Son fds, le duc de Brunswick, fut tué en 1815, aux Qualre-Bras.

Le maréchal de Belle-Isle au duc de Broglie.

« Versailles, le 1-2 août 1739.

« Le maréchal de Gontades m'a envoyé une copie de l'ordre qu'il a donné la veille chez lui, contenant la disposition générale, très précise et très instructive, pour MM. les officiers généraux qui commandaient les différentes divisions et qui devaient conduire les colonnes. J'y vois que tout y était fort clair et que, comme vous en convenez, vous étiez chargé de la première et principale attaque, qui devait s'exécuter le plus prompte ment et le plus rapidement par les raisons qui y sont expliquées. Je vois, par la relation que le maréchal de Gontades m'a envoyée, que tout s'est borné, de votre côté, dans une très vive canonnade qui a duré environ trois heures ; et, par sa lettre du 2, que, sur la première représentation que vous lui avez faite que les ennemis paraissaient beaucoup plus en force qu'on ne l'avait cru la veille, il avait ordonné à M. de Nicolaï d'agir de concert et même de se joindre à vous pour cette attaque, qu'il regardait comme décisive, et que, pour plus de sùrelé de succès, il y avait encore joint 2 brigades de la seconde ligne d'augmentation, et qu'enfin il vous a envoyé ordre d'attaquer, et qu'au lieu de cela vous êtes venu le chercher, ce qui a consommé beaucoup de temps avant de le joindre. Il se borne là, tout court, ne forme aucune espèce de plainte et s'en tient au simple récit des faits. Je dois croire ce que me mande le général de l'armée du roi, dont la relation et la lettre qui l'accompagne est à l'ordre donné la veille, qui est une pièce authentique et publique. Vous ne contredites point dans votre lettre ces faits capitaux. Vous êtes trop éclairé à la guerre et trop bon militaire pour qu'on doive douter que vous n'ayez cru avoir des raisons suffisantes ; je ne puis donc qu'être affligé...

« Votre lettre y a été lue la dernière d'un bout à l'autre (il s'agit du conseil du roi); il serait à désirer qu'elle me fût parvenue par la voie du général de l'armée, l'arrivée du courrier que vous avez dépêché ayant fait un éclat qui a attiré l'attention, ce qui ne serait point arrivé si elle me fût parvenue naturellement comme les autres. Le maréchal de Gontades, je vous le répète, n'a porté aucune espèce de plainte, et je vois avec grand plaisir, par toutes les lettres

qu'il m'a écrites journellement depuis, qu'il a continué à vous charger avec préférence de l'arrière-garde ou de l'avant-gavde, suivant qu'il a jugé les objets plus intéressants, croyant ne pouvoir les confier en de meilleures mains (1). »

Le maréchal de BeUc-Isle au maréchal de Contades.

« Versailles, le M aoiil IT.'iO.

« Ce n'est pas sans raison, Monsieur le maréchal, que j'ai porté aujourd'hui au conseil les deux lettres dont vous m'avez honoré du 2 et du 4; car, quoique le roi les ait lues, même avant moi, le jour que le courrier arriva, il y lut de même votre relation d'un bout à l'autre; mais il n'avait pas lu l'ordre que vous aviez donné la veille, contenant vos dispositions : elles sont la preuve complète de la vérité de votre relation; car, avec les gens à qui vous avez affaire, il faut être perpétuellement sur ses gardes, et les partisans sans nombre que M. de Broglie ramasse par toutes sortes d'écrits et un soin continuel de les répandre ne manqueraient pas de dire que l'on met dans la relation, faite après coup, tout ce que l'on veut; mais ils ne peuvent pas s'inscrire de même contre l'ordre que vous avez donné la veille à tous les officiers généraux, contenant la disposition gé-lérale pour l'attaque de l'armée, dans lequel ordre il est bien dit expressément et bien clairement tout ce que doit faire M. le duc de Broglie, et, notamment, que l'attaque qu'il fera doit être vive et rapide. Il est donc bien certain qu'il avait l'ordre bien précis d'attaquer promptement, et qu'il ne l'a pas fait. Vous verrez par la lettre qu'il m'a écrite par le courrier qu'il m'a dépêché d'Oldendorf, du 3, la manière dont il raconte l'affaire. Je vous envoie exprès la copie bien exacte, dans laquelle j'ai souligné l'extrait que je vous avais annoncé dans ma précédente, que je crois cependant avoir oublié de mettre dans le paquet. J'ai été extrêmement surpris, et je ne suis pas le seul, que vous ayez permis à M. de Broglie d'envoyer ici un courrier; le roi lui-même, en plein conseil, a dit que c'était contre la règle, n'y ayant que le général seul qui devait envoyer des courriers, d'autant que ce courrier a apporté plusieurs autres lettres qui sûrement sont fort différentes de celles

(1; Lettre ea réponse à celle du duc de Broglie du 3 aoùl. d'Oldendorf.

qu'il m'écrit; il en a été fait des copies qui courent les maisons de Paris et de Versailles, et l'on y dit que c'est M. de Broglie qui a sauvé et qui a couvert et facilité la retraite de l'armée, dont il a fait l'arrière-garde. Cela se porte dans les cafés ; l'on a même fait des placards, et comme tout cela se fait sans connaissance des auteurs, que l'on n'ignore pourtant pas, mais que l'on ne peut prouver, il en résulte une clameur contre vous. Je n'y suis pas épargné, et l'on y dit que la rancune que je garde contre M. de Broglie, à cause de tout ce qui s'est passé en Bohême et à Prague, est la cause que j'ai empêché qu'il ne fût maréchal de France et qu'il ne commandât l'armée; et de là on continue tout ce que vous pouvez im.aginer de plus insolent (1).

« Tout cela est donc venu à tel point que j'ai cru devoir en parler en particulier à M^"" le Dauphin, parce que M. le comte de Broglie écrit directement à madame la Dauphine. Cette princesse, remplie des qualités les plus respectables, qui croit lui avoir obligation parce qu'il a su lui persuader qu'il avait fait des merveilles à Dresde, pour le service du roi son père, adopte tout ce qu'il lui mande sur son frères elle agit en conséquence auprès de M°'' le Dauphin, de très bonne foi et sans s'apercevoir du mal qui résulte en autorisant et accréditant une cabale qu'elle ne connaît pas, car sûrement elle ne le ferait pas.

« J'ai donc lu au conseil vos lettres, la relation et l'ordre delà veille, qui contient les dispositions que le roi n'avait pas lues. J'avais fait lire cet ordre du 31 juillet à Ms"" le Dauphin en particulier, ainsi qu'au maréchal d'Estrées, à M. de Soubise et à M. de Choiseul ; vos dispositions ont eu l'approbation générale, et le maréchal d'Estrées a dit, avec la franchise que vous lui connaissez, qu'il se ferait grand honneur d'en avoir fait de 'pareilles. Je ne vous rendrai pas ici le discours que j'ai tenu au roi après cette lecture; j'ai parlé au moins une bonne demi-heure avec toute la force, l'onetiDn et la tendresse, j'ose me servir de ce terme, que j'ai pour le roi. Je crois n'avoir rien omis et je puis vous dire que j'ai ému tout le conseil, dont tous les membres m'ont embrassé quand nous en sommes sortis.

(I) Lettre très intéressante au point de vue de la journée du l^r août, dont le maréchal de Belle-Islc fait peser la responsabilité sur ]\I. de Broglie, ainsi qu'à celui de l'esprit d'intrigue et de cabale qui régnait alors, même dans l'armée.

(( J'ai supplié le roi de trouver bon que je ne fusse pas le juge d'une question où il s'agissait de M. le duc de Broglie, dans la prévention oij pouvait être le public; qu'y ayant deux maréchaux de France dans le conseil, il était tout naturel de charger M, le maréchal d'Estrées, qui est l'ancien, devoir tout cela par lui-même; qu'il était difficile à Versailles d'approfondir la conduite et les intrigues; que, quant au fait principal, il était entièrement contre M. de Broglie, qui avait eu ordre d'attaquer et n'en avait rien fait, d'où était néanmoins résulté la perte de la bataille.

« L'article sur lequel j'ai le plus appuyé est l'impossibilité que qui que ce soit puisse aujourd'hui commander une armée avec la tolérance des propos, des écritures, des intrigues et des cabales; qu'il fallait que le général, quel qu'il fut, fût non seulement le maître absolu sur tous ceux qui sont dans son armée, mais aussi qu'il fût assuré de toute la confiance du roi et d'être soutenu de toute son autorité. C'est sur cet article où j'ose dire que je n'ai rien oublié et que j'ai fait impression.

«Le maréchal d'Estrées a repris, après moi, cet article des cabales et des intrigues, dont il a été la victime, et M. de Soubise, qui est peut-être l'homme du royaume qui a le plus essentiellement à se plaindre de M. de Broglie, n'a, comme vous jugez bien, pas contredit; mais comme il ne conviendrait en aucune manière, et surtout pour la dignité du généralat, qu'il pût paraître que le roi nomme un membre de son conseil maréchal de France pour aller vérifier les raisons que donne M. le duc de Broglie de n'avoir pas attaqué, et de paraître juger un procès, il y a un second motif, qui est également vrai et en quelque manière nécessaire, qui est de discuter avec vous le plan du reste de la campagne et subsé-quemment celui de l'emplacement des troupes pour les quartiers d'hiver prochains. Cet article également important et pressé exige la plus grande discussion, d'autant qu'il faut le concilier avec la politique et avec le projet maritime, qui subsiste toujours et qui affaiblira votre armée au moins de 24 B., quand vous aurez fini la campagne.

« Le plan que vous aviez envoyé pour les quartiers d'hiver ne peut vraisemblablement pas être le même, à moins que le gain d'une seconde bataille ne réparât le tort que fait dans les affaires publiques la perte de celle du 1*'' août. Il est donc également na-

turel et nécessaire qu'un homme du métier, et instruit du secret de l'État et des volontés du roi, aille traiter la matière sur les lieux avec vous. Si j'avais pu quitter la besogne immense et les détails infimesdontje suis chargé pendant troissemaines, j'aurais volontiers pris cette commission ; mais vous sentez qu'outre cet empêchement décisif, l'opinion que MM. de Broglie auraient produite dans le public de ma façon de penser à leur égard est un motif de plus pour que je ne doive pas m'en charger; mais M. le maréchal d'Es-trées, qui, aux yeux du pubhc, ne peut avoir aucune suspicion, ne donnera par conséquent aucun prétexte. II sera donc dit, comme cela est en effet, que le roi envoie M. le maréchal d'Estrées pour s'aboucher avec vous, pour concerter les opérations de tout le reste de la campagne, ce qui serait trop long et presque impossible à faire par écrit. Gela satisfera les cours de Vienne et de Russie et produira, je crois, un très grand bien, en ce qu'il aura ordre de dire à toute l'armée l'estime et la confiance que le roi a en vous, et il prêchera mieux que tout autre contre les intrigues et les cabales des écrivains. Je compte qu'il restera tout au plus sept à huit jours avec vous, après quoi il reviendra ici rendre compte au roi de l'état de l'armée et de ce dont vous seriez convenus ensemble.

« Voilà, Monsieur le maréchal, ce dont j'ai été bien aise de vous informer à l'avance, et je vous prie que le tout soit pour vous seul, jusqu'à ce que je vous mande, par le premier courrier que je dépêcherai, le parti que le roi a pris, que vous pourriez alors annoncer comme vous le jugeriez à propos.

« J'ai cru. Monsieur le maréchal, ne pouvoir rendre un plus grand service auroi, àvouselàmoi, qu'en me conduisant commeje l'aifait et prenant le parti dont je viens de vous faire part sommairement : 1° pour le roi, parce qu'il faut qu'il soit le maître dans tout son royaume, mais principalement de ses armées et de son état militaire, et que nul ne soit assez hardi pour critiquer, ou oser dire ou écrire contre ce qu'il jugea propos de faire et d'ordonner; 2° pour vous, Monsieur le maréchal, parce que l'estime et la confiance que le roi a en votre personne sera affichée avec plus d'authenticité, nonobstant le malheur que vous venez d'éprouver; que votre autorité sera plus respectée, et que M. le duc de Broglie connaîtra l'inutilité de ses intrigues et sera, du moins, plus circonspect, sans quoi, malgré tous ses talents militaires, on sévirait contre lui.

Mais comme il ne paraît pas au dehors, il lui sera plus facile de se conduire avec le respect et la subordination qu'il vous doit, et il est de votre sagesse, de votre prudence et de votre amour pour le roi et le bien de l'État, d'ignorer en apparence tout ce que je viens de vous dire et d'.igir réellement comme si cela n'était pas ; J° pour moi, parce que j'ai montré le fond démon àme en n'exi-(jeantpoint une recherche contre M. de Broglie et la punition qui s'en seraitsuivie.G'eslunhonim\ilaive;i\ n'y en a pas beaucoup àchoisir: il faut que le roi s'en serve; mais il faut en même temps le tenir dans sa place, en attendant qu'on puisse l'envoyer seul dans quelque partie. Je veux même éloigner de moi toute idée qu'il ait été capable de rester dans l'inaction, le 1*'' août, pour faire échouer votre attaque; l'action serait trop noire et trop criminelle, et je ne l'en puis pas croire capable. Quoi qu'il en soit, j'ai cru devoir me taire sur son sujet, et toutes les fois que le roi l'emploiera en particulier, je me mettrai par-dessus la tête pour l'aider de tous mes moyens et de toutes mes forces pour le faire réussir, parce que je ne veux que le bien, et, après les malheurs que j'ai éprouvés, je me suis voué au roi et à ses affaires sans aucune autre espèce de vue particulière, quelle qu'elle puisse être. J'ose me flatter que le roi en est persuadé, et vous aussi. »

A la suite de la défaite de Minden, notre armée n'avait plus d'autre retraite que le Hanovre : il fallait donc passer le Wéser. Le passage du fleuve (1) avait commencé à 4 heures de l'après-midi et dans la nuit du 1®'' au 2; après avoir brûlé ses deux ponts de bateaux, l'armée établit son bivouac près de Buckeburg.

Le 2, on continue le mouvement de retraite sur Eimbeck, malgré les propositions de M. de Broglie, de passer le Wéser au-dessus d'Hameln, en se rapprochant de Paderborn et de Grohnde, parce que sa jonction avec M. d'Armentières se ferait aisément à Pa-

(I) 2 août, M. de Broglie à M. de Coiitades, et M. de Moiiteynard à M. de Belle-Isle, de Cassel, 4 août : « L'armée dii roi battue, il fut question de la retraite, avec les premières dispositions, par les mêmes gorges, pour gagner Gohfeld et Herlbrd. Dans le conseil de guerre des officiers généraux, tous furent d'avis de passer le Wéser et de se retirer parle pays de Hanovre sur la Hesse, excepté MM. de Broglie, Castries et moi. Ce parti funeste ayant la pluralité des voix, on commença à passer le Wéser. » (D. G., 3520, 212.)

derborn et qu'alors on serait à même de reprendre les opérations (1).

Elle arrive, le 3, à Oldendorf, où elle séjourne le 4, afin de laisser filer les bagages. M. de Saint-Germain, à la tête de 3 brigades d'infanterie et 2 de cavalerie, soutenu par le corps de M. de Bro-glie, reste chargé, ce môme jour, de masquer Hameln, et s'avance, le 5, fort près de cette ville, où nos volontaires échangeaient déjà des coups de fusil avec les chasseurs et hussards ennemis. L'armée s'arrête à Eschershausen le 6 ; le 7, continuant sa marche, elle campe à Eimbeck le 8, s'avance à Dransfeld le 9, passe la Werra à Munden le 10, et la Fulda à Cassel le H (2).

Le maréchal de Contades au maréchal de Belle-Isle.

« Camp de Cassel, le 11 août 1759.

« L'armée passa hier les défilés de Munden, où M. le duc de Broglie avait passé la veille après en avoir chassé les ennemis. M. de Saint-Germain y était resté avec 3 brigades d'infanterie, avec lesquelles il occupait toutes les hauteurs. Depuis notre départ d'Eimbeck, il n'avait paru à nos arrière-gardes que, quelques hussards, sans être soutenus par des troupes réglées; hier matin, nous vîmes des troupes sur les hauteurs, qui paraissaient marcher sur celles qui dominaient la gorge de Munden. L'armée marchant sur deux colonnes, je formais deux arrière-gardes : celle de la colonne de droite (brigade de Picardie, soutenue par celle deBeIsunce, aux ordres de M. de Planta); celle de la gauche (grenadiers de France et Royaux, aux ordres de M. de Traisnel^ la santé de M. deSaint-Pern ne lui ayant pas permis de s'en charger). Les ennemis se présentèrent en force à l'arrière-garde de la colonne de droite; les 2 brigades de Picardie et de Beisunce se mirent en bataille à la tête de la gorge, avant d'y entrer, et les reçurent de si bonne grâce qu'ils n'osèrent pas en approcher. Ils se contentèrent de tirer quelques coups de canon, mais de si loin qu'ils ne firent aucun mal, et privent le parti de gagner les ciêtes pour

(1) Bulletin de l'armée. (D. G., 35îO, 167.)

(2) D. G., 3520, 149.

attaquer le corps de M. de Saint-Germain qui les défendait. M. de Saint-Germain marcha à eux, les fit attaquer par la brigade d'Auvergne et d'Aquitaine, et les culbuta. L'action fut assez vive; M. de Muret, qui était sur leur flanc, caché dans le bois avec des volontaires de l'armée, quand il les vit se retirer en désordre, les suivit pendant une demi-lieue d'assez près pour donner des coups de baïonnette; depuis ce moment-là ils n'ont pas reparu. Nous n'avons eu que peu de tués et de blessés, et M. de Saint-Germain croit que les ennemis y ont beaucoup perdu. Je fis camper l'armée à Lutternberge : ainsi toute l'armée est en deçà de la Werra et des gorges...

« L'armée va venir camper ici aujourd'hui, sur la rive gauche de la Fulda; j'y suis venu de ma personne ce matin; M. de Broglie m'y attendait, et j'avais donné rendez-vous à M. d'Armentières, qui s'était rapproché...

« J'ai ordonné à M. d'Armentières de marcher cette nuit avec le corps à ses ordres à Wolfhagen, pour être en état de pousser de gros détachements entre Stadtberg et Rorbach, pour être assuré des mouvements que les ennemis peuvent faire dans cette partie.

« J'ai laissé M. de Saint-Germain sur les hauteurs de Lutternberge pour observer le corps de M. le prince héréditaire. Le corps de Fischer est sur la haute Werra et doit communiquer avec M. de Saint-Germain, aux ordres duquel je l'ai mis (1). »

(t) Année sous Cassel (7 août).

Infanterie : Picaitiie, Belsunce, Touiaine, Rouergiie, Condé, le Roi, Champagne, Saxons, Lowendal, la Dauphine, artillerie, 2 ; grenadiers de France et Royaux, 8 (57 B.}.

Cavalerie : Colonel-Général, le Roi, Mestre-de-Canip, Royal-Étranger, Gendarmerie, Carabiniers, Caraman (53 E.).

Réserve de M. de Broglie, à Ober-Welmar.

Infanterie : Piémont, Waldner, Royal-Bavière, Navarre (22 B.). Cavalerie ; Commissaire-Général, Penthièvre, Royal-Allemand, Apschon-dragons, Schomberg, Nassau et Turpin-hussards (35 E.).

Corps de M. de Saint-Germain, à Lutternberge.

Infanterie : Auvergne, Aquitaine, Anhalt (12 B.).

Cavalerie : Cravates, Bourgogne, Bercliiny (16 E.): Fischer, volontaires de Hainaut, Dauphine et étrangers.

Le prince héréditaire, lancé à la poursuite de notre armée, avait, le 5, passé le AVéser àHameln; malgré une vive canonnade, il fut maintenu en respect par M. de Saint-Germain, qui put continuer sa marche. Pendant qu'il nous talonnait, le prince Ferdinand arrivait, le 14, à Herworden, et cette position le mettait en état d'arriver à Cassel et Munden le 10, avant le maréchal de Contades, qui, embarrassé de ses équipages dans des chemins difficiles, en était, le 5, encore éloigné de vingt-huit lieues, n'en ayant fait que huit depuis le 2. Ne pouvant donc espérer d'atteindre Cassel vers le 10, et n'ayant pu, le 6, aller que jusqu'à Eschershausen, comme il n'avait plus à craindre les débouchés d'Hameln, il prescrivit à M. de Bro-glie de marcher en toute hâte sur Eimbeck pour y arriver le 9 et renforcer M. d'Armenlières; les troupes de M, de Saint-Germain eurent ordre de suivre ce mouvement : ces deux corps réunis formaient 26 B. et38E. (1).

M. d'Armenlières se trouvait à Eidinghausen au moment du malheureux événement de Minden, et lorsque le maréchal se vit forcé à la retraite, il lui dépêcha d'envoyer son artillerie et une partie de ses troupes à Munster, puis à Wesel et Dusseldorf, et avec le reste, joint à M. de Chevreuse à Warburg, de se replier sur Pa-derborn.

M. de Chevreuse s'était porté à Delbruck, en retirant de Bielfeld les malades et des convois de farine. Gomme les avant-gardes ennemies se montraient à Herford, il dirigea tout de suite son artillerie sur le bas Rhin, avec M. de Maupeou, 10 B. et! régiment de dragons. M. de Castellas, qui commandait à Wesel, mit i B. dans Guel-

Béserve de M. d'ArnienUcres, à Wolfhagen.

Infanterie : la ïour-dii-Pin, Vaubécourt, Orléans, Castellas, grenadiers postiches (19 B.) ; plus la légion Royale, les volontaires de Flandre et de Halle.

Cavalerie : la Reine, Orléans, Noë, Jarnac, Orléans-dragons, le Roi, la Ferron-nays (28 E.)-

Dans le bas Rhin.

Infanterie : Reding, la Couronne, artillerie (11 B.).

Cavalerie : Thianges, 4 E. ; volontaires de Clermont, garnisons du Mayn ou de la Wettéravie, y compris 1 B. de grenadiers postiches à Marburg, 8 B., et Raugrave, 2E.

(1) Dépêche de M. de Broghe au maréchal de Belle-Isle. Hoccheim. 7 août 1759. (D. G., 3520, 87.j

dre, Cologne, et forma un canfip' au-dessous de Xanten. Après ces dispositions M. d'Armentières quitte Lippstadt le -4, et marche à Paderborn avec M. de Chevreuse. Le prince héréditaire, arrivé par la gauche du Wéser à Rinteln le 3, s'emparait des gros bagages, en route de Lemgo à Detmold; envoyés la veille de la bataille de Min-den à Rehme, ils furent abandonnés et laissés à la merci de l'ennemi. M. d'Armentières, n'ayant eu connaissance de ces faits que le A, à 11 heures du soir, et ses troupes, fatiguées par une mai-che de sept lieues, devant le lendemain en avoir une aussi forte pour gagner Warburg^ ne jugea pas pouvoir marcher à leur secours.

Le 5, il arrive à Warburg, s'établit le long de la Diemel ; mais craignant d'être tourné par Liebenau, il porte son camp à Ober-Lis-tingen.

Le 6, n'ayant aucune nouvelle du maréchal et supposant que sa présence ne l'appelait ni sur la Werra ni sur la Fulda {{), il reste en position, envoyant M. de Melfort sur Detmold pour tâcher d'en retirer la garnison et les bagages; mais il était trop tard.

Le 10 août, mourait Ferdinand VI, roi d'Espagne. A défaut de postérité, la couronne appartenait de plein droit à don Carlos, roi de Naples, son frère d'un second lit. Le changement s'opéra sans secousse. Mais quant à la succession de Naples, la France, l'Angleterre et l'Autriche avaient stipulé parle traité d'Aix-la-Chapelle, sans consulter les rois d'Espagne et de Naples, qu'après Tavène-mentde don Carlos, successeur de Ferdinand, don Philippe, le plus jeune des trois frères, passerait au trône des Deux-Siciles. Sans égard pour ce traité contre lequel il avait hautement protesté, le roi de Naples règle sa succession en nommant don Carlos, son second fils, prince des Asluries et héritier présomptif de la couronne d'Espagne ; le troisième, roi des Deux-Siciles, et éloignant son fils aîné, déclaré inhabile au gouvernement par son état épilep-tique. De cette manière, don Philippe resta duc de Parme et rimpératrice-reine n'eut point le duché. Marie-Thérèse et le roi de Sardaigne dissimulèrent leur mécontentement, et la France négocia le mariage de l'archiduc Joseph avec la fdle du duc de Parme,

Vl) La Fulda, avec la Werra, forme le Wéser, prend naissance sur le versant occidental du Rhongebirge, est navigable à Hcrsfeld et finit à Munpen. La W'erra est en réalité la branche mère du Wéser.

en convenant d'ajourner les affaires d'Italie jusqu'à la paix d'Allemagne. Le mariage de sa nièce avec un prince autrichien, et la satisfaction que lui causait l'adroit acquiescement de l'Impératrice à l'ordre de succession qu'il venait d'établir pour ses royaumes de Naples et de Sicile, gagnèrent Charles III à la cause de la maison d'Autriche. Un des premiers soins du nouveau monarque fut d'adhérer au pacte de famille (signé à Paris le 15 août 1761), constamment repoussé par son prédécesseur. L'honneur de ce traité appartient tout entier au duc de Choiseul, qui, unissant ainsi tous les souverains de la maison de Bourbon, en formait un faisceau de puissances redoutable aux Anglais.

Le prince héréditaire, dans la nuit du 13 au 14, passe le Wéser à Bursfelde, ne laissant que des troupes légères sur la Werra, et rejoint l'armée par la rive gauche de la Diemel, en même temps que les princes Ferdinand et de Holstein campaient en avant de Stadtberg, et M. de Wangenheim à Warburg. Dans cette situation, il devenait impossible d'abandonner Gassel pour marcher sur l'Edder et ensuite sur l'Ohm, avant que leur mouvement ne fût décidé sur Korbach.

En attendant, on envoie sur les derrières, près de Marburg, les régiments d'Aumont, Touraine, Colonel-Général, Marcieu, Vogué, Condé, Mestre-de-Camp, Talleyrand et les hussards Berchiny, hors d'état de servir, ainsi que les équipages, les éclopés (1). Les régiments de cavalerie Royal-Étranger, Fumel, la Rochefoucauld, Poly, Noailles etd'Archiac restèrent à l'armée, quoique ayant beaucoup souffert et réduits à ne plus former qu'un escadron chacun, les Carabiniers 5, et la Gendarmerie.

Une note de M. de Monteynard exprime que ces corps reçoivent cette destination par suite de l'état lamentable dans lequel ils se trouvent. Partantle 15, ils arrivèrent à Ziegenhayn le 17 ; reposés le 18 et le 19, ils allèrent derrière la rivière d'Ohm à hauteur de Marburg, en attendant de nouveaux ordres. (D. G., 33:20, 212.)

(1) État de Varmée à Cassel. Duc de Broglie, à Ober-Welmar : 22 B., 35 E., donlTuri)in4, etRoyal-Nassau,6; Saint-Germain, à LuUernberge : 12 B., 16E., dont 6 Berchiny, plus Fischer, volontaires de Hainaut, étrangers et de Daupliiné ; M. d'Arnienlières, à Wolfhagen : 19 B., 28 E., et la légion Royale; au bas Rhin : 11 B., 4 E., et les volontaires de Clerniont ; garnisons du Mayn ou de la AVettéra-vie : 8 B., 2 E. (Raugrave), y compris 1 B. de grenadiers postiche^ à Marburg. Tolal : 57 B., 53 E. (D. G., 3520, 213.)

/V. de Monteynard au maréchal de Belle-Isle.

« Cassel, le li août 1739.

« J'ai été si fort occupé de la retraite que nous venons de faire, que je n'ai pas eu un seul moment pour écrire. M. le maréchal de Contades vous a envoyé copie des dispositions qu'il a ordonnées le 31 juillet pour attaquer l'ennemi au point du jour^ le 1" août; il vous adressait la relation exacte de ce qui s'est passé. En comparant la relation avec les dispositions ordonnées, vous avez pu voir que les dispositions n'ont point été suivies.

« L'armée du roi battue, il a été question de la retraite, et les premières dispositions ont été faites pour faire cette retraite par les mêmes gorges que nous avions passées pour aller à Minden, ce qui nous aurait conduits à Golifeld et Herworden. Plusieurs brigades d'infanterie, et notamment celles du Roi et de Champagne et les 2 brigades saxonnes, furent portées sur les crêtes de la montagne pour assurer notre passage. On proposa à M. le maréchal de passer le Wéser et de se retirer par le pays de Hanovre sur la Hesse. M. le maréchal assembla MM. les officiers généraux qui se trouvèrent à portée de lui. Tous furent du dernier avis, excepté M. de Castries et moi ; ce parti funeste ayant été déterminé à la pluralité des voix, on commença à 4 heures après midi à passer le Wéser.

ce La retraite a duré onze jours ; elle s'est faite, quant à la marche, avec tout l'ordre possible et toujours sur trois colonnes; celle du centre composée de l'artillerie, des équipages, de l'hôpital et des vivres, les deux autres colonnes couvrant celle du centre, à la tête de laquelle on avait mis 3 brigades d'infanterie et 1 de cavalerie aux ordres de M. d'Andlau. Nous avons été vivement suivis par M. le prince héréditaire, qui a attaqué quatre fois notre arrière-garde, mais toujours sans succès. Enfin nous sommes arrivés ici le 11, amenant avec nous tout ce que nous avions sauvé de la journée malheureuse du 1" aoiît, c'est-à-dire notre artillerie, le trésor, les vivres, 2,000 blessés et nos menus équipages, car pour les gros, qui avaient été envoyés, le 30 juillet, sur le chemin d'Her-worden, ils ont été pris en entier. »

Le maréchal de Contades au maréchal de Belle-Isle.

« Camp de Casscl, le 15 août 1739.

« Par les nouvelles que j'ai eues ce matin et clans la journée de M. d'Armentières et des officiers des troupes légères qui sont en avant, il paraît que les ennemis ont un corps à Korbach et que l'armée est à une lieue en deçà de Stadtberg. Ils font paraître des troupes du côté d'Arolsen, et il y a des troupes légères à Warburg. Le prince héréditaire a remonté la Diemel par la rive gauche pour rejoindre l'armée. D'après ces nouvelles, j'ai ordonné à M. d'Armentières de se porter dans la journée de demain avec le corps à ses ordres à Naumburg; la réserve de M. de Broglie marchera demain sur la direction de Fritzlar, le corps de M. de Saint-Germain passera demain la Fulda pour joindre l'armée. Je compte que l'armée et les deux réserves de MM. de Broglie et d'Armentières marcheront après-demain pour se mettre en mesure de prévenir les ennemis à Warburg, la réserve de M. de Broglie faisant l'avant-garde et s'y portant plus légèrement. Ce sera avec la plus grande douleur que je m'éloignerai de Cassel, qu'il est difficile de défendre et oi!i il y a un hôpital considérable.

(c L'ennemi était à Stadtberg quand je suis arrivé ici avec l'armée, qui avait marché onze jours. J'ai été forcé de la faire séjourner, les hommes, les chevaux de l'artillerie et les vivres n'étant pas en état de continuer. Les ennemis se sont allongés sur ma gauche et m'obligent de marcher pour me porter en avant d'eux, leur faire face etles combattre, si cela est possible, quand je serai assuré d'avoir mes subsistances derrière moi. En voulant tenir Cassel, je perdrais toute communication avec le Mayn et le bas Rhin, et si, dans cette position, l'armée du roi avait une action malheureuse, elle n'aurait de moyen de retraite que parla rive droite de la Fulda, pays difficile et sans subsistances préparées. Je ne marche pas demain, parce que je suis obligé de faire rentrer M. de Saint-Germain et de remettre M. d'Armentières à portée; je ne puis laisser ces corps derrière moi. » (D. G., Mémoires de Vault (1759), 3531, 137.)

Le maréchal pouvait cependant avec des détachements imposants remporter des avantages partiels, inquiéter l'ennemi et l'empêcher

d'avancer. Lorsqu'il fit part à Versailles de la possibilité d'abandonner Cassel, ce fut une grande sensation par le mauvais effet de cette marche rétrograde, surtout au moment où les Russes gagnaient la bataille de Kunersdorf.

Le maréchal de Belle-Isle ne put s'empêcher immédiatement de l'engager à rester dans sa position, d'autant que, le roi de Prusse n'étant plus à même d'envoyer des renforts en deçà de l'Elbe, l'armée française n'avait plus devant elle que les forces du prince Ferdinand : en abandonnant Cassel, il permettait à l'ennemi d'envoyer en Saxe tous les renforts à sa disposition. Alors M. de Contades ordonne à M. d'Armentières de s'arrêter à Ippinghausen, et à M. de Broglie de se porter à Breitenbach.

Le roi, un instant inquiet des résolutions du maréchal, éprouva la plus grande satisfaction en apprenant qu'il n'était plus question d'abandonner Cassel, et, en effet, ce parti convenait mieux à la situation des armées de nos alliés et à la politique; mais les mouvements des ennemis engagèrent bientôt le maréchal à changer de position et de projet.

M. d'Armentières (1) ayant reçu l'ordre qui l'arrêtait à Ippinghausen, avait établi, le 16, son camp à Balhorn, la gauche derrière ce village et la droite derrière Altenstatten. Il avait laissé M. de Chabo avec la légion Royale au camp de Wolfhagen, oîi il fut canonné par quelques pièces soutenues d'un détachement de cavalerie; mais, l'artillerie et la légion y ayant bien répondu, le calme fut bientôt rétabli et les ennemis se contentèrent d'occuper les hauteurs environnantes. Pour assurer la tranquillité de sa position, M. d'Armentières lit alors entrer la légion dans Wolfhagen. Les troupes légères, portées à Sachsenhausen sous M. de INIelfort, apprirent qu'une partie des ennemis campés à Mengeringhausen avaient marché sur Korbach. Un renfort sur ce point semblait menacer la position de Balhorn, et, le 17, elle fut appuyée par la réserve de M. de Broglie, qui se porte à Breitenbach. Ce même jour, l'ennemi marcha en force sur M. d'Armentières, le prince de Holsteia vers sa gauche et le prince héréditaire sur sa droite. Les volontaires de Flandre et de Halle, placés en avant de Naumburg, durent se retirer dans les bois du côté de Fri-

(1) Voirie Bulletin du 16. (D. G.. 3521. 14.)

tziar et M. d'Armentières sur la réserve. Le B. de grenadiers Royaux commandé par M. deFlavigny, lieutenant-colonel, envoyé à Naumburg pour soutenir les troupes légères, fut obligé de se rendre, après avoir épuisé ses cartouches.

Par suite de ces mouvements, le maréchal jugea ne pouvoir tenir plus longtemps à Cassel pour favoriser les opérations de M. le prince de Deux-Ponts en Saxe : il craignait de compromettre ses forces en laissant les ennemis s'établir sur l'Edder ou arriver avant lui à Marburg, ce qui aurait été plus dangereux à cause des défilés. Il résolut donc de marcher par sa gauche, et, le 17 au soir, il ordonna à MM. de Broglie et d'Armentières de se retirer à Fritzlar (1) par la gorge de Breitenbach et de Netze, et d'y arriver le 18. Ces deux corps réunis formant 35 B. et environ 50 E., il n'y avait point à craindre que les ennemis pussent les empêcher d'atteindre leur destination.

Le gros de l'armée se mit en marche le 18, sur trois colonnes; celle du centre, composée de l'artillerie, des vivres et des équipages, alla passer l'Edder à Ober et Nieder-Berich. M. de Saint-Germain, qui avait fait l'arrière-garde avec 3 brigades d'infanterie et 2 de cavalerie, resta sur la rive gauche, couvrant Ober-Be-rich, et l'armée campa sur deux lignes, la droite au village et au château de Weege, la gauche à la montagne; la légion Royale occupa Fritzlar.

3J. d'Armentières au maréclcal de Belle-Isle.

<■ Prés Heimarshaiiseï), le ir; août 17o9.

(i Le 15 au soir, je reçus ordre de M. le maréchal de Contades de me replier, le 16, sur Naumburg pour me replier, le 17, sur Fritzlar, avec ordre de ne partir de mon camp de Wolfhagen, le 16, que le plus tard possible. Je lis, le 16 au matin, toutes mes dispositions, qui demandaient d'autant plus d'attention que, le 15, M. le prince héréditaire était venu camper à Voicknissen, qu'il y avait un camp considérable à Mengerighausen, et que le prince de Hols-tein-Gottorp était campé à Korbach. Ces trois corps pouvant dans la nuit chercher à se réunir sur moi, je disposais des détachements sur

(1) D. G., 3521, 60.

T. IV. 28

tous ces points pour être instruit. Le 16, il déboucha du camp un gros détachement qui poussa les postes avancés de la légion ; M. de Chabo se replia de très bonne grâce sur les hauteurs, ayant Yiesebeck devant lui. Dans cette position, on contint les ennemis jusqu'à une heure après midi, et le corps que je commande commença vers midi son mouvement pour aller prendre son camp à Naumburg. M. de Chabo, pour lors, se replia et vint prendre poste dans mon camp de Wolfhagen. Les ennemis débouchèrent de Yiesebeck et vinrent avec du canon, ayant Tair de vouloir l'attaquer; ils le canon-nèrent, il leur riposta. Les ennemis se retirèrent hors de portée, gardant la crête entre Yiesebeck et ^Yolfhagen ; sur les 7 heures 1/2, tout devint tranquille.

«Dans ma marche sur Naumburg, je reçus ordre de M. le maréchal de camper à Ippinghausen , m'annonçant qu'il voulait garder Cas-sel. Je me portais de ma personne à Ippinghausen; je reconnus qu'il n'y avait point de position et que, quand même il y en aurait eu une, j'aurais eu à y craindre les débouchés qu'aurait eus M. le prince de Holstein sur mes derrières, tombant de Korbach sur Naumburg; ce qui me détermina à prendre une position rentrante, où je pus également faire face aux débouchés de Korbach sur Naumburg. M. de Chabo prit poste avec la légion, renforcée d'un gros détachement, à ^\'olfhagen ; je portais M. d'Argence à Ippinghausen avec des dragons et 1 B. de grenadiers postiches; j'envoyais ordre à M. de Melfort de se porter à Sachsenhausen, si les circonstances le lui permettaient, afin d'éclairer de plus près Korbach, en l'avertissant que je mettais 1 B. de grenadiers postiches à Naumburg pour le soutenir, qu'il y serait à ses ordres et que même, s'il avait besoin de le rapprocher de lui, il en était le maître, en cas qu'il fût poussé trop vivement. Je le prévins aussi qu'il y avait 1 B. de grenadiers postiches et des dragons à Ippinghausen, afin qu'il eût plus d'un point d'appui pour se repHer. Le corps que je commande campe à Balhorn, sa gauche tirant sur Naumburg, tenant par sa droite le débouché de Breitenbach, oii M. le maréchal m'avait annoncé que M. le duc de Broglie arriverait le 17.

« Le 17 au matin, je reçus nouvelle de M. de Chabo que les ennemis l'avaient obligé de quitter Wolfhagen, qu'ils l'avaient même dépassé, qu'ils marchaient à moi, et qu'il n'en pouvait dou-

ter, voyant d'autres Iroupes se former derrière les premières sur les hauteurs de Wolfhagen. J'eus des nouvelles, le matin, de M. de Mel-fort, qui me manda n'avoir pas pu se porter jusqu'à Sachsenbausen, et qu'il était àNetz, à cinq quarts de lieue de Naumburg; une heure après, il m'envoya un officier me dire que les ennemis se portaient en colonne sur lui, sans m'avertir qu'il dérangeait sa direction dans sa retraite. Je me portais sur les hauteurs de Naumburg pour reconnaître le pays; j'y trouvais les équipages de M. de Melfort, qu'il avait renvoyés de son quartier à Naumburg; je leur fis demander quels étaient leurs ordres, ils me dirent qu'ils n'avaient que celui devenir se mettre derrière Naumburg. Je conclus de là que M. de Melfort comptait toujours se replier sur Naumburg, ce qui m'empêcha de rien changera la destination du B., afin que M. de Melfort le trouvât plus sous sa main. Des hauteurs de Naumburg je me portais sur une butte, en avant du village d'Altenstatten, d'où je découvrais ce qui se passait sur Naumburg et sur Wolfhagen; j'y reçus nouvelle de M. de Chabo que l'ennemi continuait à se renforcer devant lui, ce que je vis fort distinctement. Un moment après, j'entendis tirer quelques coups de fusil sur les hauteurs de Naumburg, par où l'on vient de Korbach. Je ne doutais point que ce ne fût M. de Melfort qui se retirait; pour faciliter sa retraite, j'envoyais ordre à 1 brigade de cavalerie de se porter dans la basse plaine de Naumburg. Un moment après, je vis déboucher du bois qui est de l'autre côté de la ville une colonne de cavalerie et une d'infanterie; il vint en même temps de la cavalerie prendre poste entre Naumburg et moi sur la hauteur. Je ne doutais pas que ce ne fût celle de M. de Melfort, n'entendant pas tirer un coup de fusil; je n'avais cependant point de ses nouvelles, ni de celles du B.; j'envoyais plusieurs officiers en savoir : tous vinrent me rendre compte que la cavalerie que je voyais en deçà de la ville étaient les hussards ennemis qui barraient la plaine; que par conséquent ils n'avaient pu pénétrer jusqu'à Naumburg, mais qu'ils avaient appris, par des gens qui s'en étaient sauvés, que les ennemis avaient tiré sur la ville ; que le B. s'était rendu sans un coup de fusil, et que les ennemis étaient dans la ville. Je ne pouvais le croire : ce B. était à un quart de lieue d'un bois où j'appuyais ma gauche, et dans lequel tous les hussards du monde ne devaient pas l'empêcher de se jeter, sortant delà ville et reçu par 1 brigade de cavalerie; cependant,

un moment après, je ne pus plus en douter. Je vis de la cavalerie sortir de la ville et se former vis-à-vis la brigade de Dauphin ; en même temps, les colonnes que j'avais vues déboucher du bois se mirent en bataille sur les hauteurs de l'autre côté de la ville, dans une excellente position. Ce corps, que je ne pouvais plus douter être celui de M. le prince de Holstein-Goltorp en entier, et les nouvelles que M. le prince héréditaire avançait sur moi, me rendaient impossible de faire marcher un corps considérable pour délivrer le B. de Naumburg, étant même dans l'incertitude que les ennemis ne l'eussent pas déjà fait passer derrière eux : ils en avaient eu le temps, et je fus forcé de l'abandonner. M. d'Argence, homme de guerre, sur l'ordre général que j'avais donné à tous mes postes avancés de régler leur mouvement les uns sur les autres, se replia d'Ippinghausen. Dès le moment où j'avais vu distinctement le corps de M. le prince héréditaire et celui de M. le prince de Holstein se porter sur moi, et sur l'avis d'un de mes espions que le camp de Mengerighausen faisait mouvement, j'avais envoyé à Breitenbach m'assurer de l'arrivée de M. le duc de Broglie et le prier de venir de sa personne, ce qu'il fit. Après avoir examiné ensemble la position des ennemis et la mienne, nous trouvâmes que je n'avais de parti à prendre que celui de me replier sur lui, et je commençais ma retraite. Je ne fus point suivi; il n'y eut que quelques coups de fusil tirés entre les hussards ennemis et la légion Royale, renforcée d'Orléans-dragons, qui fit l'arrière-garde du tout, M. le prince héréditaire établit son camp à Wolfhagen, dans la position oîi j'avais pris le mien, et M. le prince de Holstein campa sur les hauteurs de Naumburg en avant de lui : mon arrière-garde vit distinctement établir ces deux camps. Je pris le mien à Martin-hagen, à une demi-lieue en avant de M. de Broglie, et j'appris que M. de Melfort avait fait sa retraite par Fritzlar.

« Dans la nuit du 17 au 18, je reçus ordre de M. le maréchal de me replier, le 18, sur Fritzlar; M. le duc de Broglie reçut le même ordre, et j'eus celui de ne commencer mon mouvement qu'après le sien. Ma retraite s'est faite sans tirer un coup de fusil. En marche, je reçus ordre de venir camper à Heimarshausen , où je suis aujourd'hui. Mon arrière-garde a vu, encore hier, à 1 heure après midi, le camp de M. le prince de Holstein à NcUimburg. Un espion nous assure que le prince héréditaire était encore campé

hier à Wolfhagen, et l'armée du prince Ferdinand à Arolsen.

«Je me flalle, Monseigneur, que la mésaventure du B., où je n'ai nul tort, ne me fera pas auprès de vous perdre le mérite d'avoir pendant cinq jours contenu les ennemis, fort supérieurs à moi, et d'avoir toujours manœuvré en plein jour sans me presser et avec audace. »

MM. de Broglie et d'Armentières s'étaient repliés suivant les ordres du maréchal, et, en arrivant sur l'Edder (1), il leur fut prescrit : au premier, d'aller, avec sa réserve, prendre une position pour barrer le chemin qui de Wildungen va à Zwesten et à Kerstenhau-sen; au second, de camper à la gauche de l'Edder en se liant avec M. de Broglie, qui se place à Kerstenhausen.

En quittant Cassel, M. de Contades laissa dans cette place M. de Villeterque, lieutenant-colonel, pour protéger les malades et les blessés, au nombre de 1,000 ou 1,100, non transportables, avec ordre à cet officier supérieur de faire arrêter les principaux ministres du landgrave et d'accepter une capitulation honorable pour les malades et la garnison; sinon, de se retirer dans le château et de faire craindre la destruction de cette résidence du landgrave. M. de Villeterque n'eut pas à attendre longtemps le dénouement de sa situation; le 19, les ennemis l'ayant fait sommer, après une canonnade à laquelle on ne pouvait répondre que par la fusillade, il convint d'une capitulation qui permit à la garnison de sortir avec les honneurs de la guerre, mais à la condition de mettre bas les armes sur l'esplanade et d'être prisonnière.

La nouvelle position de M. de Contades, derrière l'Edder, le mettait à même de ne pouvoir être tourné, et dans un pays facile à disputer pied à pied. 11 séjourne donc à Zennern.

Le corps de Fischer, dès le 19 à Closter-Haina, pousse des détachements sur Wildungen, Frankenau et Frankenberg, pour surveiller les ennemis, s'ils se portaient dans cette contrée. M. de Broglie eut ordre de faire marcher, le 19, la plus grande partie de ses troupes légères à Gemunden et de les lier à celles de Fischer par Frankenberg etWetter, de marcher lui-même le 20, et d'occuper la position

(1) Éder, Edder, prend naissance dans le Weslerwald, en "Weslphalie, sur la pente orientale de l'Éderkopf, tombe au-dessus de Casse! à gauche de la Fulda, bassin du Wéser.

qu'il trouverait la plus convenable aux environs d'Halsdorf pour être à portée de soutenir le cordon placé de Haina à Gemunden ; M. d'Ar-mentières, de se placer intermédiairement entre l'armée et la réserve. Le maréchal se proposait de tenir le défilé de Kerstenhau-sen. pour rapprocher de lui ces deux corps séparés, dans le cas où les ennemis, au lieu de nous prévenir à Marburg, se porteraient sur notre droite; ou pour les soutenir, si le prince Ferdinand marchait dans la direction de Marburg, et, dans ce dernier cas, son intention était que le duc de Broglie s'avançât à Ober-Velter, se proposant de l'y joindre avec M. d'Armentières.

D'après une dépêche du 22 août du maréchal de Belle-Isle à M. de Contades, on apprit avec peine à Versailles l'abandon du bassin de Cassel et on y avait espéré que, si le maréchal était obligé de s'en éloigner, il aurait trouvé près de Fritzlar une position lui offrant le double avantage de tenir Cassel par sa droite et Marburg par sa gauche. Le désir de rester maître de la Hesse naissait principalement de la situation des armées de l'Impératrice et de l'Empire en Saxe et en Silésie, et on jugeait de la possibilité : 1" par Tidée que le prince Ferdinand ne pourrait pas s'avancer jusqu'à Marburg, passer l'Edder et soutenir ses communications avec Lipps-tadt et Paderborn, quand l'armée française serait entre Cassel et Fritzlar^ pouvant se passer des convois jusqu'au 15 septembre, par les approvisionnements de Cassel; 2° Versailles s'était flatté que, d'après les premières lettres du maréchal, après le malheureux événement du V août, par le bon esprit des troupes, leur nombre et le bon état où étaient celles qui n'avaient point combattu, il reprendrait la supériorité à Cassel. Les circonstances, et d'autres raisons qu'il expliqua dans ses lettres, ne lui permirent ni de rester sur la défensive, ni de reprendre l'offensive [i).

Les nouvelles reçues à Zennern de l'arrivée du prince de Hols-tein, le 19(2), près deFritzlar, et de la marche du prince Ferdinand, le même jour, à Wolfhagen, déterminent M. de Contades à abandon-

(1) Voir deux lettres du 24 août au raaréclial de Contades de IIM. d'Armentières et de Broglie. (D. G., 3521, 144, 147.)

Voir également la leltre de M. de Choiseul du 27 août, au sujet de la consternation causée à Vienne par la retraite de Cassel.

(2) Bulleliu de l'armée du 19. —Bulleliudii 21. (D. G., 3521, 161, 163.)

ner l'Edder : M. de Broglie, le 20, se porle à Halsdorf, M. d'Armen-tières à Gilserberg, et l'armée à Gilsa. M. de Noailles, à l'arrière" garde, les ennemis s'arrêtant sur les hauteurs de Frilzlar. Comme le mouvement ennemi se prononçait de plus en plus par sa droite, MM. de Broglie et d'Armentières s'approchent, le 22, de Marburg pour couvrir cette ville, la mettre en état de résister, et le maréchal, décidé à mettre l'armée derrière l'Ohm, s'établit entre Amœneburg et Bauerbach, y attendant le maréchal d'Estrées, qui se rend auprès de lui pour concerter les opérations de la fin de la campagne.

Le maréchal de Belle-Isle au maréchal de Contades (1).

« Versailles, le 24 août 1"">9.

« J'ai lu au roi, Monsieur le maréchal, votre lettre du 19; S. M. est bien fâchée que vous ayez cru être obligé d'abandonner Cassel, mais elle est persuadée en même temps que cela n'a pas pu être autrement, et que vous avez fait le tout pour le mieux. Le camp que vous allez prendre à Nieder-Urff étant aussi bon que l'on assure, il y a lieu de croire que, de là, couvrant votre communication avec Marburg et Francfort, M. le prince Ferdinand ne sera pas en état de se porter plus loin en deçà de l'Edder, et qu'après que vous aurez pourvu à tout ce qui vous était nécessaire, ayant votre armée ensemble, vous ne tarderez pas à reprendre la supériorité.

« Il est bien fâcheux qu'ayant deux corps tels que ceux de M. d'Armentières et de M. de Broglie en avant, M. le prince de flolstein ait poussé les troupes avancées de ces deux corps, qui lui étaient supérieurs, même en y joignant M. de Wangenheim, et que ce soit toujours nos détachements qui soient poussés; car assurément nous avions, en entrant en campagne, beaucoup plus de troupes légères que les ennemis, et d'une meilleure espèce; excepté le peu qu'il y a de hussards prussiens à cette armée, tout le reste n'est que de nouvelle levée depuis le commencement de cette guerre. L'électeur de Hanovre n'avait pas un seul homme de troupes légères en 1757, et les Hessois n'en avaient point pendant

(1) D. G., 3521, 137.

la campagne de 1758: il faut bien qu'il y ait de la faute de quelque part. Je crois que l'on a éparpillé nos troupes légères en trop de petites parties, qui ont été conduites par des ignorants et mal employées. C'était pour prévenir ce genre d'inconvénient que nous étions convenus de les réunir toutes en trois corps sous un seul chef; que les volontaires de Clermont seraient en brigade avec la légion Royale, sous M. le comte de Chabo, et ne seraient jamais séparés; que les volontaires de Flandre et de Hainaut, Liégeois et étrangers, formeraient de même une brigade pour toute la campagne, sous les ordres de M. de Melfort; que les volontaires de Dauphiné, d'Alsace, de Nassau et de Schomberg seraient également ensemble sous un seul chef; que nos 2 régiments de hussards ne seraient également point séparés et seraient aux ordres de M. Tur-pin (1), Fischer restant avec tout son corps directement aux ordres du général. Tout cela n'a point eu lieu et a été dispersé de toutes parts, au moyen de quoi ils n'ont pas eu de consistance et ont changé perpétuellement de chefs supérieurs, au moyen de quoi il n'y a personne pour connaître ceux qui font bien ou mal, ceux à qui l'on doit donner ou ne pas donner des commissions, et en général la confiance si nécessaire ne s'établit point; et comme je vois que la guerre journalière ne se peut plus faire qu'avec ces troupes légères, il faut de toute nécessité en avoir un nombre suffisant et les mettre sur le meilleur pied possible, et pour cela il faut qu'ils soient très gros et aient des chefs capables... d

(1) Tiiipin (comte de), capitaine clans Royal-Pologne, puis dans Benhiny; 1746, mestre decanip de Chaniboranl ; 10 mai 17'i8, brigadier; 18 mai 1760, maréchal de camp; lieutenant général.

Beaucoup de bravoure, de l'esprit, de grandes connaissances sur la guerre, la tête lro|i chaude. 11 répondit un jour au roi de Prusse cette saillie, qui affecta vivement Fiédéric II ; se trouvant à Berhn en 1750, et ayant à trader des contributions de ses États, le roi, lui montrant son royaume sur une carte d'Allemagne, lui demanda : «Queferiez-vous,sice royaume vous appartenait? — Sire, je le vendrais pièce à pièce pour aller le manger à Paris. » Celait lui faire sentir qu'il n'était com|iosé que de morceaux décousus. (D. G.)

Le maréchal de Belle-hle au maréchal de Contades (1),

« Versailles, le 2't aoiil 1751».

a Je ne puis pas vous cacher que S. M. a été encore plus peinée de vous voir abandonner Cassel lorsqu'elle a vu ce qui est mandé de toutes les différentes armées et cours alliées : que, pourvu que son armée puisse tenir Cassel et conserver la Hesse, le malheur arrivé sera facile à réparer; que la réputation des armes sera maintenue, et que la possession de Cassel et de la Hesse peut seule détruire tous les mauvais propos que tiennent nos ennemis et les exagérations qu'ils répandent dans l'Europe. Le conseil du roi ajoute que, de Taveu même de M. le prince Ferdinand et surtout des Anglais, ils ont fait une perte très considérable, et peut-être autant et plus que nous, à la journée du i"^ août; que par conséquent votre armée est encore supérieure en nombre et surtout en infanterie; que la Hesse est un pays coupé oh tout est poste; qu'il n'y aurait donc que l'effarouchement des troupes qui pût obliger à toujours reculer : mais que chacun écrivait que la volonté du soldat est toujours la même; que l'on en a la preuve par l'affaire de l'arrière-garde d'Eimbeck et l'action de M. de Saint-Germain aux déPdés de Munden, et que, puisque vous confirmez vous-même que l'esprit des troupes est admirable, il n'y a point de raison qui paraisse devoir obliger le général de l'armée du roi à se laisser dominer par M. le prince Ferdinand; que notre discrédit va être général en Europe. J'abrège et supprime tout ce qui a été dit sur cette matière; mais je manquerais à toute l'amitié que j'ai pour vous, si je vous en laissais ignorer la substance. Vous pouvez juger de toute la peine que j'ai ressentie, et que je ne suis pas resté muet. Je dois à M. le prince de Soubise, auprès de vous, le témoignage qu'il a très bien parlé et comme connaissant le pays: que, si M. le prince Ferdinand avait la volonté déterminée^ comme cela peut très bien être, de vous combattre encore, il était bien difficile de l'éviter, et qu'il croyait qu'il y avait peu d'hommes qui osassent décider qu'il fallait donner une bataille sans communications certaines et beaucoup plus prochaines avec nos places, en

(1) D. G.

cas de malheur; qu'il était vrai que M. le prince Ferdinand courait le même risque, ayant la Diemel à repasser; que c'était jouer à quitte ou double de part et d'autre; mais qu'y ayant beaucoup plus de discipline et de subordination dans l'armée ennemie que dans la nôtre, il y avait de bien sérieuses réflexions à faire avant de jouer un aussi gros jeu, et que le roi seul pouvait décider.

« Voilà, Monsieur le maréchal, la situation actuelle des esprits en ce pays-ci. J'espère que le camp de Nieder-Urff, que vous allez prendre et que l'on dit très bon, pourra vous mettre en état de n'y avoir rien à craindre, et qu'au contraire, il serait à désirer que M. le prince Ferdinand eût la témérité de vous y attaquer; et qu'après avoir pris une position d'où vous couvrez Marburg et qui assure votre communication avec Francfort, vous pourrez reprendre la supériorité et donner quelques coups de patte aux corps séparés que M. le prince Ferdinand hasarde assez volontiers. »

Le maréchal de Belle-Isle au maréchal de Contades{\).

•< Versailles, le 2o août 1750.

ce Votre sagesse dans votre relation et dans vos lettres a été généralement applaudie, ainsi que la clarté, la prévoyance et la précision des dispositions contenues dans l'ordre que vous avez donné le 31 juillet. Le duc de Brogiie a aussi écrit, de son côté, des lettres extrêmement mesurées : c'est son frère qui, peut-être même à son insu, a écrit des méchancetés et des faussetés d'autant plus dangereuses qu'il a beaucoup d'esprit; c'est à M""" sa mère qu'il les adresse, et elle est tout aussi méchante que lui. Le roi est véritablement fâché de tous les écrits extravagants qui ont inondé Paris et Versailles; S. M. a ordonné à tous les membres de son conseil de dire dans le public qu'elle était très contente de votre conduite; que le seul motif de l'envoi de M. le maréchal d'Estrées est pour vous mettre au fait des intérêts politiques et concerter relativement avec vous les changements qu'il fallait nécessairement apporter au plan d'opérations pour le reste de la campagne... Je puis vous confier qu'il a ordre de parler fortement au duc de Brogiie, qui a grand intérêt de ne vous point donner de sujet de plainte. Je

'1) D. G., 3520,230.

vois déjà avec une vraie satisfaction que beaucoup de lettres venues de l'armée ont changé les opinions, et surtout à Versailles, où l'on commence à voir clairement que c'est l'inaction de la droite qui est la cause de la perle de la bataille. La circonspection qu'ont apportée vos amis, la manière dont j'ai parlé dans les conseils qui se sont tenus et le silence que j'ai gardé sur M. de Broglie ont déconcerté ses partisans et les cabaleurs, d'autant qu'ils m'ont attaqué personnellement : vous en apprendrez, à cet égard, plus par vos amis que je ne dois vous en dire. Je ne veux que le bien, je suis intimement persuadé que vous pensez de même et que vous êtes très capable de le faire. Je ne veux aucun mal à M. de Broglie, le roi est le plus intime témoin de la conduite que j'ai tenue depuis que je suis chargé du dépôt de la guerre ; il connaît mon estime et mon amitié pour vous : ainsi je me mets au-dessus de tout ce que l'on peut dire, et je me suis fait également un plaisir et un devoir de vous défendre, où et quand il l'a fallu, en mettant la vérité toute nue sous les yeux du roi, »

M. le maréchal d'Estrées, arrivé à l'armée le 23, fut reçu par les troupes avec de grandes démonstrations de joie; M. de Gontades lui offrit avec beaucoup d'instances son commandement, il le refusa, ne voulant s'occuper avec lui, comme conseil, que des moyens de remettre l'armée en étal de soutenir l'honneur de nos armes. Il fut d'abord question de donner à notre position toute la force qu'offraient la nature du pays et le nombre de troupes rassemblées. La Lahn et une montagne boisée séparaient, depuis Bauerbach jusqu'à Werda, les corps de MM. de Broglie el d'Armenlières du corps d'armée.

Le 26, les maréchaux dirigèrent M. de Saint-Germain de manière à se joindre à M. de Broglie, et comme la cavalerie de leurs corps devenait inutile par la position du terrain et le manque de subsistances, elle se plaça, le 27, en seconde ligne sous les ordres de M. de Chevreuse. La marche du prince Ferdinand rendant les troupes ennemies entreprenantes sur le bas Rhin, suivant les ordres du ministre, M. d'Armenlières s'y rendit (1), et M. de Broglie resta seul à la tête des deux corps, d'un effectif de 42 B. et IG E. de dragons et 35 pièces de canon. [D. G., 3521,232.)

(I) Gros-Seellieini, 27 août.(D. G., 3521, 195.)

Le maréchal d'Estrées au roi (1).

« Quartier général de Gros-Seelheim, le 2G août 1759.

(( Vous m'avez envoyé à votre armée pour vous rendre compte de la situation de l'esprit qui y règne, et pour former un plan de conduite pour le reste. J'ai l'honneur d'exposer ces différents objets avec la vérité dont je suis capable.

u Avant mon départ de Versailles, on vous représenta, Sire, dans votre conseil, qu'il était apparent que votre armée, arrivée à Cassel, aurait besoin de quelque temps pour se réparer, avant que de penser à rien entreprendre d'offensif; cette nécessité est encore plus grande aujourd'hui, après plusieurs marches rétrogrades, longues et fatigantes, que l'on a été obligé de faire successivement. L'officier et le soldat s'accoutument difficilement à soutenir des fatigues continuelles, lorsqu'ils n'ont plus d'espérance d'avoir de grands succès : de là naît le dégoût, et les propos qui l'expriment sont souvent portés au delà des bornes. Il est en proportion du chagrin d'avoir perdu une bataille, des fatigues d'une longue marche, de la perte des équipages et de la privation d'un quartier d'hiver dont réellement les troupes auraient besoin pour se réparer, surtout la cavalerie, dont la perte a été considérable. D'après ce que j'ai entendu depuis mon arrivée à Francfort et ce que j'ai vu depuis deux jours que je suis à l'armée, j'ai lieu d'appréhender qu'il ne reste plus guère d'espérance de faire une offensive utile, et la défensive est assez embarrassante quand l'ennemi est en force au centre d'une position circulaire d'une si grande étendue. Cet ennemi, que votre armée arrête depuis quatre jours aux environs de Marburg, parait faire des dispositions pour se porter sur Wetzlar, ce qui engagera certainement M. le maréchal de Gontades à se porter vers Giessen, abandonnant Marburg à ses seules forces. »

Le prince héréditaire, arrivé, le 25, à Schwartzenborn et Schons-tadt, se porte, le 26, à Aumonau entre Wetter etBiedenkopf, pendant que le prince Ferdinand s'avance sur Munchhausen. Comme la position de M. de Rroglie était avantageuse, les maréchaux restèrent sur la défensive (ïJ).

(1) D. G.

(2; D'après les états à la date du 26, linfanlerie présentait 49,271 hommes sous

Versailles, en regardant l'abandon de Cassel comme un événement malheureux, attachait la plus grande importance à la conservation de Marburg, qui nous laissait encore maîtres d'une parlie de la Hesse, empêchant l'ennemi de communiquer avec la Saxe et assurant nos vivres en même temps que nos relations avec Francfort. Malgré tout l'avantage de cette position, l'ennemi, après avoir chassé Fischer d'Ober-Welter, ayant paru sur les hauteurs, M. de Broglie demanda du renfort. M. de Gontades, dans l'impossibilité de se dégarnir sans exposer l'armée, replie son camp à la rive gauche de la Lahn et s'allonge jusque près de Gies-sen (1).

Le 29, les ennemis établissent leur camp sur les hauteurs d'Ober-Wetter, leur droite devant Kaldern et leur gauche aux bois du vieux château de Buchenau. Le duc de Broglie, de grand matin, se porte à Wolfshausen à la gauche de la Lahn, communiquant par une brigade de M. de Saint-Germain sur le chemin de Kirchayn, le reste allongé sur la Lahn jusqu'à Giessen; Fischer, dans Marburg.

L'ennemi ne suivit pas le mouvement commencé, qui supposait leur direction sur la basse Lahn. Cependant les maréchaux, le 30, s'arrêtèrent à un emplacement entre Bauerbach et Amœneburg. L'armée y campe sur deux lignes, les grenadiers de France et Royaux, la Gendarmerie et les Carabiniers en réserve. On y construisit aussitôt des redoutes, des redans, des batteries. Bien que convaincu de ne pas être attaqué dans une position si avantageuse, M. de Contades, par précaution, appelle les troupes de M. du Châ-telet, laissant M. de Broglie à Cappel, à portée de le rejoindre en très peu de temps. Pendant que nous étions occupés sur la Lahn, M. de Castellas, commandant à Wesel, rendait compte que M. d'Ar-mentières n'était point encore arrivé et que l'ennemi, avec la garnison de Lippstadt, se proposait d'attaquer la citadelle de Munster.

les armes, non compris 3,500 hommes de troupes légères; la cavalerie, 10,loi hommes monté»; les 4 régiments de dragons, ayant peu souffert, 2,128 hommes, en sorte qu'on pouvait compter environ 66,000 combattants, auxquels il faut ajouter 3 E. de Gendarmerie, les 6 régiments de cavalerie retenus à l'armée malgré l'ordre de rentrer en France. (1) Bulletinsdes2-et28. (D. G., 3521, 217.)

Le maréchal d'Estrées au maréchal de Belle-Isle (1).

« Gros-Seelheim, le 30 août 1759

« J'ai mandé au roi, Monsieur le maréchal, dans la lettre que j'ai eu l'honneur de lui écrire, que je ne croyais pas qu'on dût penser dans ce moment-ci à faire la guerre offensive. Avant mon départ de Paris, vous m'avez paru penser qu'il fallait faire une défensive active, c'est à quoi M. le maréchal de Gontades s'est préparé.

« Nous sommes très près de l'ennemi. Si l'on en croit les discours du prince Ferdinand, il veut attaquer l'armée du roi, qui se prépare à le bien recevoir, quoiqu'il s'en faille beaucoup qu'elle soit supérieure à la sienne, ainsi que vous me paraissez le croire. Vous avez, il est vrai, 83 E.; mais l'un dans l'autre ils ne seront pas plus de 100 hommes à cheval par E. ; l'artillerie, dont vous me parlez, ne pourra joindre que le 8 ou le 9, encore a-t-il fallu louer des chevaux de paysans pour la conduire...

«A l'égard du plan que nous avons à faire, M. le maréchal de Gontades et moi, il est bien simple; si l'ennemi nous combat, l'événement de la journée décidera de la conduite du reste de la campagne. En cas de succès, l'armée du roi ne peut prendre aucune autre direction que celle de la Diemel; en cas de malheur, il n'y au^ rait de parti que de se retirer vers Giessen, et peut-être à Francfort; mais si le prince Ferdinand n'attaque pas, c'est un avantage certain de le contenir et de l'empêcher d'aller en Franconie ou du côté du bas Rhin, ce que le maréchal de Gontades fera tant que les subsistances le lui permettront. Je pense que l'ennemi va faire le siège de Munster avecles troupes qu'il a tirées de ses garnisons. Il me paraît que vous ne faites pas entrer dans vos calculs plusieurs régiments des land-milices qui ne sont point sur l'état de l'armée de M. le prince Ferdinand, et lesquels, avec des troupes réglées, vont faire ce siège. Il serait désirable de sauver cette place; mais quand M. le maréchal de Gontades gagnerait une bataille, elle serait prise avant de pouvoir en faire lever le siège. Je souhaite que M. d'Armentières puisse y arriver à temps. »

M. de Gayon avait profité du moment de la communication avec le Rhin pour s'approvisionner, comptant sur l'arrivée de

(1) D. G.

M. d'Armenlières; mais les maréchaux ne jugèrent pas que, pour sauver Munster, ils devaient combattre le prince Ferdinand. Leur position derrière l'Ohm, absolument défensive, les mettait à même de profiter des fausses manœuvres de l'ennemi et de combattre avec avantage, s'il les attaquait. Le moment devenait critique par l'impossibilité au prince Ferdinand de rester plus longtemps sans chercher à nous déplacer : c'était le dénouement du sort de la campagne.

Le maréchal de Belle-Isle au maréchal cVEstimées (1).

« Paris, le 31 août 17;i9.

ic J'ai reçu hier votre lettre du 26... S. M. l'a lue d'un bout à l'autre; elle n'a pas été plus satisfaite que moi des détails qui y sont contenus : celui du dégoût de l'officier et du soldat, et en total de l'esprit qui y règne, me fait plus de peine que le reste, et c'est à quoi j'ose dire que vous devez donner votre attention. Vous connaissez le caractère de la nation, elle se décourage facilement, mais elle se remet de même : il faut parler aux officiers généraux, cavaliers^ soldats, à chacun leur langue; votre arrivée, votre acquis, vous mettent dans le cas de le faire avec plus de succès; car enfin il n'est pas possible qu'avec les forces que nous avons, nous finissions la campagne en recevant continuellement l'ordre de M. le prince Ferdinand. Je ne dis pas qu'il faille aller chercher à le combattre de gaieté de cœur, et avoir une action générale; mais on peut, au moins, reprendre une défensive très active, en occupant des postes avantageux, dont le pays est plein, qui mettent en état de faire des détachements supérieurs à ceux de l'ennemi et de reprendre des avantages journaliers, qui peuvent conduire à de plus considérables et remettent le bon ton dans une armée. Vous connaissez la détresse de nos tinances; si nous ne parvenons à tirer quelques secours du pays ennemi, je ne vois réellement pas comment nos troupes se remettront. C'est ce motif présent qui doit doubler vos efforts. »

(1) D. G.

M. d'Armentières au maréchal de Belle-lsle (1).

(1 Cologne, le 31 août 1739.

« M. le maréchal de Contades vous a sans doute rendu compte de l'ordre qu'il m'a donné de me rendre ici, malgré les justes représentations que je lui ai faites de ce qu'il faisait passer le premier lieutenant général de son armée sur le bas Rhin pour une besogne extrêmement désagréable et qui le compromettait, puisque sans troupes on ne peut rien faire ; encore ai-je à craindre l'injustice du public, qui me reprochera de n'avoir pas fait ce qu'il ne m'a pas été possible de faire ; heureux si mes chefs sont pour moi justes. J'ai senti toute l'horreur de ma commission; j'ai cependant obéi, parce que j'ai cru de mon devoir de ne me compter pour rien et de me sacrifier pour ce à quoi l'on me jugerait nécessaire. Je n'ai pu arriver qu'hier ici; je me suis fait représenter l'état des troupes qui sont dans cette partie; l'objet pour lequel je suis ici ne peut porter que sur deux choses : l'une, la conservation de la rive gauche du Rhin; l'autre, de pouvoir soutenir Munster, ou me porter dans le pays de la Marck pour donner quelque jalousie aux ennemis sur le point de Paderborn et de Lippstadt, et profiter de cette position pour faire rentrer des subsistances du pays de la Marck sur Dusseldorf.

« Un chirurgien revenu de Paderborn a annoncé que, le 23, le général Imhof était campé à Paderborn. Les nouvelles que m'a données hier M. le baron de Breteuil sont que ce corps s'est mis en mouvement avec une nombreuse artillerie, qu'il est joint par celui de M. d'Hardenberg, et que tous deux, de concert, se portent sur Munster...

« J'ai envoyé hier ordre à M. de Gastella (2) de pousser un détachement sur Munster pour en avoir des nouvelles certaines; j'y fais même passer les volontaires de Clermont. Si la nouvelle de la réunion de ces deux corps sous Munster se trouve vraie, je ne puis en rien troubler le siège. Wesel étant loin de la communication

(1) D. G., 3521, 276.

(2) Gastella, ou Castellas (Rodolphe de), capllainedes gardes suisses, puis colonel d'un régiment de son nom; brigadier, 1745; maréchal de camp, 10 mai 1748 ; lieutenant général, 17 février 1759.

de Munster à Lippsladt, je n'en puis troubler la communication aux ennemis pendant le temps qu'elle leur sera le plus nécessaire pour tirer de Lippstadt leurs approvisionnements de siège. Je ne peux les aller attaquer avec mes faibles effectifs : j'aurai donc la douleur de leur voir prendre devant moi la ville de Munster, sans pouvoir les en empêcher. L'occupation de ce siège va tenir, au moins, les ennemis pendant dix à douze jours; c'est un temps précieux dont il faut faire usage.

« Si MM. les maréchaux d'Estrées et de Contades ne prennent point le parti de marcher aux ennemis, ce qui annoncera qu'ils sont déterminés à une défensive pour tout le reste de la campagne, puisqu'ils n'auront pas de moment plus favorable, je leur demande de ne pas perdre un moment à m'envoyer 2 brigades d'infanterie au moins, en les faisant passer par Giessen, Aschenburg et Siegberg... »

29

4Ô0 ' LES GUERRES SOUS LOUIS XV.

CHAPITRE XIII.

MOUVEMENTS DES ARMÉES. SIÈGE DE MUNSTER.

Septembre. 2. Mouvement de reiiiiemi sur la Lalin. L'armée au camp de Gross-Seelheim, qu'elle quille le 4. Marburg tonfié à M. du Plessis. — 6. Levée du siège de Muusler. — 7. Camp d'Annerod. —8. M. de Broglie à Munchholzlieira. Projets de quartiers d'Iiiver. — tO au 11. Prise de Marburg. — 20. M. de Broglie sur le& hauteurs de Welzlar. — 2). M. d'Armentières à Wesel. — 22. L'armée à Klein-Linden. Expédition de M. de Luckner sur Usingen. M. d'Armentières à Reckling-hausen; 23, àLuaen. — 24. Le général Imiiof occupe Ludinghausen, s'avançant sur Ahlen.

Octobre. — Les maréchaux restent sur la défensive. M. de Broglie à Versailles. Détachements de l'armée du Mayn réunis à celle du bas Rhin. — 25. Position de M. d'Armentières à Bockum.

yovembre. V^. M. de Broglie à Francfort. — 2. A Klein-Linden. Les maréchaux d'Estrées et de Contades quittent l'armée. — 11. Leduc de Wurtemberg à Gemun-den. —19 au 20. A Fulda. — 5. M. d'Armentières quitte Bockum. — 8. A Dors-ten. — 9 au 10. Tranchée ouverte devant Munster. — 21. Prise de la citadelle. — 16. M. d'Armentières à Haltern. — 17. A Seppenrade. — 18. A Senden. Il se replie le 20. Fait passer le Rhin le 2i. — 20. Combat naval dans la baie de Quiberon. Le restant de notre flotte se réfugie à l'embouchure de la Vilaine. — 27 au 29. Le prince de Wurtemberg attaqué se retire à Bruckenau le 30.

Décembre. — L'armée du bas Rhin repasse à la rive gauche. — 1". Le général Imhof quitte la Lippe, se retire à Recklinghausen. — 5. L'armée quitte Klein-Linden pour Butzbach. — 6. A Friedberg.

Projets d'une diversion par l'armée" du bas Rhin. — 15. M. du Muy remplace M. d'Armentières. — 16. M. de Broglie nommé maréchal. — 19 au 23. Le duc de Wurtemberg à Schotten. — 25. Mouvement effectué.

L'armée ennemie reste en observation jusqu'au 5 janvier 1760.

Événements de peu d'importance jusque vers le milieu de janvier, époque à laquelle les troupes prennent leurs quartiers d hiver sur la Lahn, le Mayn etleNeckar.

Le maréchal de Belle-Isle au maréchal de Contades (1).

« Versailles, le 1" septembre l"o9.

« J'ai reçu ce matin la lettre dont vous m'avez honoré le 28 août; j'y vois avec bien de la peine, par le détail que vous

(1) D. G.

me faites, que M. de Broglie n'avait pas jugé à propos de soutenir le poste d'Ober-Wetter, où était Fischer. Je ne puis, sur cette matière, parler que d'après quelques connaissances qu'on m'a données, suivant lesquelles il paraît qu'Ober-Wetter est un point sans la possession duquel il n'était pas possible à M. le prince Ferdinand de pouvoir ni d'oser s'avancer plus loin par sa droite, parce qu'il ne pourrait plus soutenir ses communications pour ses vivres; mais je dois croire que vous et M. le maréchal d'Estrées qui êtes sur les lieux, vous êtes encore mieux en état de juger vous avez, d'ailleurs, M. le duc de Broglie et M. de Castries, et des officiers d'état-major, qui doivent bien connaître toute cette partie; mais, puisque ni vous ni M. de Broglie n'étiez pas dans l'intention de soutenir Ober-Wetter, il ne fallait donc pas y laisser échiner Fischer. Les troupes légères sont faites pour la petite guerre, éclairer l'ennemi, faire les avant-gardes, enlever de petits postes. couvrir et faciliter les marches pour des opérations importantes ; mais elles ne doivent pas être employées, ce me semble, à défendre et soutenir des postes de vive force, surtout contre de gros corps de troupes réglées qui font la tête de l'armée ennemie : c'est le moyen de les détruire, et je ne suis pas surpris que tous nos différents corps soient la plupart anéantis, par toutes les autres raisons que je vous ai mandées dans mes précédentes; c'est à quoi je trouve qu'il est très nécessaire et très pressé de remédier, car comment pourriez-vous faire, cet hiver, pour couvrir la tête de tous nos quartiers et former ce que les ennemis appellent un cordon en avant, si tous ces différents corps sont réduits à rien? et comment pourront-elles se rétablir pour la campagne prochaine? Nous sommes d'accord tous deux qu'il faut former trois gros corps de troupes légères; je vais agir sur ces principes et tâcher de trouver des chefs propres à les commander : mais il faudra donc, quand cela sera fait, ne jamais morceler ces corps, les laisser toujours chacun ensemble. Quand le général ou les officiers généraux qui commanderont de gros corps séparés voudront employer quelques détachements de troupes légères plus ou moins nombreux, qu'ils s'adressent au chef de cette légion ou de cette brigade, qui sera seul en droit et chargé de fournir le détachement qui lui sera demandé et de le faire commander p.r qui il lui plaira.

ce A l'égard des 2 régiments de hussards, j';ii peine à comprendre qu'ils servent mieux séparés qu'ensemble : un corps de 12 E. doit mieux valoir que deux de 6 chacun, et s'il y a des petites tracasseries personnelles ou des convenances particulières, il faut que le général de l'armée tranche par-dessus avec toute l'autorité qu'il a en main, qu'il impose à celui qui a tort. Je ne sais pas pourquoi le régiment de Berchiny a été renvoyé, comme hors d'état de rester à l'armée, avec les 6 régiments de cavalerie qui ont été détruits le 1" août. Il ne m'a jamais rien été mandé sur la destruction de ce régiment; je vous prie d'ordonner que quelqu'un m'en rende compte, m'en envoie le journal de toute la campagne et son état actuel, car dans tous les étals que vous venez de m'envoyer il n'est seulement pas fait mention du nom de ce régiment.

« Je viens à présent au papier joint à votre lettre, intitulé « Propositions à M. le maréchal de Contades. » J'y vois la nouvelle position que vous faisiez prendre à M. le duc de Broglie et à M. de Saint-Germain. Je veux espérer, quoique je voie que l'ancienne réserve de M. de Broglie devait se replier la nuit à la rive gauche de la Lahn, de l'autre côté de Marburg, que votre intention n'est pas d'abandonner ce poste et cette place. Cette démarche serait encore bien phis fâcheuse que l'abandon de Cassel et ne peut pas avoir les mômes motifs : il s'agissait de ne pas perdre la communication avec Marburg, et subséquemment de Francfort. Cette raison décisive fortifiait toutes les autres; mais étant arrivé une fois à Marburg, l'ennemi ne peut jamais vous ôter la communication avec Francfort. Vous avez deux différents chemins qui vous y conduisent, que l'ennemi ne troublera jamais, quand même il aurait l'imprudence de passer la Lahn : il ne la passera sûrement pas à Marburg et Ciessen ; s'il la passe au-dessous de Wetzlar, peut-il jamais oser faire passer cette rivière à toute son armée? D'oij tirerait-il donc ses vivres, vous tenant votre droite à Marburg et votre gauche vers Giessen?... Dans cette position, s'il ne pousse en deçà et à la gauche de la Lahn que des détachements, vous pouvez leur en opposer de plus considérables, et enfin vous avez toujours un chemin plus court pour porter dans Francfort tout ce qu'il vous plaira et y communiquer de même pour en tirer vos besoins. Il faut nécessai.femenl que l'ennemi succombe le premier, et il vous

fournira peut-être, en faisant des tentatives hasardées, les moyens de lui donner quelque échec considérable; ce qui esta désirer, pour remettre, comme on dit, vos troupes en curée, et le ton qui convient aune armée comme la vôtre. Si vous quittiez jamais Mar-burg, M. le prince Ferdinand s'y mettra tout de suite et vous fera naître alors des obstacles bien mieux fondés pour n'oser et ne pouvoir même pas entreprendre de le déposter : c'est alors qu'il trouvera des positions que vous ne pourrez pas impunément attaquer, ni peut-être tourner, et vous aurez le désagrément de lui voir faire des détachements sur la Thuringe, la Franconie ou la Saxe, que vous n'empêcherez point alors, comme vous êtes le maître de le faire en tenant Marburg et le couvrant avec votre armée, resserrant M. le prince Ferdinand, comme il l'est, dans un pays où il n'a de vivres que ce qui est derrière lui, toutes les places du Rhin étant ou en notre pouvoir ou en celui de nos amis. Enfin j'avoue, par le vif intérêt que je prends et à l'honneur des armes du roi, et à la cause commune, et à vous personnellement, Monsieur le maréchal, que je ne puis envisager qu'avec la peine la plus sensible qu'il peut être question d'abandonner Marburg, par toutes les conséquences les plus fâcheuses qui ne manqueraient pas d'en résulter (1). »

L'ennemi resté sur les hauteurs d'Ober-Wetter, nous continuâmes à retrancher notre front, à soutenir la Lahn dans la partie de Giessen, et, sur le Rhin, dans celle de Goblenlz et de Cologne, en donnant aussi à M. d'Armentières les moyens de tenir la campagne.

Le 2 septembre, le prince Ferdinand fait un mouvement par sa gauche, en portant le prince de Holstein à Schwartzenbovn et le prince héréditaire à Ober-Weimar. Dans sa marche, il attaque les volontaires de M. de Vert, bientôt dégagé par les dragons d'Apschon

(1) Situation de l'année, le 31 août, sur le bas Rhin : M. d'Armentières, 11 B., 4 E.; infanterie de garnison (Wettéravie), 15 B.; cavalerie sur les derrières, dont (> Berchiny, 19 E.; M. le duc de Fitz-James, 14 E.; M. d'Andlaii, 6 E.; M, de Nicolaï, 1" ligne, 33 B.; M. de NoalUes, 2" ligne, 37 B.; duc de Brissac, 14 E.; M. Duménil, 8 E.; réserve du duc de Broglie (4 E. volontaires Nassau), 18B., 31 E.; réserve d'infanterie (M. de Sainl-Pern (6 Berchiny), 11 B., 19 E.; réserve de cavalerie (M. de Poyanne), 18 E.; réserve de dragons (duc de Chevreuse), IG E.; artillerie (M. Pelletier), brigades. 3 B.; M. de Chabo. Turpin, 6 E.; plus la légion Royale, volontaires de Flandre, de Hainaut, étrangers, de Dauphiné, d'Halié et Fischer. Total : 128 B., l.VJE.

et les Schomberg. Comme Marburgétait menacé, Fischer occupele château, appuyé par M. de Saint-Germain, défendant les débouchés et en mesure de renforcer M. de Broglie. Ces démonstrations de l'ennemi tendaient plutôt à nous empêcher de marcher à Giessen qu'à une attaque sérieuse.

Le duc de Broglie au maréchal de Belle-Isle (l).

« Klein-Linden, le 5 novembre 1739.

« II ne me reste qu'à demander les ordres sur le parti à prendre. Ferai-je rester l'armée dans la position où elle est, jusqu'à ce que M. le prince Ferdinand ait quitté la sienne, ou partirai-je le premier, et à quelle époque? Comme je n'ai ni vue ni opinion particulière, et que je ne veux qu'exécuter ponctuellement les ordres^ je vais vous tracer les inconvénients de l'un et de l'autre parti, du moins tels que je les imagine; je me conformerai ensuite avec la plus grande exactitude à ce qui me sera prescrit. Si l'on s'opiniâ-tre à demeurer les derniers dans cette position, il est sûr que la cavalerie, déjà en très mauvais état, souffrira beaucoup ; elle a été très mal nourrie, pour la plus grande partie, l'hiver dernier; le commencement de la campagne a été très rude pour elle, et l'éloignement des lieux oti elle fourrage depuis longtemps a achevé de la fatiguer à un point excessif. Il est vrai qu'à commencer du 12, elle sera fournie du magasin deButzbach; mais, malgré cela, si les pluies viennent, il périra dans ce trajet une assez grande quantité de chevaux : cela ne peut se nier.

« Si on se détermine à replier l'armée sur Bulzbaeh et sur Fried-berg à l'époque du 18 ou du 20, il faudra prendre le parti ou de laisser une garnison dans Giessen, ou d'évacuer et démanteler cette place. Si on y laisse une garnison, le prince Ferdinand viendra peut-être en faire le siège ; il passera la Lahn et prendra un poste avantageux, où il serait très hasardeux de l'attaquer; il prendra Giessen derrière lui, et même en très peu de jours, s'il ne craint pas de brûler la ville, qui est toute en bois et où il n'y a aucun souterrain ni magasin d'aucune espèce. Giessen une fois en sa possession sans avoir été démantelée, elle lui servira de point d'appui, et

(1) D. G., Mémoires de Vanli, 1759, p. 29*.

il paraît difficile, lorsqu'il y sera établi, que le projet de garder Friedberg et de prendre des quartiers depuis Saint-Goar jusqu'à AVilbel puisse avoir lieu ; on ne pourra certainement pas les prendre tant que l'armée ennemie ne se sera pas séparée; il sera nécessaire que celle du roi reste rassemblée près de Friedberg, où le bois manque et où elle souffrira beaucoup. Il en sera à peu près de même en faisant sauter Giessen. Si, après que l'armée du roi se sera retirée, les ennemis passent la Lahn, ils obligeront de se tenir rassemblé à Friedberg jusqu'à ce qu'ils aient pris eux-mêmes leur parti, et l'armée souffrira alors davantage que dans le camp qu'elle occupe.

« Il n'appartient qu'à S. M. d'ordonner ce qu'elle jugera à propos que je fasse, et je l'exécuterai avec la soumission et l'exactitude la plus grande. Ces ordres portent sur trois points. 1° L'armée atten-dra-t-elle, dans la position où elle est, que les ennemis quittent la leur et prennent leurs quartiers ? 2" Se retirera-t-elle la première, à quelle époque et où la séparera-t-on? 3° Gardera-t-on Giessen, ou le fera-t-on sauter?

(( Vous trouverez ci-joint l;i copie de la lettre que j'ai reçue en arrivant ici de M. le marquis d'Armentières et de la réponse que je lui ai faite... Comme elle roule sur le ravitaillement ou l'évacuation de Munster et que ces opérations doivent être combinées avec les mouvements de cette armée, il me semble nécessaire que le roi prononce en même temps pour Munster et pour Giessen, et que vous fassiez savoir en droiture ses intentions à M. le marquis d'Armentières en même temps que vous m'enverrez ses ordres. »

Le maréchal de Belle-Jsle au maréchal (l''Eslrées{\].

>> Versailles, le 3 septembre 175!).

« S. M. approuve entièrement le plan que vous avez formé, M. de Contades et vous, de ne point chercher à aller attaquer l'ennemi pour donner une seconde bataille; mais aussi de ne pas l'éviter lorsqu'il sera question de conserver des positions nécessaires : 1° pour empêcher l'ennemi de pouvoir détacher du secours

(1) D. G.. Mémoires de Vault, 1759, p. 196.

pour la Saxe; 2" pour ne pas se mettre dans le cas de manger et consommer tous les fourrages de la Lahn et de la rive droite du Mayn, qui doivent nous fournir des subsistances pour nos quartiers d'hiver; 3° enfin pour ne pas laisser subsister plus longtemps le ton de supériorité qu'a pris l'ennemi et finir, du moins, cette campagne sur le pied d'une défensive vigoureuse et active.

«Si M. le prince Ferdinand continue de détacher des corps aussi hasardés que je l'ai vu faire les campagnes précédentes, vous trouverez, ce que j'espère, l'occasion de le corriger des entreprises hasardeuses qui lui ont réussi, mais qui peuvent aussi causer sa perte. Nous pensons, dans le fond, de même vous et moi, il n'y a que sur les formes respectives que nous ne sommes pas d'accord; car, en admettant que nos E. ne fussent qu'à 100 chevaux le jour du combat, quoique tous les états que l'on m'envoie soient plus forts. 83 E. feraient 8,300 chevaux ; il faut y ajouter 3 E. de Gendarmerie, de 120 chacun, et 6 E, des 6 régiments, que je ne comptais pas non plus, ce qui fait donc 9,200 combattants, et 20 E. de dragons, au moins 2,500. Tout cela forme un total de près de 12,000 hommes de cavalerie, et certainement M. le prince Ferdinand n'en a pas autant... Si les états que m'a envoyés à plusieurs reprises M. de Cornillon sont justes, comme il me l'assure, nous devons avoir 50,000 combattants, non compris les malades, les blessés, etc. Marburg, auprès duquel se trouve actuellement l'armée du roi, est une position qui remplit tous les objets, et je suis persuadé, intérieurement, que M. le prince Ferdinand est beaucoup plus occupé de vous en déplacer, pour se porter tout de suite sur sa gauche, que de s'enfermer sur la basse Lahn entre l'armée du roi et le Rhin, dont toutes les places sont dans nos mains ou dans celles de nos amis. L'état de faiblesse ou de crise où se trouve le roi de Prusse ne doit pas permettre à M. le prince Ferdinand de tourner ses vues du côté du Rhin; tout doit, ce me semble, l'appeler sur le Wéser et au delà, en conservant, s'il peut, toute la Hesse,àcause du landgrave... ))

Malgré les instances réitérées du ministre, M. de Contades crut devoir abandonner Marburg.

Le 4 septembre, l'armée quitte son camp de Gross-Seelheim, laissant Marburg et son château à M. du Plessis, avec mission de

s'y défendre jusqu'à la dernière extrémité, et s'établit à Mainzlar, derrière Loliar; M. de Broglie, sur la rive gauche de la petite rivière qui sejeltedanslaLahn àLoIlar. Le prince Ferdinand, suivant notre retraite, poussait des détachements dans la direction de Wetzlar, pendant que le prince de Holstein occupait notre ancien camp de Gross-Seelheim ; ce qui nous obligea, le 7, à porter i'armée à Anne-rod {{), derrière le ruisseau de Buseck, et à rapprocher notre gauche de Giessen.

Annerod offrait une très bonne position, couverte par les troupes légères dans les villages de Burkhardsfeld, Oppenrod, Grossen-Alten-Buseck et Wieseck. La réserve de M. de Broglie était, le 8, àMunchholzheim, sur le chemin de Wetzlar, sa droite à Du-denhoven, sa gauche à Heuchelheim, L'armée du prince Ferdinand venait d'être divisée en quatre corps, le 1®'' à Wetter, le 2'' sur la hauteur de Marburg, le 3" à Weimar, le A" à Langenstein.

Louis XV, désirant, avant tout, que ses généraux empêchassent le prince Ferdinand de renforcer le roi de Prusse, s'était engagé envers la cour de Vienne à occuper et à contenir toutes les forces alliées en Allemagne. Cependant M. de Contades se voyait dans l'impossibilité de s'y opposer.

« Si le prince de Holstein va en Saxe, disait-il, il ne me sera pas possible de le suivre. En cas qu'il marche sur Fulda pour me donner de l'inquiétude sur la Franconie, nous pouvons lui opposer un corps de même force en le faisant marcher sur le haut Mayn, Quoique le prince Ferdinand s'affaiblisse chaque jour, M. le maréchal d'Estrées pense, et je pense comme lui, qu'il ne me sera pas possible de l'attaquer sur les hauteurs de Marburg, ni de marcher en avant, M. de Peyre ne pouvant faire subsister l'armée sans faire un nouvel établissement. Fischer doit partir cette nuit de Grunberg avec toute sa troupe, pour suivre le corps

(1) Position et état de l'armée, le 1er soptembie 1759, à Gross-Scelheim, sur la rive f^auche de l'Olini, entre Amœneburg et Marburg :

Infanterie : 1'" ligne, 33; 2' ligne , 37; réserve, 11 ; au service de l'artillerie. 3 (84 B.).

Cavalerie : V ligne, 28; 2" ligne, 14; réserve, 18; dragons, 12 (72 E.)-

Troupes légères : légion Royale, corps de Fischer, volontaires de Flandre, de Dauphiné, de IJainaut, étrangers.

Réserve du duc de Broglie : à Holzausen, au-dessous de Marburg, rive gauche

du prince de Holstein, ne pas le perdre de vue et m'inslruire du mouvement qu'il fera. »

Tandis que nous reculions du côté de Marburg, nos affaires semblaient aller un peu mieux à Munster. L'ennemi avait été obligé de se retirer par suite de la belle défense de M. de Gayon. (D. G., 3522, 103.) Sommé de se rendre, M. de Gayon répondait au général commandant le corps de l'armée alliée devant Munster : (c Monsieur, je vois avec étonnement que toute votre artillerie est dirigée sur la ville et non sur les fortifications : c'est cependant par leur seule destruction que je puis être forcé de la rendre, et j'ai l'honneur de vous assurer, Monsieur, que l'embrasement de toutes les maisons de la ville ne m'engagera jamais â en abandonner les remparts. En réussissant à vous en rendre maître, il vous est plus glorieux de la trouver en état de vous fournir tous les secours qu'une ville de cette espèce renferme. Il n'est pas douteux, d'ailleurs, qu'un pareil exemple obligera le roi mon maître et ses alliés à des représailles toujours funestes. J'ai trop grande opinion de votre façon de penser, pour ne pas espérer que vous voudrez bien faire attention à ce que j'ai l'honneur de vous écrire. » (D. G., Mémoires de Vanlt, 1759, p. 648.)

Les Français ont toujours eu, on le voit, des idées spéciales sur la façon de bombarder les villes. Aussi M. de Gayon s'attira-t-il la réponse suivante : « Monsieur, S. A. S. M. le duc Ferdinand de Brunswick m'a détaché avec uncorps de son armée pour reprendre Munster. Si vous refusez de rendre cette place, vous serez responsable du malheur et delà ruine d'une ville que S.A. S. souhaiterait pouvoir ménager. J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite considération, etc. Gh. d'Imhof. »

M. d'Armentières, qui avait désespéré de pouvoir secourir la ville, s'empressa, le 6 septembre, d'annoncer ce succès à M. de Belle-Isle : « Les ennemis ont levé le siège de Munster seulement aujourd'hui. La tranchée a été ouverte dans la nuit du 26 au 27 août : ainsi cette place, très mauvaise, a tenu 11 jours de tranchée ouverte.

de l'Ohm, 18 B., 31 E. ; entre Giessen et "Wetzlar, Tiirpin et volontaires de Halle, 10 E. ;àHanau, 2; Francfort, 5-, Giessen, 2; Coblenlz, 1; Cologne, 4 (14 B.);au bas Rhin, 11 B., 4 E. — Total : 128 B., 136 E. (D. G., 3522, 9.)

« Pour vous rendre compte, Monseigneur, de ma conduite, j'ai eu rhonneurde vous écrire deBorcken. JevinscamperàCoesfeid. L'on m'annonça que les ennemis voulaient m'empêcher de faire lever le siège de Munster et venaient au-devant de moi, ce qui m'a fait marcher ce matin avec circonspection, fort déterminé à les combattre, s'ils étaient venus. »

Les inquiétudes, à Versailles, redoublèrent à la nouvelle de la retraite de l'armée derrière la Buseck; les ordres devinrent formels : il fallait ou combattre le prince Ferdinand, couvrir la Fran-conie et empêcher le prince de Holstein de joindre l'armée de l'Empire, ou se porter sur l'Elbe.

Jusqu'au 10, M. de Contades reste dans l'incertitude des projets de l'ennemi. Pendant notre mouvement sur Annerod, toute communication était interrompue entre Munster et leBbin, et M. d'Ar-mentières n'eut de nouvelles de M. de Gayon que le 6, lui annonçant la levée du siège de Munster, sa belle défense et sa fermeté contre le général Imhof. M. de Contades fait revenir à l'armée 1 E. de chacun des régiments de Colonel-Général, Mestre-de-Camp, Condé et Vogué, plus des hussards de Berchiny; il renvoie en France le fonds de ces régiments (1).

Il ne faut pas croire cependant que la question de la reprise de l'offensive préoccupât uniquement le ministère. On s'occupait aussi à celte époque de l'établissement de nos quartiers d'hiver. D'après le plan proposé par les maréchaux, il s'agissait de tenir nos principales forces sur le haut Rhin et de ne garder sur le Mayn qu'un corps peu élevé; mais le genre de guerre que l'on faisait en Allemagne tenait absolument aux intérêts de nos alliés^ à ceux des principaux électeurs et princes de l'Empire, et par conséquent était subordonné aux questions politiques. Aussi le duc de Choi-seul décida le roi à mettre le gros de l'armée sur le Mayn : ainsi il fut arrêté que 70 B., 88 E., avec 3 régiments de troupes légères, indépendamment des troupes saxonnes et de io B. wurtem-bergeois repris à la solde de la France, hiverneraient sur le Mayn et le haut Rhin, et que 35 B., dont 12 de milices, et 34 E., avec la légion Royale et 1 régiment de troupes légères, garderaient le bas Rhin. C'est ce que démontre l'extrait du mémoire du 10 sep-

(1) Camp d'Annerod. M. de Monteynard au ininistro. (D. G., 3522, 1()8.)

tembre et le mémoire sur l'emplacement des quartiers de M. de Choiseul.

Le maréchal cVEstrées au maréchal de Belle-Isle (1).

Cl Camp d'Aiincrod, le 10 septembre 1759.

« J'ai l'honneur de vous envoyer, Monsieur le maréchal, le mémoire dans lequel j'expose ce que je pense de notre position et des suites de la campagne. Je vois avec le plus grand déplaisir que cette situation s'accorde peu avec les autres projets; mais je trahirais la vérité, si je parlais autrement. L'ennemi n'attaquera pas, mais successivement il dépostera l'armée du roi de tous les postes qu'elle pourra prendre. Je conviendrai aisément que l'honneur des armes du roi exigerait qu'on pût avoir une autre conduite; mais que deviendrait cet honneur, si son armée achevait de périr avant la fin de cette campagne? C'est ce qui arrivera, si elle n'est aidée de plus puissants secours pour la réparer et pour la nourrir. Je sais tout ce que vous avez à me répondre; mais plus ces réponses sont légitimes, plus la situation est fâcheuse. Je vous prie de croire que je n'intimide pas l'armée par mes propos ni par ma contenance, et que M. le maréchal de Contades est aussi déterminé à combattre que moi, lorsque ce sera possible sans témérité. J'en reviendrai toujours à dire la même chose : où sera le fruit d'une bataille gagnée? quels seront les malheurs d'une bataille perdue? Pour reprendre un peu le ton, on a fait un détachement assez considérable aux ordres de M. le duc d'Havre, qui a replié au delà de la Lahn toutes les troupes légères qui étaient à la rive gauche; il n'y a eu aucun événement, le corps de la droite n'ayant pas marché d'assez bonne heure... »

Mémoire du maréchal d'Estrées (10 septembre) (2).

« Tant que le prince Ferdinand est à la rive droite de la Lahn, il est bien difficile de lui donner une détermination fixe. Il peut également marcher par Dillemburg sur Cologne, ou tenter de passer la basse Lahn à Weilburg pour se porter sur Ussingen. On sentira

(1) D. G., mémoires de Vault. 1759, p. 228.

(2) D. G., Mémoires de Vault, 1759. p. 694.

aisément que cette marche rappellerait promptement l'armée du roi à Friedberg; mais si, au contraire, il passe la Lahn entre Giessen et Marburg, il ne peut avoir que trois objets : le premier, de se porter sur l'abbaye de Fulda; le second, de combattre l'armée du roi; le troisième, de la prévenir à Aschaffenburg. Il est impossible de s'opposer au premier de ces mouvements; on combattra dans la seconde supposition; on ne peut parer à la troisième qu'en marchant par la droite à mesure que l'ennemi s'allongera par sa gauche. Si donc le prince Ferdinand suit ce dernier projet, ou veut déposter l'armée du roi de Giessen, il marchera à Lich. De ce moment il est indispensable de marcher à Friedberg, pour éviter d'y être prévenu. Ce prince aura alors à choisir de remarcher sur Giessen, ou de continuer sa marche vers Hanau et Aschaffenburg. Ce sont des faits qui ne peuvent être révoqués en doute et qui existent dans la plus grande vérité, quelque chose que l'on puisse dire. Au contraire, si l'ennemi se porte successivement sur le Mayn, du côté d'Aschaffenburg, on sera forcé de repasser cette rivière et d'aller au-devant de lui. Ainsi on peut être certain que par des marches successives, plus ou moins promptes, l'armée du roi sera contrainte de se porter sur Aschaffenburg. Si on pouvait y prévenir le prince Ferdinand et détendre le Mayn, alors ce général se reporterait en Franconie par Gelnhausen, et saris qu'il fût possible de l'en empêcher ni de le combattre, excepté au passage du Mayn, où il faudrait l'attaquer...

« On ne peut parer à tous ces projets qu'en mettant M. d'Armen-tières en état d'agir avec quelque activité sur la Lippe; il est certain qu'il affaiblirait le prince Ferdinand et ramènerait à peu près l'égalité entre les deux armées. Il ne faut pas s'abuser : on croit de loin l'armée du prince Ferdinand plus faible que celle du roi, et de près on est sûr qu'elle est plus forte On a été obligé de renvoyer 12 B. sur le Rhin et sur le Mayn, il faudra en mettre 2 dans Giessen; ce qui, joint aux autres détails dont on a déjà rendu compte, fait que l'armée du roi n'est pas de plus de 50 à 55,000 hommes... »

Les dispositions des quartiers d'hiver et les instructions ministérielles établissaient la base de conduite des maréchaux pendant le reste de la campagne et pendant l'hiver : empêcher l'ennemi de passer la Lahn, occuper des positions qui le tiennent loin du Mayn

et conserver Giessen. Ces ordres ne laissaient qu'un faible effectif pour la conservation de Munster. Le point important était de l'évacuer dans un moment favorable et de profiter de l'occupation pour tirer des contributions de l'Ost-Frise. Ainsi, malgré le triste exposé de la situation de notre armée (lettre du 10 au roi), nous devions tenir nos principales forces sur le Mayn, non seulement parce que les efforts du prince Ferdinand n'étaient pas tournés sur le bas Rhin, mais aussi par suite de la situation du roi de Prusse, qui venait de perdre la Saxe, parce que Dresde était occupé par les Autrichiens et les Impériaux, enfin parce que l'Impératrice se proposait de concentrer des forces considérables en Saxe, en vue de la campagne d'hiver. Cependant le prince Ferdinand n'attendait plus que la prise du château de Marburg, qui capitula (1) dans la nuit du 10 au 11. A la suite de celte occupation, le prince de Hclstein quitta Frauenberg du 11 au 12, rejoignit l'armée à Nieder-Weimar, et M. de Freylag s'avança à Lollar, Daubringen, Mainzlar et AUendorf, d'où il fut repoussé par nos troupes légères, en laissant des prisonniers. Le prince Ferdinand renforçait sa droite, et comme M. de Broglie restait toujours éloigné pour assurer nos communications, M. de Bauffremont occupe Klein-Linden, la Lahn devant lui (2). En même temps, Giessen recevait des approvisionnements, et le camp d'Annerod se couvrait de redoutes et d'abalis.

Dans la nuit du 18, l'armée ennemie campe à hauteur de Stau-fenberg, et son corps avancé àWissraar pénètre dans Welzlar, d'oii il est chassé par M. de Broglie. Les troupes ennemies sur la Dille augmentèrent considérablement le 19; c'est alors que, le 20 (3), M. de Broglie, sur les hauteurs de Wetzlar, s'opposa à leur passage de la Lahn. Wetzlar restait imprenable tant que nous tenions notre position; mais le manque de fourrages pouvait forcer notre retraite sur Friedberg, peut-être sur Bergen.

Ces considérations firent transporter, le 22, notre camp à Klein-Linden (4), pour revenir au champ de bataille préparé à Annerod,

(1) Journal de la défense, p. 240. M. duPlessis, lieutenant-colonel de Piémont.

(2) D. G., 3523, 49.

(3) 12 septembre, camp d'Annerod : brigades de Champagne, Belzunce, régiments de Caraman, Turpin, volontaires de Halle. (D. G., 3523, 45.)

(4) 20 septembre, camp d'Annerod. 'D. G., 3523, 71.)

par ia droite ou par la gauche, rejoindre M. de Broglie. Le même jour, M. de Luckner passe la Lahn, au-dessous de Braunfels, pour atteindre Weilburg et ensuite Ussingen. Ce dernier point était très rapproché de notre communication avec Francfort et surtout avec Friedberg; aussi M. de Ghabo fut-il dépêché à Butzbach le 23, et l'armée fit le lendemain son mouvement sur Rlein-Linden (1).

Le passage de la Lahn n'amena aucun résultat important. Luckner n'eut d'autres succès que celui de prendre quelques cavaliers à Ussingen, et de s'emparera Rodheim des équipages et éclopés des volontaires de Nassau; il se retira ensuite par Limburg, et MM. de Ghabo et Bellefonds protégèrent le convoi.

Comme il s'agissait d'assurer la communication avec nos derrières contre les entreprises des troupes légères ennemies, M. de Ghabo reste à Ussingen avec la légion Royale et les volontaires de Muret; et, pour servir de point d'appui à ces troupes, 3 B. et 4 E. sont laissés à Friedberg. D'un autre côté, cette communication se trouva également couverte par les postes de M. de Broglie à Brand-Oberndorff, Gross-Seelbach, Neukirchen sur la Solms. La troupe de Fischer remplace la légion Royale à Alt-Buseck, en avant de la droite (^).

Les deux armées restaient en présence, séparées par la Lahn, chacune attendant un moment favorable pour combattre.

A l'égard de Munster, les nouvelles instructions exprimaient plus encore que par le passé le désir de conserver cette ville. M. d'Ar-mentières, malgré cette incertitude, avait approvisionné la place, afin de s'y maintenir l'hiver, profitant, depuis sa retraite à Wesel, de courses dans le comté de la Marck pour en tirer des subsistances

(1) 21 septembre. (D. G., 3523, 79.)

(2) État de Vannée et de ses positions, le 25 septembre. — Il y avait la gauche à Klein-Liiulen, la droite à Aimerod, Fischer à Allbruck, volontaires de Hainaut à Vieseck, volontaires de Flandre et étrangers à Gross-Buseck, ceux de Dauphinéà Oppenrod, 70 B., 72 E.; M. de Broglie à Muncholzhausen, 17 B., 41 E.; les volontaires de Halié, les 6 E. de Turpin et 4 de Nassau; M. de Porail, brigadier, à Friedberg, 2 B., i E.; M. de Chabo à Ussingen avec la légion Royale; bataillons de garnison, 20 B.; au bas Rhin, M. d'Armentières etles volontaires de Clermont, 18 B., 16 E. Total : 127 B., 133 E.

Le total de l'infanterie est de 127, au lieu de 128, par le renvoi en France d'un des 2 B. de Bouillon ; le total de la cavalerie est de 133 , au lieu de 121, par suite des 12 E. arrivés au bas Rhin.(lVI. de Monteynard). (D. G., 3523 , 124.)

et de l'argent; il cherchait à refouler M. d'ImhofversLippstadt. Avec la cavalerie arrivée de France à Dusseldorf et ce qu'il tira de Cologne, il marche, le 21, de Wesel à Dorsten, avec des détachements sur Haltern et Unna. C'est à Dorsten qu'il reçut de M. de Belle-Isle sa lettre du 15, lui donnant ordre d'évacuer Munster et le laissant maître de son expédition dans l'Ost-Frise.

Le ^2, son corps arrive de Dorsten à Recklinghausen, le 23 à Lunen (1), enlevant des otages à Hamm, Soest et Unna, mais sans réussir à s'emparer des principaux membres des régences, réfugiés à Lippstadt. Les dispositions du général Imhof, recevant des renforts considérables, l'engagèrent à ne pas trop s'éloigner du Rhin, et, le 24, l'ennemi occupanlLudinghausen, après avoir quitté Telgte, et s'avançant sur Ahlen par Dreiteinfurt, M. d'Armentières pensa ne pas devoir s'éloigner davantage de Cologne. Il lui devenait donc impossible de s'approcher de Munster, approvisionné jusqu'au 15 décembre, car il avait résolu de ne se commettre que dans un cas avantageux. Le 30 seulement, il put faire entrer dans cette place des approvisionnements; le o octobre, il rentrait à Dorsten.

Depuis le 22 septembre, les maréchaux étant restés sur la défensive, et le prince Ferdinand ne pouvant nous attaquer dansune position si avantageuse, il devenait urgent de conserver Giessen, d'une grande influence pour l'emplacement de nos quartiers sur le Mayn. Les subsistances n'étant assurées que jusqu'au 15, c'était l'époque oîi l'on pouvait prévoir qu'il serait urgent de se séparer de cette ville ; en acceptant d'avance sa démolition, on y travailla sur-le-champ. Ce parti fut approuvé dans le conseil tenu à Versailles le 17, en présence de M. de Broglie, appelé pour recevoir ses instructions relatives au commandement de l'armée pendant l'hiver.

Le prince Ferdinand, tout en paraissant rester immobile, détachait 6 régiments d'infanterie et 2 de cavalerie sur la Westphalie. Cet envoi de renforts, à la date du 10, fit occuper Roxel, position qui permettait au général imhof d'ouvrir ses communications autour de Munster par la rivière d'Aa et d'occuper Albachten et Ap-pelhusen. C'est alors que M. d'Armentières reçut de l'armée du Mayn 2 brigades d'infanterie, 2 de cavalerie et le corps de Fischer;

(1) Camp de Klein-Linden, 23 septembre. M. Lamy de Chûlelaii ministre. (D. G. 3523, 103.)

on y joignait 6 B. Une fois assuré de leur embarquement sur le Rhin, il se mit à même de secourir Munster dès leur arrivée (1).

M. d'Armenlières était bien décidé à tout entreprendre pour forcer M. d'imhof à se retirer, même à le combattre avec l'infériorité de ses forces. La conservation ou l'abandon de Munster laissait toujours quelque incertitude, et il ne savait s'il fallait seulement ravitailler Munster, approvisionné jusqu'à la fin de janvier, y laisser la garnison telle qu'elle était, l'augmenter, ou, enfin, s'il devait profiter d'un événement heureux pour l'évacuer. Les ordres que jusque-là il avait reçus à ce sujet n'étaient point positifs et laissaient voir de la part du roi une tendance à évacuer la place plutôt qu'à la garder. Cependant M. d'Armentières, de concert avec M. de Voyer, avait depuis longtemps cherché à faire ressortir tous les avantages que l'on en retirerait pendant l'hiver et tous les inconvénients qui résulteraient d'une évacuation; mais la raison politique devait l'emporter ; Munster allait être délaissé.

M. d'Armentières au maréchal de Belle-Isle.

" Wolen, le 2 octobre 1759.

« Le 30 au soir... je vous rendais compte que jusqu'alors je n'avais pas de nouvelles bien certaines des ennemis. A 11 heures, il m'en arriva et j'appris qu'ils étaient campés en trois corps : l'un, ayant sa gauche au canal, pouvait me faire craindre qu'ils ne cherchassent à empêcher l'entrée du convoi. En conséquence, je donnai ordre à M. d'Auvet d'en faire la tête avec ses troupes; je l'avais renforcé dès la veille d'un détachement aux ordres de M. des Gars.

(( M. de Testu (2) ouvrit, pendant la nuit, une marche pour cou-

(1) État des troupes envoyées dans le bas Rhin par ordre du 19 : brigades Wal-ilner et Planta, canonniers d'Invillicrs, service de 200 voitures, régiments d'Orléans et de Damas, corps de Fischer, le 20, à Ober-Weisel; 21, à Kamberg; 22, à Kat-zenelbogen; 23, séjour; 24, à Braubach et Ober-Lahnslein ; 25, à Wcissenlhurn. (D. G., 352'i, 206.)

(2) Teslu (François), comte de Ballincourt, né en 1687, mort en 1766; frère du maréchal (voir tome II, page .518), qui n'eut pas de postérité; entre au service en 1682 ; en Espagne jusqu'en 1714; mestrc de camp, 1722 ; lieutenant général, 1748 ; fait toutes les campagnes d'Allemagne et de Flandre.

Son fils, Charles-Louis, né le 30 mars 1729; inous(|uetaire, 23 février 1744 ; capi-T. IV. 30

vi'ir le flanc droit du convoi, et dans cet ordre nous marchâmes. La crainte que j'eus que quelques coups de fusil, pendant la nuit, ne causassent une désertion totale dans les paysans, me détermina à arranger ma marche de manière qu'il n'arrivât au point oii il pouvait être attaqué qu'au jour. La marche du convoi s'est faite fort tranquillement. Sur les 8 heures, je commençai à entendre des coups de fusil sur ma droite dans la direction des volontaires de Clermont, qui couvraient mon flanc droit. M. de Com-meyras me fit dire en môme temps qu'il était attaqué. Il perdit cependant fort peu de terrain... Je le fis renforcer par des dragons... Je fls ensuite ma marche fort tranquillement sur Roxen , et l'on m'envoya un officier pour me rendre compte que le convoi entrait dans la place, mais que les ennemis étaient en bataille à la tète de leur camp, qu'ils paraissaient même s'y fortifier. L'incertitude des mouvements ultérieurs qu'ils pouvaient faire et la confiance que j'avais dans la reconnaissance que ferait M. de Voyer me déterminèrent à le prier de donner un temps au galop jusqu'à Munster, où il fut accompagné par M. de Valogny. Je priai en même temps M. de Voyer de voir s'il ne serait pas possible d'entreprendre sur eux, trouvant que je n'en faisais pas encore assez, quoique j'eusse rempli ma mission. »

m. de Gayon au maréchal de Belle-hle (1).

■ Munster, le 1" octobre 1750.

« Le 5 de ce mois, je suis sorti avec M. de Boisclaireau et un gros détachement d'infanterie avec 3 pièces de canon, et me suis porté en avant sur le chemin de Roxel, jusqu'au ruisseau derrière lequel les ennemis avaient un petit camp de cavalerie et d'infanterie. J'ai fait canonner le camp pendant une heure et demie, et après nous sommes rentrés.

« Hier, 16, M. de Boisclaireau ayant reconnu depuis quelques

laiae dans Beriy, 1748; colonel des grenadiers de France, 5 septembre 1749; mes-tre de camp de Ballincourt (cavalerie), 1759 ; blessé à Minden; brigadier, 23 juillet 1762 ; maréchal de camp, 4 janvier 1770; mort en 1794.

Cette famille, qui remonte à Henri IV, par qui Philippe Testu fut fait chevalier à Ivry, n'a pas cessé jusqu'à ce jour d'avoir des enfants dans l'armée.

(1) D. G., 3524. 194.

jours la position d'un camp des ennemis, sa force, ses postes, les débouchés pour se porter sur lui, je lui confiai un détachement pour se porter avant le point du jour au débouché de la bruyère. Ce camp était composé de 2 B. et de 2 E. M. de Boisclaireau est arrivé sur le camp, par les sages dispositions qu'il avait prises, sans être aperçu; il est tombé avec la moitié de son infanterie sur le B. de la gauche, pendant que M. de Cavanac tombait sur la cavalerie. On s'est emparé des armes aux faisceaux et des chevaux au piquet; tout a été pris, tué ou mis en fuite. M. de Boisclaireau a ramené des prisonniers; on a mis le feu au camp, et la retraite s'est faite en très bon ordre. »

Le maréchal d'Estrées au maréchal de Belle-Isle.

« Camp de Klein-Liiiden, 2."; octobre.

« Notre cavalerie est furieusement fatiguée et toutes les troupes à cheval, excepté la légion, sont, pour ainsi dire, nulles. Les volontaires de Hainault, Liégeois, de Flandre et Dauphiné, ne sont pas 800 chevaux. » (D. G., 3524, 262.)

Pour être prêt à l'exécution de son projet de marche au moment où toutes les troupes qu'il attendait seraient arrivées aux points indiqués, M. d'Armentières s'avance, le 25, à Bockum (1), oij il avait plus de facilités qu'à Dorsten pour vivre du pays de la Marck et faire rentrer une partie des contributions imposées; mais 3 régiments d'infanterie et 2 régiments de dragons ennemis venaient d'arriver à Arnsberg et marchaient vers Munster. II lui était impossible de les prévenir, car il voyait maintenant au général Imhof une supériorité trop décidée pour risquer une action et dégager la garnison de Munster. Cette situation l'engagea à deman-

(1) Position de M. d'Armentières, le 26 octobre : MM. de Commeiras. volontaires de Clermont, à Dorsten et Marie ; le chevalier de Meaupou, détachements de Touraine, dragons de Thlanges, à Bork ; de la Chassagne, 3 E. de Bauffremont, à Kastrop; détachements d'infanterie et dragons, à Essen; 1 E. de Bauffremont, à Dortmund.

Camp deBockum : la Couronne, 2; Provence, 2; Jenner, 2; Reding, 1; Lockinan, 1 (8 B.); Royal, 2; Seisselles, 2; Fleury, 2; des Cars, 2 (8 E.) ; M. d'Argence, avec des dragons et de l'infanterie, entre Unna et la Ruhr. (D. G., 3525, 12.)

der de nouveaux ordres, en exposant que, s'il était réduit au seul objet de retirer la garnison sans se commettre à une action, le succès de cette opération ne pouvait dépendre que de l'accord des mouvements de cette garnison avec les siens, ce qui devenait fort équivoque (1), les troupes attendues ne le rejoignant que le 6 novembre. Il attendit à Bockum, s'occupant pendant celte inaction à l'enlèvement des fourrages, à recouvrer des contributions et à porter des détachements sur Unna, Dortmund et Schwert.

Pendant que M. d'Armentières manœuvrait ainsi, les maréchaux, fatigués de leur fausse situation, attendaient avec impatience M. de Broglie, qui arriva le l"'' novembre à Francfort, et le 2 à Klein-Linden. MM. de Gontades et d'Estrées recevaient en même temps l'ordre de quitter l'Allemagne, ainsi que tous les officiers généraux plus anciens que M. de Broglie. MM. de Monteynard, Fumel et Cornillon sont remplacés par MM. le comte de Broglie, Beizunce et Lamelh. Le premier soin du nouveau général fut de s'occuper des fourrages dans un travail qu'il fit avec M. Gayot. Comme la cavalerie (2) avait déjà beaucoup souffert, et que la saison déjà avancée la détruirait entièrement, si elle restait chargée des transports, il l'avance à Butzbach, et porte à Gemunden (3) le corps du duc de Wurtemberg, en attendant des ordres positifs à l'égard de Giessen.

Cette question avait déjà été traitée si amplement, pendant le séjour du duc de Broglie à Versailles, que le maréchal de Belle-lsle, par une lettre du 10 novembre, se contenta de lui observer que, comme il connaissait l'importance de la conservation de celte place et les inconvénients de la laisser entre les mains des ennemis, le roi s'en rapportait entièrement au parti qu'il prendrait; mais que, dans le cas oîi il serait obligé de s'éloigner de Giessen plus tôt que

(1) Voir la dépêche (le M. d'Armentières au maréchal de Belle-lsle, du 30 octobre.

(2) Le duc de Broglie au ministre.

« Klcin-Lindeii, 5 novembre.

" La cavalerie est dans un état pitoyable, et le froid, assez vif depuis quelques jours, fait beaucoup de mal aux chevaux. Le manque de fourrage m'inquiète; les hommes souffrent moins, ayant du bois et bien baraqués. » (D. G., 3525, 36.)

(3) M. de Broglie au duc de Wurtemberg. Klein-Linden, 3 novembre. (D. G., 3526, 3 bis.)

le prince Ferdinand, il ne devait point hésiter à évacuer entièrement la place et à détruire ses fortifications.

Leduc de Wurtemberg arriva à Gemunden le 11. La rigueur de la saison l'obligea à faire cantonner ses troupes; cependant ses hussards s'avancèrent sur la Rintzig et le corps devait se rendre à Fulda le 19 ou le 20. Ce mouvement avait pour objet d'attirer l'attention de l'ennemi, et M. de Broglie l'appuya et établit une communication assurée ; c'est ainsi qu'il envoya M. de Nordman, brigadier, avec 500 hussards, surHirschfeld, et les volontaires de Nassau dans la vallée delà Kintzig (1); il porta en même temps de Hanau à Aschafl'enburg 0 B. saxons, avec ordre de s'avancer jusqu'à Gemunden pour assurer la retraite du duc de Wurtemberg, si elle devenait nécessaire.

M. d'Armentières avait instruit le duc de Broglie de sa situation, autant pour l'engager à contenir le prince Ferdinanil que pour lui faire part de ce qu'il pensait sur l'abandon ou la conservation de Munster. M. de Broglie était tout aussi persuadé que lui des avantages de la possession de celle place pendant l'hiver, et M. de Beile-Isle, en recommandant de ne pas l'évacuer trop tôt, espérait qu'un événement heureux donnerait les moyens de la garder. C'est dans cet ordre d'idées que le roi, moins inquiet que M. d'Armentières des nouveaux renforts qui arrivaient au général Imhof, pensait que c'était peut-êlie un moyen favorable pour y parvenir. Le prince Ferdinand s'affaiblissait journellement, et M. de Broglie, devenant, au contraire, plus fort par la jonction des troupes du Wurtemberg, pouvait, sans crainte de trop s'affaiblir, envoyer de nouvelles troupes à M. d'Armentières pour le mettre en état de combattre avec avantage et de délivrer la Westphalie, ou au moins de prolonger le séjour de nos troupes dans Munster jusqu'à ce que les ennemis se fussent déterminés à prendre leurs quartiers dans des pays plus recultîs.

Le maréchal de Belle-Isle, en faisant part de ces considérations au commandant de l'armée du bas Rhin, les adressait en même temps au duc de Broglie, qui avait à concourir au succès de ce nouveau projet; mais ce général était loin de songer à se sé-

(1) Voir l'extrait de la lettre du due de Broglie en date du 3 novembre, et celle du 9.

parer du moindre de ses bataillons et répondait, le 9, au ministre : « Je ne vois pas qu'il me soit possible dans ce moment de songer à me dégarnir devant le prince Ferdinand. Il m'a paru qu'on était persuadé à Versailles, pendant le séjour que j'y ai fait, que la conservation de Giessen était encore préférable à celle de Munster, et qu'il ne serait pas raisonnable de s'affaiblir ici, par l'envoi d'un corps de troupes sur le bas Rbin, sans être assuré que ce prince y en eût fait passer un qui le mît hors d'état de pouvoir entreprendre dans cette partie. Cela m'a toujours semblé d'autant plus convenable que, par le grand détour que les troupes qui partent d'ici, pour se rendre sur le bas Rhin, sont obligées de faire, et la position centrale oii se trouve M. le prince Ferdinand, il pourrait se faire qu'il attaquât et battît l'armée ainsi diminuée, et qu'il eût encore le temps ensuite défaire joindre M. le général Imhof par un gros détachement de ses troupes avant que les nôtres n'eussent joint M. d'Armentières. Ce malheur, s'il arrivait, entraînerait nécessairement la perte de Giessen et rendrait nos quartiers entre la Lahn et le Mayn impossibles , et, peut-être, ceux derrière cette dernière rivière bien difficiles à prendre. Vous devez être persuadé, Monsieur le maréchal, que je ne négligerai rien pour être instruit des mouvements des ennemis; que, dès que je verrai jour à pouvoir envoyer sur le bas Rhin les troupes qui y sont destinées, je ne perdrai pas un moment à les faire partir, et que j'accélérerai leur marche le plus qu'il sera possible en les faisant embarquer à Co-blentz. ))

Il se contenta d'allonger des bataillons jusqu'à Kamberg, et ordonna de tenir prêts, à Coblentz et à Rhinfeis, les bateaux nécessaires à l'embarquement des troupes, si les circonstances leur nécessitaient de descendre le Rhin.

M. d'Armentières quittait Bockum le 5, sur l'avis que la grosse artillerie était partie de Lippsladt. Apprenant toute l'importance de Munster, il marchait à Dorsten le 8, plus à portée d'attaquer l'ennemi dans ses projets de siège et de ravitailler la place. Cet état de choses rengage à prolonger son séjour à Dorsten, attendant que les circonstances ou les ordres de Versailles le déterminassent à un mouvement; et comme la saison devenait de plus en plus rigoureuse, il baraque son infanterie et cantonne sa cavalerie dans les environs du camp.

Dans la nuit du 9 au dO, l'ennemi ouvre la tranchée devant Munster, entre la maison des Jésuites et la porte Sainte-Égide. Le 12, cette redoute est attaquée sans succès. Ces différentes nouvelles décident la marche de M. d'Armentières le 14. Il campe, le 16, à Haltern; le 17, à Seppenradt. Les grenadiers dirigés sur Luding-hausen apprirent que le rassemblement d'Appelhusen s'était replié sur Roxel et Albachten.

Le 18, il s'avance sur Senden, et Fischer enleva, le 19, le village et le château d'Albachten, que l'ennemi ne put reprendre malgré ses tentatives. Bien résolu à ne pas quitter le camp de Senden, il se proposait de s'avancer sur Munster, de s'établir derrière l'Aa dans les bruyères de Roxel, prescrivant à M. de Gayon d'évacuer dans la nuit du 19 au 20, et ainsi terminer la campagne par cette entreprise hardie, lorsque, le duc de BrogUe réclamant des renforts, on lui annonça qu'il ne devait plus conserver aucune espérance de sauver Munster, mais chercher seulement une occasion d'en retirer la garnison. En présence de la force et de la position des ennemis, M. d'Armentières, perdant tout espoir de délivrer la garnison, se replie, le 20, de Senden à Seppenradt et se rend le lendemain à Dors-ten, d'où il se proposait d'entrer dans ses quartiers d'hiver. Mais la garnison s'étant rendue le 21, après avoir obtenu les honneurs de la guerre, voyant qu'il n'aurait plus aucune influence sur l'ennemi, considérant la difficulté de subsister à Dorsten et le danger d'être obhgé de replier le pont de Wesel par les glaces, il fait passer le Rhin, le 24, à la plus grande partie de son corps. M. de Maupeou marche à Cologne ; M. d'Auvet reste à la rive droite du fleuve, à Mett-man, pour couvrir le duché de Bergh et être en état de se porter en avant, si les circonstances l'exigeaient (1).

Le marquis d'Armentières au maréchal de Belle-lsle.

« Seppenradt, le 20 novembre l"o9.

« Je me portai avant-hier d'ici à Senden; je poussai, le même jour, Fischersur le chemin d'Albachten. Cette direction était la plus praticable, d'ailleurs plus militaire, parce que, en débouchant par Senden, je me portais directement sur la gauche de M. Imhof, retiré

(1) D. G., 3525, 204.

à mon approche, le 17, d'Appelhussen à Schappdetlen et, le 18, à Roxen.J'y trouvais aussi l'avantage que, dans tous les cas, j'assurais ma retraite par le seul débouché que les ennemis n'avaient pas rendu inabordable.

(( Hier, 19, je détachais M. de Maupeou en avant de Senden, sur ma gauche, dans l'objet de soutenir le corps de Fischer, chasser les ennemis d'Albachten et y prendre poste, ce qu'il a très bien exécuté. Le château et le village ont été emportés. La perte des ennemis a été considérable. Nos troupes établies dans le village d'Albachten, les ennemis se sont présentés en force pour le reprendre; mais notre canon les a toujours arrêtés. Une heure après la tombée de la nuit, ils ont recommencé à canonner le village, et ils ont fait jusqu'à 10 heures plusieurs attaques et tentatives toujours inutiles. Cette opiniâtreté de leur part m'avait donné quelque espérance qu'ils songeaient à repasser la Werse et que, tandis qu'ils me présentaient cette tête, ils faisaient filer par Ladbergen leur artillerie et leurs bagages.

« Pour être averti de leurs manœuvres dans cette partie et pour éclairer ma droite, je détachai aussi, le 19 au matin, M. Dauvet.

« Ce qu'il y a de bien constaté, c'est que, dans tous les cas, au moyen de la communication qu'ils ont établie autour de Munster, j'aurais été forcé de décrire un cercle plus grand que le leur; en outre, ils auraient toujours été les maîtres de me masquer leurs mouvements et se seraient présentés en force sur tous les points que j'aurais pu ou voulu attaquer. Les seuls faits que je puisse vous assurer, Monseigneur, avec une sorte de probabilité, c'est qu'à mon arrivée les ennemis ont suspendu le siège de Munster, qu'ils ont renvoyé partie de leur artillerie derrière la Werse. Quoique je n'aie pas trouvé les ennemis divisés, comme je pouvais l'espérer, et qu'en conséquence je pusse regarder comme un allégement pour la garnison de les avoir forcés à se rassembler, je vous avouerais cependant que j'ai été au moment de prendre mon parti et de me porter sur Roxel par une marche de nuit, avec le projet de percer, à la pointe du jour, tout ce qui seseraitprésentédevant moi. J'en étais d'autant plus tenté que les troupes montraient beaucoup de bonne volonté; mais l'assujettissement oti j'étais de conserver mon seul débouché de Senden m'a arrêté ; des combinaisons justes et démontrées m'ont fait craindre que, de Roxel voulant me retirer par Notluln ou par

Dulmen, je ne fusse arrêté tout court dans mes mouvements. Les obstacles multipliés qui m'ont empêché de marcher à eux par ces deux points auraient trop retardé ma marche, si j'avais été obligé de m'en servir pour ma retraite; j'étais d'ailleurs nécessairement forcé de renoncer à l'idée de ravitailler Munster : j'étais Irop loin de la supériorité qui m'eût été nécessaire pour exécuter le projet de M. de Voyerà cet égard, et lui-même, malgré le désir qu'il en a, convient de l'impossibilité d'y parvenir, vu les circonstances. Toutes ces réflexions m'ont fait sentir de plus en plus la nécessité de ne point abandonner la position de Senden, et je n'ai pas cru devoir hasarder un combat, toujours douteux, dont le succès ne m'aurait mené qu'à retirer la garnison.

« Il est bon de vous faire observer encore que j'ai eu nouvelle, le 17, et confirmation de deux côtés, le 18, que des troupes parties de l'armée du prince Ferdinand étaient en marche pour ce pays-ci; que M. le prince héréditaire les commandait et que la tête était hier, 19, en avant de Hamm. Je n'ai rien négligé pour faire passer à M. de Gayon des officiers pour lui indiquer les points que j'occupais, afin qu'il tentât de venir me joindre avec sa garnison. J'ai enfin pris le parti de me retirer par mon unique chemin sur Dorsten, et me suis mis en marche aujourd'hui à midi, après avoir eu confirmation que les ennemis tenaient dans leur position et qu'ils en retranchaient les avenues et les débouchés, et qu'enfin j'avais opéré ce que vous désiriez ardemment de moi, qui était de faciliter, par une grande diversion, à l'armée de M. le duc de Broglie les moyens de prendre ses quartiers.

(1 Vous voyez. Monseigneur, que j'ai rempli autant qu'il était en moi toutes vos intentions, puisque enfin je n'ai pris le parti de la retraite qu'après avoir reçu de M. de Gayon le billet ci-joint ; que je dois par mes manœuvres d'avoir retardé la prise de Munster de plusieurs jours; que j'ai obligé les ennemis à suspendre leur siège pour m'opposer toutes leurs forces; et qu'enfin j'ai réussi à la seule attaque que j'ai tentée, qui est celle du village d'Albach-ten, que nous avons tenu tant que nous avons voulu. Vous n'ignorez pas que je n'ai marché que par vos ordres, sans me flatter d'un grand succès, et après avoir prévu, dit et annoncé toutes les difficultés, lesquelles cependant ne m'auraient certainement pas arrêté,

si vous m'aviez ordonné de tout hasarder aussi positivement que vous m'avez prescrit le contraire.

« Le 17, on a proposé à M. de Gayon tous les honneurs de la guerre, qu'il a refusés. »

Copie du billet de M. de Gayon.

« Mon général, au cas que vous ayez reçu mon petit billet d'aujourd'hui à 1 heure après midi, je vous prie de n'y pas faire attention : nous comptions sur une ressource qui nous a manqué-L'ennemi est en force depuis Roxel jusqu'à la Werse; malheureusement je n'ai reçu votre billet qu'à 5 heures du matin. J'ai entendu dans la journée votre canon tirer du côté de Roxel, et même de la fusillade. J'espère fort avoir de vos nouvelles ce soir. J'aurais bien désiré pouvoir donner la main à Roxel, mais M. de Boisclai-reau, qui n'est pas timide, juge la chose impossible ; aussi notre espérance est en vous. Les batteries des ennemis tirent toujours des bombes, mais peu de canon depuis la nuit. Vous savez notre situation, le temps ne la bonifie pas; l'ennemi, jusqu'à présent, chaque jour, a augmenté son feu. Si je n'ai pas de vos nouvelles, je me conduirai suivant les circonstances.

« De Gayon. »

Le prince Ferdinand, resté sur la défensive, avait, par les renforts du général Imhof, rendu son armée à peu près égale à la nôtre. Le 15, M. de Broglie cantonne sa cavalerie dans les environs du camp, en détache sur France, ainsi que la moitié du corps saxon de Hanau sur Wurtzburg.

L'ennemi profitait de la prise de Munster : le 27, le général Imhof s'approcha de la Lippe sur Wipperfurthle. Le même jour, M. de Broglie fut informé du mouvement du prince de Holstein-Gottorp vers Fulda. Le duc de Wurtemberg s'y trouvait le 21, son infanterie placée le long de la Fulda jusqu'à Hersfeld, ses hussards àRothenburg, des détachements à Schlitz; M. de Nordman était à Lauterbach, et M. de Wurmser à Herbstein et Grainfeld.

Le 29, M. de Nordman (I), entouré, se retire à Schlitz, et 1 ré-

(1) Voir la relation de Nordman. (D. G., 35;>5, 187.)

giment tout entier de cuirassiers y est très maltraité. Le prince de Wurtemberg, attaqué, le 30, parle prince héréditaire, vit tous ses grenadiers tués, et 1 B. d'infanterie resta prisonnier; il fut obligé de se retirer en toute hâte sur Bruckenau. Le général Wolf, à Hersfeld, ne le rejoignit qu'avec beaucoup de peine par Tann et Milzeburg. (D. G., 3525, 303.)

Le prince héréditaire ne poursuivit pas son succès : il se replie le 2 décembre, et, le 1", le prince de Holstein, soit pour favoriser cette retraite, soit pour inquiéter M. de Broglie, arrive à Grunberg. Le 5, l'armée quitte son camp de Klein-Linden pour Bulzbach(l). La marche ne fut pomt inquiétée, quelques troupes légères seulement parurent en avant des cantonnements de Nieder-Cleen et d'HoIzheim, occupés par MM. de Grandmaison et de Schomberg. M. de Vioménil, à Laubach, fut obligé de se retirer à Munzen-berg.

Le 6, l'armée prend ses cantonnements dans les environs de Friedherg, Butzbach restant occupé par M. de Saint-Germain, et M. de Vogué arrive à Limburgle 15 (2). L'ennemi passa la Lahn avec presque toute son armée; il semblait devoir couvrir le siège de Giessen, ayant le choix d'une belle position, qui le rendait d'autant plus en sûreté par l'affaiblisse ment de notre armée, tandis que le prince Ferdinand était augmenté du corps du prince héréditaire et de celui d'Imhof; M. de Broglie songeait à se replier sur Friedherg. C'est alors que M. d'Armentières l'entretenait d'une diversion qui forçât l'ennemi à entrer dans ses quartiers d'hiver, en l'inquiétant sur son flanc gauche par Crainfeld et Herbstein.

Effectivement quelques régiments se mirent en marche le 12; mais le mouvement fut arrêté le lendemain par les glaces, Fischer seul s'avança à Hotlingen. Le maréchal de Belle-Isle s'attachait par les plus grands efforts à relever le triste état de notre armée : pour suppléer aux fonds qui lui manquaient et assurer les différentes parties du service, il emprunta à la ville de Marseille, en son propre nom, une somme considérable. Jamais les finances n'avaient été dans un état aussi critique; jamais peut-être une armée ne s'était trouvée dans une situation plus dangereuse, et les

(1) M. de Plinctiamp. Klein-Linden, 4 décembre. (D. G., 3526, 34.)

(2) Duc de Broglie au duc de Wurtemberg, 6 décembre. (D. G.. 3526, 71.)

représentations que le ministre de la guerre faisait journellement au conseil sur la pauvreté du trésor de la guerre n'avaient aucun succès qui pût faire espérer un prochain changement : sa situation et celle du général de l'armée étaient donc également embarrassantes et malheureuses. La seule lueur d'espoir qui restât à M. deBroglie était la diversion par Hachenburg, et il pressa M. d'Armenlières de ne rien négliger pour l'entreprendre. Les difficultés étaient toujours grandes; mais heureusement, le 21, le dégel les fît cesser, et, le 23 (1), les troupes se mettaient en route.

M. d'Armentières apprit en ce moment que le général Imhof, qui occupait Soëst depuis quelque temps, se préparait à entrer dans 'le duché de Bergh, et, en annonçant son mouvement du 26 à M. de Broglie, il lui observa que, si l'ennemi exécutait le sien, sa position à Siegburg et à Hachenburg ne serait pas de longue durée, parce que Imhof, se portant à Wipperfurth, pouvait le séparer du Rhin. Cependant, pour ne pas perdre tout le fruit de sa marche sur Siegburg, en cas qu'il fût obligé de replier promptement ses troupes sur Cologne, il prit des mesures pour pousser sur Hachenburg un fort détachement. Ce furent les dernières dispositions qu'il ordonna, ayant obtenu depuis quelque temps la permission de revenir à Versailles. Nommé maréchal de France, le 16 décembre, le chevalier du Muy, qui devait le remplacer dans son commandement, était arrivé, le 15, au quartier général du corps du bas Rhin.

M. de Belle-Isie, pour éviter à M. d'Arm'entières le désagrément que lui occasionnerait celte promotion, étant l'ancien du nouveau maréchal, lui demanda de quitter l'armée ; ce qu'il fît le 27, malgré son désir d'achever la diversion qu'il venait de commencer.

Sur l'avis du mouvement du corps du bas Rhin, M. de Broglie se prépara à faire marcher non seulement le duc de Wurtemberg et M. de Vogué, mais encore toutes les troupes qui pouvaient contribuer au succès de son projet. Pour mieux connaître les circonstances d'après lesquelles le maréchal de Broglie se trouvait dans le cas d'opérer, il faut se rappeler que le prince Ferdinand n'avait point passé la Lahn. Son infanterie se trouvait toujours baraquée

(1) M. d'Arnienticres à M. de Broglie. Dusseldoil, le 22 décembre. (D. G., 3520,259.)

sur les hauteurs de Gleiberg; sa cavalerie cantonnait sur la Dille ; une partie de ses troupes légères en avant de Giessen occupaient les villages de Nieder-Gleen et environs, soutenues par de Tinfanterie placée sur les bords de la Lahn; d'autres troupes légères étaient à Lich et Laubach. Le prince de Holstein occupait Annerod; un détachement du général Imhof, conduit par M. de Buckeburg, venait de joindre le prince Ferdinand, et le prince héréditaire avec son corps s'était porté sur Rothenburg, sans doute pour se rendre en Saxe et seconder les opérations du roi de Prusse, qui serrait de près la ville de Dresde et l'armée autrichienne, ou pour s'opposer à l'armée de l'Empire, qui entrait en Franconie.

Le duc de Wurtemberg, posté avec 7 B. k Steinberg, y était arrivé le 19; ses dragons occupaient Neuhof, et ses hussards Freiensen. M. deWurmser étaitàHerbstein. Le 23, il fit avancer son infanterie à Freiensen, et ses hussards poussèrent jusqu'à Schotten, d'où ils lancèrentdes patrouilles à Laubach; ils firent quelques prisonniers, et l'ennemi abandonna Ulrichstein. Le 25, il marche à Schotten, et Wurmser gagne Laubach ; les dragons de Wurtemberg se placèrent entre Laubach et Ulrichstein; le reste de son infanterie le joignit le 27, et à cette date M. de Broglie passa la nuit à Giessen, découvrant les montagnes de Gleiberg et de Wetzberg couronnées des feux de bivouac de l'ennemi, qui le lendemain se retira dans ses cantonnements.

Le mouvement des troupes du bas Rhin se dessinait : la communication de Dusseldorf était assurée, Wipperfurth occupé; les deux colonnes qui devaient se rendre à Siegburg se mirent en marche. La première se porte, le 24, des environs de Dusseldorf à Opiaden ; le 25, à Eil ; le 26, à Siegburg ; le 27, elle passe la Sieg; le 28, elle est à Uckerath; le 29, à Altenkirchen, et le 30, à Hachen-burg, pour rejoindre M. de Vogué (I) à Mangerskirchen. M. du Muy, à la tête de la seconde colonne, arriva à Siegburg le 28, ayant laissé M. de Groslier à Glèves et M. de Gastellas à Wesel. Les subsistances du bas Rhin ne donnaient aucune crainte, les reconnaissances à la droite de la Dille s'en étaient emparées d'une assez grande quantité pour former un magasin à Limburg, et un détachement

(1) M. de Broglie à M. d'Arnionlières. Friedberg, le 25 déconibrc. (D. G., 352f), 286.)

de Nordman, envoyé du côté d'Herborn, surprenait quelques dragons anglais yi).

On s'aperçut bientôt de l'effet que produisirent sur les ennemis les mouvements combinés de M. de Broglie pour embrasser leur position depuis le Wogeisberg jusqu'au Westerwald. Le prince de Holstein, à l'approcbe de MM. de Closen et de Yiomesnil à Lich, s'étaitrassemblé près d'Annerod; il se replia ensuite sur Staufenberg et Mainzlar, en couvrant ses postes avancés par le ruisseau d'Alt-Buseck. M. de Yiomesnil se porta alors, le 25, du côté de Giessen, et, après avoir enlevé quelques patrouilles, rentra dans la place; l'ennemi avait repassé la Lahn. Ce mouvement rétrograde fit espérer que l'ennemi ne tarderait pas à prendre le parti de la retraite, et M. de Broglie fît ses dispositions pour suivre ses arrière-gardes et ne pas lui donner le temps de prendre de nouvelles positions, afin de le déterminer à prendre ses quartiers d'hiver et pouvoir bientôt y entrer à son tour.

La résistance d'Herborn laissait sentir toute l'importance que l'ennemi attachait à la conservation de la Diile, et qu'il n'abandonnait Dillenburg que contraint et forcé. C'est alors que, le 3, MM. de Voyer et de Vogué cherchèrent à s'emparer de cette ville. Le succès de cette entreprise remplissait les vues de M. de Broglie : resserrer l'ennemi, rapprocher M. de Vogué de la Lahn et mettre ces deux corps à portée de leur jonction avec M. de Muy.

Nos troupes étaient devant Herborn avant le jour. La place se rendit à M. de Vogué, qui poussa M. de Nordman à Merkenbach. M. de Voyer avait marché sur Dillenburg : M. Dauvet y entre par la rive droite de la Dille, Fischer par la rive gauche, poussant ses reconnaissances jusqu'à Eibelnhausen, Nieder-Scheld et Eibach. Le château, sommé de se rendre, se défendit, et M. de Voyer se vit obligé de cantonner ses troupes autour de la ville, occupée par M. Paravicini avec les 2 B. de ^Yaldner et des compagnies de grenadiers.

(I) Voir lex trait de la lettre datée de Versailles du S décembre.

CHAPITRE XIV.

OI'ERATIOXS DES ARMEES PRUSSIENNES ET AUTRICHIENNES.

Janvier. — Expédil ions sur les Suédois.

Février. — Le roi fait détruire les magasins des Russes, et Knoblock prend possession d'Erlurl.

.Mars. — Levées de contributions.

Avril. — Le prince Henri entre en Bohême. Frédéric rassemble son armée.

.Mai. 1er. Le maréchal Daun entre Jaromir et Schulz. — 5. Les princes Henri et Ferdinand manœuvrent de concert contre l'armée de l'Empire; le prince Henri entre en Franconie ; le 6, à Hof ; le 13, à Bayreuth. — 8. Le roi à Landshut, Fouquet

à Neisse. Le corps des Hessois et des Hanovriens marche sur Konigshofen. 16.

Le prince Ferdinand évacue la Hesse et retourne à Munster. — 23. Loudon sur Berlin; il force le prince Henri à se replier sur la Saxe.

Juin. 13. Le prince de Deux-Ponts à Bamberg. — 20. Dohna marche à l'armée russe, commandée par Soltikof. — 25. A Posen sur la Wartha. — 28. Daun en mouvement.

Juillet. 6. Daun àMark-Lissa. Le roise porte à Laubanet Lowenbcrg. Fouquet couvre le défilé de Landshut.— 21. Dohna remplacé par Wedel.—23. Bataille de Zul-lichau ; les Russes, vainqueurs, s'avancent sur Francfort. —2i. Les Prussiens passent l'Oder. — 28. Le prince de Prusse à Sorau ; le roi se dirige sur Sagan. — 29. Occupation de Francfort. —30. Le prince de Prusse commande l'armée contre Daun. Le prince de Deux-Ponts, qui était à Arnstadt le 18, campe à Erfurt le 24, et à Auerstadl le 27.

Août. 2. Le roi, à Luben^ bat le général Haddick. — 3. Il rejoint Wedel. — 12. Bataille de Kunnersdorf, gagnée par les Russes. — 14. Retraite des Prussiens sur Furstenwald pour couvrir Berlin. — 22. Prise de la citadelle de Peiz.— 27. Le prince Henri à Sagan. — 28. Les armées russe cl autrichienne entrent en Lusace.

— 29. Prise de Torgau. — 31. Wunsch reprend Torgau et marche sur Dresde. Septembre. 1^''. Frédéric à Guben ; le 3, à Sorau. —5. Wunsch en vue de Dresde,

mais Schmettau avait capitulé le 4. — 7. Le général Saint-André battu. — 13. Le maréchal Daun à Bautzen. — 10. Prise de vaisseaux prussiens à l'embouchure de l'Oder. —16. Fersen, maître de Wolin. —21. Le roi près de Sagan ; le 23, àNeus-ladel. —-24. Daun à Gf^rlitz, retourne à Bautzen le 26. Soltikof à Fraustadt le 21, traA'erse l'Oder le 31. Octobre. 3. Le roi passe l'Oder à Glogau, et le prince Henri l'Elbe à Torgau. — 6. Le roi à Koben, retenant les Russes derrière la Bartsch. — 16. Affaiie de Pretsch.

— 26. Soltikof, mécontent, rentre en Pologne.

Novembre. 4. Le prince Henri suit le maréchal Daun. — 11. Le roi à Torgau. — 20. Affaire deMaxen: capitulation deFinck le 21.

Décembre. 4. Affaire de Meissen, oii le général prussien Dierech se rend à discrétion à Daun. — 15. Le roi, par des renforts, monte son armée à 80,000 hommes. Positions des Prussiens, des Autrichiens, des Russes, des Suédois et du corps du prince de Deux-Ponts.

Pendant toute cette année, le roi de Prusse soutint avec désavantage la lutte dans laquelle il était engagé. « Il s'en fallut de beaucoup que la campagne prît un tour heureux : ce fut peut-être la plus funeste de toutes. C'en aurait été fait des Prussiens, si leurs ennemis, qui savaient vaincre, avaient su de même profiter de leurs victoires. » [Histoire de la guerre de Sept ans.) Au début, le roi et le prince Henri, son frère, paralysèrent les mouvements des Autrichiens et ceux de l'armée des cercles, qui s'était avancée en Saxe; mais l'armée russe se réunissait en Pologne. Frédéric envoie, sous les ordres de Dohna, un corps en Posnanie pour attaquer les colonnes russes avant qu'elles fussent rassemblées. Déjà les puissances belligérantes agissaient en maîtres sur le territoire polonais; le comte de Bruhl, ministre d'Auguste TÏI, vendait la république à la Russie, et la czarine récompensait le roi de Pologne en accordant à un de ses fils l'investiture du duché de Courlande. La Pologne disparaissait du nombre des nations.

Le 1'^'' janvier 1750, Dohna prend Dammgarten aux Suédois, et s'avance à Greifswald etStralsund, pendant que M. de Lanlingshau-sen se replie sous Stralsund et dans l'île de Rugen. Le 10, le général Kanitz attaque dans Anclam le lieutenant-colonel suédois comte de Sparre, s'empare de la place le 17, et le fait prisonnier ; le 16, Manteufel assiège le colonel suédois Lilienberg dans Demmin, prend la place le 17, et fait le colonel prisonnier. Le roi détache de Glogau, le 23 février, le major général Wobernosow pour entrer en Pologne et ruiner les magasins des Russes, formés par le prince polonais Sulkowski. Le 27, Knoblock, envoyé en Thuringe par le prince Henri, prend possession d'Erfurt, occupé par le général Guasca, commandant le détachement de troupes autrichiennes jointes à celles de l'Empire, et repousse les troupes s'avançant de Saalfeld. L'armée du roi, vers le milieu du mois de mars, s'approche des montagnes de Schweidnitz, et cantonne entre Landshut et

Friedland. Pendant ce temps, M. de Loudon, à TraiiLenau, donnait des alertes aux troupes avancées.

Le 26 mars, Beck fait prisonnier, près de Greifenberg, le major général Duringshofen, et Linstadt, général-major, déloge de Hof M. de Campitelli, après avoir ruiné plusieurs magasins de l'ennemi; ils lèvent des contributions et retournent à Zwickau avec Knoblock, pendant que le général de Ville, qui commande en Moravie, tente une irruption en haute Silésie. M. Fouquet, dont le corps était trop faible, lui abandonne Neustadlavec une position avantageuse à Oppersdorf. Du côté des Suédois, le capitaine Roock, assiégé dans le fort de Pennemunde par un détachement prussien, se rend prisonnier le 10 avril. Le 14, le prince Henri part de Dresde, entre en Bohême par Peterswald sans y trouver grande résistance, arrive à Aussig et Winay et forme des détachements, dont un, celui de M. de Hulsen, ruine les magasins autrichiens à Saatz. Le général Fouquet repousse le général de Ville.

D'un autre côté, M. de Fermor, après avoir rassemblé son armée, se mettait en mouvement, passait la Vistule le 27, pour s'approcher de l'Oder, et Frédéric commençait à rassembler son armée près de Landshut, en opposition au maréchal Daun, placé entre Schatzelar et Trautenau. Frédéric avait passé l'hiver à Breslau, y formant un plan qui devait lui livrer l'Allemagne entière.

Le prince Ferdinand devait s'emparer de Francfort, couper toute communication entre les deux armées françaises, l'une hivernant à la gauche du Rhin, l'autre occupant les environs du Mayn, et de là gagner la gauche de cette rivière. De son côté, le prince Henri (1), par une invasion en Franconie, favoriserait l'opération, et le roi, fondant sur la Bohême, y concentrerait toute l'attention des Autrichiens. Le théâtve de la guerre aurait été ainsi transporté dans les fertiles provinces situées entre le Mayn et le Danube, oii les princes Ferdinand et Henri eussent trouvé d'abondantes ressources en hommes, en subsistances, en argent (2). Les talents des généraux auxquels était confiée l'exécution de ces projets semblaient des garanties de succès ; le sort des armes en décida autrement, et la bataille de Bergen contraignit les Prussiens à d'autres

(1) Grimoard, Tableau durègne de Frédéric II.

(2) Jorniai, Traité des gr'andes opérations militaires, \. \U.

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combinaisons. Obligé par la supériorité des forces ennemies à diviser les siennes pour faire face à tout, Frédéric se vit condamné à une guerre défensive, sous peine d'ouvrir aux invasions ses États, naturellement dégarnis, faibles et pauvres, que chaque année épuisait encore, et qui étaient cependant son unique ressource (1). L'adversaire le plus habile de Frédéric, le maréchal Daun, était résolu de se tenir sur la défensive jusqu'à l'arrivée des Russes; il campe donc son armée entre Jaromir et Schutz, place le comte d'Harsch entre Nachod et Neustadt, et le général de Ville avec son corps sur les frontières de Moravie et de la haute Silésie ; convenant avec les Russes de pénétrer en Silésie par la Lusace, il devait envoyer par Francfort ou Krossen un renfort considérable de cavalerie, et, pendant qu'il tiendrait le roi de Prusse en échec, les Russes tenteraient de battre l'armée de Dohna et d'entrer dans la marche électorale.