Des lois qui ont du rapport aux maladies du climat.
Hérodote1 nous dit que les lois des Juifs sur la lèpre ont été tirées de la pratique des Égyptiens. En effet, les mêmes maladies demandaient les mêmes remèdes. Ces lois furent inconnues aux Grecs et aux premiers Romains, aussi bien que le mal. Le climat de l'Égypte et de la Palestine les rendit nécessaires ; et la facilité qu'a cette maladie à se rendre populaire nous doit bien faire sentir la sagesse et la prévoyance de ces lois.
Nous en avons nous-mêmes éprouvé les effets. Les croisades nous avaient apporté la lèpre ; les règlements sages que l'on fit l'empêchèrent de gagner la masse du peuple.
On voit, par la loi2 des Lombards, que cette maladie était répandue en Italie avant les croisades, et mérita l'attention des législateurs. Rotharis ordonna qu'un lépreux, chassé de sa maison, et relégué dans un endroit particulier, ne pourrait disposer de ses biens ; parce que, dès le moment qu'il avait été tiré de sa maison, il était censé mort. Pour empêcher toute communication avec les lépreux, on les rendait incapables des effets civils.
Je pense que cette maladie fut apportée en Italie par les conquêtes des empereurs grecs, dans les armées desquels il pouvait y avoir des milices de la Palestine ou de l'Égypte. Quoi qu'il en soit, les progrès en furent arrêtés jusqu'au temps des croisades.
On dit que les soldats de Pompée, revenant de Syrie, rapportèrent une maladie à peu près pareille à la lèpre. Aucun règlement, fait pour lors, n'est venu jusqu'à nous : mais il y a apparence qu'il y en eut, puisque ce mal fut suspendu jusqu'au temps des Lombards.
Il y a deux siècles qu'une maladie, inconnue à nos pères, passa du nouveau monde dans celui-ci, et vint attaquer la nature humaine jusque dans la source de la vie et des plaisirs. On vit la plupart des plus grandes familles du midi de l'Europe périr par un mal qui devint trop commun pour être honteux, et ne fut plus que funeste. Ce fut la soif de l'or qui perpétua cette maladie ; on alla sans cesse en Amérique, et on en rapporta toujours de nouveaux levains.
Des raisons pieuses voulurent demander qu'on laissât cette punition sur le crime : mais cette calamité était entrée dans le sein du mariage, et avait déjà corrompu l'enfance même.
Comme il est de la sagesse des législateurs de veiller à la santé des citoyens, il eût été très censé d'arrêter cette communication par des lois faites sur le plan des lois mosaïques.
La peste est un mal dont les ravages sont encore plus prompts et plus rapides. Son siège principal est en Égypte, d'où elle se répand par tout l'univers. On a fait, dans la plupart des États de l'Europe, de très bons règlements pour l'empêcher d'y pénétrer ; et on a imaginé, de nos jours, un moyen admirable de l'arrêter : on forme une ligne de troupes autour du pays infecté, qui empêche toute communication.
Les3 Turcs, qui n'ont à cet égard aucune police, voient les Chrétiens, dans la même ville, échapper au danger, et eux seuls périr. Ils achètent les habits des pestiférés, s'en vêtissent, et vont leur train. La doctrine d'un destin rigide, qui règle tout, fait du magistrat un spectateur tranquille : il pense que Dieu a déjà tout fait, et que lui n'a rien à faire.