Des lois contre ceux qui se tuent1 eux-mêmes.
Nous ne voyons point, dans les histoires, que les Romains se fissent mourir sans sujet : mais les Anglais se tuent, sans qu'on puisse imaginer aucune raison qui les y détermine ; ils se tuent dans le sein même du bonheur. Cette action, chez les Romains, était l'effet de l'éducation ; elle tenait à leur manière de penser et à leurs coutumes : chez les Anglais, elle est l'effet d'une maladie2 ; elle tient à l'état physique de la machine, et est indépendante de toute autre cause.
Il y a apparence que c'est un défaut de filtration du suc nerveux : la machine, dont les forces motrices se trouvent à tout moment sans action, est lasse d'elle-même ; l'âme ne sent point de douleur, mais une certaine difficulté de l'existence. La douleur est un mal local, qui nous porte au désir de voir cesser cette douleur ; le poids de la vie est un mal qui n'a point de lieu particulier, et qui nous porte au désir de voir finir cette vie.
Il est clair que les lois civiles de quelques pays ont eu des raisons pour flétrir l'homicide de soi-même : mais, en Angleterre, on ne peut pas plus le punir qu'on ne punit les effets de la démence.