Hans Memling, Portrait d’homme, vers 1470.

Huile sur chêne, 33,3 x 23,2 cm.

The Frick Collection, New York.

 

 

Préface

 

 

En approchant de Bruges, on remarque une haute tour, d’un aspect guerrier, qui domine les toits de la ville et semble plutôt être le donjon d’une forteresse que le clocher d’une église. C’est pourtant celui de Notre-Dame. Ni statues, ni moulures, ni broderies de pierre n’enjolivent sa masse imposante. Il dresse fièrement ses lourdes murailles, graves comme la pensée d’un autre monde, nues et tristes comme l’extérieur d’une prison. Des bandes de choucas volent alentour, jetant leur cri sonore et bref, ou se posent sur le faîte ainsi qu’une rangée d’oiseaux mystiques. Le soleil du nord blanchit l’édifice de sa pâle lumière, l’horizon brumeux des Pays-Bas en fait saillir les vives arêtes. Du haut de la tour, on découvre au loin les flots de l’Océan qui moutonne et qu’elle paraît braver. Et, de manière toute naturelle, ce tableau inspire de poétiques sentiments et plonge son spectateur dans de sévères méditations. Pour tout amateur de l’art ancien néerlandais, la ville pittoresque de Bruges est emplie de merveilleuses surprises. Si ses attractions ne peuvent rivaliser avec celles d’autres grandes et magnifiques villes d’Europe, Bruges, pendant les XIVe et XVe siècles, était le marché central et le plus important des villes de Hanse, domicile des princes marchands. Malheureusement, tout ceci a changé ; Bruges n’est plus classée comme un endroit de richesse et d’importance commerciale. Si les maisons furent remplies de tableaux de Memling, et autres grands artistes, aujourd’hui dispersés dans le monde entier, Bruges n’a pu préserver que quelques œuvres authentiques de ses grands maîtres.

Près de la pieuse retraite, à l’ombre même du clocher, s’élève un autre asile que gouverne et protège aussi la parole de Dieu. Il porte le nom d’hôpital Saint-Jean. On ignore à quelle époque il fut fondé, mais il existait déjà au XIIe siècle. Vers l’an 1397, les moines y adoptèrent la règle de saint Augustin. Consacrés par leurs vœux au soulagement des douleurs humaines, l’acte de fondation leur prescrivait néanmoins de ne recevoir que des personnes de Bruges et de Maldegem. Ultérieurement, des religieuses prirent leur place au chevet de la souffrance et lui murmurèrent de consolantes réflexions. Devenu depuis un musée, le bâtiment n’a cependant que peu changé. C’est une demeure gothique, surmontée de pignons, pourvue de tarasques, admettant la lumière par des fenêtres ogivales. Les malades y attendaient la fin de leurs épreuves sous des voûtes en arc pointu. Un préau tranquille, de frais tilleuls, une pièce d’eau solitaire où voguaient les canards, remplissaient l’espace entre les corps de logis. Un petit nombre de convalescents y prenaient l’air pendant les beaux jours, pleins de cette douce et profonde mélancolie que les angoisses passées laissent derrière elles, qu’alimente la faiblesse de tous les organes et que l’espérance égaye de ses visions magiques.