La traduction et la création sont des processus identiques. Chaque traduction est, jusqu’à un certain point, une création, d’où son caractère unique.
OCTAVIO PAZ
ON ASSOCIE habituellement la notion de créativité aux artistes (ex.: peintres, sculpteurs, compositeurs, écrivains) et aux membres de certaines professions ayant une forte composante artistique (ex.: publicitaires, designers, concepteurs graphiques). Ces créateurs de choses nouvelles et originales (ex.: tableaux, pièces musicales, œuvres littéraires, publicités, vêtements) expriment leur talent et leur pouvoir d’invention. Ils ne se contentent pas de reproduire par simple copie ce qui existe déjà. C’est pourquoi on leur reconnaît un «esprit créateur», une «grande imagination créatrice», voire un «génie inventif».
Les traducteurs n’appartiennent pas à cette catégorie de créateurs. Du moins, ils ne font pas preuve de créativité pure, puisqu’ils travaillent sur un matériau déjà existant, le texte original, qui est antérieur à leur propre production. C’est là une opinion solidement ancrée chez la plupart des gens. Mais la créativité est-elle vraiment l’apanage des artistes? Et qu’est-ce au juste que la créativité? Selon Hubert Jaoui, elle obéit à ses lois propres, distinctes de la réflexion analytique.
La Créativité c’est la logique de la découverte. Ce n’est pas l’absence de logique, c’est une multilogique. Alors que le mode habituel de fonctionnement de l’intelligence, celui qu’on a essayé de nous enseigner, est déductif, relativement linéaire et en tout cas unilogique, le fonctionnement de l’esprit dans l’acte de création, d’invention, de résolution de problème est divergent. Il emprunte différents chemins logiques, sans limitation (Jaoui, 1979: 139).
Le processus créateur serait donc la saisie d’une synthèse nouvelle à partir d’éléments déjà présents à l’esprit, et ce sont les chemins tortueux des processus associatif, analogique, onirique même, qui conduisent à cette synthèse originale.
Le talent créateur du traducteur ne se manifeste pas, comme celui de l’écrivain, par l’expression d’une subjectivité dans le discours esthétique. Il prend plutôt la forme d’une sensibilité exacerbée au sens du texte de départ et d’une grande aptitude à réexprimer ce sens dans un autre texte cohérent et de même force expressive.
Pour ce faire, le traducteur dispose d’une liberté relative quant au choix des moyens linguistiques. L’adéquation d’une pensée et d’une forme exige de lui, plus souvent qu’on ne le pense, qu’il fasse preuve de créativité dans l’exploitation des ressources que lui offre la langue d’arrivée.
L’analyse minutieuse de traductions réussies nous force à admettre qu’il entre indiscutablement une part de créativité de réexpression dans le travail du traducteur. Cette créativité du second degré s’exerce sur la forme et le fond, les deux étant indissociables. D’où l’importance du mot précis, de l’image juste. «La question qui se pose en traduction comme en écriture, affirme la poète et traductrice québécoise Nicole Brossard, est celle du choix. Quel signifiant privilégier, élire pour animer en surface les multiples signifiés qui s’agitent invisibles et efficaces dans le volume de la conscience» (Brossard, 1984: 23).
En simplifiant, on peut dire que, pour reformuler un passage dont il a compris le sens, le traducteur procède soit par voie directe, c’est-à-dire par réminiscence d’équivalences lexicales ou syntagmatiques plus ou moins obligatoires (v. l’OS 16), soit par voie indirecte, c’est-à-dire par analogie avec des expressions existantes.
Il n’est jamais un simple copiste, car traduire exige la mobilisation de grandes ressources expressives, une forte dose d’intelligence et de sensibilité et la capacité de passer constamment de la pensée analytique à un mode de pensée plus associatif. «Traduire signifie pour le traducteur remodeler la forme étrangère de manière à ce qu’elle épouse les structures linguistiques de sa propre culture» (Friedrich, 1992: 12). Le traducteur refaçonne pour ainsi dire le texte original à la manière d’un artisan qui travaille l’argile. En voici un bel exemple.
Depuis quelques années, la ville de Québec est l’hôte d’une épreuve de sport extrême organisée par la société de boissons énergisantes Red Bull et connue sous le nom de Red Bull Crashed Ice. Dans cette compétition sportive, des casse-cou chaussés de patins et bardés de vêtements protecteurs rivalisent de vitesse et d’agilité en dévalant à vive allure une longue pente glacée, où s’enchaînent sauts, obstacles et virages serrés. Le but: franchir la ligne d’arrivée le premier. Ce sport rude relativement nouveau n’est pas sans rappeler le saut de barils.
À première vue, le nom de cette épreuve internationale semble impossible à franciser. À première vue seulement. Imagination et créativité aidant, il est toujours possible de repousser les limites de la traduction. Un traducteur retraité du Bureau de la traduction du gouvernement canadien, André Senécal, s’est imposé le «défi extrême» de trouver une désignation française pour cet événement sportif qui attire les amateurs de sensations fortes. Sa solution? La Grande Déboulée Red Bull de Québec. Ce nom est très évocateur pour désigner cette compétition de «patinage de descente extrême» (ice cross downhill).
Dans une lettre publiée dans Le Devoir (Senécal, 2011: A-6), le traducteur apporte plusieurs arguments pour justifier sa traduction.
Le verbe «débouler» signifie «descendre» précipitamment, comme dans «débouler l’escalier». Le titre francisé de l’épreuve contient un jeu de mots fondé sur une allitération (boul-/Bull), ce qui est un atout publicitaire indéniable pour le commanditaire Red Bull. Le caractère dynamique de l’épreuve est aussi évoqué par la cadence du titre: La Grande/Déboulée/Red Bull/de Québec. Enfin, à ces trois justifications du traducteur, nous pouvons en ajouter une quatrième. Dans le domaine du sport, ne parle-t-on pas du Grand Chelem de tennis? Du Grand Prix Cycliste de Montréal? Du Grand Prix du Canada en course automobile? Alors pourquoi pas la «Grande Déboulée Red Bull de Québec», tout en sachant que, dans ce sens et au féminin, «déboulée» est un néologisme?
Le raccordement des concepts d’une langue à une autre se fait souvent, comme on vient de le voir, par associations successives et rapprochements analogiques. La compétence créative ou associative d’un traducteur repose, pour une bonne part, sur sa connaissance approfondie de la langue d’arrivée et sur son aptitude à raisonner logiquement. Pour réexprimer le sens qu’il dégage d’un texte ou d’un énoncé, comme ici le titre d’une épreuve sportive, il fait appel à son «imagination créatrice» chaque fois que le recours à la traduction par voie directe se révèle impossible. Nombreux sont les cas où il lui faut faire preuve de créativité. En voici d’autres exemples.
a. In the United States itself, Northerners regard Southerners as slow-moving, and middle-class Negroes condemn working-class Negroes just up from the South for operating on “C.P.T.”-Coloured People’s Time. In contrast, by comparison with almost anyone else, white Americans and Canadians are regarded as hustling, fast-moving go-getters. | a. Aux États-Unis même, les gens du Nord considèrent ceux du Sud comme des lambins, et les Noirs de la classe moyenne accusent les ouvriers de leur race qui arrivent du Sud d’avoir leurs montres synchronisées sur un autre fuseau horaire, celui des gens de couleur. En revanche, les Américains de race blanche et les Canadiens font figures d’hommes d’action ayant le feu aux trousses par rapport à presque tous les autres habitants du globe. |
b. In North America, people are used to the fresh pasteurized taste of milk beverages which must be sterilized in order to prolong shelf-life. But attempts to introduce sterilized milk, which has a slight cooked or chalky flavor, have met with considerable resistance. | b. En Amérique du Nord, les gens sont habitués à la saveur du lait frais et pasteurisé qu’il faut toutefois stériliser pour prolonger sa durée de conservation; mais comme le lait stérilisé a une légère saveur de craie ou de lait cuit, les consommateurs l’ont boudé. |
a. The mortality rate of these programs is very high. | a. Le nombre de programmes qui avortent est très élevé. |
b. A brilliantly conceived marketing strategy, executed with persistence and aggressiveness has put Sentrol in the driver’s seat in their marketing niche. | b. Grâce à une brillante stratégie de commercialisation mise en œuvre avec ténacité et dynamisme, Sentrol a pu se hisser au premier rang de son créneau commercial. |
c. The very excitement aroused by the mushrooming growth of the service sector has diverted professional attention from another shift that will deeply affect both goods and services in the future. | c. La fièvre qu’a suscitée l’expansion en tache d’huile du secteur tertiaire a détourné l’attention des spécialistes d’une autre mutation susceptible d’avoir dans l’avenir un impact tout aussi profond à la fois sur les biens et sur les services. |
a. Brian Lutes tailors his concerts to the needs of the particular school he is visiting. He explains: “For some schools where there’s good drug education programs, we’ll do a pep-rally type show where we pull out all the stops.” | a. Brian Lutes adapte ses spectacles aux besoins de l’école où le groupe se produit. Il s’explique: «Dans les écoles où il existe de bons programmes d’information sur les drogues, nous donnons un spectacle de type “énergisant”, totalement débridé.» |
b. The already overcrowded health curriculum is forced to compete with similarly packed curricula in other subject areas, as well as with the “back-to-the-basics” movement that wants more priority given to the “three Rs.” | b. Le programme de cours en santé, déjà surchargé, doit concurrencer les programmes d’autres matières également surchargés, ainsi que le mouvement prônant le «retour aux valeurs fondamentales» et notamment aux trois clés du savoir: Calcul, Lecture, Écriture. |
c. People who were unsatisfied by Bashar’s to-be-or-not-to-be ambivalence added a picture of his father Hafez al-Assad, who looked undeniably tough and decisive, even if dead, and a militaristic pose struck by Hafez’s first heir apparent, his son Basil, also dead, killed long before in a car accident while speeding to the airport to catch a plane. With this spooky triumvirate, Syria’s father, son, and holy ghost, the regime wanted to maintain the illusion of being led by the toughest thugs on the block, a warning to any who might plot to take on their tribe or their country. | c. Des citoyens agacés par la valse-hésitation de Bashar ont ajouté un portrait de son père Hafez al-Assad au regard dur et déterminé, bien qu’il soit mort, et un autre de son dauphin, son fils Basil en tenue militaire, même si lui aussi est mort depuis longtemps dans un accident de voiture en se rendant à l’aéroport à tombeau ouvert. En agitant ce triumvirat spectral — le père, le fils et le Saint-Esprit —, le régime syrien voulait faire croire que c’était le dur à cuire du coin qui tenait les rênes de l’État et tuer dans l’œuf toute tentative de complot pour écarter leur tribu ou s’emparer du pouvoir. |
On remarque, dans le dernier exemple, que le traducteur a aussi fait preuve de créativité en introduisant dans sa traduction des expressions (reproduites en gras et en italique) non suggérées par la formulation du texte de départ (v. l’OS 74).
a. Time to bac off. Only time will lower the amount of alcohol in your blood. The more you drink, the longer it takes. The term “Blood Alcohol Concentration” or BAC refers to the amount of alcohol in a person’s blood. | a. Avant d’être un cas, réagissez. Seul le temps vient à bout de l’alcool contenu dans votre sang. Plus vous buvez, plus il faut de temps. La «Concentration d’Alcool dans le Sang», qu’on appellera le CAS ou «taux d’alcoolémie», représente la teneur en alcool dans le sang d’une personne. |
b. A touch of silk… [Publicité de fleurs en soie] |
b. Ça va de soie… |
c. Fighting over water. The UN Environment Programme lacks resources to head-off international water disputes. | c. L’eau, source de conflits. Le Programme de l’ONU pour l’environnement n’a pas les ressources voulues pour régler les différends au sujet des étendues d’eau internationales. |
d. When it rains, it reigns! [Publicité des parapluies Knirps] |
d. Il vous plaira avant même qu’il ait plu! |
a. Crunchy Golden Muesli [Céréales Kellogg] |
a. Muesli croustidoré |
b. The new non-dairy creamer from Carnation | b. Le nouveau coupe-café non lacté de Carnation |
c. Bus shelter advertising | c. Affichage-abribus |
d. Coin Sorter. [Tirelire dans laquelle les pièces roulent jusqu’au cylindre correspondant à leur valeur.] |
d. Compte-sous [Var. Tirelire grippe-sous] |
a. The search for new ways to “opt out” or “cop out” that characterizes certain hippies may be less motivated by their loudly expressed aversion to the values of a technological civilization than by an unconscious effort to escape from a pace of life that many find intolerable. | a. La recherche de façons nouvelles de «briser les amarres» et de «se tirer du jeu» qui caractérise certains hippies est peut-être due moins à leur aversion véhémente pour les valeurs de la civilisation technologique qu’à une volonté inconsciente de se dérober à une cadence de vie que beaucoup d’entre eux trouvent intolérable. |
b. Time waits for no one. | b. On n’arrête pas la course du temps. |
c. Under the shadows of such heavyweights as IBM, Xerox and Exxon, the outlook appears rather bleak. | c. Compte tenu de l’emprise écrasante de IBM, de Xerox et de Exxon, nous sommes encore loin des lendemains qui chantent. |
Plusieurs objectifs de ce manuel traitent de la créativité du traducteur. Outre celui-ci, les objectifs suivants abordent ce thème important: «Traduire l’humour» (OS 24), «Locutions, clichés, idiotismes» (OS 68), «Allusions» (OS 69), «Métaphores» (OS 70) et «Renforcement du caractère idiomatique du texte d’arrivée» (OS 74). Chaque fois que le traducteur établit une équivalence de type «création discursive», il lui faut aussi faire appel à son imagination créative.
Delisle, Jean (1981a), «De la théorie à la pédagogie: réflexions méthodologiques».
Durieux, Christine (1991), «Liberté et créativité en traduction technique».
Talens, Jenaro (1993), «L’écriture qu’on appelle traduction».
V. aussi: Muntaner (1993), Pagnoulle (1991).
Exercice 1
Exercez votre créativité en traduisant les passages en gras ci-dessous.
1. Dig into the Facts Before You Dig!
Springtime calls for a lot of digging, but do not take unnecessary risks. Call Bell Canada. Never start digging before you know exactly where underground cables lie buried. Underground telephone cables are neighborhood lifelines to the Police, Fire Department and Ambulance Services. [Extrait d’un dépliant de Bell Canada accompagnant les relevés de comptes mensuels.]
2. The New Dollar Solid Currency
An Historic Moment in Canadian Currency
Practical and legal tender, this new dollar coin will gradually replace the one dollar bill. The design of the new One Dollar Coin, like those of the five and twenty-five cent pieces, is inspired by our fauna. It depicts the Common Loon, that true and lasting symbol of the Canadian wilderness. It is, therefore, with much pride that the new Canadian Dollar Coin makes its historical entrance. [Extrait d’un dépliant distribué par la Monnaie royale canadienne.]
3. Is It Worth the Risk?
The more you drink, the better your chances… of crashing. [Extrait d’un dépliant sur la sécurité routière.]
4. Picture That
There was a time when the “box Brownie” was the answer to everybody’s camera needs. It was simple, not complicated and it produced satisfactory results. Today’s cameras can produce much better results, but they are more complicated. It’s probably the knobs, the gadgets and the dials that scare many people off from what can be a most satisfying, rewarding pursuit-photography. So let’s try to unscramble a few things for beginners and would-be beginners. If there is any interest, we’ll get into more detail later. [Extrait d’une chronique de photographie destinée aux lecteurs d’une revue à grand tirage.]
5. House Making Cracks About You?
[Publicité présentant la gamme des produits Polyfilla servant à boucher les fissures des murs de plâtre.]
6. Tender Loving Fare
Whoever said, “…’tis love that makes the world go round,” was probably eating chicken soup at the time. In particular, Campbell’s Chicken Noodle Soup. We’ve got history on our side. It’s what mothers traditionally served when someone needed good old-fashioned comforting. And mother really did know best. [Publicité de la compagnie Campbell.]
7. Prints Charming
This is our fairy tale. At midnight this beautiful sofa turns into a surprisingly comfortable bed for a handsome prince and a beautiful princess. Only Simmons makes a sofa that turns into a Hide-A-Bed Sofa. And that’s no fairy tale. [Une illustration couleurs d’un canapé à imprimé fleuri accompagne le texte de cette publicité de la compagnie Simmons.]
8. Time for the Teeny Tinies?
Small cars are nothing new. But how about one so tiny you can park it head-first against, not parallel to, the curb? Just imagine: a car that is so simple a 14-year-old may drive it without a permit. [Extrait d’un article de presse.]
9. Hearty Ideas
Certain habits which increase the risk of cardiovascular disease can be changed. They are: smoking, excessive alcohol intake, lack of physical activity and poor food habits. Here are some “hearty ideas” for improving food habits. [Extrait d’un texte intitulé «The Heart of the Matter», traitant des maladies cardiaques et de l’importance d’une saine alimentation.]
10. In the Rush for Position
In the rush for position in international markets, industrialized nations have placed “technological capacity” high on their political and industrial agendas. [Extrait d’un texte d’économie.]
Exercice 2
Traduisez le texte «Short Stories» qui se prête bien à un exercice sur la créativité en traduction.
Texte 28
Auteur: Sam Mitani
Source: Road & Track
Genre de publication: Magazine d’information sur les véhicules automobiles
Domaine: Automobile
Public visé: Consommateurs, amateurs de véhicules automobiles
Nombre de mots: 402
In the U.S., they’d wait in line
A driving examiner in Jerusalem, Israel, refused to test a female applicant recently because he objected to the way she was dressed. Israel Radio reported that the examiner, an Orthodox Jew, said he would not allow the woman to take the driving test unless she changed her top, which exposed her stomach. The woman refused but was able to take the test with another examiner.
Stupid criminals
A man led police on a car chase on Interstate 215 in California recently before being subdued. The chase ended when the man’s car ran out of gas─but then he got out and pushed it in a futile attempt to stay ahead of the cops.
They’re also pretty good at enforcing curfews
In Lima, Peru, don’t bother applying for a job as a traffic cop if you’re a man. Why? Because Peru President Alberto Fujimori has ordered that all traffic police officers in the Peruvian capital be women. According to The Daily Telegraph, it seems that male officers have been accepting bribes for not issuing tickets. Fujimori told reporters he feels that women “demonstrate their ability to be assertive when it comes to making people obey traffic laws.”
Matchstick slapstick
In Elmsdale, Prince Edward Island, Canada, a car coasted to the side of the road after running out of gas. The car’s five occupants retrieved a fuel can and attempted to refuel the car. However, they had trouble getting the hose into the fuel tank so someone used a lighter to get a better view. Boom! The explosion caused the person to heave the gas can toward a million-dollar potato-packing plant. Yep, you guessed it, the entire plant burned to the ground.
“I believe we’ve done enough of an education program in Canada for people to understand that when there’s any sort of open flame next to gasoline products, the potential for igniting it is really pronounced,” the province’s fire marshal said.
Hitchcock would be proud
You’ve heard of dogs attacking the neighborhood postman. Now, The Chicago Sun-Times reports that a wild turkey has been chasing a postal carrier in Albany, New York, causing him to run for his life each time he gets out of his truck. “For the safety of the driver,” said a sage postal spokesman, “he has been instructed not to get out of the truck when the turkey is there.”
Exercice 3
Texte 29
Auteur: Anonyme
Source: Esper Signals Inc.
Genre de publication: Dépliant publicitaire
Domaines: Acoustique, musique
Public visé: Mélomanes, grand public
Nombre de mots: 438
The famous Canadian photographer, Youseuf Karsh, once photographed Pablo Casals, the Spanish cellist, conductor and composer, with his back to the camera. Karsh recalls:
I was so moved on listening to him play Bach that I could not for some moments attend to photography. I have never posed anyone else facing away from the camera, but it seemed just right.
Years later, when the photograph was on exhibition at the Museum of Fine Arts in Boston, I was told that every day an elderly gentleman would come and stand for many minutes in front of it. Full of curiosity, a curator finally inquired gingerly, “Sir, why do you come here and stand in front of this picture?”
He was met with a withering glance and the admonition, “Hush, young man. Can’t you see I am listening to the music!”
ESPER speakers are designed to engage the sense—to captivate both visually and aurally. The form, line and contour of our E-601 speakers are in proportion to contemporary furnishings and modern room settings. Their compact size, angled face and shortened pedestal cause sound to be reflected obliquely from room surfaces, creating a natural sense of openness and depth in the music.
Sound is like water. Imagine a large wave washing into a fishing village and hitting the harbour wall. Crunch. Everything’s soaked. Now imagine another wave carving into a rocky coast—first it hits the shelving ocean bottom and begins playfully to ruffle its crest. Then it encounters the odd little hump of rock out in the bay and you can see little flurries of white surf cavorting around it. It seems surprised, then delighted as it encounters the prominent headland jutting out into the sea, and in an exuberant shout, leaps up in a high burst of spume and spray. But now, in preparation for the final rush to shore, the wave stretches itself out, pauses and willingly dashes itself against the curving face of the craggy, forbidding cliffs, bursting, dashing, crashing against their time-worn shapes and forms. Then it withdraws, in a loud swishing of pebbles, spent and exhausted, slowly to whirl and eddy in the placid bay.
That is how E-601 speakers deliver the inner magic of complex sounds-solos that soar, orchestral performances of real majesty and the interpretive thrills and chills of your favourite smoky jazz.
As well as their innovative structural geometry, they also look the part. Discreet, finely finished, quietly self-possessed—a confidence in design which bonds aesthetic beauty to sparkling performance.
Put them in your space—the place you most like to rest and relax. And listen.