Chapitre XXIII

Des espions, dans la monarchie.

Faut-il des espions dans la monarchie ? Ce n'est pas la pratique ordinaire des bons princes. Quand un homme est fidèle aux lois, il a satisfait à ce qu'il doit au prince. Il faut, au moins, qu'il ait sa maison pour asile, et le reste de sa conduite en sûreté. L'espionnage serait peut-être tolérable, s'il pouvait être exercé par d'honnêtes gens ; mais l'infamie nécessaire de la personne peut faire juger de l'infamie de la chose. Un prince doit agir, avec ses sujets, avec candeur, avec franchise, avec confiance. Celui qui a tant d'inquiétudes, de soupçons et de craintes, est un acteur qui est embarrassé à jouer son rôle. Quand il voit qu'en général les lois sont dans leur force, et qu'elles sont respectées, il peut se juger en sûreté. L'allure générale lui répond de celle de tous les particuliers. Qu'il n'ait aucune crainte, il ne saurait croire combien on est porté à l'aimer. Eh ! pourquoi ne l'aimerait-on pas ? Il est la source de presque tout le bien qui se fait ; et quasi toutes les punitions sont sur le compte des lois. Il ne se montre jamais au peuple qu'avec un visage serein : sa gloire même se communique à nous, et sa puissance nous soutient. Une preuve qu'on l'aime, c'est que l'on a de la confiance en lui ; et que, lorsqu'un ministre refuse, on s'imagine toujours que le prince aurait accordé. Même dans les calamités publiques, on n'accuse point sa personne ; on se plaint de ce qu'il ignore, ou de ce qu'il est obsédé par des gens corrompus : Si le prince savait, dit le peuple. Ces paroles sont une espèce d'invocation, et une preuve de la confiance qu'on a en lui.