Hans Memling, Les Sept Joies de la Vierge, 1480.

Huile sur bois, 81,3 x 189,2 cm. Alte Pinakothek, Munich.

 

 

Ce triptyque a malheureusement souffert : sur le panneau central, on paraît avoir enlevé le vernis primitif, formant un glacis ; le temps et des restaurations inhabiles ont endommagé quelques parties des ailes ; on y observe même des repeints.

En groupant certains détails consignés dans les pages précédentes, on voit qu’une petite société d’amateurs formait à Memling un cercle choisi, l’admirait, le stimulait et occupait son pinceau. Le frère Jan Floreins, qui exerçait hors de l’hôpital les fonctions de jaugeur public, Antoine Seghers et Adrien Reims, nommés successivement directeurs du charitable asile, Jacques de Keuninck, boursier de l’établissement, les sœurs Agnès Cazenbrod [43] et Claire Van Hulthem, Willem Moreel et sa famille, Martin Van Nieuwenhove et sa mère, Arnould Basekin, doyen de la corporation des scribes et enlumineurs, Jean de Clerc, membre de la même guilde, Bultynck, échevin de Bruges, et Catherine Van Riebeke, sa femme, composaient cette pléiade intelligente et bienveillante. Il faut leur associer Tommaso Portinari, le protecteur de Hugo Van der Goes : il patronna aussi Memling. Il lui avait demandé pour l’église bâtie par ses aïeux, Santa Maria Nuova de Florence, un petit tableau retraçant la Passion du Christ. Ce tableau, que cite Vasari, enthousiasma probablement Côme de Médicis, car il en devint propriétaire et ne dut pas l’obtenir sans peine d’une famille opulente. On ignore ce qu’il est devenu.

 

Les Œuvres conservées hors Belgique

Pour aucune classe d’artistes, la fortune n’est aussi cruelle que pour les peintres : elle les sépare de leurs travaux, elle emporte au loin leurs ouvrages, elle les soumet à toutes les chances des déplacements, à tous les caprices du hasard, à toutes les lubies du mauvais goût, de la sottise et de l’ignorance. Nous venons d’étudier le talent de Memling dans la ville qu’il habitait, où il a le plus travaillé, où il est mort ; nous allons nous transporter maintenant sur la rive gauche de la Seine, au faubourg Saint-Germain, puis au Louvre, puis à Munich, à Turin, à Vienne, que sais-je encore ? Nous ferions le tour de l’Europe, si nous voulions analyser chacun de ses tableaux, car le destin, maître absolu du monde, les a dispersés comme des feuilles mortes.

Le Louvre possède depuis quelque temps un admirable ex-voto, d’une conservation parfaite, que lui a légué la comtesse Duchâtel, ancien ministre de l’intérieur, rapporté d’Espagne, par le comte d’Armagnac durant l’invasion française.

Il s’intitule : La Vierge et l’Enfant entre saint Jacques et saint Dominique (Retable de Jacques Floreins). Le père, la mère et dix-huit enfants, tous reproduits avec un soin extrême, y sont agenouillés devant Marie de Bethléem, dans une église ogivale, très simple de style. Derrière la paysanne béatifiée se dessine la tribune qui est généralement adossée contre le portail, et où, dans les temps modernes, on place les orgues. La Vierge porte une robe bleue, galonnée de diamants et de perles, sur laquelle ondoie un ample manteau rouge, qui traîne jusqu’à terre. Ses cheveux d’un blond cuivré, assez pâles, tombent librement sur ses épaules, et un cordon brodé de perles les tient serrés autour de la tête. Marie a le type d’une belle Flamande, à la peau blanche, aux sourcils minces, qui s’interrompent avant d’atteindre l’angle extérieur de l’œil. Elle tient un livre ouvert, dont Jésus, par inadvertance, plie les feuillets, en les poussant avec la main. De sa droite, passée devant le Messie, la femme prédestinée retient son enfant : cette main ouverte, appuyée contre le corps du jeune Dieu, est une merveille de dessin et de délicate exécution. Qui ne partagerait sa sollicitude pour le charmant bambin dont ses genoux portent les pieds potelés ? Il est nu comme l’innocence, le génie et l’amour. De rares cheveux blonds frisent sur sa tête, couronnent sa jolie figure ; une bouche aimable et souriante achève de lui gagner la sympathie.