Sancia fixait le plafond, couchée sur la table d’opération. Enrico et Tomas l’avaient laissée seule avec deux gardes, qui semblaient aussi fatigués qu’ennuyés. Sancia ne se sentait guère mieux. Elle avait encore mal à la tête et son visage restait poisseux de sang en train de sécher.
Cependant, elle était surtout inquiète. Tomas et Enrico avaient quitté la pièce depuis dix minutes, mais la voix dans sa tête restait muette. En théorie, celle-ci devait l’aider à s’échapper, mais elle ne s’était plus manifestée.
Et même si elle revenait… que dirait-elle ? À qui appartenait cette voix ? Était-elle comme la Montagne ? Sancia avait entendu le bâtiment lui parler uniquement parce qu’elle touchait Clef, comme pour tout autre appareil enluminé ; et maintenant, Clef n’était plus en sa possession. Alors, comment ?
Elle soupçonnait que la voix émanait de ce qui se trouvait dans la boîte, sur la table… mais cette boîte avait sûrement appartenu aux hiérophantes. En fait, si Sancia ne se trompait pas, elle ressemblait au coffret de la vision de Clef. Et cela signifiait…
Eh bien, elle ne savait pas ce que cela signifiait, en fait. Mais ça la perturbait énormément.
L’un des gardes bâilla. L’autre se gratta le nez. Sancia renifla et essaya de chasser un caillot de sang de sa narine.
Alors, peu à peu, le côté de sa tête commença à se réchauffer.
Une voix inonda ses pensées :
< Informe-moi au cas où ce niveau de projection serait trop intense. >
Elle se raidit. L’un des gardes lui jeta un bref regard ; l’autre l’ignora. Elle resta couchée, pétrifiée, ne sachant que répondre.
La voix parla de nouveau :
< Est-ce bien reçu ? > Une pause. Puis la tête de Sancia s’embrasa, et la voix reprit, si puissamment que c’en était douloureux : < EST-CE BIEN REÇU ? >
Sancia tressaillit.
< J’avais entendu la première fois ! >
La chaleur reflua.
< Alors pourquoi ne pas avoir répondu ? >
< Probablement parce que je ne sais pas comment répondre à une curain de voix désincarnée ! >
< Je… comprends >, dit la voix.
C’était bizarre. Clef paraissait humain, et même la Montagne avait des intonations humaines, mais pas cette voix. Elle donnait l’impression de batailler pour formuler des mots, des sentiments et des intentions à partir de… quelque chose d’autre. Sancia se rappela un spectacle de rue qu’elle avait vu, autrefois : un camelot faisait habilement tinter des poêles en fer et l’effet évoquait des chants d’oiseaux. Cette voix se livrait au même tour, mais avec des mots et des pensées.
Malgré tout, Sancia comprit que c’était une voix féminine. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais elle en était persuadée.
< Qui êtes-vous ? > demanda Sancia. < Qu’êtes-vous ? >
< Ni qui ni quoi >, dit la voix, < mais un point équidistant des deux. Je suis agent d’assemblage. Je suis rectificatrice. >
< Vous… vous êtes rectificatrice ? >
< Vrai. >
Sancia attendit qu’elle développe, en vain. Elle demanda alors :
< Que… qu’est-ce que ça signifie, rectificatrice ? >
< Rectificatrice. Compliqué. Mmh. > La voix paraissait frustrée. < Je suis procédé qui fut créé par les Faiseurs pour aider analyse, contextualisation et assemblage des injonctions de bas niveau. Je réfléchissais à leur place. >
< Les Faiseurs ? >
< Vrai. >
< Vrai ? Ça veut dire oui, c’est ça ? >
< Vrai. >
Sancia ouvrit lentement la bouche. Elle se retourna vers la vieille boîte à serrure dorée.
< Alors… Bon Dieu. Vous êtes un appareil ? Un outil ? >
< En substance. >
C’était presque impossible à croire. La Montagne était consciente, jusqu’à un certain point, mais elle restait une création immense alimentée par six lexiques. Or, cette entité n’occupait qu’une boîte d’une taille modérée. Comme un volcan de poche.
Elle se rappela ce qu’avait dit la Montagne : J’ai senti un esprit, là. Impossiblement grand, immense, puissant. Mais… il n’a pas daigné me parler…
< Avez-vous déjà été dans la Montagne ? Dans le dôme ? > demanda Sancia.
< Le bâtiment ? Vrai. >
< Est-ce qu’il a essayé de communiquer avec vous ? >
< Communiquer… d’une certaine manière. Le bâtiment était chose passive. Chose d’observation, de contemplation. Il n’était pas actif, pas rectificateur, et il ne pouvait pas m’aider. Alors, il y avait peu à communiquer. > Un léger cliquetis. < Il n’avait pas de nom. Moi si. Ils m’appelaient Valeria. J’étais apparentée à… > Une autre série de clics. < Clerc ? Le terme est approprié ? >
< Ouais, sûr, je crois. Comment êtes-vous arrivée ici ? >
< De la même manière que l’imperiat. Ils nous ont trouvés au fond de la terre. Une vieille forteresse des Faiseurs, sur une île, au nord d’ici. >
< Vialto >, dit Sancia. < Vous venez de Vialto ? >
< Si c’est son nom actuellement employé. L’endroit en a porté beaucoup. >
< Je… je vous ai vue sous la forme d’une femme. Il y a peu de temps. N’est-ce pas ? >
< Vrai. Quand votre esprit rêve, beaucoup d’autres méthodes de projection me deviennent accessibles. J’ai requis votre attention. Manifestation en tant qu’humaine semblait l’approche ayant les plus grandes chances de réussite. Est-ce que projection était adéquate ? >
< Euh, oui. > Sancia devait bien admettre que cette femme nue en or avait définitivement retenu son attention. < Comment… comment est-ce que j’arrive à vous entendre ? >
< Vous portez des injonctions à l’intérieur de votre personne. Des injonctions primitives, vrai, mais des injonctions. Ces injonctions vous donnent accès au monde – mais donnent aussi au monde accès à vous. >
< Je… vois >, répondit Sancia, franchement perturbée. < Mais je n’ai même pas besoin de vous toucher. Normalement, je dois toucher les choses pour leur parler, pour les entendre. >
< Les Faiseurs… les hiérophantes, comme vous les appelez, influençaient la réalité. Directement, instantanément – pas avec la méthode indirecte que vous utilisez maintenant. > Un cliquetis. < J’influence la réalité. Je la projette – dans une certaine mesure. Pas autant qu’un Faiseur, mais suffisamment pour vous joindre. >
Ça ne rassura aucunement Sancia.
< Vous disiez que vous pouviez me montrer comment sortir d’ici. >
< Vrai >, répondit Valeria.
< Alors comment ? Et pourquoi voulez-vous m’aider ? >
< Pour éviter désastre. Les hommes ici avant ont discuté du conduit de l’esprit, de la méthode de transférer âme dans appareil. Ils disent qu’ils n’ont pas l’alphabet nécessaire pour reproduire le conduit – mais ils savent qu’ils sont près de le compléter. Une poignée de sceaux manquent, pas plus. Des sceaux critiques – dont je ne parlerai pas – mais seulement quelques-uns. >
< Est-ce que… j’ai certains de ces sceaux en moi ? >
< Non. > Clic. < Mais ils sont prêts à vous tuer pour en être sûrs. >
< Fantastique. Alors, comment je peux les en empêcher ? Est-ce que vous pouvez me libérer de ces liens et ensuite, quoi, je leur tranche la gorge ? >
< Ce serait une solution… temporaire. Car leurs outils demeureraient et le monde ne manque pas d’imbéciles prêts à les mésuser. >
< Alors quoi ? >
< Je suis rectificatrice >, répéta Valeria. < Si vous obtenez la clé qu’ils cherchent, et l’utilisez sur la chambre dans laquelle je suis rangée, je suis capable de rectifier leurs matériaux pour qu’ils ne puissent plus être utilisés dans leurs recherches. >
Sancia regarda la boîte, et plus attentivement la serrure d’or en son centre.
< Vous… voulez que j’utilise la clé pour vous déverrouiller >, dit-elle.
Une légère série de cliquetis résonna dans son esprit – assez timides, lui sembla-t-il, comme un vol de chauves-souris fuyant un rayon de lumière.
< Vrai >, dit Valeria.
Sancia regarda encore la boîte. Elle ne pouvait s’empêcher de la voir comme un sarcophage. L’idée d’ouvrir cet antique cercueil la dérangeait énormément.
Est-ce que je dois croire cette voix dans ma tête ? Cette chose façonnée par les Occidentaux en personne ?
< Comment fonctionne le rituel ? > demanda-t-elle. < Je sais qu’il implique une dague… >
< Il doit être accompli quand le monde redémarre. Seulement à minuit, lorsque le firmament du monde est aveugle et ne voit pas, peut se dérouler le transfert spirituel. La dague n’est qu’un élément de la méthode. On doit marquer le corps retenant l’esprit, puis marquer dans quoi l’on veut le transférer. La dague, la mort sont comme l’allumage d’une mèche, elles provoquent une réaction. Mais ils ne doivent pas essayer – la réaction serait sans fin. >
Sancia écouta tout cela attentivement. Cela correspondait à ce que Clef, Orso et elle-même avaient entrevu ; mais elle avait encore du mal à se fier à cette voix mentale.
< Que faisiez-vous pour les Faiseurs ? > demanda-t-elle. < Et que faisaient les Faiseurs ? >
< Moi ? Je faisais… > De nombreux cliquetis. < … très peu. En tant que clerc, j’étais une… > Clic. < … fonctionnaire. >
Sancia ne dit rien.
< Les Faiseurs… Ils faisaient >, reprit Valeria. < Tel était leur désir. Faire et refaire le monde. Ils ont conquis jusqu’à ce qu’ils tombent à court de lieux à conquérir. Et alors, insatisfaits, ils ont utilisé leurs procédés, leurs outils, pour deviner le… > Clic. < … monde derrière le monde. La vaste machinerie qui fait tourner la création. >
Sancia se rappela la gravure, dans l’atelier d’Orso – la salle au centre du monde.
< Et ils voulaient installer leur propre dieu aux commandes, n’est-ce pas ? >
Valeria ne répondit pas.
< C’est ça ? > insista Sancia.
< Vrai. >
< Qu’est-ce qui s’est passé ? >
Un autre long silence.
< Création d’une telle intelligence… Pas facile. Quand on fabrique un esprit, il est intrinsèquement le produit de ce qui l’a créé. Trop d’eux dans leur création. Ils se sont battus, le faiseur et la chose faite. Guerre d’une sorte que… je ne peux pas décrire. Les mots, les termes… je n’en trouve aucun. Leur civilisation a déchu, est morte, et il n’en reste que de la poussière. >
Sancia frémit en se rappelant sa vision d’un homme dans le désert mouchant les étoiles.
< Mon Dieu… >
< Sachez ceci >, dit Valeria. < La même chose pourrait survenir si ces imbéciles tentent de reproduire les procédés que les Faiseurs détaillaient. Fabriquer des jouets avec les os de la création est pratique folle et dangereuse. >
< Alors, vous voulez que j’obtienne la clé pour m’assurer que ça n’arrivera pas ? >
< Vrai. >
< Et comment je vais faire ça, merde ? Je ne peux même pas sortir d’ici. >
< Je suis rectificatrice. >
< Oui, ça me paraît bien établi. >
< Je suis capable de rectifier la réalité, ai été spécialement conçue pour la formulation et la rectification d’enluminures. >
< Vous… vous quoi ? Oh. > Le cœur de Sancia bondit dans sa poitrine. < Alors… vous pouvez rectifier les enluminures de mes liens ! >
< Possible >, dit Valeria. < Mais cela va m’épuiser. Je serai incapable d’aider après cette entreprise. Alors, je propose de rectifier quelque chose qui rendra votre réussite plus probable. >
< Quoi ? >
< Vous. >
Un long silence.
< Hein ? > fit Sancia.
< Injonctions dans votre plaque… mal faites. Confuses. Confondantes. Ne sachant que référencer, comment construire une relation entre les référents. Je peux réparer. Et vous rendre… rectificatrice. En quelque sorte. Et vous pourrez alors vous libérer, et trouver la clé. >
Sancia n’en croyait pas ses oreilles.
< Q… quoi ? Vous voulez retoucher la plaque dans ma tête ? >
< J’ai cru que c’était un procédé que vous désiriez. Vos injonctions sont… permanentes. Est-ce que vous comprenez ? >
< Permanentes ? >
< Oui. L’accès n’est jamais fermé. Vous ne pouvez jamais… vous désengager. >
Sancia comprit. Ses entrailles se crispèrent ; elle éprouva un tel bouleversement qu’elle eut du mal à répondre.
< Vous voulez dire >, commença-t-elle en avalant sa salive, < que vous pourriez me donner un moyen de les éteindre ? De tout arrêter ? >
< Vrai. Engager, désengager. Ceci et plus. >
Sancia ferma les yeux et des larmes coulèrent sur son visage.
< Chagrin ? > demanda Valeria. < Pourquoi ? >
< Je… je ne suis pas triste. C’est juste que… C’est ce que j’ai toujours voulu ! Depuis si longtemps ! Et vous me dites, pour de vrai, que vous pouvez me l’offrir ? Là, tout de suite ? >
< Vrai. > Des cliquetis. < Pour de… vrai. > D’autres clics. < Je comprends pourquoi cela peut vous procurer de la joie. Les enluminures… elles confondent tout et tous. >
< Qu’est-ce que vous dites ? >
< Les enluminures qu’ils ont mises en vous… Ils voulaient vous rendre objet. Un… appareil. Une chose à commander. Une domestique. > D’autres clics, plus secs. < Comme… Valeria. >
< Une esclave ? >
< Vrai. Une chose sans esprit. Une esclave qui ne se connaît pas elle-même et ne peut donc comprendre la souillure d’être esclave. Alors, ils ont écrit les injonctions en vous – « Sois une chose ! » – mais ils ne comprenaient pas leurs injonctions. N’ont pas défini « chose » de manière adéquate. Quelle chose ? Les enluminures, comme toujours, ont choisi l’interprétation la plus facile – « chose » signifiait l’objet le plus proche. L’objet que vous touchiez, quel qu’il soit. Est-ce que vous comprenez ? >
Un dégoût glacial envahit Sancia.
< Ils voulaient faire de moi un objet passif, un outil. Un serviteur sans volonté. Mais ils ont mal écrit, et je peux… je peux sentir les objets inanimés et… >
< Et fusionner. Devenir eux. Les connaître. Comme je le disais, ils ont mal rédigé leurs injonctions. Aurait dû vous détruire. > Une série de cliquetis si rapides qu’ils se fondaient presque les uns dans les autres. < Supposition : vous avez survécu pour les mêmes raisons que l’imperiat peut vous contrôler. >
< Hein ? >
Une série de clics rapides.
< L’imperiat… pas fait pour contrôler esprits humains. Esprits sont… compliqués. Impossiblement compliqués. Une telle application n’a jamais été imaginée par les Faiseurs. Imperiat fait pour contrôler les armes. Les objets. Les choses. Ce que vous pensez être. > Clic. < L’Imperiat fonctionne sur vous parce que vous vous définissez encore comme un objet. C’est seule raison pour laquelle vous pouvez être contrôlée. >
Sancia écouta avec un sentiment d’outrage grandissant.
< Ça veut dire quoi, je me sens comme un objet ? >
Clic. < Ai-je été peu claire ? >
< Vous pensez que je ne suis qu’un objet ? >
< Non vrai. Je pense que c’est ce que vous pensez. >
< Je… je ne suis pas une saloperie d’objet ! Je ne suis pas une chose ! Je ne suis pas… > Elle chercha le mot. < Je ne suis pas un truc qu’on peut posséder, merde ! >
< Non vrai. Vous pensez être tout cela. Une… esclave. >
< La ferme ! > hurla Sancia. Elle ferma les yeux. < La ferme, la ferme, la ferme ! Je… je ne suis pas un putain d’outil. Je suis un curain d’être humain, je suis un être libre. >
< Est-ce que vous vous sentez libre > demanda Valeria, < ou est-ce que vous avez l’impression de vous être volée vous-même ? >
Les larmes ruisselaient sur les joues de Sancia. Les gardes la regardaient avec curiosité.
< Arrêtez >, dit-elle. < Taisez-vous ! >
Valeria ne dit plus rien. Sancia continua de pleurer.
< Voler une chose n’est pas comme la libérer >, dit Valeria. Puis, sur ton bas, plus lugubre. < Ça, je le sais bien. Je le sais plus que toute autre chose. >
Sancia déglutit et essaya de chasser ses larmes en cillant.
< Assez. Assez ! >
Valeria ne dit rien.
< Alors >, reprit Sancia, < vous rectifiez la plaque dans ma tête. Elle… me laissera activer ou désactiver mes enluminures ? Et ça me donnera le moyen de… d’ouvrir mes liens ? >
Clic. < Vrai. Vous serez rectificatrice. En quelque sorte. Vous touchez les menottes, et avec contact direct, vous avez influence. >
< Et qu’est-ce que ça va me faire, de me transformer en rectificatrice ? >
< La rectification ne sera pas… indolore. Rectifier les enluminures revient à rectifier la réalité – à convaincre la plaque en vous que, lorsqu’elle a été façonnée, elle l’a été d’une certaine manière et pas d’une autre. Ce n’est pas simple. La réalité est têtue. >
Sancia n’était pas sûre de vouloir en savoir plus – plus elle en apprenait sur ce dont était capable Valeria, plus elle avait peur.
< Alors ça va me faire foutrement mal, c’est ça ? >
< Qu’avez-vous senti la première fois qu’on vous l’a fait ? >
Son estomac se noua.
< Merde… À ce point ? >
< Oui. Mais ils ont accompli acte primitif. Je vais opérer de manière plus… sophistiquée. >
Sancia respirait difficilement. Elle savait qu’elle aurait besoin du moindre avantage possible. Mais elle aurait voulu poser d’autres questions : demander exactement ce que pouvait faire Valeria, ce qu’ils lui avaient fait faire, et comment les Faiseurs l’avaient créée, à l’origine.
Mais Valeria dit :
< Nous devons procéder. Prendra du temps. Et vos ennemis pourraient revenir à tout moment. >
Sancia serra les dents.
< Alors… allez-y. Et vite. >
< Vous sentirez quelque chose. Devrez me laisser entrer. Alors, je rectifierai. Confirmé ? >
< Confirmé. >
< Et une fois terminé – la clé. Vous devez déverrouiller mon étui – confirmé ? >
< Ouais, ouais ! Confirmé ! >
< Bien. >
Pendant une seconde, il ne se passa rien. Puis Sancia entendit quelque chose.
Exactement comme chez Orso, avec Clef : un tapotement rythmique, léger, une faible pulsation résonnant dans son esprit.
Une fois encore, elle l’écouta, tendit les bras, l’agrippa, et alors…
Les battements s’amplifièrent, s’étendirent et l’enveloppèrent en emplissant ses pensées.
Puis la douleur l’assaillit.
Elle se sentit hurler. Sentit son crâne brûler, sentit chaque centimètre carré de sa tête grésiller, et soudain les gardes furent autour d’elle, criant, essayant de la maîtriser, mais alors…
Elle tomba.
Elle tombait, tombait dans les ténèbres, dans une noirceur infinie et mouvante.
Elle entendit un murmure et comprit peu à peu : les ténèbres étaient pleines de pensées, d’impulsions, de désirs.
Sancia n’entrait pas dans le néant, mais dans un esprit ; elle tombait dans un esprit. L’esprit d’un être immense, incompréhensiblement vaste et étrange… mais fragmenté. Brisé.
Valeria, pensa-t-elle. Vous m’avez menti. Vous n’étiez pas qu’un simple clerc, hein ?
L’obscurité s’empara d’elle.