De la tyrannie.
Il y a deux sortes de tyrannie ; une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement ; et une d'opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d'une nation.
Dion dit qu'Auguste voulut se faire appeler Romulus ; mais qu'ayant appris que le peuple craignait qu'il ne voulût se faire roi, il changea de dessein. Les premiers Romains ne voulaient point de roi, parce qu'ils n'en pouvaient souffrir la puissance : les Romains d'alors ne voulaient point de roi, pour n'en point souffrir les manières. Car, quoique César, les triumvirs, Auguste, fussent de véritables rois, ils avaient gardé tout l'extérieur de l'égalité, et leur vie privée contenait une espèce d'opposition avec le faste des rois d'alors : et, quand ils ne voulaient point de roi, cela signifiait qu'ils voulaient garder leurs manières, et ne pas prendre celles des peuples d'Afrique et d'orient.
Dion1 nous dit que le peuple romain était indigné contre Auguste, à cause de certaines lois trop dures qu'il avait faites : mais que, sitôt qu'il eut fait revenir le comédien Pylade que les factions avaient chassé de la ville, le mécontentement cessa. Un peuple pareil sentait plus vivement la tyrannie lorsqu'on chassait un baladin, que lorsqu'on lui ôtait toutes ses lois.