L’intérêt de conserver le sens n’entraîne aucunement l’exigence de la littéralité.
WALTER BENJAMIN
BEAUCOUP de rédacteurs et de chroniqueurs langagiers, sans parler des traducteurs, s’interrogent sur la légitimité des tours «sur la base de» et «sur une base + adjectif». Peut-on écrire: «Les décisions sont prises sur la base des données recueillies» ou encore «Les employés travaillent sur une base rotative»? Établissons tout d’abord la signification du mot «base» au sens propre et au sens figuré. Ces définitions nous seront utiles pour la suite de l’exposé.
Appui, assise, bas, fondation, fondement, pied, socle, support. Ex.: la base d’une colonne, la base d’une montagne.
Principe fondamental, point de départ servant à un calcul, élément qui sert d’appui, de soutien à quelque chose d’autre. Ex.: établir les bases d’un traité, fixer un salaire de base, bâtir sa vie sur des bases solides.
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Bien que plusieurs dictionnaires et ouvrages sur les difficultés du français recensent la locution «sur la base de» («On m’a engagé sur la base de 15 $ l’heure»), les ouvrages de traduction condamnent tous de façon plus ou moins explicite cette traduction littérale de on… basis. Certains auteurs voient dans cette locution un calque de l’anglais. Pierre Daviault (1972: 59-60) propose de lui substituer les équivalents suivants: «d’après, selon, en tenant compte de (compte tenu de), en proportion de, […] en fonction de, à raison de; sur le principe que». Il n’exclut pas de sa liste «sur la base de», mais il ne l’emploie dans aucune des traductions citées en exemple. Ses formulations sont même assez éloignées de la forme anglaise: Ex.: on the basis of 5 to 1: dans la proportion de 5 à 1; on the basis of population: au prorata de la population; on the basis of our present taxation: eu égard à l’assiette actuelle des impôts.
Il semble plus conforme à la démarche du français d’éviter la locution «sur la base de». Si l’on compare les deux traductions de l’énoncé ci-dessous, on choisirait de préférence la seconde:
Inexperienced investors tend to buy or sell shares on the basis of emotional pressures.
*Les nouveaux investisseurs ont tendance à acheter ou à vendre leurs actions sur la base de l’émotion.
Les nouveaux investisseurs ont tendance à se laisser guider par leurs émotions lorsqu’ils achètent ou vendent des actions.
Cet examen sommaire nous amène à conclure que la locution «sur la base de» figure bel et bien dans bon nombre de dictionnaires, mais que les spécialistes de la langue et de la traduction rejettent ce tour, estimant que certains de ses emplois sont une source d’ambiguïté ou heurtent le caractère idiomatique du français, comme dans l’exemple: Funds will be distributed on a project by project basis: *Les crédits seront distribués sur une base projet par projet.
La locution «sur la base de» tend néanmoins à passer dans la langue française, même si elle manque d’élégance et alourdit la phrase. Un traducteur rigoureux voudra sans doute s’en tenir aux autres traductions possibles. Et elles ne manquent pas:
à la lumière de à l’aune de à raison de d’après en fonction de |
en se fondant sur selon suivant sur la foi de sur le modèle de |
Ainsi, au lieu de traduire on the basis of experience par «sur la base de l’expérience», il préférera sans doute «à la lumière de l’expérience» ou «fort de l’expérience acquise».
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Une seule source, en l’occurrence le Grand Larousse de la langue française (1971), relève l’expression «sur une base + adjectif»: «Les tarifs de la SNCF sont établis sur une base kilométrique.» Mais une base peut-elle être kilométrique? Même le Trésor de la langue française ne consigne pas cette locution. En accolant certains adjectifs au mot «base», on risque de produire des énoncés obscurs, voire cocasses. C’est le cas des expressions «sur une base limitée», «sur une base proportionnelle», «sur une base irrégulière». En toute logique, une base peut-elle vraiment être limitée, proportionnelle ou irrégulière? Par souci de clarté, on a tout intérêt à rejeter ce genre de formulations vagues. La langue française dispose d’ailleurs de ressources qui rendent inutiles le recours systématique au calque «sur une base + adjectif», comme le prouvent les exemples qui suivent.
a. New stamps can be purchased in packages of ten booklets on an “as they come” or random selection basis. | a. On peut acheter les nouveaux timbres en paquets de dix carnets, sans choix. |
b. The uniforms and protective clothing are issued on an exchange basis and replacements will be issued when the garment becomes unserviceable through normal wear and tear occurring while the employee was on duty. | b. Les uniformes et vêtements de protection devenus inutilisables par suite d’une usure normale survenue en cours de service seront échangés contre des neufs. |
c. The program will be funded on an annual basis. | c. Le programme recevra une subvention annuelle. |
d. How many hotel rooms are available on a daily basis in your region? | d. De combien de chambres d’hôtel votre région dispose-t-elle chaque jour? |
e. The government is working through regulations on a sector-by-sector basis in terms of dealing with emissions. | e. Le gouvernement prépare une réglementation sur les émissions qui tient compte de chacun des secteurs. |
Exercice 1
Dans les traductions ci-dessous, remplacez la locution «sur la/une base de» par une expression plus appropriée.
1. The Bush budget added $46 billion to the U.S. military. If we were to do that on an equivalent basis it would be $4.6 billion. | 1. Le budget Bush ajoute 46 milliards de dollars au budget militaire américain. Pour faire un effort sur une base équivalente, il nous faudrait dépenser 4,6 milliards de dollars. |
2. The garment industry runs on real time, not on government time. In other industry sectors, it seems, on the basis of a phone call, the chequebook comes out and $100 million cheques get written. | 2. L’industrie du vêtement fonctionne en temps réel, non en temps gouvernemental. Dans d’autres secteurs, il semble que sur la base d’un simple coup de téléphone, il est facile d’obtenir un chèque de 100 millions de dollars. |
3. Some customers demand to be able to purchase on the basis of more specific quality factors. | 3. Certains clients exigent un approvisionnement sur la base de critères qualitatifs plus précis. |
4. The $21 billion is allocated to provinces and territories on an equal per capita basis. | 4. Les 21 milliards de dollars seront répartis entre les provinces et les territoires sur la base d’un montant égal par habitant. |
5. It would be misleading to describe democracy as simply a system in which all decisions are reached on a 50% plus one basis. | 5. Il serait faux de décrire la démocratie comme étant simplement un régime dans lequel toutes les décisions sont prises sur la base d’une majorité de 50 % + 1. |
Exercice 2
1. Canadians and Americans share use of the satellite on a 50-50, alternate day basis.
2. Most Canadians agree that immigrants should be chosen on a non-discriminatory basis without regard to race, creed or colour.
3. In Great Britain, it has been shown that retraining is not as formidable as it was generally feared to be and that time and costs could be saved by teaching the worker on-the-job on a need-to-know basis.
4. The pension of the recipient shall, for the purposes of this Act, be deemed to be calculated on a ten year average salary basis.
5. Members of this board are the Chairman of the Public Service Commission and two deputy ministers who serve on a rotational basis.
6. The electrical energy is supplied on a flat fee basis.
7. He returned to community policing, where neighbourhoods got to know their local police officers on a first name basis and saw these people as their friends and their protectors.
8. Any decision to kill wild animals must be justifiable on the basis of ethical considerations.
9. The income tax is taxed on an individual basis, yet when it comes to qualifying for the guaranteed income supplement it is done on a family income basis.
10. Applications are processed on a first-come-first-served basis.
Exercice 3
Texte 57
Auteur: Anonyme
Source: The Mercury
Genre de publication: Journal de Tasmanie
Domaine: Fait divers
Public visé: Grand public
Nombre de mots: 378
On the inner-city streets he was just another bum who lived in a hovel and held his pants up with string.
But yesterday an extraordinary story emerged of how the hobo was, in fact, a retired professor who made a slum his home while he obsessively built a fortune by investing his retirement money on the stock market.
Professor Kelver Hartley wanted to make a million dollars with the $30,000 he received in superannuation when he retired from Newcastle University in New South Wales, to repay the school for giving him a job he loved.
The tragedy in the tale of Professor Hartley is that, fearing he was being wiped out by a stock market crash, the shy, old man killed himself.
In fact, after his death, his canny investments continued to grow and have provided a $2 million scholarship fund for the university.
Yesterday, Professor Ken Dutton, who succeeded Professor Hartley in the French faculty when he retired in 1969, said: “He was always alone, and a loner, because he found social relationships so difficult. I think he never forgot the university that gave him the opportunity to be what he always thought he was—an academic.”
Professor Dutton said it became such an obsession for Professor Hartley to build a fortune to give to the university that in 1983 he sold his Edgecliff home in Sydney and moved into a squalid $25-a-week backroom hovel in a Glebe boarding house.
He limited his expenses so he could put more on the stock market to increase his fortune for the university.
He was so reclusive, his fellow residents referred to him as “the Hermit”.
Secretly, his portfolio grew to be worth more than $1 million but the stock market crash of 1987 saw his fortunes fall to $900,000.
His one true friend, Professor Graham Jones of University of New England, died of cancer, and, in 1988, at the age of 78, Professor Hartley killed himself with a drug overdose.
Two months later his fortune had risen to $1.2 million.
Since his death, and during a legal wrangle about how the university could spend the bequest, Professor Hartley’s portfolio has grown to more than $2 million.
A book about his life will be launched at the university today.