De la puissance exécutrice,
dans la même république.
Si le peuple fut jaloux de sa puissance législative, il le fut moins de sa puissance exécutrice. Il la laissa presque tout entière au sénat et aux consuls ; et il ne se réserva guère que le droit d'élire les magistrats, et de confirmer les actes du sénat et des généraux.
Rome, dont la passion était de commander, dont l'ambition était de tout soumettre, qui avait toujours usurpé, qui usurpait encore, avait continuellement de grandes affaires ; ses ennemis conjuraient contre elle, ou elle conjurait contre ses ennemis.
Obligée de se conduire, d'un côté, avec un courage héroïque, et de l'autre avec une sagesse consommée, l'état des choses demandait que le sénat eût la direction des affaires. Le peuple disputait au sénat toutes les branches de la puissance législative, parce qu'il était jaloux de sa liberté ; il ne lui disputait point les branches de la puissance exécutrice, parce qu'il était jaloux de sa gloire.
La part que le sénat prenait à la puissance exécutrice était si grande, que Polybe1 dit que les étrangers pensaient tous que Rome était une aristocratie. Le sénat disposait des deniers publics, et donnait les revenus à ferme ; il était l'arbitre des affaires des alliés ; il décidait de la guerre et de la paix, et dirigeait à cet égard les consuls ; il fixait le nombre des troupes romaines et des troupes alliées, distribuait les provinces et les armées aux consuls ou aux préteurs ; et, l'an du commandement expiré, il pouvait leur donner un successeur ; il décernait les triomphes ; il recevait des ambassades, et en envoyait ; il nommait les rois, les récompensait, les punissait, les jugeait, leur dormait ou leur faisait perdre le titre d'alliés du peuple romain.
Les consuls faisaient la levée des troupes qu'ils devaient mener à la guerre ; ils commandaient les armées de terre ou de mer ; disposaient des alliés : ils avaient, dans les provinces, toute la puissance de la république : ils donnaient la paix aux peuples vaincus, leur en imposaient les conditions, ou les renvoyaient au sénat.
Dans les premiers temps, lorsque le peuple prenait quelque part aux affaires de la guerre et de la paix, il exerçait plutôt sa puissance législative que sa puissance exécutrice. Il ne faisait guère que confirmer ce que les rois, et, après eux, les consuls ou le sénat avaient fait. Bien loin que le peuple fût l'arbitre de la guerre, nous voyons que les consuls ou le sénat la faisaient souvent malgré l'opposition de ses tribuns. Ainsi2 il créa lui-même les tribuns des légions, que les généraux avaient nommés jusqu'alors : et, quelque temps avant la première guerre punique, il régla qu'il aurait seul le droit de déclarer la guerre3.