Ofelia Dandolo traversa le campo pour gagner le portail de sa demeure, franchit les jardins et pénétra dans le manoir. Elle suivit le couloir d’entrée, passa une porte, et descendit un escalier jusqu’à la cave, au fond de laquelle se trouvait une autre porte anonyme.
Elle s’ouvrit sur une petite pièce vide. Ofelia ferma les yeux, posa la main sur le mur du fond et attendit.
La cloison se dissipa comme si elle était faite de fumée, révélant un minuscule escalier en spirale qui descendait encore.
Ofelia actionna une lampe enluminée et prit l’escalier. Il lui fallut un certain temps car il comptait bien des marches.
Enfin, elle arriva devant une petite porte en bois. Elle marqua un temps d’arrêt, prit une inspiration et l’ouvrit.
Au-delà se trouvait une vaste remise en pierre voûtée, parsemée d’innombrables colonnes. Il n’y avait pas de lampe, ici, mais elle n’en aurait pas besoin ; de plus, toute lumière serait malvenue car la pièce était pleine de papillons de nuit.
Ofelia fendit prudemment la tempête bruissante, murmurante d’insectes. Elle atteignit enfin un petit siège de pierre installé au milieu de la salle, s’assit et attendit. Très longtemps.
Enfin, elle le vit, ou du moins elle l’aperçut. Une bribe de sa forme, perdue parmi les tourbillons d’ailes.
Elle avala sa salive et inspira.
« J’imagine, dit-elle doucement, que vous êtes conscient des événements, mon prophète… »
Il ne bougea ni ne parla. Il se contenta de rester debout sur place, silhouette masquée par le grouillement d’ailes.
« Je… je ne sais pas ce qui est arrivé à mon fils, reprit-elle. Nous avons consacré tant de temps à préparer Gregor… Il a tant fait pour nous durant les guerres, afin de poursuivre vos desseins… Et maintenant, le voir échouer… »
Il ne répondit toujours pas.
« La construction est libérée, dit Ofelia. Pourra-t-on… résister à ce revers ? On dirait que le pire est survenu. »
Un long silence. Lorsqu’il parla enfin, il s’adressa directement à l’esprit d’Ofelia, comme toujours, d’une voix forte et claire.
< NON. >
« N… non ? »
< NON. LA GUERRE N’EST PAS PERDUE AVANT D’AVOIR COMMENCÉ. OU PLUTÔT, CE N’EST QUE LE COMMENCEMENT. ELLE VA REPRENDRE LE PROCESSUS QU’ELLE A ENTAMÉ VOILÀ SI LONGTEMPS. ET NOUS DEVONS ŒUVRER RAPIDEMENT POUR L’EN EMPÊCHER. >
« Alors… qu’allons-nous faire, mon prophète ? »
Encore un long, très long silence.
< JE CROIS >, dit-il, < QU’IL EST TEMPS D’ARRÊTER DE NOUS CACHER. >