Chapitre XXX
Continuation du même sujet.
C'est la fureur despotique qui a établi que la disgrâce du père entraînerait celle des enfants et des femmes. Ils sont déjà malheureux, sans être criminels : et d'ailleurs, il faut que le prince laisse, entre l'accusé et lui, des suppliants pour adoucir son courroux, ou pour éclairer sa justice.
C'est une bonne coutume des Maldives1 que, lorsqu'un seigneur est disgracié, il va tous les jours faire sa cour au roi, jusqu'à ce qu'il rentre en grâce ; sa présence désarme le courroux du prince.
Il y a des États despotiques2 où l'on pense que, de parler à un prince pour un disgracié, c'est manquer au respect qui lui est dû. Ces princes semblent faire tous leurs efforts pour se priver de la vertu de clémence.
Arcadius et Honorius, dans la loi3 dont j'ai tant parlé4, déclarent qu'ils ne feront point de grâce à ceux qui oseront les supplier pour les coupables5. Cette loi était bien mauvaise, puisqu'elle est mauvaise dans le despotisme même.
La coutume de Perse, qui permet à qui veut de sortir du royaume, est très bonne : Et, quoique l'usage contraire ait tiré son origine du despotisme, où l'on a regardé les sujets comme des6 esclaves, et ceux qui sortent comme des esclaves fugitifs ; cependant, la pratique de Perse est très bonne pour le despotisme, où la crainte de la fuite, ou de la retraite des redevables, arrête ou modère les persécutions des bachas et des exacteurs.