Réflexions.
Les ennemis d'un grand prince qui a si longtemps régné l'ont mille fois accusé, plutôt, je crois, sur leurs craintes que sur leurs raisons, d'avoir formé et conduit le projet de la monarchie universelle. S'il y avait réussi, rien n'aurait été plus fatal à l'Europe, à ses anciens sujets, à lui, à sa famille. Le ciel, qui connaît les vrais avantages, l'a mieux servi par des défaites, qu'il n'aurait fait par des victoires. Au lieu de le rendre le seul roi de l'Europe, il le favorisa plus, en le rendant le plus puissant de tous.
Sa nation, qui, dans les pays étrangers, n'est jamais touchée que de ce qu'elle a quitté ; qui, en partant de chez elle, regarde la gloire comme le souverain bien, et, dans les pays éloignés, comme un obstacle à son retour ; qui indispose par ses bonnes qualités même, parce qu'elle paraît y joindre du mépris ; qui peut supporter les blessures, les périls et les fatigues, et non pas la perte de ses plaisirs ; qui n'aime rien tant que sa gaieté, et se console de la perte d'une bataille lorsqu'elle a chanté le général, n'aurait jamais été jusqu'au bout d'une entreprise qui ne peut manquer dans un pays sans manquer dans tous les autres, ni manquer un moment sans manquer pour toujours.