Des rois des temps héroïques, chez les Grecs.
Chez les Grecs, dans les temps héroïques, il s'établit une espèce de monarchie qui ne subsista pas1. Ceux qui avaient inventé des arts, fait la guerre pour le peuple, assemblé des hommes dispersés, ou qui leur avaient donné des terres, obtenaient le royaume pour eux, et le transmettaient à leurs enfants. Ils étaient rois, prêtres et juges. C'est une des cinq espèces de monarchies dont nous parle Aristote2 ; et c'est la seule qui puisse réveiller l'idée de la constitution monarchique. Mais le plan de cette constitution est opposé à celui de nos monarchies d'aujourd'hui.
Les trois pouvoirs y étaient distribués de manière que le peuple y avait la puissance législative3 ; et le roi, la puissance exécutrice, avec la puissance de juger : Au lieu que, dans les monarchies que nous connaissons, le prince a la puissance exécutrice et la législative, ou du moins une partie de la législative ; mais il ne juge pas.
Dans le gouvernement des rois des temps héroïques, les trois pouvoirs étaient mal distribués. Ces monarchies ne pouvaient subsister : car, dès que le peuple avait la législation, il pouvait, au moindre caprice, anéantir la royauté, comme il fit partout.
Chez un peuple libre, et qui avait le pouvoir législatif, chez un peuple renfermé dans une ville, où tout ce qu'il y a d'odieux devient plus odieux encore, le chef-d'œuvre de la législation est de savoir bien placer la puissance de juger. Mais elle ne le pouvait être plus mal que dans les mains de celui qui avait déjà la puissance exécutrice. Dès ce moment, le monarque devenait terrible. Mais en même temps, comme il n'avait pas la législation, il ne pouvait pas se défendre contre la législation ; il avait trop de pouvoir, et il n'en avait pas assez.
On n'avait pas encore découvert que la vraie fonction du prince était d'établir des juges, et non pas de juger lui-même. La politique contraire rendit le gouvernement d'un seul insupportable. Tous ces rois furent chassés. Les Grecs n'imaginèrent point la vraie distribution des trois pouvoirs dans le gouvernement d'un seul ; ils ne l'imaginèrent que dans le gouvernement de plusieurs, et ils appelèrent cette sorte de constitution, police4.