandes lèvres, en ne laissant qu’une étroite ouverture au-dessus de l’entrée du vagin. Parfois, on pratique dans la foulée l’ablation du clitoris et des petites lèvres. À la fois l’urine et le sang menstruel s’écoulent par cet orifice artificiel. Une femme norvégo-somalienne que nous avons rencontrée nous a raconté le choc que ç’avait été pour elle la première fois qu’elle est allée, en Norvège, dans des toilettes publiques : les Norvégiennes urinaient comme des éléphants ! Elle avait l’habitude de mettre environ vingt minutes pour vider sa vessie, tant le jet d’urine était mince. Le même problème peut survenir pendant la menstruation et le sang peut s’accumuler dans le vagin, créant un terrain favorable aux bactéries et, donc, aux infections de l’appareil génital et des voies urinaires.
L’orifice artificiel est souvent trop petit pour un rapport sexuel, si bien qu’il fonctionne aussi comme garant de la “virginité” de la femme au moment de son mariage. Des problèmes surviennent bien sûr lors de “la première fois” et elle risque de devoir être ouverte avec des ciseaux, un couteau ou d’être déchirée par le pénis de l’homme. Parfois l’orifice est suffisamment grand pour le sexe de l’homme, mais il doit être ouvert pour l’accouchement. Le tissu cicatriciel autour du vagin n’est pas suffisamment élastique pour laisser passer un bébé. Sans incision, on risque des déchirures incontrôlées, des grosses hémorragies et des lésions de l’anus.
La dernière catégorie de mutilations génitales regroupe toutes les autres lésions des organes génitaux. Il peut s’agir par exemple d’aiguilles chaudes transperçant le clitoris dans une sorte de meurtre rituel de la sexualité de la femme.
Toutes les formes d’excision peuvent occasionner des problèmes gynécologiques durables. À quoi s’ajoute que l’intervention proprement dite est associée à de gros risques d’infection, d’hémorragie, et surtout de traumatismes psychologiques. Ce n’est pas sans raison que les mutilations génitales sont rigoureusement interdites dans une grande partie du monde. En Norvège, toute forme de mutilation pouvant entraîner des lésions permanentes des organes génitaux est passible d’une sanction pénale, même si elle est faite à la demande de la fille elle-même. Il n’est pas non plus permis d’emmener ses enfants à l’étranger pour procéder à cette mutilationV.
En revanche, il n’est pas interdit d’avoir des mutilations génitales. Si vous avez été excisée par le passé et que vous avez des problèmes, vous pouvez obtenir de l’aide. À l’hôpital, les médecins pourront procéder à des opérations chirurgicales reconstructrices pour essayer de normaliser le fonctionnement de l’appareil génital. Ils ne peuvent pas vous rendre l’appareil génital que vous aviez à la naissance, mais ils peuvent limiter les problèmes quotidiens.
Des femmes (et des hommes) choisissent de modifier leur apparence grâce à la chirurgie. Ce n’est pas nouveau. Augmentations mammaires, rhinoplasties, liposuccions, liftings, certaines personnes vont loin pour atteindre leurs idéaux de beauté. La chirurgie de la vulve ou vulvoplastie est toutefois une mode relativement récente.
La chirurgie intime, ce sont toutes les formes de modification des organes sexuels externes par la chirurgie. On peut injecter ou supprimer de la graisse, lisser, réduire et agrandir. Les possibilités sont multiples, mais l’intervention chirurgicale la plus répandue reste sans doute la labiaplastie. Il s’agit de la chirurgie plastique des lèvres génitales et ce sont particulièrement les petites lèvres que l’on passe sous le bistouri pour les raccourcir.
Selon nous, cet essor de la chirurgie intime est problématique. Nous n’écrivons pas ce chapitre pour le plaisir de dénigrer les femmes qui ont fait ce choix, et nous considérons d’ailleurs que les femmes ont le droit de disposer de leur corps. C’est autre chose qui nous inquiète. Nous nous saisissons de cette thématique parce que nous craignons que des jeunes femmes n’optent pour la chirurgie intime sur la base d’un malentendu. Nous avons le sentiment que des femmes ayant des organes génitaux normaux et en bonne santé se tournent vers la chirurgie intime parce qu’elles s’imaginent ne pas être constituées normalement. Cette idée doit être dissipée. Pour ce faire, il nous faut revenir à l’anatomie.
Il faut d’abord faire la distinction entre les diverses raisons qui poussent à avoir une réduction labiale. Il y a des raisons médicales et des raisons esthétiques. Vouloir une opération du nez parce qu’on a du mal à respirer et vouloir le changer parce qu’on n’aime pas son aspect, ce sont deux choses différentes. De même, il y a une différence entre réduire ses lèvres génitales parce qu’on a des douleurs ou des problèmes lors des rapports sexuels et le faire parce qu’on trouve son sexe laid. Des petites lèvres longues ne sont un problème que si elles en causent. En soi, il n’y a aucun mal à souhaiter la chirurgie pour des raisons esthétiques, mais si l’on choisit de franchir un tel pas, il faut le faire en connaissance de cause et non sur la base de malentendus.
On s’imagine que les lèvres génitales doivent toujours être cachées, entièrement enveloppées dans les grandes lèvres, mais il est normal pour des femmes adultes d’avoir des petites lèvres qui dépassent largement des grandes. Il n’y a aucune règle en termes d’aspect de la vulve. Nous avons toutes les mêmes composants : petites et grandes lèvres, clitoris, orifice de l’urètre et orifice du vagin. Mais leurs aspects varient d’une femme à l’autre, on les trouve dans d’innombrables variantes. Pourtant, cette conception selon laquelle les petites lèvres devraient être courtes et cachées reste tenace. Dans le cadre d’une étude australienne, on a demandé à des femmes entre 18 et 28 ans comment elles imaginaient la vulve que la société considérait comme “idéale”, elles ont toutes choisi une photo de vulve imberbe aux petites lèvres cachées301.
D’où vient, au juste, cette idée puisqu’il existe tant de sexes si différents et si beaux ? Comme dans d’autres situations de pression sociale pour se conformer aux idéaux corporels, on peut renvoyer à des idéaux de la culture populaire, à la culture pornographique entre autres. Il est difficile pour les femmes de se rendre compte que ces idéaux sont irréalistes et trop uniformes. Quand on s’est forgé la conviction qu’un sexe normal pouvait seulement avoir des lèvres génitales courtes, cette croyance est encore plus forte que l’idée qu’un ventre normal est plat. Comme nous voyons des ventres partout, tous les jours, nous savons qu’il en existe de toutes les formes et l’idée qu’ils sont tous plats a du mal à résister. En revanche, nous avons moins souvent l’occasion de jeter un coup d’œil entre les jambes d’autres femmes. Être nue n’est plus naturel. La nudité est trop souvent sexualisée et, pour beaucoup, montrer son corps est associé à de la honte.
Nous pensons que cette conception des petites lèvres naît en partie des lacunes de l’enseignement scolaire sur l’évolution pubertaire. Comme le reste du corps, le sexe change beaucoup à la puberté, mais en ce qui nous concerne, nous ne nous souvenons pas d’avoir reçu des explications sur ce qui se passait pour les organes génitaux féminins. À l’école, on nous a expliqué que le pénis grandissait, que les seins grandissaient et que divers endroits du corps se recouvraient peu à peu de poils. Nous avons appris tout un tas de choses, mais nous n’avons pas appris ce qui arrivait aux petites lèvres quand nous passions d’enfants à adultes.
Il se trouve que toutes les fillettes ont un sexe avec des grandes lèvres qui recouvrent les petites. Autrement dit, dans notre enfance, nous apprenons toutes à connaître un sexe qui est construit ainsi et c’est à cela que nous nous habituons. Mais à la puberté, les lèvres génitales se mettent à grandir. Au point que, souvent, elles dépassent largement des grandes lèvres et deviennent d’une épaisseur irrégulière, froissées et festonnées.
Ce changement soudain peut faire un choc, a fortiori si personne ne vous avait prévenue. Le sentiment que quelque chose cloche est renforcé dans les situations où les copines auxquelles on se confie ont des petites lèvres qui ne sont pas apparentes. Les deux sont possibles.
Autrement dit, le sexe que certaines femmes pensent être le seul normal ou “comme il faut” est le sexe que nous avons toutes quand nous sommes enfants. Si les fillettes apprenaient dès l’école primaire que le sexe change et si elles en savaient davantage sur l’aspect que peut avoir une vulve à l’âge adulte, nous n’assisterions peut-être pas à l’essor actuel de la chirurgie intime. Si nous savions que les sexes se présentent sous mille formes et que la grande majorité d’entre eux sont normaux et en bonne santé, nous serions moins nombreuses à nous mettre sur le billard sur la base d’une contrevérité.
Il faut se souvenir du rôle des lèvres génitales et des conséquences que peut avoir leur raccourcissement. Les petites lèvres ont une fonction sexuelle. Elles sont pleines de terminaisons nerveuses et il est agréable de les toucher. Quand on les raccourcit, on supprime une importante partie sensible de l’appareil génital. À quoi s’ajoute que toute opération est assortie d’un risque. Dans le pire des cas, on peut avoir de vilains tissus cicatriciels qui occasionnent des douleurs permanentes. C’est pourquoi il faut toujours bien réfléchir avant d’opter pour une intervention chirurgicale. Le problème est-il si considérable qu’il vaille le risque ?
I Pour la prévention de ces maladies, reportez-vous au site du gouvernement français : http://www.info-ist.fr/index.html. Vous y trouverez toutes les informations nécessaires pour le lecteur français. (N.d.É.)
II Pour connaître les chiffres français, voir : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/S2_M_Epidemiologie_des_IST_France_et_Europe_F_LOT.pdf. (N.d.É.)
III Source : https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cystite-aigue/prevention-recidives. (N.d.É.)
IV Pour la situation française, voir : http://www.liberation.fr/france/2017/01/23/cancer-du-col-de-l-uterus-vers-un-depistage-generalise-en-2018_1543411. (N.d.É.)
V En France aussi, les mutilations sexuelles sont interdites par la loi. Pour toutes les informations, voir : http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/16_PAGES_EXCISION_02-04_DEF.pdf.