Dans quels cas les lois somptuaires
sont utiles dans une monarchie.
Ce fut dans l'esprit de la république, ou dans quelques cas particuliers, qu'au milieu du treizième siècle on fit en Aragon des lois somptuaires. Jacques Ier ordonna que le roi, ni aucun de ses sujets, ne pourraient manger plus de deux sortes de viandes à chaque repas, et que chacune ne serait préparée que d'une seule manière ; à moins que ce ne fût du gibier qu'on eût tué soi-même1.
On a fait aussi, de nos jours, en Suède, des lois somptuaires ; mais elles ont un objet différent de celles d'Aragon.
Un État peut faire des lois somptuaires dans l'objet d'une frugalité absolue : c'est l'esprit des lois somptuaires des républiques ; et la nature de la chose fait voir que ce fut l'objet de celles d'Aragon.
Les lois somptuaires peuvent avoir aussi pour objet une frugalité relative ; lorsqu'un État, sentant que des marchandises étrangères d'un trop haut prix demanderaient une telle exportation des siennes, qu'il se priverait plus de ses besoins par celles-ci, qu'il n'en satisferait par celles-là, en défend absolument l'entrée : et c'est l'esprit des lois que l'on a faites de nos jours en Suède2. Ce sont les seules lois somptuaires qui conviennent aux monarchies.
En général, plus un État est pauvre, plus il est ruiné par son luxe relatif ; et plus, par conséquent, il lui faut de lois somptuaires relatives. Plus un État est riche, plus son luxe relatif l'enrichit ; et il faut bien se garder d'y faire des lois somptuaires relatives. Nous expliquerons mieux ceci dans le livre sur le commerce3. Il n'est ici question que du luxe absolu.